L’écriture du rêve dans Les Jours et les nuits, dans Alfred Jarry, colloque de Cerisy
par Henri Béhar, le 25 janvier 1979
PASSAGE EN REVUES« L’écriture du rêve dans Les Jours et les nuits », dans : Alfred Jarry, colloque de Cerisy, Paris, Belfond, 1985, pp. 137-153.
Noël Arnaud et Henri Bordillon venaient de créér l’association des amis d’Alfred Jarry. Aussitôt, ils obtinrent de programmer un colloque à Cerisy, durant l’été 1983. Ils obtinrent la collaboration de tous ceux qui s’étaient prononcés, d’une façon ou d’une autre, sur Alfred Jarry, au-delà du Collège de Pataphysique. Malheureusement, N. Arnaud tomba gravement malade et dut se faire opérer, ce qui laissa Henri Bordillon comme seul directeur de la décade et de la publication qui en suivit. Pour ma part, j’appréciai particulièrement l’intervention de José Pierre, et, réciproquement. Je fis alors sa connaissance et nouai des liens durables, alors que, je l’ai toujours dit et écrit, je n’adhérais pas au surréalisme.
DIRECTION : Noël ARNAUD, Henri BORDILLON ARGUMENT : Alfred Jarry, célèbre pour une œuvre dont la paternité lui fut, bien à tort, contestée (Ubu), demeure pour ses écrits peut-être essentiels, encore méconnu. Trop longtemps, Ubu a occulté le reste, immense, de l'œuvre jarryque. Et cependant, outre que sa dramaturgie influence le théâtre contemporain depuis plus d'un demi-siècle, sa poésie et ce "roman" qu'est Faustroll, le placent parmi les plus grands poètes du Symbolisme qu'il a servi magnifiquement et à la fois fait éclater en myriades d'étoiles qui illuminent encore notre siècle. Avec Les jours et les nuits, il invente l'écriture de l'hallucination vraie; avec l'Amour absolu, il utilise le premier les travaux de l'école psychiatrique française sur l'hystérie et le dédoublement de la personnalité, et pressent et décrit à merveille l'œdipe freudien. Critique d'art, il a exalté tout ce qui méritait de l'être en son temps et s'est montré par là un annonciateur du XXe siècle. Sa modernité est donc éclatante; ce colloque tend à en mesurer les causes et les conséquences et à donner un nouvel essor aux recherches jarryques aujourd'hui bien engagées.
http://www.ccic-cerisy.asso.fr/jarryTM85.html ALFRED JARRY Direction : Henri Bordillon Editeur : Editions Pierre Belfond (site internet) ISBN : 2-7144-1745-0 Année de publication : 1985 Année du colloque : 1981 Présentation du colloque : cliquer ici
MATIÈRES La lettre jarryque: de la biographie au texte, par Henri BORDILLON Ontogénie ou la métasémiotique sous-jacente, par Michel ARRIVÉ Toutes les minutes comptent ou comment on a mal lu Les minutes de sable mémorial, par Yves-Alain FAVRE Ubu maître d'école, par Jean-José IRIARTE, Alain LE GOFF & Jean-François MASSOL L'homme à la hache, par Daniel COMPÈRE Villiers de l'Isle-Adam et Jarry: l'Eve future et Le surmâle, par Christophe DOMINO Les problèmes du Faustroll, par Paul GAYOT Alfred Jarry, André Breton et la peinture, par José PIERRE Ubu en Australie, par Anne C. MURCH L'écriture du rêve dans Les jours et les nuits, par Henri BÉHAR Alfred Jarry, témoin de son temps, par François CARADEC Point de Babel, par Patrick BESNIER Le phénix du texte, par Brunella ERULI La pédale-vapeur et le sexe des mésanges, par Jean-Pierre VIDAL Le métathéâtre du délire, par Linda KLIEGER STILLMAN Alfred Jarry avait-il lu Freud?, par Anne CLANCIER L'explosion mémoriale, par Charles GRIVEL Mort et théâtralité, par Catherine STEHLIN Descendit ad Inferos, par Sylvain-Christian DAVID
Lire : Les Jours et les Nuits numérique
ainsi que l’édition critique établie par mes soins dans l’éditon des Oeuvres complètes d’Alfred Jarry, aux Classiques Garnier
Œuvres complètes. Tome II - Les Jours et les Nuits
Prolongements:
La Licorne, n° 80, « Jarry, monstres et merveilles » , études réunies et présentées par Patrick Besnier, Presses Universitaires de Rennes, 2007, 132 p. Il était logique que la Licorne, cet animal fabuleux à tête de cheval muni d’une corne unique au milieu du front, ce monstre merveilleux, pour tout dire, s’intéressât un jour aux monstres et merveilles produites à foison par Alfred Jarry en ses littératures. Il nous souvient d’avoir publié, en notre jeunesse, un Jarry, le monstre et la marionnette1, où, bien entendu, Ubu tenait la place centrale. Auteur d’une excellente biographie de Jarry (2) , Patrick Besnier a pris l’initiative de rassembler six études portant sur le sujet, qu’il présente si compendieusement et avec tant d’à propos qu’on ne saurait rien y ajouter, sauf à en conseiller la lecture. Pour éviter la répétition, force m’est de considérer chaque contribution sans chercher à la classer dans l’une des deux catégories esthétiques du monstrueux vs merveilleux. De fait, les contributions apparaissent réparties en deux groupes de trois, selon leur longueur, en études d’une part, recherches de l’autre. Reprenant l’analyse de César Antechrist sur nouveaux frais, Julien Schuh démontre fort savamment que cette pièce a été conçue dans une perspective intertextuelle afin de la faire accepter par les Symbolistes. D’où le recours à la littérature occultiste, d’Eliphas Levi à Stanislas de Guaïta et même au Sâr Péladan. La démonstration est convaincante tant « la philosophie occulte permet de relier chaque acte, de donner un sens global à l’ensemble ». Autre jeune chercheur inventif, Matthieu Gosztola revient sur les relations entretenues par ces deux contemporains qu’étaient Jarry et Valéry pour analyser leur commun désir de méthode, s’opposant au positivisme triomphant. Et de convoquer la science nouvelle, notamment la géométrie non-euclidienne de Lobatchevski et la mathématique de Cantor, l’inventeur de la théorie des ensembles, pour nous en convaincre, en les appliquant aux écrits de ces deux auteurs. Il emporte la conviction lorsqu’il s’attaque à l’un des textes les plus obscurs de Jarry, ou plutôt du Dr Faustroll, son calcul de la surface de Dieu. Pour sa part, Jean-Luc Steinmetz, qui n’a plus rien à apprendre, postule un nouveau type de commentaire s’attaquant aux difficultés du texte jarryque, d’ordre talmudique, dit-il, qu’il applique à la lecture du roman Les Jours et les Nuits. L’étude (talmud, en hébreu), fort subtile, emporterait la conviction si le critique acceptait de livrer clairement les modalités d’analyse empruntées à la méthodologie de référence, et surtout s’il ne faisait pas fi de la tradition (hébreu gabbalah) sous la forme des (rares) analyses de ses prédécesseurs (3).
Suivent trois « recherches », bien plus brèves, qui, chacune à sa manière, tente d’élucider un point obscur de la création jarryque. Jacques Jouet examine les 17 sonnets réguliers épars dans son œuvre. après les avoir décrits formellement et en avoir montré la grande variété interne, il constate la co-présence, dans ces poèmes, de Mallarmé et du mirliton, ce pourquoi il avance la notion de « mallarmirliton ». S’attaquant aux deux artistes inconnus de la revue L’Ymagier, Alain Jans et Richard Gheym, dont les initiales réfèrent, respectivement à Alfred Jarry et à Remy de Gourmont, Jill Fell explique, de façon convaincante, le choix de ces pseudonymes et leur signification dans la tradition picturale.
Enfin, Ben Fisher, auteur d’un ouvrage sur la bibliothèque du pataphysicien Dr Faustroll, apporte ici quelques précisions sur les imprécisions de Jarry, signe d’un jeu, d’une connivence avec l’auteur désigné pour chacun des « livres pairs ». À l’occasion du centenaire de la mort d’Alfred Jarry, voici donc un recueil qui lui rend un bel hommage, à l’intention de ses trop rares lecteurs.
Henri Béhar
Lire le texte L'écriture du rêve dans Les jours et les nuits
- Henri Béhar, Jarry, le monstre et la marionnette, Larousse, 1973, coll. Thèmes et textes (épuisé).
- Fayard, 2005, 724 p. 3. On comparera ce texte à ma propre étude : « L’écriture du rêve dans Les Jours et les Nuits », in H. Bordillon, Alfred Jarry, colloque de Cerisy, Belfond, 1985.
Lire Jarry en verve