MÉLUSINE

Philippe Soupault, le voyageur magnétique, Europe n° 719

« PHILIPPE SOUPAULT, LE VOYAGEUR MAGNÉTIQUE », EUROPE, N° 719, MARS 1989, PP. 208-209.

C’est ici une chronique d’Europe, sans rapport avec le dossier central, dont je donne le texte intégral ci-dessous. L’ exposition « Philippe Soupault, voyageur magnétique » s’est tenue à Montreuil (Seine-Saint-Denis), Centre des expositions, 8 janvier – 28 février 1989.

Philippe Soupault par Robert Delaunay

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PHILIPPE SOUPAULT

Le voyageur magnétique

Vous écrivez d'abord votre épitaphe, à la manière des nursery rhymes, berceuses ou comptines enfantines :

Philippe dans son lit né un Lundi baptisé un Mardi malade un Jeudi agonisant un Vendredi mort un Samedi enterré un Dimanche C'est la vie de Philippe Soupault

et voilà la poésie montée en boucle. Elle n'a plus qu'à tourner toute seule, du mouvement initial. Vous êtes libre pour l'éternité. Vous partez à la découverte de tous les mondes, à l'instar de vos parrains. Apollinaire et Cendrars, au son du jazz et des images de cinéma plein la tête. Un conseil auparavant : abandonnez la famille bourgeoise, ne vous attachez à rien qu'à l'amitié ! Ils étaient trois mousquetaires qui, ensemble, explorèrent les voies diverses de notre modernité combattant pour la reine des facultés, l'imagination: Aragon, Breton, Soupault. Celui-ci, seul sur- vivant reste le moins connu, alors qu'il a, au même titre que ses compagnons et parfois avant eux, découvert William Blake et Lautréamont, inventé le surréalisme avec Les Champs magnétiques qui, sans lui, n'eussent pas vu le jour, anime Dada a Paris. Il s'est trouvé l'un des premiers exclus du surréalisme, avec Artaud et Vitrac, parce qu'il aimait trop sa liberté. Il croyait beaucoup trop en la poésie pour admettre qu'elle puisse faire l'objet d'une orientation collective. Il a donné un ton nouveau à La Revue Européenne, y accueillant ses amis de toujours, Aragon, Breton, Eluard, Desnos, Péret, Tzara, Ribemont-Dessaignes... explorant les lettres étrangères pour en ramener des traductions de Gorki, Sherwood Anderson, E.E. Cummings, les frères Mann, Essenine, Alfonso Reyes, Gomez de la Serna... C'est l'époque de ses très grands romans, qu'on redécouvre avec un plaisir toujours nouveau : Le Bon Apôtre, En Joue !, Le Nègre, Le Grand Homme etc. qui sont davantage des témoignages que des fictions, d'une grande économie de moyens, où la phrase n'est que la partie émergée d'un iceberg de sentiments, et de révoltes. Puis Philippe Soupault a parcouru le monde pour la grande presse, en observateur lucide de toutes les perversions étatiques. Homme libre, Soupault a combattu, avec ses moyens, pour la liberté. Animateur de Radio Tunis, il est incarcéré par Vichy. Ce n'est pas un hasard si le premier geste de l'envoyé de la France libre à New-York est de le faire venir pour le seconder (le document se trouve aux Archives diplomatiques). A son retour en France, il animera encore, inlassablement, des émissions sur la poésie dont nous nous souvenons encore, dans le désert médiatique contemporain. L'exposition de Montreuil est à la dimension du personnage. Sur un espace considérable de 3 000 m2 aménagé comme une cale de paquebot, nous entrons tour à tour dans d'immenses conteneurs en bois, marqués au pochoir d'une formule poétique. Là se trouvent réunis les artistes que Soupault a aimés, dont il a parlé avec passion : Delaunay, Arp, Masson, Picabia, Man Ray, Toyen et, plus inattendus, Posada, le peintre mexicain des têtes de morts riantes, ou Dubout ! A chaque époque se trouvent confrontés les tableaux, les photos du temps, et dans des vitrines, parfaitement lisibles, les documents les plus rares, lettres, revues, manuscrits, livres dédicacés, recréant ce dialogue permanent du poète avec ses amis lointains ou présents. Rien n'est plus difficile à concevoir et à réaliser qu'une exposition d'écrivain : pour rares qu'ils soient, les papiers ne déplacent pas les masses. Il faut louer l'équipe de Montreuil, assistée par Serge Fauchereau, d'avoir su rassembler tant d'œuvres qui parlent en même temps à tous nos sens. Henri BEHAR

L'exposition « Philippe Soupault, le voyageur magnétique » s'est tenue au centre des Expositions de la ville de Montreuil les mois de janvier et février 1989.

Voir : Catalogue

Serge Fauchereau, Philippe Soupault, voyageur magnétique, Paris, Édition du Cercle d’Art, 1989 1 vol., 168 pages, 23x29 cm.

Ce livre, réalisé à l’occasion de l’exposition consacrée à Philippe Soupault, présente, de Bérénice Abbot à Stephan Zweig, un dictionnaire des rencontres, des amitiés et des passions du découvreur de l’écriture automatique et du cofondateur du surréalisme que fut Philippe Soupault.

Voir aussi édition BnF : Portrait(s) de Philippe Soupault | Editions de la Bibliothèque nationale de France (bnf.fr)

Biographie de Ph. Soupault dans le Maitron, notice SOUPAULT Philippe par Daniel Grason.

Philippe Soupault, Europe, n° 769 mai 1993.