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« Du surréalisme et du baroque dans l’écriture de Picasso », Les Cahiers de l’Herne, Pablo Picasso, 2014, pp. 264-270.

À l’origine, il y a ce colloque sur l’œuvre littéraire de Picasso organisé à l’université de Zurich par Fabienne Douls-Eilcher en janvier 2011, dont voici le programme :

Dans un premier temps, je traite en 20 minutes « des images baroques dans le théâtre de Picasso » :

« Des images baroques dans le théâtre de Picasso »

Figurez-vous que j’ai passé un grand nombre d’heures, au cours de mes études d’espagnol, à tenter de traduire les Solitudes de Góngora, et j’avoue avoir conservé un faible pour la fable de Polyphème et Galatée. Au dire de mes maîtres, je n’y réussissais pas trop mal, non seulement parce qu’elles étaient dédiées à mon ancêtre le duc de Bejar ☻, mais surtout parce que la langue n’était pas très différente de celle que je parlais étant enfant. Quant aux images, métaphores et autres métamorphoses, c’était une gymnastique intellectuelle qui ne me déplaisait pas. C’est dire pourquoi, lorsqu’il m’a été donné de lire la première pièce de théâtre de Pablo Picasso, Le Désir attrapé par la queue, et que j’ai décidé de l’introduire dans mon étude sur Le Théâtre dada et surréaliste, je l’ai immédiatement rapprochée du gongorisme de ma jeunesse. D’où l’intitulé du chapitre : « Picasso, surréaliste baroque ». Et je n’ai pas été surpris d’apprendre que celui-ci avait illustré les poèmes du premier1. Les textes de Picasso, publiés par la suite en français, n’ont fait que confirmer mon sentiment de lecteur. De sorte que je persisterai aujourd’hui en traitant des images baroques dans son théâtre.

Pour m’en tenir à une définition sommaire et un peu passe-partout, je dirai que, par opposition au classicisme, le baroque de toutes les époques se définit par : la confusion des règnes de la nature, l’inversion du haut et du bas, l’assimilation des contraires, le jeu des illusions, une dynamique perpétuelle, une constante métamorphose, et la prédominance des figures d’Éros et de Thanatos, un jeu de lumières permanent. À dire le vrai, le baroque est appétit de vie. C’est du moins ainsi que nous le concevons dans notre séminaire cette année.

Le baroque s’est particulièrement illustré au théâtre, où il joue sur l’illusion comique, le théâtre dans le théâtre, la monstration, si je puis dire, à l’opposé de la démonstration.

Les esthéticiens du début de ce siècle se plaisaient à classer les activités artistiques selon les deux catégories du temps et de l’espace. Et bien entendu, dans cette perspective, l’ambition de tout créateur est d’agir sur les deux, ou plus exactement à leur conjonction qui se trouve sur la scène.

Aussi dynamique que soit la scénographie d’un tableau, elle n’atteindra jamais les possibilités qu’offre le théâtre. D’où ces tableaux muets que Picasso se plaît à imaginer dans ses pièces, et dont il attend la réalisation concrète, non sans en faire parfois la réécriture d’œuvres classiques, avant Les Ménines. Ici, la Tarte « toute nue mais avec des bas » sort d’une baignoire tandis que des messieurs habillés préparent un célèbre déjeuner sur l’herbe ; là « Dans le jardin potager, sous une grande table, les quatre petites filles. Sur la table, un énorme bouquet de fleurs et des fruits sur un plat, quelques verres et une jarre, du pain et un couteau. Un grand serpent s’enroule à une des pattes de la table et monte manger les fruits, mord aux fleurs, au pain et boit dans la jarre. »

S’est-on posé, dans ce cas précis, le problème de la mise en scène ? Évidemment non, pas plus que des règles dramaturgiques ni de l’adaptation aux circonstances. Mais n’est-ce pas le plus sûr moyen de faire progresser un art ? En 1971, quand Jean-Jacques Lebel annonça son intention de monter Le Désir à Saint-Tropez en respectant à la lettre les indications de l’auteur, il suscita l’émotion publique et dut se replier au village voisin, et la comédienne déployer un cache-sexe. J’ose croire qu’aujourd’hui les imaginations de Picasso seraient exécutées au poil près. Ainsi va le théâtre ! L’important est de prévoir son évolution et de ne pas se laisser enfermer par des conventions stériles.

Pourtant le plaisir du théâtre ne consiste pas seulement à concevoir des tableaux animés : il s’agit d’insuffler la vie à des êtres de papier, une suite de signifiants. Ceux de Picasso, pas plus que ceux d’Apollinaire, n’ont une présence inoubliable. Mais on sent en eux la vitalité de leur auteur et dès la lecture le Gros Pied. les deux Angoisses, les quatre Petites filles se mettent à vivre devant nos yeux, aussi indifférenciés paraissent-ils, sans parler des Rideaux immobilisant « leur dépit derrière l’étendue de l’étoffé déployée. » C’est là un principe de la dramaturgie contemporaine : moins les caractères sont définis, plus les personnages sont investis par les spectateurs. C’est que la psychologie plane a fait son temps. Comme Vitrac, Picasso préfère suggérer par des comportements les motivations profondes, les rapports ambigus des êtres.

Commentant l’œuvre plastique de Picasso, Tristan Tzara a cru pouvoir avancer que chez lui « la pensée se fait sous la main. » Mais la propension du peintre à écrire des poèmes, à différentes phases de son existence, et des poèmes conçus pour une énonciation en public par des comédiens variés – ce qu’on nomme théâtre — me laisse croire qu’une telle spontanéité d’expression ne le satisfaisait pas totalement, qu’il y fallait ajouter le langage articulé. De sorte que la formule dadaïste se trouve avec lui confirmée : « La pensée se fait dans la bouche » ; mieux : elle est le corps, dans sa totalité. Le corps d’un peintre tout d’abord, qui chante la litanie des couleurs, leurs combats légendaires : « Un grand ovale jaune lutte en silence entre les deux points bleus de toutes ses griffes retouchées dans la chute d’Icare de l’écheveau des lignes du piège du losange vert olive étranglé des deux mains par le violet si tendre du carré de l’arc vermillon lancé de si loin par l’orange. »

Mais aussi le corps d’un homme qui aime chantonner, dont les paroles ivres s’entraînent les unes les autres par association phonique : « La chemise relevée de la beauté, son charme chamarré, amarré à son corsage, et la force des marées de ses grâces secouent la poudre d’or de son regard sur les coins et les recoins de l’évier quand des linges étendus à sécher à la fenêtre de son regard aiguisé sur la pierre à couteau de sa chevelure emmêlée. »

Automatisme verbal où s’agglutinent les locutions figées, les proverbes et dictons, comme autant de papiers collés, où les propositions se raccordent et se relancent par la fausse coordination, l’accumulation des participes, où l’expression imagée prend la forme du complément de nom.

C’est ce qu’un autre poète, Rafael Alberti, parlant des textes poétiques où Picasso revenait à sa langue maternelle, a nommé une « poésie liane ». La phrase pousse ses rejetons et ses volutes pour enserrer la réalité, prendre appui sur elle et peut-être l’étouffer, en tout cas la transformer.

L’agent de transformation, comme dans nombre de textes surréalistes, n’est rien moins que l’humour. Un humour à bride abattue, engendré par la confusion des règnes, par la déformation des clichés, par la littéralité – ce processus qui, au théâtre, montre sur scène l’expression abstraite, la plante tout nue – par la contradiction simultanée, par le plaisir pervers de nommer : Le Gros Pied, le Bout-Rond, le Désir attrapé par la queue !

Mais ce langage, aussi brillant soit-il, resterait poésie de théâtre, comme disait Cocteau, et non théâtre en soi, s’il n’était l’objet d’un investissement rituel et symbolique.

Symbolique au sens freudien du terme ; c’est-à-dire que l’expression du désir y est masquée – comme on doit l’être au théâtre, par définition. Entendons-nous : les deux pièces de Picasso ne doivent pas être le matériau privilégié pour une psychanalyse du peintre dont nous n’avons que faire, mais elles doivent être regardées comme une des rares créations dramatiques prenant en compte, pour les personnages, le travail de l’inconscient. Non que l’expression du désir dans la pièce du même nom, ou de la perversité polymorphe dans Les Quatre Petites Filles, soit difficile à mettre au jour, mais parce qu’elle revêt tous les travestissements habituels de la libido sous une forme dramatique. Ainsi lorsque les femmes amoureuses commencent à scalper le Gros Pied, tel Endymion endormi, les fouets du soleil les battent jusqu’au sang. Ainsi encore lorsque l’une des petites filles voit son monologue interrompu par une vision d’apocalypse, l’entrée d’un énorme cheval blanc ailé traînant ses tripes, entouré d’aigles, un hibou posé sur la tête.

Ces deux exemples mythiques nous introduisent d’emblée dans le rituel qu’est toute fête théâtrale, et que Picasso a voulu tel, aussi bien par les objets scéniques indiqués, par les feux d’artifice et les jeux d’arc-en-ciel et d’éclairs que par le cérémonial. Je n’en vois pas d’image plus émouvante que celle-ci : après l’avoir tendrement caressée, une petite fille sacrifie une chèvre tandis que l’autre lui arrache le cœur encore palpitant. Il va de soi qu’ici on ne saurait se satisfaire d’un simulacre. Comme la corrida chère à Picasso, d’ailleurs évoquée au cours de la pièce, le théâtre est un culte, l’hommage de l’ombre à la lumière, aux divinités solaires. Dionysos s’incline devant Apollon, non sans permettre aux jeunes héroïnes d’apprendre de la vie et de la mort tout ce qu’un passant en peut connaître.

Ne nous y trompons pas : Picasso ne fait pas du théâtre une grande liturgie symbolarde et laïque. L’idée qu’il se fait de cet art total est bien plus complexe et représentative de sa philosophie. Si le théâtre re-présente les images obsédantes de l’humanité, le désir, l’amour, la mort, la faim, la soif de connaître, il témoigne aussi de l’unité de l’individu et particulièrement des trois âmes qu’après Platon, Jarry voulait réconcilier. Picasso ne se contente pas de parler de la matière, de la mettre en scène brutalement (la Tarte « s’accroupit devant le trou du souffleur et, face à la salle, pisse et chaudepisse pendant dix bonnes minutes »), il la réunifie avec le corps et l’âme. Ainsi le discours contrasté, lyrique et vulgaire, n’est-il pas simple fantaisie d’artiste jouisseur de mots, il manifeste cette volonté de synthèse du bas et du sublime qu’est l’humanisme bien compris. Ne voyons pas d’autre raison aux injures proprement obscènes (i. e. hors de la scène) des petites filles, usant de toute la gamme discursive. J’en veux pour preuve le fait suivant : en 1947, quant s’écrivent Les Quatre Petites Filles, les problèmes d’approvisionnement, la faim, ne sont plus à l’ordre du jour, comme durant le pénible hiver 1941. Or la nourriture y est aussi présente que dans la première pièce. Ce n’est donc pas seulement une question de circonstances mais un thème profond, une volonté d’ancrer les angoisses, les obsessions et les désirs dans une réalité humaine permanente. Ceci explique que chacune des deux pièces contienne obstinément une référence aux conditions ambiantes, aux circonstances de l’énonciation comme on dit aujourd’hui, et qu’elles soient si précisément datées. L’attachement au monde extérieur (de l’objet) dont Breton faisait grief à Picasso, l’évocation concrète des nourritures terrestres, du bouquet provençal n’est que rappel du jardin des délices, aspiration à un univers où l’homme, réconcilié avec lui-même et avec la nature, connaîtra enfin l’harmonie.

Pour finir avec Jarry, qui est incontestablement l’un des initiateurs du théâtre de Picasso, je rappellerai les notes inédites qu’il prit du cours de Bergson en 1882 au Lycée Henri IV : les trois traits essentiels du génie étaient selon ce professeur de philosophie : la fécondité, la variété, la profondeur. « Pour ces trois caractères les productions du génie se rapprochent de celles de la nature. Comme le génie, la nature produit avec une fécondité inépuisable. Comme celles du génie, ses œuvres sont infiniment variées, et chacune d’elles vit d’une vie indépendante… » Le philosophe n’augurait pas mal d’un génie de notre siècle.

Le lendemain, en séance plénière, j’aborde « La force d’une cascade : Picasso poètee dada-surréaliste ». Ce texte est ensuite publié dans les Cahiers de l’Herne, dossier consacré à Picasso en 2014.

La force d’une cascade. Picasso dans les textes dada-surréalistes

L’idée de cette intervention me vient de la consultation de ma propre banque de données textuelles, traitée par un logiciel d’analyse. La première occurrence qui me saute aux yeux est celle de Tzara, qui, dans sa « Note 1 sur quelques peintres » (1917), qualifie lyriquement l’entreprise de Picasso : « Avec la force d’une cascade, Picasso commença par étudier le problème du sommet à la base… » (OC I 553)

Je me propose, dans le bref délai qui m’est imparti, de voir rapidement ce que les plus grands poètes de ces deux mouvements en dirent, comment il leur apparut et quelle fonction il exerça à leurs yeux et sur eux.

Je sais bien que le quantitatif n’a aucun rapport avec le qualitatif (si ce n’est chez Hegel), et un index n’a jamais remplacé la lecture des œuvres elles-mêmes, mais il n’est pas sans intérêt d’observer les données qui suivent. Dans les œuvres complètes de chacun de ces poètes, et dans les principales revues de ces deux mouvements, le nom de Picasso est cité :

Aragon, L’Œuvre poétique (1917-1952)63
Brèche La (revue)13
Breton, Œuvres complètes, Pléiade I à IV176
Dada (revue)3
Éluard, Œuvres complètes, Pléiade I et II73
Péret, Œuvres complètes, t. 1 à IV4
Révolution surréaliste La (revue)38
SASDLR (revue)4
Tzara, Œuvres complètes, I à V160

Il y a, certes, des répétitions d’un corpus à l’autre, et tout cela demande interprétation. Reste que ces chiffres témoignent du grand intérêt que ces poètes ont porté à leur ainé.

Réciproquement, il est admis désormais qu’il y a une période surréaliste dans la peinture de Picasso, mais aussi dans son écriture, poétique comme théâtrale. Il faut bien se dire que Picasso, en raison de son âge et de sa notoriété, acquise bien antérieurement, aurait pu ignorer les surréalistes. Or il les a fréquentés, beaucoup plus qu’on ne croit, et surtout il a fréquenté et amassé leurs ouvrages. À preuve, par exemple, l’acquisition qu’il fit du manuscrit de L’Immaculée Conception… De sorte que sa poétique surréaliste se caractérise par le fait que, chez lui, « la pensée se fait sous la main », comme le dit Tzara ; par le recours au plagiat ou collage et par une forme spécifique de l’écriture automatique.

Tout naturellement, la troisième partie sera consacrée à l’examen de l’interaction de l’un sur les autres. L’intérêt est de savoir très précisément ce que les dada-surréalistes, notamment Tzara et Breton, ont écrit sur le théâtre-poésie de Picasso, et, inversement, comment Picasso a compris la poétique surréaliste.

Telle une cascade, ma conclusion coulera de source : sur le plan textuel, Picasso est un poète surréaliste, comme tout le monde.

[Télécharger mon article PDF Cahier Picasso]

1 Pablo Picasso, Gongora –Poèmes de Luis de Gongora y Argote, Editions Anthèse, Paris, vers 1985 (édition originale : Les Grands Peintres Modernes et le Livre, Paris, 1948). Textes en espagnol suivis de la traduction française.

Compte-rendu de l’exposition :

LE TEMPS

Exposition samedi 20 novembre 2010

Après l’exposition de 1932, Picasso devient écrivain

Par L. W.

L’écriture n’est pas une distraction pour Picasso, il s’y adonne avec passion pendant un quart de siècle

Que s’est-il passé après la rétrospective zurichoise? Elle est ouverte depuis plusieurs semaines lorsque Picasso fête son 51e anniversaire. Il ne sait pas qu’il n’est qu’au milieu de son parcours et qu’il va produire encore des dizaines de milliers d’œuvres. La sélection des 225 peintures exposées en 1932, et surtout son accrochage dont témoignent de nombreuses photographies, donne pourtant l’image d’un cycle qui se termine.

Il est impossible de dire quel a été le sentiment de l’artiste une fois l’exposition montée. En revanche, on sait que Picasso peint moins dès 1933; qu’il consacre plus de temps à la sculpture, qu’il grave beaucoup et qu’il dessine. A partir de 1935, il traverse une période qu’il décrit lui-même comme la pire de sa vie et dont il ne sortira que sous l’impulsion des événements politiques et de l’attaque franquiste contre la République légale espagnole en juillet 1936. Une impulsion qui donnera naissance à Guernica qu’il exécute pour le pavillon républicain de l’Exposition universelle de Paris en 1937.

Son existence est compliquée. Il a rencontré Marie-Thérèse Walter en 1927 et noue une longue relation parallèle à sa vie conjugale avec Olga Koklova, épousée en 1918. En 1932, cette dernière découvre dans une galerie parisienne que Marie-Thérèse est devenue le principal modèle de Picasso qui lui consacre une peinture amoureuse. En 1935, Marie-Thérèse est ­enceinte. Olga et Picasso se séparent. Mais en 1936, ce dernier rencontre Dora Maar, qui deviendra sa maîtresse.

Ce désordre, d’ailleurs le seul de son existence dans de telles proportions, affecte Picasso, qui mettra longtemps à s’en remettre. Il affecte aussi sa réputation car ce sera mis au compte de sa personnalité, un jugement qui coïncide d’ailleurs avec l’identification du modernisme à une maladie mentale (dans la foulée du diagnostic de Jung) et avec la bataille lancée par les nazis contre «l’art dégénéré», bataille qui culmine au moment de l’exposition organisée par Hitler à ­Munich en 1937. Cette accusation reviendra dans des termes analogues au cours des années 1960, surtout lors des deux expositions au palais des Papes d’Avignon en 1970 et 1973, où les tableaux du vieux Picasso provoquent encore un scandale.

En 1935, poussé par les circonstances et aussi par ses relations avec les surréalistes, Picasso se met à écrire. Il remplit des ­carnets, de grandes feuilles de papier. Il s’empare de l’écriture automatique et l’accommode à sa manière, car il s’agit d’un automatisme parfaitement organisé. Il écrira deux pièces de théâtre, Le Désir attrapé par la queue en 1941 et Les Quatre Petites Filles en 1948. Sa carrière littéraire se termine en 1959 par un monologue en langue espagnole intituléEl Entierro del Conde de Orgaz. L’écriture n’est pas une distraction pour Picasso. Il s’y adonne avec passion pendant un quart de siècle et produit d’innombrables textes, souvent calligraphiés et illustrés de dessins, dont on ne prendra la mesure que par leur publication en 1989 (Ecrits, Gallimard).

Avec un joli sens du paradoxe et de l’anachronisme, au lieu de se pencher directement sur l’exposition elle-même le Kunsthaus et le Séminaire de langues et littératures romanes de l’Université de ­Zurich organisent en janvier prochain un colloque, dont l’une des journées est ouverte au grand public, sur ce qui est peut-être l’une des conséquences de la rétrospective de 1932, l’œuvre littéraire de Picasso.

Colloque international. 14 et 15 janvier 2011. Première journée: «Poétique picassienne du visuel», Romanisches Seminar, Zuribergstr. 8, 8006 Zurich. Deuxième journée: «Par le mot, par l’image: l’œuvre littéraire de Picasso», salle

de conférences du Kunsthaus, Heimplatz 1, 8001 Zurich. Rens. 044 634 36 35 et www.rose.uzh.ch

Quarante ans après sa disparition, Pablo Picasso (1881-1973) est l’un des artistes les plus populaires du monde, peut-être le plus populaire. Son rôle dans l’histoire de l’art du XXe siècle, son influence sur l’évolution des formes et des styles, l’étendue fabuleuse de son œuvre, sa conception profonde du rôle de l’art et de l’artiste, restent en même temps méconnus du grand public et l’objet de nombreux préjugés entretenus par le cinéma, les anecdotes biographiques et une réputation de barbe-bleue.

Le nom de Picasso est désormais un terme qui qualifie, sur tous les continents, une façon de faire de l’art, un style ou plusieurs pour le meilleur ou pour le pire. Et un cliché qui désigne soit le plus grand génie du XXe siècle, soit une idée stéréotypée du talent, soit une manière de peindre entre virtuosité stupéfiante et stupéfiante simplicité (« mon fils en ferait autant », entend-on encore souvent dans ses expositions), soit le nom d’une automobile, soit tout cela à la fois.
Qui était donc Picasso ? Qu’a-t-il fait pendant au moins 80 années de travail acharné? Quel est l’état des connaissances et des recherches ? Y a-t-il des pans entiers de son œuvre qui sont inexplorés et des trésors surprenants à exhumer ? Quel peintre était-il ? Quel sculpteur ? Quelle sorte d’artiste ? A-t-il des descendants dans les nouvelles générations de créateurs ?
C’est à l’artiste mondial par excellence qu’est dédié ce Cahier de l’Herne.

Tous les auteurs qui contribuent à ce numéro sont des spécialistes et des chercheurs. Ils collaborent à des institutions reconnues. Ils développent leur travail avec le recul du temps et n’élèvent pas une statue. Le Cahier de l’Herne Picasso ne propose pas une seule théorie mais un ensemble de points de vue parfois contradictoires. Il tente de trouver l’équilibre entre la vision panoramique et les réflexions pointues. C’est un work in progress, la description d’un immense paysage qui aidera, nous l’espérons, à sortir Picasso de l’hagiographie ou des clichés pour restituer sa complexité et susciter d’autres regards aussi vivants que son œuvre.

Voir sur la même page :

« Le bordel métaphysique ou le théâtre de Picasso », Esprit, janvier 1981, n° 1, pp. 76-79.

« Picasso poète cosmique »,Chronique, Europe, n° 729-730, janvier-février 1990, pp. 218-220. Numéro spécial consacré à Montaigne et Jean Tortel

« Picasso au miroir d’encre », dans L’Artiste en représen­tation, textes réunis par René Démoris. Paris, Éditions Des­jonquères, 1993, pp. 199-213.

« Le Livre objet perpétuel : La Rose et le chien (1958) de Tristan Tzara-Picasso. » Texte d’une communication prononcée au séminaire de Paris III, le 11 avril 2013.

« Tancrède tremblant – Roger Vitrac et Léon-Paul Fargue », Ludions, n° 14, 2014, pp. 218-223.

Recension de ce numéro :
https://www.cairn.info/revue-la-revue-des-revues-2015-1-page-119.htm

Comme le montre cet abondant sommaire, la revue des amateurs de Léon-Paul Fargue souhaitait renouveler l’hommage qui lui avait été rendu autrefois par Les Feuilles libres (1927). Son animateur, Pierre Loubier, m’avait donc demandé une contribution. Les rapports de Fargue avec Jarry ayant été évoqués par Julien Schuh, je me suis consacré à Roger Vitrac, à ses débuts cofondateur du Théâtre Alfred-Jarry. À ce titre, il avait nécessairement pris connaissance de l’amitié des adolescents Fargue et Jarry.

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Voir : Ludions, société des lecteurs de L.-P. Fargue :

https://www.helloasso.com/associations/societe-des-lecteurs-de-leon-paul-fargue

Lire : Poèmes, en ligne, gratuitement : Poèmes / Léon-Paul Fargue | Gallica (bnf.fr)

Fargue, Poésies complètes, présentées et annotées par Pierre Loubier (à paraître).

« La double méprise et ce qui s’ensuit » (avec Sophie Bastien), Mélusine, n° XXXIV, 2014, pp. 9-19.

Table du dossier :

On sait comment Michel Corvin et moi-même avons collaboré depuis les années, tout en divergeant sur l’existence possible d’un théâtre dada et surréaliste. Le thème très large de ce dossier m’ayant été fourni avec une vive conviction par Sophie Bastien, ma collègue québécoise, je ne pouvais faire mieux que lui laisser l’initiative de l’introduction, à laquelle j’ai collaboré.

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Note de lecture : Ce volume a donné lieu à une recension par la revue italienne Francofonia :

« Avant la lettre. Les manuscrits sont-ils de la littérature ? », dans : Alfred Jarry, du manuscrit à la typographie, actes du colloque international, université de Reims, 21-22 février 2014. Textes réunis et présentés par Henri Béhar et Julien Schuh, Etoile-Absinthe, n° 132-133, SAAJ et Du Lérot éd., p. 13-25.

Annonce du colloque : Alfred Jarry, du manuscrit à la typographie (fabula.org)

Exposition : 45702.pdf (univ-reims.fr)

Sommaire

Henri Béhar & Julien Schuh, « Présentation »… p. 7
« De par ceci qu’on écrit l’œuvre » : manuscrits et génétique
Henri Béhar, « Avant la lettre. Les manuscrits sont-ils de la littérature? »… p. 13
Yosuké Goda, « Jarry face à la censure théâtrale »… p. 27
Henri Bordillon, « Marcueil dans le texte »… p. 49
Diana Beaume, « Paroles dégelées. A propos du manuscrit de Pantagruel »… p. 61
Julien Schuh, « La Dragonne, un “répertoire de l’irréalisé actuel” »… p. 79
Paul Edwards, « Collections et crocodiles »… p. 103
Eric Walbecq, « Jarry en toute lettre »… p. 115
Matthieu Gosztola, « Corner les pages, l’acte par quoi se déploie entièrement la genèse des critiques littéraires, ou Le livre-source accaparé comme manuscrit »… p. 127
« Il n’y a que la lettre qui soit littérature » : l’imaginaire graphique 777
Michel Arrivé, « Lettre, sens, littérature »… p. 1
Marc Décimo, « Alfred Jarry face à un régent »… p. 147
Aurélie Briquet, « Silences de L’Amour absolu : blancs et ponctuation »… p. 167
 « Rapide il imprime, il imprime, l’imprimeur » : édition et typographie
Alain Chevrier, « La présentation typographique des poèmes de Jarry »… p. 181
Edouard Graham, « Jarry à l’épreuve du fac-similé »… p. 199
Armelle Hérisson, « Le projet mirlitonesque et les opus Sansot »… p. 217
Clément Dessy, « La littérature en artisan »… p. 235
Vincent Gogibu, « Remy de Gourmont & Alfred Jarry »… p. 257
« On ne fait pas grand, on laisse grandir » : postérité
JJill Fell, « Une trajectoire polonaise »… p. 273
Anna Rykunova, « Alfred Jarry, Les Paralipomènes d’Ubu (1896) »… p. 287
Hélène Campaignolle & Sophie Lesiewicz, « Ubu version LivrEsC »… p. 299
Linda Stillman, « De l’exposé à l’exposition : Collectionner Jarry »… p. 327

Annonce du volume sur Fabula : H. Béhar et J. Schuh (dir.), Alfred Jarry, du manuscrit à la typographie (fabula.org)

Texte intégral du volume accessible sur le site de la SAAJ : etoile_absinthe_132_133.pdf (alfredjarry.fr)

Bonnes pages : Bonnes_pages_EA132-133.pdf (alfredjarry.fr)

Alfred Jarry, du manuscrit à la typographie, Actes du Colloque international, Université de Reims Champagne-Ardenne, 21-22 février 2014, textes réunis par Henri Béhar et Julien Schuh,  SAAJ & Du Lérot éditeur, Paris & Tusson, 2014, EAN13 : 9782355480935. 344 pages.

Présentation par Henri Béhar & Julien Schuh

En réaction au livre de son époque, de plus en plus standardisé, reproduit à des milliers d’exemplaires identiques par des presses toujours plus perfectionnées, mais dont la qualité, pour faire baisser son coût, ne cesse de décroître, Jarry cherche à concevoir une forme de livre artistique, échappant à la reproductibilité absolue de la marchandise. La limitation des tirages, la création de gravures originales, l’utilisation de techniques archaïsantes et artisanales et le développement d’une esthétique de la synthèse sont destinés à rendre à ces objets une aura d’unicité et à promouvoir d’autres modèles de réception, fondés sur la suggestion, par refus d’une lecture standardisée. C’est cet intérêt pour l’aspect concret de l’expérience littéraire chez Jarry qui a servi de fil conducteur aux intervenants de ce colloque, organisé par la Société d’Alfred Jarry et le Centre de Recherche Interdisciplinaire sur les Modèles Esthétiques et Littéraires (CRIMEL-EA3311) de l’Université de Reims Champagne-Ardenne, dirigé par JeanLouis Haquette, et soutenu par la Ville de Reims. «De par ceci qu’on écrit l’œuvre » : manuscrits et génétique Le travail sur l’édition des Œuvres complètes de Jarry aux éditions Garnier Classiques a entraîné un retour aux manuscrits, dont certains n’avaient plus été exhumés depuis des décennies. On sait que Jarry gardait tous ses brouillons, de manière quasi maniaque, ce qui lui avait permis de constituer le recueil de textes de jeunesse Ontogénie, ou l’autorisait à piocher dans ses inédits pour compléter ses œuvres en cours. Après une mise au point d’Henri Béhar, qui s’interroge sur le statut de ces objets manuscrits dans notre tradition éditoriale, Yosuké Goda, Henri Bordillon, Diana Beaume et Julien Schuh Henri Béhar & Julien Schuh 8 analysent les dossiers de certains textes de Jarry (Pantagruel, La Dragonne…) dont les singularités remettent en cause les genres établis et les formes habituelles du livre. Ces questions touchent également sa pratique épistolaire, analysée par Paul Edwards, Éric Walbecq et Matthieu Gosztola, qui s’échappe souvent vers la création littéraire ou la critique. « Il n’y a que la lettre qui soit littérature » : l’imaginaire graphique Jarry invite son lecteur à voir la typographie plutôt qu’à lire le sens des phrases, en faisant par exemple du graphème X un élément central du recueil, un linéament symbolisant à la fois le sablier, le signe de l’infini (∞), la croix du Christ ou des tombeaux ou encore la forme d’une chouette effraie. Comme les gravures anciennes de L’Ymagier, comme ses propres dessins synthétiques qui se détachent sur fond obscur, les textes de Jarry sont destinés à être lus comme des emblèmes dont les lignes simplifiées sont susceptibles de plusieurs interprétations. Les jeux entre la lettre et le sens font l’objet des interventions de Michel Arrivé, qui compare les théories de Jarry et de Saussure, et de Marc Décimo, qui présente la biographie d’un de ces rénovateurs de l’orthographe qui fit les délices de Jarry chroniqueur, Jean-Marie Chappaz; Aurélie Briquet, quant à elle, explore plus largement les relations d’un texte comme L’Amour absolu à sa mise en page. «Dépliant et expliquant, décerveleur, / Rapide il imprime, il imprime, l’imprimeur »  : édition et typographie L’intérêt de Jarry pour la typographie se révèle très tôt. En juin 1894, il envoie une lettre à Alfred Vallette, le directeur du Mercure de France, à propos de la mise en page de «Haldernablou», première œuvre de fiction acceptée dans les colonnes de la revue : «À propos des épreuves, j’ai comparé avec effroi la longueur des vers des Chœurs avec le format du Mercure. Je crois qu’il faudra du sept romain, et au surplus j’aime mieux vous laisser carte blanche pour les caractères, je reconnais que je suis encore d’une assez grande inexpérience typographique.» Remy de Gourmont, qui l’introduit dans le Mercure et lui sert de mentor, est lui-même adepte des expérimentations typographiques. Ensemble, ils publient à partir de 1894 la revue L’Ymagier, qui reproduit souvent des fac-similés de pages de livres anciens pour la beauté de leurs caractères. Jarry s’inspire des livres de Gourmont dans la composition des pages de titres des Minutes de sable mémorial et de César-Antechrist. Les deux écrivains se brouillent en 1895; Jarry crée en janvier 1896 une revue d’estampes concurrente de L’Ymagier, Perhinderion, pour laquelle il fait fondre spécialement une police de caractère inspirée de celles de la Renaissance : «On a retrouvé pour nous les poinçons des beaux caractères du quinzième siècle, avec les lettres abréviées, dont nous ne donnons qu’un exemple imparfait avec Présentation 9 nos deux chapitres de Sébastien Munster, mais qui seront fondus avec le plus grand soin et serviront spécialement à nos textes à partir du fascicule II» («Premier son de la messe», Perhinderion, n° 1, mars 1896, n. p.). Jarry a commandé ces caractères d’imprimerie Mazarin à Renaudie, l’imprimeur du Mercure de France, en mars 1896. Il pouvait se permettre ce genre de dépenses, venant de toucher son héritage paternel; cette fonte ne servira que pour l’impression du deuxième et dernier numéro de Perhinderion, et pour Ubu roi, dont l’achevé d’imprimer du 11 juin 1896 précise qu’il a été composé « avec les caractères du Perhinderion». Endetté, Jarry vendit ces caractères à Renaudie peu de temps après; on les retrouve dans certaines publications de l’époque. La plaquette de Paul Fort, Louis XI, curieux homme, parue la même année, utilise également ces caractères; la troisième page de l’ouvrage précise : «Imprimé avec les caractères du Perhinderion». L’Intermède pastoral de Ferdinand Herold (Paris, Le Centaure, 1896) utilise aussi le Mazarin de Jarry. Les caractères du titre d’Ubu roi, réutilisés en 1897 en couverture du Vieux Roi de Gourmont, ne sont pas ceux du Perhinderion, comme on l’écrit parfois; on les trouve déjà, dans différents corps, dans Le Livre d’Art, dès le premier numéro de mars 1896. Cette attention à la typographie oriente les investigations d’Alain Chevrier sur la manière dont les poèmes de Jarry ont été remis en page depuis leur première édition; d’Édouard Graham, qui replace dans le contexte de l’époque l’édition autographique de L’Amour absolu ; et d’Armelle Hérisson, qui analyse les dossiers des opuscules de la collection mirlitonesque chez Sansot que Jarry n’a pas finalisés. Clément Dessy et Vincent Gogibu explorent de leurs côtés les relations de Jarry avec deux autres amoureux de la chair des livres : Max Elskamp et Remy de Gourmont. «On ne fait pas grand, on laisse grandir » : postérité Les expérimentations typographiques de Jarry inspirent écrivains et artisans du livre tout au long du siècle qui suit sa mort («On ne fait pas grand, on laisse grandir», déclare-t-il dans Le Surmâle). Ses dessins et gravures volontairement synthétiques font l’objet de réappropriation par des artistes comme Miró ou Picasso ; les attributs d’Ubu sont réimaginés par ses illustrateurs, et les typographes traduisent dans la forme même des livres leurs interprétations de son esthétique. Jill Fell décrit la tragique histoire des passeurs polonais d’Ubu roi. C’est une expérience d’illustration et de livre d’artiste beaucoup plus récente, celle de Serge Chamchinov, qu’analyse Anna Rykunova. Du livre à la bibliothèque numérique, Hélène Campaignolle et Sophie Lesiewicz présentent la place de Jarry dans la base de données LivrEsC, consacrée au livre comme espace de création. Enfin, Linda Stillman livre le point de vue d’une collectionneuse passionnée par Jarry dans le récit de la constitution de sa collection de manuscrits et d’éditions originales placée sous le signe de la gidouille.

[Téléchargez l’article d’Henri Béhar PDF ]

Ci-dessous, l’article en plein texte :

Avant la lettre
Les manuscrits sont-ils de la littérature ?

Henri Béhar

L’expression « avant la lettre » s’emploie généralement pour désigner une lithographie tirée sans sa légende. Ayant la redoutable charge de parler le premier, avant tous les spécialistes du manuscrit, de la lettre, de la chose imprimée, je me situerai donc un peu en avant, posant la question de l’innocent qui ne comprend pas pourquoi les amateurs se livrent à d’impitoyables enchères, visant à acquérir qui une page manuscrite autographe, qui une édition princeps, qui un livre illustré avec des gravures originales.

À force de scruter les brouillons et les moindres notes des écrivains, j’en viens à me demander quelle nécrophilie nous pousse à exhumer ce qu’en règle générale et pour tout autre artisanat on éloigne d’un balai négligent vers la corbeille à papiers.

À plusieurs reprises des éditeurs m’ont demandé de leur désigner le plus beau manuscrit français du XXe siècle. Je n’ai jamais hésité depuis que je l’ai vu dans l’atelier de son auteur et entre les mains de sa destinataire : c’était, pour moi, le manuscrit d’Arcane 17, soigneusement ordonné par André Breton et depuis lors conservé par Elisa. C’était bien le manuscrit de premier jet, comme on dit, et non pas une copie plus ou moins remaniée pour l’imprimeur. Je fis en sorte de trouver un éditeur aussi fou que moi pour partager mon opinion et livrer au public un fac-similé intégral de l’ouvrage, accompagné de sa transcription non moins intégrale. Et puis, devant la difficulté que j’avais eue à déchiffrer des mots rayés et surchargés qui, immanquablement, me ramenaient à l’écrit initial, autrement dit pour un gain intellectuellement quasi nul, je jurai qu’on ne m’y reprendrait plus. Pour moi, le plus beau manuscrit du XXe siècle serait le dernier que j’aurai publié.

En préparant la nouvelle édition des Œuvres complètes d’Alfred Jarry pour les Classiques Garnier, nous nous étions fixé, mes collaborateurs et moi, l’ambition de fournir l’équivalent du Corneille par Marty-Lavaux, du Racine par Paul Mesnard, voire de Mme de Staël par la comtesse Jean de Pange, dans la collection Les Grands Écrivains de la France, dont j’ai constaté, au passage, qu’elle était actuellement disponible sous forme numérique. Et voilà que l’épreuve recommençait, sous une forme différente certes, mais dans la même intention, comme s’il y avait un mystère à découvrir sous les mots des manuscrits autographes ! Comme si la chaîne éditoriale était organisée de façon à perdre ce qui faisait tout le prix d’un manuscrit et comme si nous, pauvres tâcherons des lettres, n’avions pas mieux à faire que de rassembler les poussières d’un trésor enfoui !

J’ai donc pensé qu’il valait la peine de marquer une pause et de s’interroger sur une pratique plus que séculaire, afin d’en examiner la pertinence actuelle.

Rappel : objectif du colloque

Contrairement à la loi d’entropie généralisée, qui touche aussi bien l’écriture autographe, plus le temps passe et plus les manuscrits d’Alfred Jarry remontent à la surface. La nouvelle édition des Œuvres complètes d’Alfred Jarry, à laquelle je me réfère, nous a conduits à y recourir systématiquement pour l’établissement du texte et des variantes. Il convient d’aller plus loin, et de montrer Alfred Jarry à l’œuvre, devant la page blanche, et ensuite face aux épreuves (je parle ici du texte imprimé tel qu’il sort de la composition), enfin dans ses choix typographiques.

Le retour vers les éditions originales, qui sont souvent des ouvrages d’art, dont le papier, les illustrations et la disposition typographique, choisis avec soin, ne sont pas maintenus dans les éditions ultérieures, demande, lui aussi, une réflexion, voire l’établissement d’une stratégie et même d’une charte collective. À cet égard, la Bibliothèque Municipale de Laval a joué un rôle central par une politique constante d’acquisition de manuscrits et d’éditions originales, et une numérisation systématique de ses achats :

http://alfredjarry.fr/oeuvresnumerisees/index.php

S’y ajoute le catalogue des Archives départementales : Alfred Jarry, Autour d’un testament. Catalogue d’archives par Joël Surcouf, Laval, Archives départementales de la Mayenne, 2007 ; ainsi que le volume du précédent colloque de notre Société, Jarry et les Arts disponible en ligne :

http://alfredjarry.fr/amisjarry/fichiers_ea/etoile_absinthe_115_116reduit.pdf

et plus largement la collection de la revue l’Etoile-Absinthe, source de nombreux documents : http://alfredjarry.fr/amisjarry/saaj/etoileabsinthe.htm

Le protocole d’édition

Les collaborateurs pressentis par les éditions Classiques Garnier ont reçu un protocole consignant les principes devant guider leur travail.

Sans divulguer ici des secrets industriels, je crois pouvoir dévoiler les règles perpé- tuées par une maison d’édition pluriséculaire.

Des éditions scientifiques qui font date

L’éditeur entend ne publier que des ouvrages d’érudition de la plus haute tenue scientifique. Ce caractère est justifié tant par l’établissement du texte que par l’annotation.

Ces deux traits relèvent d’une tradition dite philologique, qui remonte, nous le verrons, aux perspectives tracées par la Nouvelle Sorbonne, au début des années 1900.

Choix du texte

Par définition, l’éditeur ne publie que des œuvres « classiques », celles qu’on enseignera, à quelque niveau que ce soit du système éducatif. Tel est bien le cas pour l’œuvre de Jarry qui, quoi qu’on en dise, figure bien au programme du Collège de ’Pataphysique et, depuis 1985 dans les Petits Classiques Larousse, sans parler du Livre de Poche et de la Bibliothèque de la Pléiade.

Il doit s’agir d’un texte approuvé et revu par l’auteur avant son décès.

L’usage veut que l’on choisisse comme point de départ la dernière version approuvée par l’auteur. Toutefois, ce n’est qu’un usage, et il est tout à fait possible de partir d’une autre version, pourvu que le choix en soit justifié.

Pour ce qui concerne notre auteur, le problème ne se pose que très peu, puisqu’il n’a laissé que peu de manuscrits inachevés et inédits, à l’exception de La Dragonne, dont un chapitre parut en revue de son vivant. Toutefois, des choix doivent être explicités dans le cas des œuvres posthumes : Jarry a projeté un regroupement d’articles déjà parus en revue (La Chandelle verte).

Établissement du texte

Résolument moderne dans son respect de la tradition, notre éditeur préconise deux éditions simultanées pour le même ouvrage. L’une virtuelle, l’autre sur papier.

1. Pour la version électronique : l’établissement sera rigoureusement diplomatique, seul moyen d’étudier ultérieurement des pratiques d’atelier, des évolutions orthographiques, etc.

Rappelons qu’on nomme « diplomatique » la reproduction la plus fidèle possible d’un texte. Et quoi de plus fidèle que le cliché de chaque page (on parle aujourd’hui de scan) accompagné d’une transcription typographique ?

Dans ce cas on corrigera les coquilles d’imprimeur, en l’indiquant dans les notes.

2. Pour l’édition imprimée, l’éditeur distingue les œuvres antérieures au XVIIe siècle des suivantes. Les premières ont leur modèle canonique : les règles appliquées par Paul Laumonier (1867-1949) dans son édition des Œuvres complètes de Ronsard, ce qui nous renvoie explicitement à Lanson et à son école.

À partir du XVIIe siècle, il suggère d’adopter une graphie moderne, notamment pour l’accentuation et la ponctuation, tout en respectant l’usage ancien pour les capitales ainsi que l’orthographe originale à la rime, au cas où la modernisation produirait une rime fausse.

Les changements systématiques ou ponctuels seront évidemment signalés en note.

Une attention particulière est accordée aux variantes, numérotées alphabétiquement pour chaque page, mais placées à la fin du texte lui-même. Cette disposition typographique est sans doute la plus discutable, dans la mesure où elle oblige le lecteur à une petite gymnastique manuelle et intellectuelle. Mais elle sera compensée par l’image, dans l’édition numérique.

C’est pourtant, semble-t-il, ce qui confère à l’édition son caractère absolument scientifique, dès lors que toutes les publications classiques, y compris au format de poche, sont désormais abondamment annotées.

Les consignes concernant l’annotation sont des plus précises. La paraphrase, ou ce qui lui ressemble, est rigoureusement proscrite. En revanche, la place n’est pas mesurée aux notes de type historique, linguistique et référentiel.

D’expérience, je dirai qu’il ne faut pas écraser le texte de Jarry sous l’érudition, ni éloigner le lecteur par de longues citations allogènes. Seules des considérations pratiques doivent nous guider, par exemple lorsque le texte auquel on fait référence n’est plus accessible.

Enfin, pour en terminer avec ces consignes, il est recommandé d’offrir au lecteur un glossaire et un index des noms propres, voire topographique, le cas échéant. Inutile dans l’édition numérique, puisque la machine recherche tout mot à la vitesse de la lumière, l’index s’impose évidemment pour la version papier. En revanche, l’établissement d’un glossaire jarryque ne nous a pas paru indispensable, au stade où nous en sommes, puisque les mots singuliers sont expliqués et commentés dans les notes, avec des renvois d’une occurrence à l’autre.

Dans plusieurs cas, notamment pour les articles de la Chandelle verte, s’est posée la question des annexes et des appendices. Là encore, ces documents méritent d’être reproduits s’ils ne sont plus accessibles, dans la mesure où ils sont nécessaires à la compréhension de l’environnement ou des sources de l’œuvre.

Quelle justification ?

Un observateur venu d’ailleurs, étranger à nos travaux, serait en droit de dire qu’à l’exception de quelques mentions du numérique, un tel protocole ne diffère en rien de ce qui pouvait commander les éditions savantes du XIXe siècle.

Or, ils sont nombreux ceux qui, comme nous, ont souscrit un tel protocole dans le souci de produire des éditions scientifiques des auteurs modernes et contemporains. Est-ce à dire que rien n’aurait changé depuis la fondation de notre science de la littérature ?

Nous allons voir que, sans renier le passé, il s’agit ici de dépasser les méthodes traditionnelles dans le double but de servir les auteurs et le public d’aujourd’hui.

Les manuscrits comme documents

Pour les pères fondateurs de ce type d’éditions, il convenait de distinguer la « masse de documents – manuscrits ou imprimés – qui ne sont que documents » des œuvres littéraires elles-mêmes1.[1 Gustave Lanson, Essais de méthode de critique et d’histoire littéraire rassemblés et présentés par Henri Peyre, Hachette, 1965. L’article auquel je me réfère, « La méthode de l’histoire littéraire », a paru dans la Revue du mois le 10-10-1910.]

Celles-ci se définissent selon le public d’une part ; selon leur caractère intrinsèque d’autre part. En d’autres termes, ce qui fait la littérature pour Lanson, c’est la littérarité. Et si, d’un bond, je me porte à la lecture de Roman Jakobson, je retombe sur la même aporie.

Alors voyons ce que sont ces documents qui ne sont que documents. Comment s’articulent-ils avec la littérature ? Ne seraient-ils qu’objet de la science littéraire ?

Pour connaître un texte, Gustave Lanson énumère neuf questions auxquelles le professionnel doit pouvoir répondre. Il serait fastidieux de les citer tout du long. Retenons qu’elles concernent l’authenticité du texte, sa pureté et son intégrité, sa datation, ses transformations depuis l’édition originale, son élaboration, son sens littéral, puis litté- raire, les modalités de son élaboration, sa fortune (aujourd’hui transformée en réception critique), pour finir.

Tel est le travail assigné à l’éditeur scientifique, qui doit aussi pouvoir répondre à un dixième objectif : établir les rapports de la littérature à la vie, à la société.

La tâche est ardue. Elle ne concerne pas les seuls professionnels de la littérature puisque ceux-ci travaillent pour le public, pour la nation même, dirai-je, en reprenant les termes de Lanson.

Pour illustrer cet aspect du travail d’édition critique que nul ne conteste jusqu’à présent, je prendrai l’exemple canonique des deux manuscrits des Gestes et opinions du Dr Faustroll. Loin de relever de la seule érudition, le relevé des variantes et leur comparaison permet de mesurer les variations du goût du Docteur (et par voie de conséquence de l’auteur) pour tel ou tel livre pair et, dans chaque livre, pour des images hétéroclites, constitutives désormais de son univers mental. Il en va de même pour les changements de dédicaces ou de dédicataires, thermomètres de ses affections. Inutile d’en dire davantage : sur le plan de la fabrique du texte, le lecteur trouvera toute satisfaction dans les diverses éditions de ce « roman néo-scientifique », au format de poche ou in 8°, dont la dernière récapitule tous les acquis précédents, ajoutant de nouvelles perspectives, comme il se doit.

Nos documents

Le mythique manuscrit d’Ubu roi, que Paul Fort prétendait avoir sauvé du feu, n’est toujours pas apparu2. [2. Paul Fort, Mes mémoires, Flammarion, 1944, p. 52. Il laisse entendre que Jarry hostile à l’édition d’Ubu, allait brûler le manuscrit que ses amis avaient mis en ordre, et se le fit arracher après un violent combat.]

Cependant, notre équipe éditoriale a pu consulter, pour le plus grand profit des lecteurs, une belle moisson de manuscrits d’Alfred Jarry, de premier jet, qui n’avaient pas été montrés à l’Expojarrysition du Collège de ’Pataphysique, en 1953. Peu soucieux d’établir un palmarès, je me contenterai, ici, d’évoquer les lieux où se trouvent les plus intéressants documents autographes.

À tout seigneur, tout honneur. Je citerai en premier les trésors jarryques conservés par la Bibliothèque municipale de Laval, qui n’est sans doute pas la première ni la plus riche en ce domaine, mais qui a la volonté de capitaliser, dans la mesure de ses moyens, toute la documentation de première main relative à son illustre concitoyen, comme l’a prouvé, par exemple, le colloque réuni en ce même lieu pour le centenaire de son décès. En outre, elle a adopté une politique d’ouverture internationale en faisant numériser tout ce qu’elle détient, et qui est donc accessible par le réseau.

Cette bibliothèque a donc acquis les manuscrits suivants, que l’on peut consulter sur le réseau au format PDF :

Albert Samain, 1905. La Dragonne, 1906. Spéculations, Ms avant 1907.

Ubu sur la butte, Ms rédigé sur un exemplaire imprimé d’Ubu-Roi, 1901. Ubu Roi, addition à la scène finale arrangée pour Guignol, Ms, 1901. L’Objet aimé, Théâtre mirlitonesque, 1903.

Messaline Roman de l’ancienne Rome. Ms avant 1901. Le Surmâle, Ms avant 1902.

C’est dire que le lecteur désireux d’identifier la graphie de Jarry, ou de voir l’allure que prenait une page des Spéculations, la réécriture d’un texte, l’occupation de la page, la dynamique de l’écriture, en somme, peut satisfaire sa curiosité.

Toutefois, notre travail ne saurait s’arrêter là, et notre équipe a dû et pu consulter les manuscrits se trouvant dans les autres bibliothèques publiques de France.

Au total, c’est une centaine de documents autographes de Jarry ou relatifs à son œuvre. Ils se trouvent aux Archives départementales de Quimper ; à la Bibliothèque Municipale de Reims, et surtout à la BLJD avec le Faustroll ayant appartenu à Tristan Tzara, la Conférence sur les Pantins, le Projet de réunion des 3 Ubus, sans compter la correspondance à Rachilde, Vallette et tous les compagnons du Mercure de France ; la précieuse « Inscription mise sur la grande histoire de la vieille dame », « La bataille de Morsang » destinée à La Dragonne, la première partie de La Papesse Jeanne, un fragment de Léda, et les inattendues notes prises au cours de Bergson par Jarry lui-même.

À côté de ces richesses, les rares documents manuscrits autographes conservés à la BnF font pâle figure. Outre la correspondance, ils se rapportent à L’Amour absolu et Les Jours et les Nuits.

Enfin, le Musée Picasso détient une lettre de Jarry au jeune Maître.

Le commerce du document manuscrit et, plus précisément, l’absence de politique nationale en ce domaine, a fait qu’un bon nombre de pages écrites par Jarry se retrouvent désormais aux USA.

On en trouvera le catalogue exhaustif en appendice. Pour ne pas lasser l’auditoire, citons les plus belles pièces : Ontogénie, Léda, La Dragonne, acquis par Carlton Lake, accessibles au Harry Ransom Center de l’Université d’Austin, au Texas.

L’université de Yale, quant à elle, s’est distinguée par l’achat de la bibliothèque de F.T. Marinetti et de ses relations. C’est ainsi que, outre des lettres de Jarry au directeur de Poesia, on y trouve des épreuves du théâtre mirlitonesque et des pages désormais recueillies dans La Chandelle verte.

Pour des raisons que je ne m’explique pas, un certain nombre de collectionneurs, en France ou ailleurs, tiennent à conserver l’anonymat. Ainsi n’est-il possible de consulter qu’en photocopie les manuscrits de Faustroll, Ubu cocu, Les Jours et les Nuits… Leurs variations ont néanmoins été exploitées.

Comment et pourquoi les manuscrits autographes nous parviennent-ils ?

Le truisme a été maintes fois relevé : tout travail d’établissement des textes à partir des manuscrits ne peut s’effectuer que dans la mesure où quelqu’un (l’auteur en particulier, mais pas seulement lui) a pris soin de conserver différents états du manuscrit, allant du brouillon, de la première idée jetée sur le papier, tout ce qu’à la suite de Jean Bellemin-Noël on nomme « avant-texte » d’une part, jusqu’au manuscrit définitif, puis aux épreuves corrigées, enfin au « texte » proprement dit, garanti authentique par le BAT (Bon à tirer) de l’auteur, sans parler des copies postérieures à l’impression réalisées par l’auteur lui-même à diverses fins, et, bien entendu, les multiples rééditions.

À l’ère de Gutenberg, l’idée de conserver un manuscrit antérieur à l’édition originale ne pouvait avoir qu’une valeur esthétique, sentimentale ou symbolique.

Avec l’âge, la mémoire ne conserve que les mauvais souvenirs, et je me souviens très exactement des platitudes que me servit un illustre sorbonicole quand, en présentant une étude littéraire du poème Adonis de La Fontaine pour l’agrégation, je fis observer que l’auteur l’avait fait calligraphier par… Nicolas Jarry pour l’offrir à Fouquet en 1658.

Certes, le manuscrit calligraphié n’est pas l’autographe, et il relève d’une certaine tradition esthétique. Cependant, il n’en témoigne pas moins de la valeur symbolique que son commanditaire, qui se trouve être l’auteur lui-même, accorde à la copie de son propre manuscrit, ainsi qu’à la reliure qui va lui servir de protection et d’écrin pour les siècles futurs.

En dépit de ce léger déplacement, retenons cette date, au mitan du XVIIe siècle : elle marque, globalement, le moment où le manuscrit prend une valeur autonome et va faire l’objet d’appréciations diverses, ouvrant la voie à une fonction spécifique de la librairie. Encore le poète, par modestie me semble-t-il, considérait que sa propre écriture ne méritait pas de passer à la postérité.

La valeur marchande du manuscrit, qui n’a fait que croitre avec le temps, fera l’objet de plusieurs communications, qui ne sont pas sans rapport, évidemment, avec la qualité attribuée à l’œuvre elle-même.

Encore qu’ils n’aient pu y échapper pour leurs propres travaux, cet aspect muséal et commercial de la chose littéraire ne venait pas à l’esprit des vertueux pères fondateurs de la IIIe République des Lettres. Pour eux, l’avant-texte était d’abord et avant toute chose, la marque d’un travail qui, comme tout travail manuel, méritait le respect, voire une certaine sacralisation : la reproduction mécanique pouvait multiplier les erreurs à l’infini, seul le manuscrit, issu de la volonté contrôlée de l’auteur, faisait foi. Mis à part l’aspect juridique de la démarche (ce qu’on nomme critique d’attribution, qui peut s’exercer dans le cas du Théâtre mirlitonesque de Jarry, par exemple), on voit l’idée prédominante qui fait de l’auteur l’autorité suprême (en le rendant par là-même seul responsable devant la loi) et qui, surtout, cherche à retracer la démarche par laquelle on atteint au chef d’œuvre. Au manuscrit comme objet d’art, pièce de collection, succède le manuscrit comme témoin du progrès artistique. En 1923, Gustave Rudler résumait ainsi les principes de l’édition critique : « éclairer les procédés d’invention, la marche de la pensée, le mouvement du style, en un mot la genèse de l’œuvre. » (Techniques, p. 81) Il parle bien de genèse, ouvrant la voie à tout un pan de la critique actuelle, la génétique, pour tout dire. En vérité, élève de Lanson, il s’en tiendra aux règles d’établisse

ment des textes telles que je les ai rappelées précédemment, consignées dans le contrat évoqué, dont on peut dire, sans choquer personne, qu’elles relèvent d’une idéologie positiviste. S’il faut accompagner l’édition scientifique d’un texte avec des notes de caractère encyclopédique d’une part (appelées par un chiffre) et un relevé des variantes (appelé par une lettre en exposant) d’autre part, c’est pour aider à la compréhension de l’ouvrage, bien entendu, mais aussi à l’appréciation esthétique. Le travail du texte ne peut que viser à la perfection en tenant compte des règles établies (accord des temps, des genres, du nombre) ou implicites, notamment pour ce qui concerne l’euphonie, le rythme. En somme, en ramenant au jour la version initiale d’une phrase, d’un segment, le critique agit en admirateur de la belle ouvrage. On en a même vu, appartenant à la même école lansonienne, tirer de ces relevés de variantes des recommandations en matière de beau langage (voir Albalat).

Ce temps est révolu. De même, la critique savante, de nos jours, n’accorde plus une valeur suprême au dernier texte publié ou révisé par l’auteur de son vivant, dans la mesure où seule la mort cérébrale de l’individu atteste la fin des retouches. Certains éditeurs scientifiques en viennent parfois à inverser la règle en publiant in extenso un état primitif de l’œuvre, comme il nous est arrivé avec Ubu cocu. Non que cet état fût meilleur que d’autres, mais parce qu’il témoignait plus précisément de l’écriture juvénile, et parce qu’on évitait au lecteur d’avancer en regardant constamment dans le rétroviseur ou, plus précisément, en se référant aux pages finales où sont malencontreusement placées les variantes.

En tout état de cause, le matériel fourni dans ces variantes est utile au généticien, comme un fragment d’ADN pour le biologiste. Mais il n’est en rien l’ADN intégral que réclament les études génétiques.

Perspectives génétiques

À en croire l’état présent de la recherche littéraire en France, il semblerait que, de toutes les méthodologies pratiquées naguère ne restent plus que la sociologie littéraire et la critique génétique, bien vivante celle-là, avec ses revues, ses collections, ses instituts. À la différence de la traditionnelle critique textuelle – à laquelle elle se réfère au besoin –, celle-ci se présente comme une dynamique, en relation par conséquent avec les approches statiques antérieures.

À l’exception de quelques articles ponctuels, signalés dans la bibliographie préparatoire de ce colloque, ce n’est pourtant pas le cas pour ce qui concerne l’œuvre de Jarry, prise dans son ensemble ou même à l’unité. Raison de plus pour le provoquer, en dépit des difficultés rencontrées. Et je ne cacherai pas ma satisfaction d’avoir vu apparaitre les propositions d’intervention qui constituent, sans aller plus loin, la présente matinée.

Diana Beaume traitera d’un texte inachevé, infini ; Yosuké Goda nous proposera une relecture génétique d’Ubu sur la butte, et Julien Schuh cherchera à sortir par le haut de sa lecture du manuscrit de La Dragonne.

Les manuscrits comme littérature

Quelle que soit la façon dont nous sont parvenus ses manuscrits, il est clair que Jarry les tenait pour des objets ou, mieux, des faits littéraires.

D’une part, son travail relève de ce que les généticiens nomment « l’écriture à déclenchement rédactionnel », sans plan préconçu, sans brouillons, quasiment sans retouches. Chacun ici connait par cœur la manière de faire attribuée à un personnage de Les Jours et les Nuits dont les traits réfèrent à l’auteur lui-même : « Sengle construisait ses littératures, curieusement et précisément équilibrées, par des sommeils d’une quinzaine de bonnes heures, après manger et boire ; et éjaculait en une écriture de quelque méchante demi-heure le résultat. » Paradoxalement, mais cela ne peut surprendre les lecteurs de Faustroll, s’y retrouvent les principes d’une écriture à programme, qui, par principe refuserait tout programme autre qu’une construction stable et symétrique.

D’autre part, et c’est de ma part un simple constat, nous avons pu dresser la liste d’un millier de pages d’états du texte antérieurs à l’impression, allant du brouillon véritable au manuscrit autographe fourni à l’imprimeur. Et cela dans tous les genres pratiques par Jarry : théâtre, roman ou récit, recensions et articles spéculatifs. Certains textes intégraux (Les Jours et les Nuits, Gestes et opinions du Docteur Faustroll), retrouvés chez des collectionneurs, ont pu faire l’objet d’une transaction financière. D’autres sont restés entre les mains d’un ami, d’un éditeur, ou simplement abandonnés dans les bureaux de la revue qui les avait publiés.

Un dossier en particulier sollicite l’attention du lecteur et, par voie de conséquence, du généticien. C’est celui sur lequel Jarry a porté, de sa main d’adulte, le vocable Ontogénie, le faisant suivre de cette mention : « Pièces antérieures aux Minutes, quelques-unes postérieures à Ubu roi, et qu’il est plus honorable de ne pas publier. » Tous les éditeurs qui ont eu affaire à cet ensemble ont su apprécier la démarche du bonimenteur alléchant le public en lui montrant des documents inédits, susceptibles d’éclairer les deux versants de l’œuvre et en lui refusant la lecture. Ils ont tous conclu de la même façon, en publiant cet ouvrage posthume qui renvoie à la théorie de Haeckel, selon qui « l’ontogenèse récapitule la phylogenèse », ou, en d’autres termes, que le développement individuel d’un organe reproduit les étapes de l’évolution de certains de ses ancêtres. Ce qui, soit dit en passant, autorise à l’avance toutes les spéculations génétiques !

Cette posture, caractéristique du dandysme littéraire, confirme ce qu’on n’osait exprimer ouvertement : Jarry est un écrivain qui refuse d’être qualifié comme tel, qui se refuse le droit de le paraitre, et qui fera tout pour que le produit de son travail relève de la littérature.

À cet égard, il convient de s’attarder particulièrement sur un manuscrit que nul n’a jamais vu, en dehors des personnages de fiction qui apparaissent dans Faustroll. Je veux parler du 28e livre pair, confié par le Docteur Faustroll à l’Huissier Panmuphle : « … voici un livre, par moi manuscrit, que vous pouvez saisir vingt-huitième et lire, afin non seulement de prendre patience, mais de plus probablement me comprendre au cours de ce voyage sur la nécessité duquel je ne demande pas votre avis. » (CGarnier, t. III, 66) Double fonction du manuscrit : distraire, comme tout récit ; établir un lien de sympathie, de compréhension, entre ces deux êtres de fiction. Tandis que le premier dénombre ses livres pairs, le second « …commençait de lire le manuscrit de Faustroll dans une obscurité profonde, évoquant l’encre inapparente de sulfate de quinine aux invisibles rayons infrarouges d’un spectre enfermé quant à ses autres couleurs dans une boîte opaque ; jusqu’à ce qu’il fût interrompu par la présentation du troisième voyageur. » (p.72) Mise en abyme si profonde qu’on n’y voit goutte, puisque le manuscrit est écrit à l’encre sympathique, et qu’on tente de le lire dans l’obscurité ! Mais mise en abyme partielle, puisque ledit texte n’est pas, comme À la recherche du temps perdu, la totalité du roman que nous tenons entre les mains, mais seulement les éléments de pataphysique mentionnés au chapitre VIII du livre II.

Dans ce cas, le manuscrit semble bien avoir été préservé, comme bien des matériaux passés entre les mains de Jarry, à des fins de réutilisation, celui-ci pratiquant la politique des restes.

Conclure

D’un manuscrit l’autre, d’un usage à l’autre, de la collectionnite à l’exigence scientifique, je me rends compte que je n’ai toujours pas défini le concept de littérature avec lequel le manuscrit prétendrait rivaliser.

Outre le fait que j’ai déjà tenu cette gageure en 10.000 signes pour une encyclopédie semée à tous vents, désormais épuisée (on en trouvera le texte in extenso sur ma page personnelle : http://henri.behar.pagesperso-orange.fr/Documents/Editions. htm), on voudra bien considérer l’évolution du statut du manuscrit, sacralisé tant par les marchands que par les auteurs eux-mêmes. Les premiers, parce que tout fait vente ou ventre ; les seconds parce qu’ils tiennent à préserver le seul bien matériel sur lequel ils ont encore prise, parce qu’il est propriété privée, trace unique de l’intime. C’est Apollinaire qui disait : « Il faut tout publier. » Ce qui revient à dire que tout est littérature. À ceci près qu’on assiste, au cours du temps, à un changement d’instances : c’est désormais le propriétaire du texte qui décide de sa nature littéraire ou non, mais il faut que l’auteur soit connu pour qu’un éditeur (ou un marchand d’autographes) prenne le document en considération. Tel est le tourniquet dans lequel nous nous trouvons enfermés.

« La transparence et l’obstacle », dans La Maison de verre, André Breton initiateur découvreur, Les Éditions de l’amateur/Musée de Cahors, p. 11-18.

Catalogue de l’exposition André Breton la maison de verre, Cahors, du 20 septembre 2014 au 1er février 2015.

Voir le site de l’exposition :

La Maison de verre, André Breton initiateur découvreur – Musées Occitanie (musees-occitanie.fr)

et l’article : André Breton œuvre surréalisme : l’expo à voir | A vos agendas, le blog sur les dates à ne pas manquer (cotemaison.fr)

Le catalogue :

Table des matières :

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Éphémérides surréalistes actuelles

J’emprunte ce titre à l’Almanach du Père Ubu pour indiquer ici les commémorations inofficielles à prévoir cette année. Elles concernent les surréalistes et apparentés présents dans la banque de données « Surréalistes de tous les pays », que l’on trouve à ces deux adresses : 
http://melusine.univ-paris3.fr/c_surr.html
Ou bien : http://melusine.univ-paris3.fr/Surr-ts-pays/somsurr-ts-pays.htm

Pour chaque personne nommée, on trouvera, dans l’ordre : Nom, État Civil, Parcours, Revues, Interventions Collectives, Expositions, Pays (de référence)
Les éphémérides de l’année 2013 sont disponibles sur demande par courriel auprès de l’auteur de ces pages

Centenaire

BALINT Endre

1914 –1988, Budapest. Peintre. HONGRIE

CID Téofilo

1914, Chili – 1964, Chili
Poète. Mandragora, Boulroud, Chili, 1942. Mandragora (codirecteur)
CHILI

CURIEL Henri

1914 Égypte – 1978 Paris
Participe au groupe surréaliste égyptien et à “Art et liberté”.
Don Quichotte (1939-1940). EGYPTE

DACOSTA Antonio

1914, Angra do Heroismo, Açores, Portugal – 1989, Lisbonne.
Peintre.
Membre du groupe surréaliste de Lisbonne (1947-1949).
Contact avec le groupe surréaliste français (1947-1948), Rencontre Breton, Brauner et Pastoureau. Membre du groupe “Les Surréalistes” Peintures dès 1939.
Free unions (1946).
Signe Rupture inaugurale (1947).
[Exposition du groupe surréaliste de Lisbonne] (1949), Le Surréalisme en 1947.
PORTUGAL

DALLWITZ David

1914, Freeling, Australie du Sud.
Peintre, graveur (eau-forte et sur linoléum).
Allegory (Allégorie), 1944, aquarelle.
Angry Penguins.
Allegory, 1944, aquarelle, a été créé à l’occasion d’une soirée surréaliste chez les Dallwitz AUSTRALIE

ENGSTROM Lars

1914, Brantevik – 1950, Malmö.
Dessinateur.
Participe au groupe “Imaginisterna” (1946-1953).
SUÈDE

GOTZ Karl Otto

1914, Aachen-Burtscheid, Allemagne – Vit près de Cologne.
Peintre, poète, théoricien, éditeur. Pseudo. “poétique” : André Tamm
Rencontre Éthuin et Jaguer (1947). Contact avec le “Surréalisme. révolutionnaire. ” (1947-1948). Correspondant de “Rixes” (1949-19xx) France

HAUSNER Rudolf

1914, Vienne, Autriche- 1995. Peintre.
Assimilé par les nazis à “l’art dégénéré” (1937). Rencontre. Jené . Animateur de la “Wiener Schule” (1958- 1968). FRANCE

HEISLER Jindrinch

1914, Chrast – 1953, Paris.
Poète, plasticien (objet), œuvres expérimentales, photographe. (Compagnon de Drahomira).
Rallie le groupe des Surréalistes de Prague (à partir de 1938). Groupe “Ra”. S’installe en France. Membre du groupe surréaliste français. Poèmes publiés clandestinement. Jen postolky chci klidne na desatero, Prague, 1939. Livres-objets, 1950-1951. Alphabet surréaliste, collages.
Néon (animateur n° 1-4, 1948-1949), La Nef (“Almanach”, 1950), L’Âge du cinéma (1951), Solution surréaliste (animateur.), Le Surréalisme, mêmeLa BrècheL’ArchibrasCoupure.
La Semaine dernière . Actualités cinématographiques de Benjamin Péret présentées par Jindrich Heisler (L’Âge du cinéma, 1951). Collabore. avec Toyen. Signe Rupture inaugurale (1947), À la Niche (1948), Les surréalistes à Gary Davis (1949). TCHÉCOSLOVAQUIE

HENEIN Georges

1914, Le Caire, Égypte – 1973, Paris.
D’expression française. Écrivain, poète, journaliste. Époux de El-Alaily.
Séjour à Paris (1934-1937). Correspond avec Breton (à partir de 1936) Membre du groupe surréaliste français (1934-1937). Principal acteur du su Suite et fin, 1934. Déraisons d’être, illustré. par Kamel El Telmisani, Paris, Corti, 1938.
Don Quichotte (1939-1940), Clé (Paris, 1939), Al-Tatawor (1940), London bulletin (Londres), New road (Londres, 1943), El-Majjallah(1943-1944), View (NY), Troisième convoi (Paris, 1946), Le Ciel Bleu (Bruxelles, 1945), Les Quatre Vents (Paris), Les Deux Sœurs(Bruxelles), La Part du Sable (codirecteur, 1947 & 1950), Surrealistische Publikationen (Klagenfurt), Edda (correspondt, Bruxelles, 1959), Boa (Buenos Aires, 1958-1960), Coupure (Paris) FRANCE

JORN Asger

1914, Vejrun, Jutland -1973, Århus.
Peintre, graveur, écrivain, musicien. Pseudo. de Asger Oluf Jorgensen.
Séjour à Paris (1936). Membre du “GAS” (1937). Rencontre avec Atlan, Constant, Jaguer et Éthuin (1946). Vit entre Paris, l’Italie et le Danemark. La Flûte de Jade (Paris, 1939).
Helhesten (cofondateur), Linien (1939), BISR (1948), Cobra (1949-1951), PC (1950), Rixes (1950-1951), Il Gesto (1955-1959), Direzioni, The Situationist times (1963). [Surréalisme révolutionnaire] (Paris, 1948), Prise de terre (1948), Phases (Paris, 1954), Il Gesto (1955), Paroles visibles (“Phases”, Paris (1955). DANEMARK

KAMROWSKI Gerome

(1914, Warren, Minnesota USA – 2004, Ann Arbor, Michigan). Peintre, plasticien.
Rencontre Breton à NY. Membre du “Surrealist movement in the U. S.” Breton salue son unique exposition personnelle à Paris (1950).
VVV (1942), ArsenalPhases.
Préfacé par Breton (expositions, Paris, 1950).
Le Surréalisme. en 1947 (coorganisateur., coréal. la “Salle des Superstitions”, Paris, 1947). USA

KOLAR Jiri

1914, Protivin – 2002, Prague.
Poète, plasticien, collagiste.
Une fois il sera possible de faire des poèmes de n’importe quoi, assemblage, 1963. TCHÉCOSLOVAQUIE

LENKO Julius

1914, – 2000, Bratislava.
Poète, théoricien.
Participe aux activités du groupe surréaliste slovaque (à partir de 1941). En nous et hors de nous, 1941.
Peinture imaginative, 1930-1950.
TCHÉCOSLOVAQUIE

PAZ Octavio

1914, Mexico – 1998 Mexico.
Poète ambassadeur.
Membre du groupe surréaliste, 1946-1950 à Paris. Le Surréalisme mêmeBiefL’ArchibrasLa Nef (Almanach).
Surréaliste dans la poésie du rêve. MEXIQUE

PERAHIM Jules

1914, Bucarest – 2006, Paris. Peintre, illustrateur.
Participe à l’avant-garde roumaine (1930-1933). Membre du groupe “Unu” (1930-1932). Installation à Paris (1969). Participe à “Phases” depuis 1969. Mixomycètes, dessins automatiques, in Alge, 1930. L’Antiprophète, peinture, 1932.
Alge (cofondateur, 1930), Unu (1930-1932), MuciViata imediata (entre 1930-1933), ElementalEllébore.
Préfacé par Jouffroy (“Lettre ouverte aux critiques d’art et aux connaisseurs du Surréalisme “, galerie A. F. Petit, Paris, 1977).
Phases, Ixelles, 1974. Autour des éditions Oasis (Paris, 1977), Imagination (1978), Exposition par Oasis (Vancouver). ROUMANIE

TUCKER Albert

1914, Melbourne Australie – 1999.
Peintre. Marié à Joy Hester. Un des pionniers du surréalisme en Australie. Rencontre Giacometti à Paris (1950). Philosopher (Philosophe), 1939, huile sur carton. Exposition en solo à la galerie Huit (Paris, 1952). FRANCE

VALORBE François

1914, Bordeaux – 1977, Paris.
Poète, acteur, écrivain. Pseudo. de François Ludovic Régis Henri Hurault de Vibraye.
Installation à Paris (1930). Membre du gr. surr. (1949-1955).
La Nef (Almanach, 1950), L’Âge du cinéma (1951), Le Libertaire (1952), Médium (feuille, 1952-1953), Médium (revue, 1953-1954).
Éd. par “GLM” (Soleil intime, 1949), “Arcanes” (Carte noire, illus. par Lam, 1953), “Éric Losfeld” (1957-1969 : La Vierge chimère, 1957, Napoléon et Paris, 1959, Magirisée, 1965, L’Apparition tangible, 1969). FRANCE

Cinquantenaire

NOM ETAT CIVIL PARCOURS REVUES INTER EXPO PAYS
ACHLEITNER Friedrich
1930, Schalchen, Autriche – Vit à Salzburg ? Poète, architecte. Participe à l'”Art Club” (1946-1952). Animateur du “Wiener Gruppe” (1952-1964).       Autriche
BAYER Konrad
1932, Vienne, Autriche – 1964, Vienne. Poète, peintre. Participe à l'”Art Club” (1946-1952). Animateur du “Wiener Gruppe” (1952-1964). France
CID Téofilo
1914, Chili – 1964, Chili. Poète. Mandragora, Boulroud, Chili, 1942. Mandragora (codirecteur). Chili
EFFENBERGER Jakub
1964, Prague – Vit à Prague. Poète, scénariste. Rencontre Stejskal, Medcova, K. Baron (1976), Effenberger (1986). Participe aux activités du groupe surréaliste actuel de Prague (depuis 1987). Tchécoslovaquie
FRAENKEL Théodore
1896, Paris – 1964, Paris. Écrivain. Renc. Breton (1910), Vaché à Nantes (1916), Aragon (Val-de-Grâce, 1917). Partic. à “Dada” (1920-1922). Fréquente le gr. surr. (1924-1932). Rompt avec Breton (1934). Retrouvailles autour du Manifeste des 121 (1960). Proverbe (1920), Littérature (série 1, 1920-1921 ; série 2, 1922), la Rév. surr. (signe “la rév. d’ab. et toujours”, n°5, 1925), Bifur (1929). “Procès Barrès” (assesseur, 1921). France
PURS Ivo
1964, Melnik – Vivant. Poète, théoricien. Rencontre Effenberger (1984) et Stejskal (1985). Membre du groupe surréaliste actuel de Prague (depuis juill. 1985). Tchécoslovaquie
VAN BRUAENE Gérard
1891, Courtrai – 1964, Bruxelles. Écrivain, cabaretier. Proche du groupe de “Correspondance” (1925). Membre du groupe surréaliste de Bruxelles. Proche de “Cobra”. Livre d’Or de la fleur en papier doré (1951). Cobra (1949), La Carte d’après nature, Les Lèvres nues (1955 & 1958), Rhétorique. Belgique
VINEA Ion
1895-1964, Roumanie. Ami de Tzara. Participe à l’avant-garde roumaine. Contimporanul (directeur), Integral ?” ? [Manifeste activiste adressé à la jeunesse]”, Contimporanul, 1924). Roumanie
WILLIAMS Georges Hospuresigne
1877 – Belalie, Australie du Sud-1964, Adélaïde Australie Peintre. Carrière tardive (1940). Influence du surréalisme reconnue par ses contemporains (M. Harris et I. Francis). Her Dream, (Son rêve), 1940, huile sur toile. France