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Double jeu de la subversion : entre dadaïsme, surréalisme et art contemporain

Double jeu de la subversion : entre dadaïsme, surréalisme et art contemporain

par Élisabeth SPETTEL[1]

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Les prémices du sujet

Cette thèse porte sur le Double jeu de la subversion: entre dadaïsme, surréalisme et art contemporain. Il s’agit d’une recherche menée en esthétique qui questionne également des notions littéraires, historiques et sociologiques. Celle-ci s’articule en deux axes: d’une part, une comparaison historique entre trois périodes artistiques et, d’autre part, une analyse conceptuelle de la subversion. En repérant dans la production contemporaine des résonances de l’art dadaïste et surréaliste sur le plan de la forme et des thématiques abordées, il s’agit de questionner cet héritage, au sens de continuité comme de rupture, à travers le concept de subversion.

La lecture de l’ouvrage d’Henri Béhar et de Michel Carassou, Dada : histoire d’une subversion[2] a été fondamentale pour mon étude puisqu’il explique la nécessité d’une telle table rase. Cette notion peut se lire à plusieurs niveaux. La subversion renvoie d’abord au champ politique. Les provocations des dadaïstes, loin d’être gratuites, défient les valeurs occidentales qui n’ont pas empêché la première guerre mondiale. L’art devient une catharsis qui mène à une « poétique de l’insurrection »[3]. Influencés par l’anarchisme de Bakounine, les dadaïstes veulent détruire tous les pouvoirs autoritaires qui entravent la liberté d’expression et de création. La subversion politique accompagne une véritable révolution plastique : les dadaïstes remettent en question le statut de l’oeuvre d’art et transgressent les conventions. Cette dialectique entre art et politique s’observe également chez les surréalistes, inspirés par le cri de rage de leurs aînés. Le surréalisme réunit aussi des personnalités très diverses, mélangeant les genres, décloisonnant les arts, inventant de nouvelles poïétiques : écriture automatique, collages, frottages, rayographies, mannequins… D’abord attirés comme les dadaïstes par les philosophies libertaires, ils cherchent à structurer leur engagement et se tournent vers le parti communiste, durant la montée des fascismes de l’entre-deux guerres. Le dilemme entre un art libre et la tentative d’un art « au service de la révolution »[4] auxquels ils ont été confrontés a penché en faveur d’un art indépendant doté d’une véritable force critique. L’artiste subversif, loin d’être un militant asservi à la propagande, crée librement une œuvre dont la polysémie soulève des questions d’ordre historique, sociologique, politique… Son seul mot d’ordre : le désir, symbole de vie et de révolte.

L’intérêt pour l’actualité, la lecture régulière de publications concernant l’art contemporain, les visites fréquentes dans les ateliers, les galeries et musées, les déambulations dans les villes et campagnes offrant « l’art à ciel ouvert » m’ont amenée à repérer des correspondances avec les avant-gardes qui ont ouvert une brèche dans l’histoire de l’art.  Leur caractère subversif influence encore aujourd’hui de nombreux artistes occidentaux sur le plan des formes, des sujets abordés ou des processus de création (citons Philippe Ramette, Cindy Sherman, Andreas Serrano, Wim Delvoye…) Néanmoins, le changement de contexte amène à redéfinir la subversion qui se transforme parfois en provocation chez les artistes actuels.

 Double jeu : nature et enjeux

La mise en place d’une méthode de recherche a été fondamentale afin d’approfondir cette intuition première. Tout d’abord, l’étymologie précise cette dialectique entre subversion et provocation : subversion vient du latin subvertere : renverser, bouleverser, mettre sens dessus dessous et le préfixe sub  indique une logique discrète, souterraine. Provocation vient du latin pro : en avant et vocare : appeler et entre davantage dans une logique démonstrative voire exhibitionniste. Ainsi, la subversion n’est pas nécessairement provocante et la provocation, pas nécessairement subversive. Le titre de cette thèse « double jeu » révèle cette ambiguïté conceptuelle. Il correspond également à la méthode de comparaison employée : mettre en tension ces époques, en montrer les continuités et les ruptures : les années 1910-1940 pour le dadaïsme et le surréalisme et les années 1980-2010 pour l’art contemporain car c’est à partir des années 1980 qu’il devient institutionnel et constitue un genre à part entière avec ses codes, ses institutions, ses réseaux de diffusion.

Tout l’intérêt de cette étude est de mêler une double approche : à la fois conceptuelle et historique. L’analyse du concept de subversion s’effectue à travers l’examen d’oeuvres de périodes différentes, une méthode qui conduit à éclairer plusieurs formes de subversion. La confrontation des œuvres amènent à repérer des correspondances sur le plan des thématiques : anticléricalisme, transgression de la morale, contestation des normes sociales, sexuelles et sur le plan des médiums : collages, ready mades, installations, environnements. Néanmoins, les artistes actuels, même lorsqu’ils revendiquent une filiation avec ces avant-gardes prennent conscience de leur posture postmoderne. Contrairement aux avant-gardes, groupe structuré avec un chef de file et un manifeste, les artistes contemporains occidentaux en vue affichent leur individualité et des esthétiques plus éclatées. Certains assument leur démarche appropriationniste : en 2013, Gilles Barbier détourne ainsi L’œil cacodylate de Picabia, respectant la composition originelle tandis que les signatures sont devenues des tampons, Sherrie Levine reprend le fameux urinoir de Marcel Duchamp mais change le matériau  : dans son œuvre After Marcel Duchamp (1991), la céramique se transforme en bronze, comme si elle inversait la logique du ready made, passant d’un objet banal à un objet sculptural à la matière noble. D’autres sont inspirés par l’humour et le jeu de mot des avant-gardes : dans le sillage dadaïste, le collectif Présence Panchounette s’attaque à tout esprit de sérieux et privilégie le mélange des genres. Dans leur installation Le poids de la culture[5], des livres remplacent les disques de fonte d’un banc de musculation. L’humour naît de l’introduction d’un objet dans un autre contexte que le sien, créant un effet insolite. Ici, le livre rappelant la sphère culturelle investit étrangement l’espace sportif. De plus, l’illustration d’une expression populaire au premier degré crée aussi un choc visuel et sémantique. Sous un aspect « potache », cette pièce interroge sur le rôle de la culture dans nos sociétés contemporaines. De plus, Présence Panchounette vise l’esthétique qui est une forme d’idéologie. L’autodérision devient sérieuse et fait naître une réflexion sur l’artiste, l’œuvre et le spectateur. D’autres artistes s’inscrivent encore dans l’activisme comme Gianni Motti qui joue le rôle du bouffon. Figure de l’artiste-parasite[6], il s’infiltre dans les brèches du pouvoir et exploite les médias pour diffuser ses actions. Celles-ci s’inscrivent dans le registre de l’absurde lorsque, par exemple, en juin 1992, il contacte l’agence Keystone et se déclare responsable du tremblement de terre qui provoque, entre autres, dans le désert californien, une fissure de soixante-quatorze kilomètres de long.[7] Il pose ainsi dans les journaux en détenu de prison, tenant un panneau sur lequel est inscrite la cause de son arrestation. Sur d’autres photographies, il montre à l’objectif un schéma révélant l’amplitude du séisme sur l’échelle de Richter. Ses actions peuvent apparaître plus politiques lorsqu’il parvient à s’infiltrer dans une session des Droits de l’Homme à l’ONU en novembre 1997 et prend la place du délégué indonésien absent. L’artiste trublion pénètre des territoires extérieurs au monde de l’art et ses bouffonneries ont un impact direct sur le réel (même s’il ne révolutionne pas le cours des choses, ce qu’il se garde de revendiquer). Ainsi, lors de cette session de l’ONU, Gianni Motti prend la parole en faveur des minorités et rallie à sa cause d’autres représentants provoquant l’interruption de la séance, en guise de protestation. Même si cette dernière performance semble être guidée par une finalité plus sérieuse que son « ready made tellurique »[8], les gestes de Motti empruntent au registre de la farce et se rapprochent des actions dadaïstes. Quant à Olivier Blanckart, ses invectives et ses performances provocantes ne sont pas sans rappeler les scandales surréalistes. Cependant, il agit seul et ne prétend pas à un élan révolutionnaire qui animait ses aînés.

Néanmoins, sa lutte farouche contre l’institution et la finance s’oppose à de nombreux artistes tels que Jeff Koons, Maurizio Cattelan, Damien Hirst, sponsorisés par les seigneurs des temps modernes. La subversion avant-gardiste qui rimait avec radicalité et innovation se transforme dans ce contexte en effet de style et prend une dimension spectaculaire. La subversion est alors atrophiée, stérilisée par le marché de l’art qui la phagocyte. En effet, lorsqu’elle est récupérée par un pouvoir, elle devient plus provocante que subversive et perd de sa portée irrévérencieuse. Ces relations contradictoires entre subversion et subvention selon l’expression de Rainer Rochlitz ont été au cœur de mes préoccupations, en particulier dans le troisième chapitre.

Méthode et plan

Cette approche transversale a débouché sur l’élaboration d’un plan en trois parties : la subversion-destruction dans laquelle sont abordés le contexte de la guerre et la naissance de pratiques imprégnées d’un humour iconoclaste et d’un nihilisme qui déboulonne les idoles. Cependant, la subversion ne peut être envisagée comme seule destruction. La table rase engendre à son tour d’autres poïétiques et éthiques développées dans le second chapitre : la subversion – construction. Les dadaïstes et les surréalistes mettent à mal l’ancienne beauté pour créer de nouveaux savoir-faires : ready mades, photomontages, mannequins, solarisations, frottages…Cependant, la mise en place de codes, aussi novateurs soient-ils, peut aussi se renverser en conventions. La subversion se transforme parfois en un impératif de création, un effet de mode, rejoignant alors la logique de la provocation. Celle-ci est exploitée par de nombreux pouvoirs : médiatiques, politiques et financiers ce qui nous a amenés à réexaminer la posture et l’engagement de l’artiste actuel dans le troisième chapitre intitulé la subversion – convention. Ces chapitres, loin d’être des catégories qui emprisonnent, favorisent les passages entre les trois notions.

Face à une bibliographie très dense portant sur une notion transversale et trois périodes, s’impose la nécessité d’opérer des choix et de hiérarchiser. Les ouvrages théoriques, les textes historiques, catalogues d’exposition, revues, émissions radiophoniques mais aussi écrits littéraires et philosophiques ont apporté différents éclairages sémantiques et plastiques. Ils constituent également de précieux outils en permettant d’éviter plusieurs écueils. Il s’agit tout d’abord de ne pas adopter un regard trop manichéen en restant prisonnier d’un passé nostalgique et en faisant l’apologie de l’artiste dadaïste et surréaliste, à l’engagement sincère, prenant des risques et en jugeant de manière moralisatrice l’artiste contemporain récupéré par le marché de l’art, cynique, opportuniste et uniquement provocateur. Au fil de cette étude, j’ai pu distinguer des œuvres contemporaines subversives comme Him de Maurizio Cattelan, davantage connu pour ses scandales gratuits. Cette installation se compose d’un mannequin de cire représentant un petit garçon agenouillé, les mains jointes dans une attitude de recueillement et de pardon. Le spectateur aperçoit la silhouette de dos et est amené à faire le tour pour découvrir le personnage de face. C’est à cet instant qu’il est pris de stupeur en découvrant le visage de Hitler. L’oeuvre pose des questions d’ordre éthique : peut-on reproduire Hitler sous les traits d’un enfant, expiant sa faute, lui qui dans l’insconscient collectif demeure un monstre ? Le titre Him à la fois impersonnel et dénonciateur traduit l’ambivalence de l’oeuvre. Celle-ci privilégie une complexité sur le plan plastique et sémantique. J’ai dressé plusieurs portraits d’artistes tout en dégageant des lignes de force et en constatant la mutation de la subversion en provocation chez certains artistes actuels de premier plan. La deuxième difficulté était de prendre en compte l’actualité avec une distance nécessaire à la posture du chercheur. Les attentats tragiques au siège de Charlie Hebdo dont j’ai été informée au moment de la correction d’une partie consacrée au « rire de résistance »[9] m’ont d’abord atteinte sur le plan émotionnel. Puis, lorsque l’émotion a laissé place à l’analyse, j’ai pu mettre en perspective cet événement avec mes travaux. Les passages consacrés au contexte de création et de réception des œuvres d’art déjà rédigés ont été mis en valeur, ce paramètre étant essentiel. La subversion et la provocation ne sont pas des essences immuables mais se définissent et se redéfinissent selon des critères, des règles, lois liées à un pouvoir politique, religieux, social ou artistique.

L’Esthétique : au carrefour des champs disciplinaires

Ce sujet de thèse m’a incitée à explorer différents territoires : l’esthétique bien sûr mais aussi la littérature, l’histoire, la philosophie, la sociologie, à emprunter des chemins de traverse, à développer une pensée « en archipel »[10], selon les mots du poète René Char. J’ai effectué des « pas de côté » en menant des activités différentes mais complémentaires : la mise en place d’un partenariat entre l’université Bordeaux Montaigne, le Centre Pompidou Mobile et la Région Aquitaine avec l’organisation d’une journée d’étude intitulée Utopies concrètes[11] et le commissariat d’une exposition intitulée Tangentes, la participation à un colloque international intitulé Transgression(s) organisé par l’ADEFFI[12] et à une journée d’étude portant sur la provocation organisée par la revue Les chantiers de la création de l’université de Provence à Aix en Provence[13], la préparation de l’exposition Le surréalisme et l’objet [14] aux côtés du conservateur Didier Ottinger lors d’un stage effectué en 2011 au Musée National d’Art Moderne. Je devais choisir les pièces contemporaines en écho avec les œuvres surréalistes : une application pratique de ma problématique de thèse. Les échanges avec les galeristes et les artistes ont affiné mon regard sur la scène artistique actuelle et la retranscription de l’entretien avec Arnaud Labelle-Rojoux (exposé dans le cadre du Surréalisme et l’objet) témoigne de la complexité de l’héritage dadaïste et surréaliste.

Toutes ces expériences concrètes renvoient au sens premier d’esthétique, à son étymologie aiesthesis : la science du sensible. Ma méthode a évolué entre le début du doctorat et la fin. Tout d’abord, je suis partie des concepts pour aller vers les œuvres puis j’ai pris le chemin inverse. La confrontation avec les œuvres dans toute leur matérialité, leur chair était nécessaire pour ne pas les emprisonner dans une grille de lecture et mener une approche sensible. A ce titre, l’esthétique est autant une pratique qu’une théorie. Cette pratique est avant tout celle du regard. Il est  le déclencheur du questionnement philosophique, il suscite une révolution de l’esprit. La dernière partie du troisième chapitre met en relief cette relation entre subversion du regard, érotisme et révolution.

La subversion privilégie un rapport érotique à l’œuvre tandis que la provocation recèle une dimension pornographique. Dans le troisième chapitre, les analyses des œuvres de Salvador Dalí et de Jeff Koons ou encore de Max Ernst et de Maurizio Cattelan visent à comparer les dispositifs plastiques. Ainsi, par exemple, la peinture de Max Ernst La vierge Marie donnant la fessée à l’enfant Jésus devant trois témoins qui semble beaucoup plus sage au premier abord que La Nona Ora de Maurizio Cattelan est en réalité la plus subversive. Elle joue subtilement avec les codes artistiques, religieux et moraux tout en introduisant des détails transgressifs qui font appel à un érotisme du regard. Celui-ci ne pénètre pas directement l’œuvre comme dans le cas de La Nona Ora mais se laisse séduire et égarer par les différents niveaux de lecture. Ce désir de voir débouche sur une émancipation du regard. Celle-ci va de pair avec une force révolutionnaire. L’Age d’or réalisé un an après Un chien andalou insiste plus particulièrement sur la putréfaction provoquée par la morale bourgeoise qui détruit les désirs et espoirs de l’homme. L’ « Amour fou »[15] devient une arme de combat qui défie les contingences sociales : « Mon idée générale en écrivant avec Buñuel le scénario de L’Age d’or a été de présenter la ligne droite et pure de « conduite » d’un être qui poursuit l’amour à travers les ignobles idéaux humanitaires, patriotiques et autres misérables mécanismes de la réalité. »[16] Luis Buñuel et Salvador Dalí font hommage à la puissance du désir amoureux, le seul propre à libérer l’homme. Ce désir incarne la révolte contre l’idée de patrie, de religion et de civilisation : « … À la violence dont nous voyons la passion amoureuse animée chez un être nous pouvons juger de sa capacité de refus, faisant bon marché de l’inhibition passagère où son éducation la maintient ou non, lui prêter mieux qu’un rôle symptomatique, du point de vue révolutionnaire. […] La frénésie tant décriée, hors de laquelle nous, surréalistes, nous pouvons, refusons de tenir pour valable aucune expression d’art… » [17]

Le parallèle entre la passion amoureuse et la subversion politique traverse le film. Cette puissance révolutionnaire du désir n’est pas seulement un thème mais une manière d’être au monde et de créer. « L’expression d’art » ne peut se concevoir sans cette « frénésie » essentielle, du côté de l’artiste comme du spectateur. L’Age d’or comme Un chien andalou fascinent l’oeil du spectateur et déclenchent un désir intense amoureux et révolutionnaire.

 Ce film symbolise le moteur de la subversion. Celle-ci est une relation vivante entre l’artiste, l’oeuvre et le spectateur. L’artiste doute, se remet en question pour éviter une répétition mortifère. Il crée une œuvre qui privilégie la suggestion, l’image absente faisant appel à l’imaginaire du spectateur qui complète ces espaces de réserve comme on le dirait pour une aquarelle. Cette œuvre l’amène à subvertir son propre regard, se situant toujours au-delà de ce qu’elle laisse entrevoir, « une subversion hors de soupçon »[18] comme l’écrit Edmond Jabès. La subversion est une éthique de vie, de création et de recherche. Toujours en mouvement, elle incite à déplacer notre regard et mettre à l’épreuve nos certitudes, et préconise de « se méfier en général de tout [savoir] qui menace de se fixer »[19] mais aussi de « tout art qui menace de se fixer. »


[1] L’auteur présente ici les principaux éléments de la thèse en Arts (Histoire, Théorie, Pratiques) qu’elle a soutenue devant l’Université Montaigne, Bordeaux III. Elle était dirigée par : Pierre Sauvanet (Bordeaux Montaigne) et Miguel Egaña (Paris I, Panthéon Sorbonne)

[2] Henri Béhar, Michel Carassou, Dada : histoire d’une subversion, Paris, Ed. Fayard, 2005.

[3] Marc Dachy, « Une poétique de l’insurrection », Dada & les dadaïsmes, Paris, Ed. Gallimard, 2004, rééd. 2011, p. 11-21.

[4] Le Surréalisme Au Service De La Révolution (SASDLR) est le titre donné à la revue surréaliste publiée sous la direction d’André Breton à partir de juillet 1930 jusqu’à mai 1933 et qui a succédé à la revue La Révolution Surréaliste parue du 1er décembre 1924 au 15 décembre 1929.

[5] Présence Panchounette, Le poids de la culture, 1983.

[6] Voir Parasite(s) : une stratégie de création, Paris, Ed. L’Harmattan, 2010.

[7] www.mamco.ch/artistes_fichiers/M/motti.html

[8] C’est ainsi que Gianni Motti qualifie sa performance où il se revendique responsable du tremblement de terre qui provoque une fissure de soixante-quatorze kilomètres de long dans le désert californien.

[9] Jean-Michel Ribes, Le rire de résistance : de Diogène à Charlie Hebdo, tome 1, Paris, Ed. Du Théâtre du Rond-Point, 2007.

[10] René Char, La parole en archipel, 1962.

[11] Utopies concrètes : les figures du cercle et du carré en art, architecture et sciences, journée d’étude organisée le 10 décembre 2012 à l’Hôtel de Région de Bordeaux. Conférences en ligne sur : http://webtv.u-bordeaux3.fr/sciences/utopies-concretes

[12] Colloque Transgression(s) organisé par l’Association Des Études Françaises et Francophones d’Irlande et l’université de Provence du 21 au 22 octobre 2011. Publication dans la revue Synergies Royaume-Uni et Irlande n°6 en ligne sur http://gerflint.fr/Base/RU-Irlande6/Article13Elisabeth_Spettel.pdf

[13] Journée d’étude La provocation organisée par la revue Les chantiers de la création de l’école doctorale « Langues, Lettres et Arts » de l’université de Provence le 13 février 2013. Conférence en ligne sur https://archive.org/details/LeschantiersdelacreationElizabethSpettel et article en ligne sur http://lcc.revues.org/532 « Splendeurs et misères de la provocation : une esthétique de la limite respectée ? ».

[14] Le surréalisme et l’objet, exposition présentée au Musée National d’Art Moderne du 30 Octobre 2013 au 3 Mars 2014, commissariat : Didier Ottinger.

[15] André Breton, L’amour fou, Paris, Ed. Gallimard, 1976.

[16] Revue-programme du Studio 28, reproduit en fac-similé dans L’Age d’or, correspondances Luis Buñuel – Charles De Noailles, Ed. Les Cahiers du Musée National d’Art Moderne, 1993 et reproduit sur le site http://www.cineclubdecaen.com/

[17] Texte signé des membres du surréalisme cité par Gaëtan Picon, Journal du Surréalisme : 1919-1939, Genève, Ed. Skira, 1976, p. 120.

[18] Edmond Jabès, Le petit livre de la subversion hors de soupçon, Paris, Ed. Gallimard, 1982.

[19] Friedrich Nietzsche, Le gai savoir, § 296, Paris, Ed. Flammarion, 2007.

CC

Nadja Cohen, Les Poètes modernes et le cinéma (1910-1930)

Cohen Nadja, Les Poètes modernes et le cinéma (1910-1930), Paris, Classiques Garnier, coll. « études de littérature des XXe et XXIe siècles », 2013, 449 p.

Recension par Léa Buisson

Issu d’une thèse de doctorat[1] dirigée par Jean-Pierre Bobillot à l’Université Stendhal-Grenoble 3, l’ouvrage de Nadja Cohen constitue un précieux document nous éclairant sur le rôle qu’a pu jouer le cinéma – « stupéfiant image[2] » porteur d’une mythologie propre à l’éclosion du XXe siècle – dans le discours poétique de la modernité. Spécialiste des rapports entre la poésie et les médias[3], l’auteure place d’entrée de jeu son étude « sous le signe d’Apollinaire, “prophète médiologique (p. 9)” » qui prédisait déjà, en juin 1917, la fin du livre imprimé, voué, selon lui, à être rapidement concurrencé par les productions phonographiques et cinématographiques. « Homme-époque » (p. 10, Nadja Cohen reprend ici une expression employée par Savinio dans une lettre de 1916 à Apollinaire), Apollinaire fait office de jalon pour l’analyse d’un corpus poétique français s’étendant de 1910 à 1930, qui est celui d’une génération littéralement sous l’emprise du medium cinéma, et appartenant à ce que François Albera désigne par « épistémè du cinéma », soit un « nouveau paradigme de pensée et de représentation qui innerve tout l’espace de la communication et de l’expression et dont le cinéma n’est point le tout mais la concrétisation la plus achevée, qui l’éclaire de ce fait mieux que quiconque[4] ». Partant du constat qu’il n’existe à ce jour que très peu de travaux consacrés aux relations entretenues par les poètes modernes avec le cinéma, Nadja Cohen nous propose un ouvrage qui ne se limite pas à l’analyse d’œuvres appartenant au mouvement surréaliste – dont on connaît la passion pour le septième art, et cela dès ses débuts –, mais qui tente de « défricher un terrain critique encore presque vierge tout en soulignant à la fois les phénomènes de continuité et les divergences entre l’avant et l’après-guerre, mais aussi l’avant et l’après-Manifeste de 1924 » (p. 20). Choisissant une « optique générationnelle » (p. 20), plutôt qu’un mouvement littéraire en particulier, cet ouvrage met en avant aussi bien certains protagonistes du surréalisme – avec l’analyse de textes de Louis Aragon, Robert Desnos, Antonin Artaud et Philippe Soupault – que des poètes modernistes d’horizons variés mais ayant manifesté un profond attachement pour le cinéma – comme Max Jacob, Blaise Cendrars, Henri Michaux et Pierre Reverdy –, ou d’autres, moins connus, comme Benjamin Fondane et Pierre Albert-Birot.

Poésie et cinéma : une rencontre

Souhaitant couvrir un phénomène de grande envergure, aussi bien esthétique qu’historique et culturel – voire anthropologique –, Les Poètes modernes et le cinéma est composé de trois grandes parties qui ont la qualité de faire s’articuler astucieusement réflexions théoriques et études de cas. La première d’entre elles, intitulée « Poésie et cinéma au début du XXe siècle : les raisons d’une rencontre », s’attache à expliquer ce qui put aimanter si irrésistiblement les poètes modernes au cinématographe, divertissement initialement populaire et anti-intellectuel, mais témoignant d’une perpétuation « du goût romantique pour les arts dits primitifs et, plus directement, dans la lignée des revendications provocatrices de Rimbaud (p. 29) ». Après avoir survolé la généalogie d’une tradition poétique moderne captivée par la trivialité des arts populaires et les « refrains niais[5] », Nadja Cohen consacre une sous-partie à la poétique baudelairienne et au phénomène de « prosaïsation » de la poésie, terme qui « présente […] l’intérêt de faire entendre à la fois le mot “prose” et l’adjectif “prosaïque” (p. 34) », et qui désigne la contamination du vers par la prose, mais aussi le renouvellement des sujets poétiques, du lexique et du niveau de langue, ouvrant sur une poésie du quotidien. Baudelaire fut de ce fait l’initiateur d’une poésie de (la) circonstance, mais son projet se démarqua grandement de celui des avant-gardes de 1910, en ce qu’il pensait encore pouvoir extraire de sa pratique scripturale une forme d’éternité.

Par ailleurs, les relations entre poésie et journalisme constituent un jalon important dans la genèse du modernisme, des poètes comme Apollinaire ou Cendrars considérant le « lyrisme visuel » des affiches publicitaires comme un « moyen d’élargir le champ d’action de la poésie (p. 52) », rejoignant en cela les manifestes futuristes, ainsi que les expérimentations picturales cubistes. Bien que « [l]a valorisation de la culture populaire et l’éloge du banal [soient] un des points de rencontre entre le modernisme et le premier surréalisme (p. 61) », un usage différent sera fait de la réclame par les futurs surréalistes, qui la considéreront avant tout comme une « puissance de mort » de laquelle résulte une « poésie-activité de l’esprit (p. 57. La seconde expression est de Tristan Tzara.) ». En outre, l’une des caractéristiques les plus notables de la poésie moderniste consiste en la remise en question du lyrisme personnel, le sujet poétique étant appelé à se dissoudre dans l’anonymat de la foule « avec laquelle il vibre à l’unisson (p. 70) ». Partant, le problème de la simultanéité taraude les poètes – en témoignent les « poèmes-conversations » d’Apollinaire –, à l’instar d’une volonté de produire une poésie objective qui semblerait jaillir naturellement de l’immanence des choses et du monde, et non d’un « je » lyrique. Et c’est ici qu’entre en jeu le medium cinéma qui, au moment de sa naissance, est « [p]erçu non comme un art mais comme une machine à enregistrer le réel », et se révèle ainsi « un modèle esthétique rêvé dans le cadre de la revendication d’une poésie objective, où le sujet lyrique s’effacerait pour céder la place aux faits et aux images (p. 86) ».

Après avoir dressé un panorama des différentes technologies pré-cinématographiques, Nadja Cohen entre de plain-pied dans l’histoire du cinéma des premiers temps, commençant par opposer deux conceptions très différentes, soit le « film documentaire et réaliste des “vues” Lumière » et le « film onirique et illusionniste, riche en trucages, de Georges Méliès » (p. 110), pour ensuite analyser diverses strates du discours sur le cinéma en ce début de siècle. Divertissement populaire par excellence, le cinématographe est d’abord dédaigné par la bourgeoisie, entre autres raisons parce qu’il serait, et cela depuis sa naissance, associé à une forme de violence physique et/ou psychique. Peu valorisé socialement, ce nouveau type de spectacle souffre également de la faiblesse des films produits, qui, compte tenu d’une technique encore balbutiante, s’apparentent davantage à du théâtre filmé. Bien que l’apparition progressive d’un public d’esthètes contribuera à l’émergence de la cinéphilie dans les années 1920, les détracteurs de cette « école du vice[6] » n’auront de cesse d’envahir les journaux de leurs discours « édifiants », pour la plupart péjoratifs. Enfin, achevant ce premier chapitre, l’auteure se penche sur les modalités de la vision moderne, soulignant notamment le rôle crucial joué par les théories bergsoniennes dans l’élaboration de plusieurs conceptions philosophiques et artistiques : Bergson a de la sorte « contribué à imposer les paradigmes photographique et cinématographique comme analogies privilégiées avec le processus de la mémoire » (p. 141).

« Projection et projectile : le cinéma et l’homme moderne. Vitesse, violence et subversion »

La deuxième grande partie de cet ouvrage, intitulée « Projection et projectile : le cinéma et l’homme moderne. Vitesse, violence et subversion », porte sur la conjonction même du cinéma et de l’homme moderne. Elle fait la part belle à Walter Benjamin, pour qui le septième art était à l’origine d’une « esthétique du choc », bien que le philosophe n’ait jamais condamné ce medium, car, selon lui, comme l’avait déjà fait l’œuvre dadaïste, le film mettait en œuvre un « choc traumatique » (p. 177), mais cette fois-ci sur un plan perceptif et non moral, le cinéma ayant pour but de « délivrer l’effet de choc physique de la gangue morale où le dadaïsme l’avait en quelque sorte enfermé[7] ». En parfaite adéquation avec l’expérience moderne de la vie urbaine, le cinéma agissait donc comme un révélateur de ses attributs, en premier lieu la vitesse :

« Le Cinéma, venu au monde avec ces machines, machine lui-même et l’une des plus belles, perçoit mécaniquement la photogénie mécanique. Une fraternité curieuse rapproche l’invention prodigieuse de la reproduction du mouvement de ces autres inventions qui ont porté le mouvement à sa limite la plus intense[8]. »

Le cinéaste et critique français Jean Tedesco analyse avec justesse ce qui participera de l’engouement de bon nombre d’artistes et de poètes pour un medium qui semblait prendre en charge et devancer l’évolution de l’appareil sensoriel humain requise par l’ère mécanique et citadine. Grand admirateur du cinématographe, Aragon soulignait déjà, dans Le Paysan de Paris, l’ampleur de la contrainte adaptative imposée à l’être humain par la fulgurance moderne : « [Les effets de la vitesse] modifient à un tel point celui qui les éprouve qu’on peut à peine dire […] qu’il est le même qui vivait dans la lenteur[9] ». L’éloge de l’énergie se situe ainsi en plein cœur de la polarisation des poètes vers le medium cinéma, certains personnages mythiques, tels Charlot ou Fantômas, incarnant – chacun à sa manière – un idéal de rapidité et d’efficacité propre au film d’action. Et c’est à point nommé que Nadja Cohen met en lumière les travaux méconnus de Jean Epstein sur le cinéma et la poésie, deux essais[10] qui cherchent à démontrer que les poètes modernistes ont donné la prééminence à la sensation plutôt qu’à l’idée, « l’émotion étant un levier de mise en marche du cerveau d’un rendement bien supérieur à l’intelligence » (p. 186). Bien que ses théories manquent de précision et s’avèrent parfois quelque peu fantaisistes, le futur cinéaste est convaincu que la poésie moderne et le cinéma sont faits pour s’entendre à merveille, et, par conséquent, rêve d’une collaboration fructueuse entre ces deux arts « où prédominent les notions de vitesse, de choc, et de sensualité » (p. 187). Mais la vitesse n’est pas l’unique vecteur d’enthousiasme entre la poésie et le cinéma, ce divertissement absorbant largement son public grâce au climat subversif qui l’englobe dès ses débuts. Violence et érotisme sont par conséquent au rendez-vous de la dernière partie clôturant la deuxième grande section de l’ouvrage, l’auteure examinant plusieurs cas spécifiques, cheminant de l’imaginaire sensuel – voire obscène – des salles obscures au mythique maillot noir de Musidora.

Poésie et cinéma : étincelles ou effectivité ?

La dernière grande section de cette étude, titrée « Le cinéma : outil polémique ou instrument de renouvellement esthétique ? », se propose d’analyser les résultats effectifs d’une rencontre poésie/cinéma, circonscrite et analysée avec précision dans les deux sections précédentes – principalement sur les plans historiographique et anthropologique. Au-delà des affinités électives qui sont celles de ces deux media, il s’agit à présent de comprendre quels sont les véritables enjeux et les retombées esthétiques de ce confluent artistique. Pour ce faire, l’auteure choisit de procéder à une analyse en trois temps, s’attardant en premier lieu sur l’ambivalence du discours poétique portant sur le cinéma. En effet, les poètes avant-gardistes – tels Aragon, Cendrars, ou encore les dadaïstes –, ont toujours exprimé leur préférence pour un cinéma populaire, finissant par cultiver un « dandysme de l’anti-culture (p. 262) » qui prendra une ampleur particulière chez les surréalistes :

« Alors pourquoi aller au cinéma sinon pour y découvrir, comme dans les paysages, les enseignes, les affiches, les maisons en démolition, les gros titres des journaux, des choses (ou des films) qui soient surréalistes, mais sans que les auteurs aient jamais entendu parler de notre mouvement[11]. »

Peu importe, donc, la qualité du film, le cinéma joue le rôle d’une corne d’abondance pourvoyeuse d’une matière susceptible de se métamorphoser en merveilleux surréaliste. Mais Breton ira encore plus loin, puisqu’il affichera à plusieurs reprises un mépris caractérisé pour le cinéma, l’éloge de son « idiotie » n’étant pas, à première vue, une panacée qui légitimerait le septième art : « Je dois confesser mon faible pour les films français les plus complètement idiots. Je comprends, du reste, assez mal, je suis trop vaguement. Parfois cela finit par me gêner, alors j’interroge mes voisins[12]. » Il faut bien reconnaître que l’usage qui est fait ici du cinéma relève davantage d’un goût pour le scandale que d’un réel parti pris cinématographique. Par la suite, il sera d’ailleurs reproché aux surréalistes d’avoir complètement ignoré la réalité technique et matérielle de ce nouveau medium, de s’être contentés de rêvasser en « consommant » de la pellicule sans but précis.
Dans un second temps, Nadja Cohen fait l’état des lieux de cette relation pour le moins ambiguë et recense les réflexions théoriques et esthétiques majeures engendrées par plusieurs poètes s’étant momentanément mués en penseurs du cinématographe. Il en ressort avant toute chose un intérêt significatif pour la visualité du cinéma, et, symétriquement, un rejet massif de l’élément narratif, duquel découle, très logiquement, un refus de toute forme de théâtre filmé. Ce pan critique du cinéma, issu du champ poétique, plaide souvent pour un « lyrisme de la matière » (p. 311), vouant un culte certain à la technique du gros plan, car « [c]ette nouvelle vie des objets ouvre la voie à une nouvelle esthétique du fragment, où l’hyperréalisme engendre l’abstraction. En effet, la médiation de la machine permet d’accéder à la profondeur de l’objet, à son intimité » (p. 309). Medium éminemment visuel, le cinéma que les poètes portent aux nues se doit d’être silencieux, la mutité ouvrant plus aisément les portes du merveilleux et de l’inconscient, il s’ensuit un affranchissement du logos et des contraintes corrélatives à la logique et à la raison.

Polysémie du cinéma

Objet de réflexion consacré de l’avant-garde poétique[13], le cinéma, réservoir d’images au « caractère alogique et pulsionnel » (p. 325), a fasciné sans pourtant jamais devenir une véritable menace pour le langage et l’écriture, les surréalistes ayant notamment fait de cet art un « adjuvant du renouvellement » (p. 326) qu’ils souhaitaient si ardemment. C’est pourquoi Nadja Cohen, alors que sonne l’heure des bilans, préfère parler de confluence plutôt que d’influence, s’agissant du cinéma et de la poésie. Et, finalement, afin de mettre en lumière la production artistique tangible résultant de cette singulière rencontre, l’auteure entreprend l’analyse détaillée d’une sélection de scénarios, « poèmes cinématographiques » et « ciné-poèmes[14] », qui constituent peut-être les seules traces résiduelles d’une passion somme toute avortée. Concluant son ouvrage avec une série d’études textuelles et transmédiatiques fort subtiles[15], Nadja Cohen cherche à souligner l’ambiguïté terminologique du substantif « cinéma » dans l’esprit des différents poètes modernes appartenant à son corpus, « le terme ne désign[ant] que rarement l’art visuel tel que nous le connaissons (p. 399) ». À l’orée du XXe siècle, l’apparition d’un tel dispositif optique innovant, capable tout à la fois de capter des vues animées et de les projeter ensuite sur un écran, bouleverse considérablement la place et le rôle de l’artiste. Divertissement populaire élu par une frange d’intellectuels, de poètes et de plasticiens, l’arrivée de ce medium visuel inédit a permis de relancer, puis de nourrir les questionnements sur l’efficacité ou les failles éventuelles du langage, venant concurrencer la « fonction imageante (p. 399) » de la poésie, et l’invitant donc à se surpasser. Cependant, ne se limitant pas à la réflexion théorique, les poètes visités dans cet ouvrage regorgent d’inventivité et créent de nouvelles formes poétiques – souvent inspirées du scénario –, ces textes hybrides représentant désormais une archive de taille pour mesurer l’ampleur d’un phénomène propre à une époque donnée, où le cinéma se fait « le cadre cognitif à travers lequel le XXe siècle pense sa propre culture[16]. »


[1] Nadja Cohen, « Place et effets du cinéma dans le discours poétique de la modernité », thèse de doctorat soutenue le 1er décembre 2010.
[2] Expression citée en quatrième de couverture et provenant du Paysan de Paris de Louis Aragon, Gallimard, coll. « Folio », 2007 [1926], p. 82.
[3] Voir à ce sujet les actes du colloque qu’elle a co-organisé en 2008 à la Sorbonne : Poésie et médias : XXe-XXIe siècles, Paris, Nouveau monde éditions, coll. « Culture-médias », 2012.
[4] François Albera, L’Avant-garde au cinéma, Paris, Armand Colin, coll. « Armand Colin cinéma », 2005. Cité par Nadja Cohen, op. cit., p. 23.
[5] Arthur Rimbaud, « Alchimie du verbe », Une Saison en Enfer, Gallimard, coll. « Poésie », 1999, p. 139. Cité par Nadja Cohen, op. cit., p. 33.
[6] Édouard Poulain, « Contre le cinéma, école du vice et du crime. Pour le cinéma, école d’éducation, moralisation et vulgarisation », Imprimerie de l’Est, Besançon, 1918. Cité par Nadja Cohen, op. cit., p. 136.
[7] Walter Benjamin, L’Œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique, dans Œuvres III, Gallimard, Paris, coll. « Folio essais », 2000 [1935], p. 97. Cité par Nadja Cohen, op. cit., p. 177.
[8] Jean Tedesco, « Le cinéma, expression de l’esprit moderne », Cinéma-Ciné pour tous, n° 82, avril 1927. Cité par Nadja Cohen, op. cit., p. 179.
[9] Louis Aragon, op. cit., p. 146. Cité par Nadja Cohen, op. cit., p. 181.
[10] Bonjour cinéma et La poésie d’aujourd’hui, un nouvel état d’intelligence, tous deux parus en 1921 [réédités en 1974-1975 et 2014].
[11] Georges Sadoul, « Souvenirs d’un témoin », Études cinématographiques, n° 38-39, 1965, p. 10. Cité par Nadja Cohen, op. cit., p. 263.
[12] André Breton, Nadja, dans Œuvres complètes, t. 1, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1988 [1928], p. 663. C’est Breton qui souligne. Cité par Nadja Cohen, op. cit., p. 264.
[13] Entre autres Pierre Albert-Birot, Blaise Cendrars, Pierre Reverdy, Louis Aragon, Robert Desnos, Antonin Artaud, ou encore Benjamin Fondane.
[14] L’Étoile de mer de Desnos/Man Ray, La Coquille et le clergyman d’Artaud/Dulac, La Bréhatine d’Apollinaire, La Perle fiévreuse de Cendrars, Les dix-huit secondes d’Artaud, etc.
[15] À ce titre, la belle trouvaille de « l’homophonie entre “verre” et “vers” qui met en relation les composantes matérielles du film et celles du poème » L’Étoile de mer est exemplaire (cf. p. 335).
[16] Philippe Ortel, « L’envers du cinéma dans la poésie de Pierre Reverdy », Poésie et médias, op. cit., p. 33. Cité par Nadja Cohen, op. cit., p. 400.

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Journées d’études 2015-2016 – « Rebelles du surréalisme »

« Rebelles du surréalisme »
Journées d’étude organisées par l’APRES

(Association pour l’étude et la recherche du surréalisme) avec le soutien de l’université Paris VIII.
Toutes les séances, sauf la première, se tiendront à l’INHA, Salle Giorgio Vasari.

Samedi 28 novembre 2015

(journée organisée par Henri Béhar et Françoise Py)
À l’occasion de l’exposition TRISTAN TZARA, L’HOMME APPROXIMATIF, POÈTE, ÉCRIVAIN D’ART, COLLECTIONNEUR
qui se tiendra à Strasbourg, MUSÉE D’ART MODERNE ET CONTEMPORAIN,
du 24 SEPTEMBRE 2015 au 17 JANVIER 2016,
l’APRES consacrera une journée d’étude à l’œuvre poétique de Tristan Tzara,
le samedi 28 novembre 2015, de 10h à 19h,
INHA, salle Walter Benjamin.

10-11 : Henri Béhar : Pourquoi L’Homme approximatif ?
11-12 : David Christoffel : Dėchansons en chœur, Tzara et la musique.
12-13 : Catherine Dufour : « l’intertexte du monde » dans les Vingt-cinq poèmes
14-15 : Eddie Breuil : Mouchoir de nuages : « la plus remarquable image dramatique de l’art moderne » (Aragon).
15-16 : Émilie Frémond : Lecture de Grains et Issues.
16-17 : Marc Kober  sur Où boivent les loups
17-18 : Gabriel Saad sur Personnage d’insomnie
18-19 : Maryse Vassevière sur La Fuite

Samedi 23 janvier 2016

(journée organisée par Henri Béhar et Françoise Py)
Matin : 10h30-12h30
John Westbrook : Monnerot, l’exorbitant exorbité
Marc Décimo : Marcel Duchamp est-il rebelle ?

Après-midi : 14h-18h : André Masson, le rebelle du surréalisme
Martine Créac’h : André Masson, rebelle ?
Pascal Bonafoux : André Masson, M comme Masson et M comme Merci
Film de Fabrice Maze en sa présence : André Masson, le peintre en métamorphose : 1941-1987 (70’).
Table Ronde avec le réalisateur, Martine Créac’h, Pascal Bonafoux, Henri Béhar et Françoise Py

Samedi 2 avril

(journée organisée par Françoise Py)
Matin :
10h30-11h30 : Annie Richard : Gisèle Prassinos ou la subversion tendre.
11h30-12h30 : Basarab Nicolescu : René Daumal, de la révolte à l’accomplissement.
Après-midi :
14h-15h : Klaus H. Kiefer : Carl Einstein et le surréalisme.
15h-16h : Anne Foucault : En marge du surréalisme, un dandy solitaire et voyageur, Claude Tarnaud.

Samedi 21 mai

(journée organisée par Françoise Py)
Matin : 10h30-12h30
Astrid Ruffa : Salvador Dali et ses « mythes » rebelles
Georges Bloess : Klee surréaliste? «Petit voyage » au «royaume de l’entre-deux »

Après-midi : 14h-18h : Raymond Queneau, rebelle ?
François Naudin : Queneau dissident
Valeria Chiore : Raymond Queneau, André Breton, parcours croisés
Projection du film de Jacques Rutman : Queneau, une belle vie (60′) Présentation du film par le réalisateur.
Table Ronde avec le réalisateur, Valeria Chiore, Astrid Ruffa et François Naudin.
Synthèse des journées sur les surréalistes rebelles par Henri Béhar, Françoise Py, Gabriel Saad et Maryse Vassevière.
INHA, Galerie Colbert, 2 rue Vivienne, 6 rue des Petits Champs, 75002 Paris.
Métros : Bourse, Pyramides, Palais Royal.
Accueil des participants et du public dès 10h15.

De Tristan Tzara à Ghérasim Luca …

De Tristan Tzara à Ghérasim Luca : Impulsions des modernités roumaines au sein de l’avant-garde européenne

Nicole MANUCU, De Tristan Tzara à Ghérasim Luca : Impulsions des modernités roumaines au sein de l’avant-garde européenne, Paris, Honoré Champion, 2014, 260 p. « Bibliothèque de Littérature Générale et Comparée ».
Recension par Valentina Karampagia

   Dans ce dense essai, suivi d’une riche bibliographie, l’auteur tente de caractériser soigneusement la place de la littérature roumaine du XXe siècle dans l’espace européen, en suivant le fil des avant-gardes roumaines et de la façon dont elles résonnent dans le paysage littéraire français de l’avant et de l’après-Guerre. L’auteur se penche sur le cas de deux poètes roumains d’expression française, qui ont laissé une trace – étrange, étrangère, inclassable – dans la littérature française moderne : Tristan Tzara et Ghérasim Luca.

     Une question traverse de part en part cette étude historico-esthétique, pouvant résumer à elle seule le paradoxe de ce kaléidoscope ou jeu de forces qu’est l’Europe et qui s’énonce ainsi : « comment un espace aussi petit, perçu comme démuni et arriéré, devient le lieu, où épisodiquement, la nouveauté et la modernité s’inventent aussi ? ». Cette question pourrait se poser, au fond, aussi bien dans le cas d’autres littératures nationales de la « périphérie » européenne. Elle est d’une forte actualité dans un espace complexe, comme celui de l’Europe, où l’autre face des passerelles entre économies, cultures et langues est l’opposition entre centre et périphérie.

   Cette question, Nicole Manucu la traite en deux temps : dans un premier temps, elle s’essaie à problématiser la définition des termes « modernité » et « avant-garde », en soulignant leur complexité, leurs emboitements et dissociations et les catégorisations inadéquates dans lesquelles elles figent, souvent, l’art. Tout cela est ancré dans un continent argumentatif profondément historicisé et contextuel : la Roumanie du Dada et du Surréalisme, présentée comme une terre tenaillée entre tradition et innovation, appartenance à la nation et ouverture à l’Europe, langue unitaire d’un passé latinisant et idiomes pluriels de diverses populations et minorités. L’auteur soutient que la tentative de la Roumanie du début du XXe siècle de « récupérer son retard » par rapport à l’Occident « civilisé », engendrera une confrontation intense entre spécificité locale et libéralité transnationale, qui marginalisera indistinctement les forces vives de la tradition. Ces forces vives, les avant-gardes littéraires roumaines les réhabiliteront dans la langue, prouvant par-là, leur insituable lien à l’histoire et à la notion même de modernité. Effectivement, si moderne signifie « être de son temps », les avant-gardes roumaines autour de la revue Urmuz, le Cabaret Voltaire, la revue 75 H.P. et Tristan Tzara, ainsi qu’autour des peintres comme Victor Brauner et Jacques Hérold ou du « Groupe des cinq » et des écrivains et peintres surréalistes comme Ghérasim Luca, Gellu Naum et Dolfi Trost, défient cette identification à l’air du temps, étant précisément non–identifiables, parce qu’à la fois en avance et en retard ; en avance par l’accueil des nouvelles esthétiques européennes, et plus particulièrement françaises, et en retard par le repeuplement de l’art savant par des caractéristiques d’art populaire. Le dialogue avec le surréalisme français, le gout prononcé pour la francophonie qui donnera lieu, dans les cercles avant-gardistes roumains, à la rédaction de textes directement en français, participent de cette identité hétérogène de la modernité roumaine, comme le démontre l’auteur.

   Dans un deuxième temps, l’étude se centre sur une approche interprétative de poèmes de Tristan Tzara et de Gherasim Luca, deux écritures différentes et singulières en elles-mêmes, dans lesquelles se télescopent quelques-uns des traits de l’avant-garde roumaine du XXe siècle : affranchissement des frontières nationales, cosmopolitisme, contestation des usages balisés du langage et des institutions. Si une distance certaine sépare chronologiquement et stylistiquement l’écriture des deux auteurs, elle n’est aucunement effacée dans l’analyse de Nicole Manucu, qui fait précisément de cette distance la marque significative de l’aspect inclassable des avant-gardes roumaines. Tzara et Luca, poètes qui ont choisi d’écrire dans leur langue d’accueil, le français, s’arrachant à leur terre d’origine et aux représentations qui lui étaient propres, développent dans la langue française un rapport subversif au langage et, par-là même, au monde. En cela, comme le signale l’écrivaine, l’auteur de « la pensée se fait dans la bouche » rencontre celui de « théâtre de bouche », tous deux entrevoyant dans la plasticité du langage, le véritable vecteur de la pensée.

     En dissociant la réelle modernité opératoire dans l’écriture de Tzara de l’assignation « moderne » des manuels scolaires et des encyclopédies, Nicole Manucu s’attache à revivifier la dimension non canonique de l’œuvre du fondateur de Dada, en montrant que ces discours qui légitiment son travail finissent par le décontextualiser, le figer et le priver même de son sens premier : un rapport étrange à la modernité qui est dans une continuité créative avec la tradition. Quant à Gherasim Luca, l’auteur souligne de façon sensible et en dialogue constant avec ses poèmes, le parti-pris de cette écriture performative : mettre en branle l’aspect phonique, phonétique et sémantique de la langue, déployer son infinie capacité de transformation, creuser sa matérialité pour faire émerger « l’in-vu », « l’in-su » et « le non-entendu » et « retourner la puissance des poèmes contre le plomb des discours ». Ces interprétations qui entendent dans la langue de Luca le désir d’habiter le monde autrement, sont accompagnées d’une présentation de poèmes inédits provenant de la bibliothèque Jacques-Doucet. Ainsi, en rapprochant ces deux déracinés du sol et de la langue maternelle, Tristan Tzara et Gherasim Luca, Nicole Manucu s’essaie à cerner la propension des avant-gardes à penser le langage comme une expérience de métamorphose de soi et des conceptions de l’autre, comme une transgression de ce qui est donné d’avance.

   Dans sa conclusion, l’auteur revient sur ses intentions, à savoir distinguer la modernité – en tant que notion quantitative et historique – de l’avant-garde, en tant que notion qualitative et esthétique, souligner leurs éventuels recouvrements et leurs dissonances et surtout esquisser le portrait singulier des avant-gardes littéraires roumaines, qui, loin du « modèle hiératique de l’Occident », nous parlent encore aujourd’hui, en traversant le temps, de ce qu’il ne faut jamais oublier : le besoin de ré-habiter les langues.

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Bibliographie 2015 des œuvres disponibles

Bibliographie des ouvrages numérisés ou mis en place par Henri Béhar

Je pense être utile à tous mes lecteurs en récapitulant, dans le tableau ci-joint, l’ensemble des ouvrages que j’ai numérisés ou fait numériser et placés sur les deux sites dont je m’occupe.

Télécharger au format PDF la liste des Livres numériques_HB

Ne manquez pas d’utiliser la Base de données « Surréalistes de tous les pays » et les Tracts surréalistes, cela vous permettra de dire à quel titre telle personne est (ou n’est pas) surréaliste.
Outre ces ouvrages consacrés au surréalisme, il est conseillé de consulter les Tables de la revue Europe: http://www.cavi.univ-paris3.fr/europe/c_tables.htm
et de se procurer mon chef d’oeuvre en matière de documentation numérique, le DVD de la revue Europe (1923-2000): http://www.europe-revue.net/le-dvd.html
Œuvres numérisées disponibles. Classement par ordre alphabétique d’auteur.
Les revues sont rangées au nom de leur directeur.

NOM Prénom Titre Rubrique Disponibilité Hyperlien
Adamov AR Discontinuité n°1 (revue) Bibliothèque numérique surréaliste Téléchargement https://melusine-surrealisme.fr/wp/?cat=15
Adamowicz Elsa La bibliographie d’André Béhartitudes Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=111
Apollinaire Guillaume Alcools Cap’agreg Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=180
Aragon Louis Littérature n°1 à n°20 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Litterature/litteratureIndex.htm
Arsen René J. Les fous du feu ou Le feu des purs.Polar mécréant Béhartitudes Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=140
Bagros Cyril L’espace surréaliste Pas Perdus Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=238
Bédouin Jean-Louis Qui vive (Revue) Bibliothèque numérique surréaliste Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/site/Qui_vive.htm
Béhar Henri Du côté de chez Swann de Marcel Proust Le Savoir dans les poches Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?cat=33
Béhar Henri Le dictionnaire André Breton, table des entrées Classiques Garnier Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=418
Béhar Henri Le Surréalisme dans la presse de gauche Editions, publications diverses Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?cat=37
Béhar Henri Les Clés d’A la Recherche du temps perdu de Marcel Proust Le Savoir dans les poches Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?cat=33
Béhar Henri Les Clés d’Ubu Roi Alfred Jarry Le Savoir dans les poches Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=395
Béhar Henri Tracts surréalistes Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Tracts_surr_2009/Tracts_surrealistes_Menu_2009.htm
Béhar Henri Les Cultures de Jarry Bibliographie Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?cat=42
Breton André La Brèche n°1 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/LaBreche/La_Breche_index.htm
Breton André La Brèche n°2 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/LaBreche/La_Breche_index.htm
Breton André La Brèche n°3 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/LaBreche/La_Breche_index.htm
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Breton André Le Surréalisme eau service de la révolution n°1 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Surr_au_service_dela_Rev/Surr_Service_Rev.htm
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Breton André Le Surréalisme eau service de la révolution n°5 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Surr_au_service_dela_Rev/Surr_Service_Rev.htm
Breton André Le Surréalisme eau service de la révolution n°6 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Surr_au_service_dela_Rev/Surr_Service_Rev.htm
Breton André Littérature n°1 à n°20 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Litterature/litteratureIndex.htm
Breton André Littérature Nouvelle série, n°1 à n°13 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Litterature/litteratureIndex.htm
Breton André Index des Œuvres complètes Béhartitudes Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=304
Breton André La  Rue (revue en réponse à l’Homme révolté d’A. Camus) Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Camus_Breton_La%20Rue.htm
Breton André La  Rue (revue en réponse à l’Homme révolté d’A. Camus) Bibliothèque numérique surréaliste Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/site/Camus_Breton_La%20Rue.htm
Brunet Etienne Index et concordances Paul Eluard Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Index/Index_Eluard_Menu_2009.htm
Brunet Etienne Tracts surréalistes Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Tracts_surr_2009/Tracts_surrealistes_Menu_2009.htm
Camus Albert La  Rue (revue en réponse à l’Homme révolté d’A. Camus) Bibliothèque numérique surréaliste Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/site/Camus_Breton_La%20Rue.htm
Camus Albert La  Rue (revue en réponse à l’Homme révolté d’A. Camus) Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Camus_Breton_La%20Rue.htm
Collectif Anonyme Banque de données des surréalistes de tous les pays Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Surr-ts-pays/somsurr-ts-pays.htm
Crevel René Babylone, (1927) Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/CrevelBabylone2.html
Crevel René Détours, (1924) Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/CrevelDetours.html
Crevel René Essais et artciles ( 115) Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/EspritRaisonCrevel/MenuEspritRaison.htm
Crevel René Êtes-vous fous ?,(1929) Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/CrevelEvsFous.html
Crevel René La Mort difficile, (1926) Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/CrevelMortdiff.html
Crevel René Le Clavecin de Diderot Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/CrevelClavecin.html
Crevel René Le Roman cassé, (1934-1935) Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/CrevelRomanCasse.html
Crevel René Les Pieds dans le plat, (1933) Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/CrevelPiedsdans%20le%20plat2.html
Crevel René L’Esprit contre la raison, (1927) Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/CrevelEsprit.html
Crevel René Mon corps et moi, (1925) Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/CrevelMonCorps.html
De Vries Her Les premières éditions de « Fata Morgana » d’André Breton Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/FataMorgana.htm
Éluard Paul Capitale de la douleur Béhartitudes Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=145
Ghorbel Wafa Jasmin noir Béhartitudes Téléchargements http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?cat=4
Goutier Jean-Michel Benjamin Péret Béhartitudes Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=292
Jean Marcel Mnésiques Béhartitudes Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=155
Limat-Letellier Nathalie L’intellectuel surréaliste (après 1945) Pas Perdus Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=249
Malespine Émile Le Ciel n’est pas encore bleu, pièce suridéaliste en un acte Béhartitudes Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=280
Mayoux Jehan La rivière Aa Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/menu_text1.html
Passeron René L’Amour révolte Béhartitudes Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=43
Péret Benjamin A tâtons, 1946 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/A%20tatons.htm
Péret Benjamin Air mexicain, 1952 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Air%20mexicain.htm
Péret Benjamin Au 125 BD Saint-Germain, 1922 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/125%20Bd%20St-Germain.htm
Péret Benjamin Au paradis des fantômes, 1933 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Au%20paradis%20des%20fantomes.htm
Péret Benjamin Autres poèmes, 1933-1959 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Autres%20poemes.htm
Péret Benjamin Ces animaux de la famille, 1925 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Ces%20animaux%20de%20la%20famille.htm
Péret Benjamin Dans le cadre de nos mœurs, 1923 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Dans%20le%20cadre%20de%20nos%20moeurs.htm
Péret Benjamin De derrière les fagots, 1934 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/De%20Derriere%20les%20fagots.htm
Péret Benjamin Dernier malheur, dernière chance, 1946 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Dernier%20malheur,%20derniere%20chance.htm
Péret Benjamin Dernièrement, 1959 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Dernierement.htm
Péret Benjamin Des cris étouffés, 1957 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Des%20cris%20etouffes.htm
Péret Benjamin Dormir, dormir dans les pierres, 1926 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Dormir.htm
Péret Benjamin Histoire naturelle, 1958 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Histoire%20naturelle.htm
Péret Benjamin Il était une boulangère, 1924 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Il%20etait%20une%20boulangere.htm
Péret Benjamin Imortelle maladie, 1924 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Immortelle.htm
Péret Benjamin Je ne mange pas de ce pain-là, 1936 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Je%20ne%20mange%20pas.htm
Péret Benjamin Je sublime, 1936 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Je%20sublime.htm
Péret Benjamin La Brebis galante, 1924 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/La%20Brebis%20galante.htm
Péret Benjamin La Casquette du Père Bugeaud Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Pere-Bugeaud.htm
Péret Benjamin La Dernière nuit du condamné à mort (s.d.) Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Derniere%20nuit%20du%20condamne%20a%20mort.htm
Péret Benjamin La Fleur de Napoléon, 1922 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/La%20Fleur%20de%20Napoleon.htm
Péret Benjamin La mort par la feuille, 1925 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Mort%20par%20la%20feuille.htm
Péret Benjamin La Révolution surréaliste n°1 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Revolution_surrealiste/Revol_surr_index.htm
Péret Benjamin La Révolution surréaliste n°2 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Revolution_surrealiste/Revol_surr_index.htm
Péret Benjamin La Révolution surréaliste n°3 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Revolution_surrealiste/Revol_surr_index.htm
Péret Benjamin L’Auberge du « Cul volant », 1922 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Auberge%20du%20cul%20volant.htm
Péret Benjamin Le Conte voué au bleu et au blanc, 1923 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Le%20conte%20voue%20au%20bleu%20et%20au%20blc.htm
Péret Benjamin Le gigot, sa vie son œuvre, 1957 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Le%20Gigot.htm/Le%20Gigot%20sa%20vie%20son%20oeuvre.htm
Péret Benjamin Le grand jeu, 1926 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Le%20Grand%20jeu.htm
Péret Benjamin Le Nègre et la soucoupe enflammée Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Le%20Negre%20et%20la%20soucoupe.htm
Péret Benjamin Le passager du transatlantique, 1921 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Passager.htm
Péret Benjamin Le pays de Cocagne, 1922 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Pays%20de%20cocagne.htm
Péret Benjamin L’écriture automatique (vers 1929) Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Lecriture%20automatique.htm
Péret Benjamin Les malheurs d’un dollar (s.d.) Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Malheurs-dollar.htm
Péret Benjamin Les rouilles encagées, 1928 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Les%20rouillles.htm
Péret Benjamin Mort aux vaches et au champ d’honneur, 1922-1923 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Mort%20aux%20vaches/Mortauxvachesauchampdhonneur.htm
Péret Benjamin Morts ou vifs, 1930 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Morts%20ou%20vifs.htm
Péret Benjamin Poèmes inédits 1920-1926 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Poemes-inedits.htm
Péret Benjamin Pulchérie veut une auto, 1922 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Pulcherie%20veut%20une%20auto.htm
Péret Benjamin Songe Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Songe.htm
Péret Benjamin Sur la route de la fortune Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Sur-la-route.htm
Péret Benjamin Sur le passage du panier à salade, 1922 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Sur%20le%20passage%20du%20panierasalade.htm
Péret Benjamin Toute une vie, 1950 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Toute%20une%20vie.htm
Péret Benjamin Trois cerises et une sardine, 1936 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Trois%20cerises%20et%20unesardine.htm
Péret Benjamin Un point c’est tout, 1946 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Un%20point%20c%27est%20tout.htm
Péret Benjamin Une ornière vaut une jument, 1923 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Orniere%20vaut%20une%20jument.htm
Péret Benjamin Une vie pleine d’intérêt, 1922 Bibliothèque numérique surréaliste Consultation http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Une%20vie%20pleine%20dinteret.htm
Phalèse Hubert Comptes À rebours,l’œuvre de Huysmans à traversles nouvelles technologies Cap Agreg Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=172
Phalèse Hubert Le Dictionnaire philosophique de Voltaire Cap Agreg Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=217
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Proust Marcel Du côté de chez Swann Le savoir dans les poches Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=424
Roussel Raymond Impressions d’Afrique Bibliothèque numérique surréaliste Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/site/RousselMenuTextes.htm
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Rubio Emmanuel L’entrée en surréalisme Pas Perdus Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=245
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Vitrac Roger Dés-lyre, poésies complètes Béartitudes Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=122
Vitrac Roger Le Théâtre ouvert sur le rêve Bibliographie Téléchargement http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?cat=41

Art, folie et surréalisme à l’hôpital psychiatrique

ART, FOLIE ET SURRÉALISME A L’HÔPITAL PSYCHIATRIQUE DE SAINT- ALBAN-SUR-LIMAGNOLE PENDANT LA GUERRE
DE 1939-1945

par Dominique Mabin et Renée Mabin

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Le village de Saint-Alban-sur-Limagnole, en Haute Lozère, a connu un destin exceptionnel durant la Seconde Guerre mondiale, grâce à son hôpital psychiatrique[1]. Son souvenir demeure. Il est dû à la conjonction d’une situation géographique favorable, et à des personnalités remarquables qui participèrent à de multiples actions dans la Résistance et dans la survie des malades hospitalisés, dans le bouleversement de la vie asilaire, dans l’accueil d’intellectuels, surréalistes ou non, et, enfin, dans la reconnaissance, en tant qu’artistes, de malades mentaux. Nous rappelons le rôle des principaux acteurs avant d’aborder le surréalisme et l’art des fous.

La Psychiatrie en guerre

Saint-Alban est un lieu éloigné des grandes villes, connu pour son château du XVIe siècle, bâti sur une ancienne forteresse féodale, et situé sur le flanc ouest de la Margeride, aux confins de l’Aubrac. En 1821, un frère de l’ordre de Saint-Jean de Dieu, Hilarion Tissot, achète ce château délabré pour en faire une maison d’accueil pour femmes aliénées. Il est aidé par des religieuses venues de Marseille. En 1824, le préfet rachète le château qui devient un asile départemental pour des femmes, puis pour des hommes en 1850. Des bâtiments destinés aux hommes sont ensuite construits sur le plateau. À distance du château, se situe la ferme du Villaret qui lui est rattachée, et un Institut médico-pédagogique.

Au cours de la Seconde-Guerre mondiale, des médecins exceptionnels vont entrer en action. Il s’agit d’abord de Paul Balvet, psychiatre lyonnais, qui arrive en 1936 comme directeur. Il entreprend des réformes pour humaniser l’hôpital psychiatrique. Au Congrès des aliénistes et des neurologues de Montpellier en 1942, il lance un appel pour « dénoncer l’immobilisme du système asilaire et sa décadence ». Il adhère aux idées du psychiatre allemand Hermann Simon sur l’expérience du Guttersloch, « pour une thérapeutique plus active à l’hôpital psychiatrique » : c’est la société qui est malade, et l’hôpital responsable de sa propre pathologie, confinant soignants et soignés dans la chronicité[2]. Balvet jette les fondements d’une politique psychiatrique en vue de donner plus d’autonomie aux malades, de créer un espace d’ouverture et d’échanges, et de mettre en place ce qui deviendra l’ergothérapie, qui sera un travail rémunéré, et non plus une simple occupation des patients. Il crée en 1942 le Club, qui deviendra la « Société du Gévaudan », qui va organiser la vie des malades à l’intérieur et à l’extérieur de l’hôpital, avec un système coopératif autonome, dans lequel chaque malade trouve sa place, participe, produit, vend ou échange ses réalisations. En effet, la pratique psychiatrique asilaire sera transformée. Il faut redéfinir les relations entre le personnel médical et les malades, revoir la formation des infirmiers. Ce bouleversement doit se faire collectivement par des échanges permanents. Cette nouvelle approche collective sera appelée par G. Daumézon et P. Koechlin la « Psychothérapie institutionnelle », qui sera intriquée à partir de 1960 à la psychiatrie de secteur, chargée de prévenir, traiter et accueillir tous les malades d’une région donnée. Cette révolution sera poursuivie par François Tosquelles et par Lucien Bonnafé, psychiatres et militants communistes.

Un autre acteur majeur intègre l’hôpital, le 9 janvier 1940, François Tosquelles, accueilli par Balvet qui manque de médecins. C’est un réfugié catalan de la guerre d’Espagne. Avant cette guerre, il travaillait comme psychiatre dans un institut dont le directeur était intéressé par la psychanalyse. En effet, la Catalogne avait accueilli beaucoup de réfugiés qui fuyaient le nazisme, parmi lesquels des psychanalystes. Lorsque la guerre civile éclate en 1936, Tosquelles s’engage dans les milices antifascistes du POUM. Il se retrouve médecin chef des services de psychiatrie de l’armée républicaine. Il est envoyé sur le front sud, qui s’étend de Valence à Almeria, où il crée une communauté thérapeutique à Almodovar del Campo. Après la chute de la république espagnole, il s’enfuit, traverse les Pyrénées grâce à un réseau mis en place par sa femme, Hélène[3], et il se retrouve interné à Septfonds, l’un des lieux concentrationnaires français pour les réfugiés espagnols, dans lequel il met en place un service de psychiatrie. Il en sort grâce à André Chaurand, médecin au Puy, qui le conseille à Paul Balvet qui réforme alors son hôpital. Ne disposant pas de diplômes français, Tosquelles est recruté comme infirmier adjoint psychiatrique. Avec l’aide d’André Chaurand, il recommence son cursus médical, rémunéré par le Mexique qui est opposé à Franco, passe l’internat puis le médicat des hôpitaux. Tosquelles partage lui aussi les vues développées par Hermann Simon dans son livre dont il apporte à Saint-Alban un exemplaire, sur la nécessaire évolution de l’administration des asiles, qu’il a déjà mise en œuvre en Catalogne. Avec énergie, il applique en Lozère ses conceptions théoriques basées sur le marxisme et la psychanalyse, Freud et Lacan dont il fait dactylographier la thèse qui ouvre la question du traitement des psychoses, pour la diffuser[4]. Il est coauteur avec le groupe de Saint-Alban de l’appel de Paul Balvet au Congrès des aliénistes de 1942.

Le troisième acteur est Lucien Bonnafé, psychiatre, qui arrive le 13 janvier 1943 comme médecin chef, après avoir permuté son poste de Sotteville-lès-Rouen pour un poste moins exposé en Lozère afin de se protéger dans la Résistance. Durant ses études à Toulouse, il a fréquenté des surréalistes et a rencontré André Breton à Paris. Avec Tosquelles et Chaurand, il installe une direction collégiale de l’hôpital. Au cours des réunions de la Société du Gévaudan ils discutent de tout d’une façon informelle : la vie asilaire, le traitement des malades, le surréalisme, la psychanalyse, les réformes en cours, la Résistance. Il veut humaniser l’asile qui doit devenir une communauté vivante. La salle commune créée en 1940 va devenir un « foyer bibliothèque ». Les ateliers sont destinés à un travail collectif. En 1950, paraîtra Trait d’Union qui donne la parole aux malades et aux soignants ; c’est un lieu d’échanges. Bonnafé développe un concept clé : « l’Art de la sympathie », reprenant la déclaration de Breton dans l’Amour fou : « La sympathie qui existe entre deux, entre plusieurs êtres semble bien les mettre sur la voie de solutions qu’ils poursuivraient séparément en vain.[5] » Bonnafé prend la direction du service des femmes, Chaurand celui des hommes et l’Institut médico – pédagogique. Tosquelles s’implique à tous les niveaux.

Bonnafé vit depuis son enfance dans le milieu psychiatrique. Son grand-père Maxime Dubuisson est médecin des asiles. Homme cultivé, aimant la poésie, disposant d’une grande bibliothèque, il est un des premiers médecins à reconnaître et à conserver les œuvres des fous : dessins, sculptures, jouets offerts par les malades à son petit-fils. Cette première rencontre de Lucien Bonnafé avec l’art est déterminante. Dubuisson connaît l’asile de Saint-Alban, puisque, en retraite depuis 1908, il est rappelé en 1914 pour prendre la direction de l’hôpital en remplacement de médecins partis au front. Il y reste jusqu’en 1915, puis dirige l’hôpital Braqueville de Toulouse, aujourd’hui hôpital Henri Marchand, jusqu’en 1918. Très attentif aux patients, il cherche avec peu de moyens à améliorer leurs conditions de vie. Il garde de Saint-Alban deux albums de dessins réalisés par les malades que son petit-fils conserve toute sa vie[6].

Mais le rôle de cette équipe saint-albanaise ne se limite pas à être un point de référence et un lieu d’élaboration de la révolution de la psychiatrie asilaire. L’hôpital est fortement impliqué dans la Résistance, sous toutes ses formes : accueil de réfugiés et d’immigrés clandestins, traitement des blessés FFI. Les médecins dispensent des soins sur le lieu des combats ; les plus grands blessés sont cachés dans les caves et les greniers, avec la complicité de la supérieure et des religieuses de la communauté de Saint-Régis. Des juifs, des intellectuels sont dissimulés au milieu des malades. Parmi eux, ceux qui sont interdits d’exercer dans la fonction publique. Citons le docteur Bardach, de l’Institut Pasteur, caché comme fou sous le nom de Vérels, ou Denise Glazer, future animatrice d’une émission musicale, qui étudie la philosophie à Clermont-Ferrand avant de se réfugier à l’asile comme institutrice à l’Institut médico-pédagogique. La situation géographique de Saint-Alban en fait une plaque tournante de la Résistance. Elle a joué un rôle déterminant dans les opérations militaires, notamment en 1944 à la bataille du Mont-Mouchet. À cette époque, Bonnafé quitte Saint-Alban pour la vie clandestine de la Résistance. André Chaurand le remplace à la direction de l’hôpital.

Le philosophe Georges Canguilhem rejoint l’hôpital. Agrégé de philosophie en 1927, il est nommé en 1936 au lycée de Toulouse ; il aurait alors décidé d’entreprendre des études de médecine. En 1940, il refuse de prêter serment à l’Etat Français et demande sa mise en congé de l’Éducation Nationale pour convenances personnelles. En 1941, il revient à l’enseignement à Clermont-Ferrand ; il exerce alors des responsabilités au sein du mouvement clandestin de la Résistance sous le nom de Lafont. Après avoir soutenu sa thèse en 1943 à l’université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand, il échappe en 1944 à une rafle de la Gestapo. Dissimulé sous des vêtements d’ecclésiastique, il se réfugie chez son ami Bonnafé où il soigne les maquisards. Il s’illustre plus particulièrement lors de la bataille du Mont-Mouchet[7]. Cette expérience saint-albanaise a fait changer Canguilhem d’opinion sur la psychiatrie. Au-delà de leur engagement dans le traitement et la protection des résistants et des réfugiés, les médecins de Saint-Alban ont aussi une résistance intellectuelle importante dans l’édition clandestine, grâce à l’imprimerie René Amarger de Saint-Flour. Médecins, universitaires, intellectuels, se réunissent dans la librairie de Silvio Trentin de Toulouse qui est un réfugié italien antifasciste. Ils diffusent des textes entre les zones Nord et Sud. Gaston Baissette, responsable du front de résistance des médecins, séjourne à plusieurs reprises à Saint-Alban et assure des liaisons avec la résistance lyonnaise.

Une autre action du Club de Saint-Alban sera déterminante dans la survie des malades hospitalisés. En effet, dès 1940, apparaissent des difficultés de ravitaillement. Pour survivre, toutes les personnes valides sont mobilisées. Les malades vont assurer des travaux de jardinage, de ramassage de pommes de pin, de champignons[8], être employés à la ferme du Villaret, domaine de 55 ha, et au jardin potager de 2 ha. Ils seront aussi utilisés au moment des grands travaux agricoles pour aider les fermiers, ce qui assure leur subsistance. À l’intérieur de l’établissement, les femmes font des travaux de couture, de filage et de tricotage pour les paysans du village ; ils servent de troc contre des produits alimentaires introuvables dont du beurre. Les malades échangent la ration alcoolique qui leur est octroyée contre des pommes de terre. De ce fait, Saint-Alban est l’hôpital psychiatrique français qui compte le moins de morts dus à la famine : il n’y eut pas « d’extermination douce »[9]. Paul Balvet, au Congrès des aliénistes de 1942, avait vivement dénoncé cette situation de famine. La fabrication de faux certificats de tuberculose permet à des malades fragiles de bénéficier d’un supplément alimentaire. « On a inventé un service de tuberculeux » dit Tosquelles[10]. D’autre part, face à une situation catastrophique, la circulaire du 4 décembre 1942 émanant du Secrétariat d’État à la famille et à la santé, accorde aux aliénés internés des suppléments, qui, même s’ils sont faibles (de 200 à 225 calories par jour et 400 calories pour un quart d’entre eux) sont alors jugés importants.

On voit donc que la pénurie de main-d’œuvre du fait de la guerre assure à la fois la survie des malades et la reconnaissance de leur utilité, ce qui répond aux souhaits et à l’engagement des médecins. Durant cette même période, l’hôpital de Saint-Alban accueille des intellectuels, surréalistes ou non, et participe à la reconnaissance de la production artistique des malades mentaux, intégrée ultérieurement dans l’Art brut.

Surréalisme et Art des fous[11]

Réunis à Saint-Alban par les hasards de la guerre, François Tosquelles et Lucien Bonnafé sont des personnalités exceptionnelles, en avance sur leur temps, qui connaissent, dès leur plus jeune âge, Tosquelles la psychanalyse et Bonnafé les créations artistiques des malades mentaux. Bonnafé aime aussi la poésie et le cinéma. Pendant ses études de médecine à Toulouse, il participe avec son ami poète et professeur de philosophie Jean Marcenac, au groupe surréaliste Le trapèze volant ou mouvement Chaos créé par le poète Georges Massat avec son frère René et les frères Matarasso[12]. Leur maître en poésie est Joë Bousquet à qui ils rendent visite à Carcassonne. Cette initiation est capitale pour Bonnafé, grand « conteur qui pouvait réciter des passages entiers d’œuvres surréalistes »[13]. Dans le cadre d’un ciné-club, il rencontre lors de ses voyages à Paris, non seulement André Breton et René Crevel, mais aussi des peintres et sculpteurs, comme Yves Tanguy et Giacometti. Il se dit définitivement marqué par le Surréalisme qui est aussi un engagement politique : dès 1931, il est frappé par un tract invitant à ne pas visiter l’Exposition coloniale. Le Surréalisme est donc pour lui une leçon de liberté : il apprend l’égalité entre les hommes et la non-exclusion du malade. La guerre a permis à Tosquelles et Bonnafé de constituer dans un lieu éloigné de tout, un groupe composé d’intellectuels et d’artistes. Mais on ne peut pas exactement parler de hasard lorsque ces médecins accueillent un poète surréaliste sensible à l’art et à la folie.

C’est en effet la présence d’Eluard qui permet au Surréalisme de marquer de son empreinte ce que Tosquelles a pu appeler « le réveil de Saint-Alban ». En octobre 1942, Poésie et Vérité est édité par la Main à Plume, le groupe néosurréaliste constitué autour de Noël Arnaud et Jean François Chambrun. Le recueil s’ouvre sur le poème Liberté qui est ensuite largement diffusé sous forme de tracts, lu à la radio, traduit en anglais par Louis Parrot et réimprimé à Londres. Pour Eluard, c’est la célébrité et en même temps l’inquiétude. Il se réfugie chez le libraire résistant communiste Lucien Scheler, rue de Tournon. En septembre 1942, il constitue le Comité national des écrivains pour la zone Nord ; en novembre, il accepte de collaborer aux Lettres Françaises, organe du CNE dirigé à partir de 1943 par Claude Morgan. La réconciliation avec Aragon est presque immédiate. Eluard et Nusch attendent Aragon et Elsa à la gare de Lyon : la réunion a pour but de réunir le CNE de la zone Nord d’Eluard à celui de la zone Sud dirigé par Aragon. Ces contacts expliquent le passage ultérieur à Saint-Alban de Georges Sadoul, émissaire d’Aragon. Ces prises de position d’Eluard entraînent la rupture avec Arnaud et la Main à plume, dont les membres ne vont pas tarder à être inquiétés par la Gestapo. Eluard craint de l’être lui-même. « Je crois que nous allons être obligés d’aller à la campagne », écrit-il à Louis Parrot, le 8 octobre. Bonnafé raconte qu’il assiste au déballage de paquets contenant Poésie et Vérité. « Ça suffit d’habiter Paris, il faut trouver une planque ailleurs » dit Eluard. Et c’est ainsi que Bonnafé lui offre l’hospitalité[14].

En novembre 1943, Eluard quitte Paris avec Nusch, s’arrête à Clermont-Ferrand chez son ami Louis Parrot qui y a trouvé un poste à l’agence Havas. En train, ils parviennent à la gare de Saint-Chély-d’Apcher, puis prennent un autocar qui les conduit à Saint-Alban, à près de 1000 mètres d’altitude. Inscrit sous son vrai nom de Grindel, comme patient du docteur Bonnafé, Eluard souffrirait de « névrose légère ». Mais, logé dans l’immense appartement du médecin, il y est accueilli en ami, au point d’avoir honte d’être dans un pays magnifique. Les photos de Jacques Matarasso montrent la vie dans la nature. « Ma femme à la mine rebondie et moi, je travaille comme un fou, ce qui est ici une façon de parler.[15] » De fait, malgré la faible durée du séjour (d’octobre à mars, avec des allées et venues diverses) Eluard écrit, sous le pseudonyme de Jean de Haut, 7 poèmes d’amour en guerre et Lingères légères, plus tard publiés dans le recueil Le lit la table. L’univers de la folie lui inspire Le monde est nul et Le cimetière des fous, réunis par la suite sous le titre Souvenirs de la maison des fous en référence aux Souvenirs de la maison des morts dans lesquels Dostoïevski décrit un autre enfermement. Il est également en contact épistolaire avec Seghers à propos de l’anthologie de poèmes de la Résistance L’honneur des poètes, ou encore concernant une présentation des œuvres du peintre Dominguez. Dans ce pays sauvage, battu des vents, l’atmosphère est donc favorable à l’écriture.

L’activité d’Eluard est aussi éditoriale. L’Intelligence en guerre, selon l’expression de Louis Parrot, conduit à une résistance intellectuelle. Le poète écrit et publie des œuvres qu’interdirait l’occupant. Dès 1942, il participe aux éditions clandestines de Minuit, fondées par Pierre de Lescure et Vercors pour publier Le Silence de la mer. Eluard apporte des manuscrits, car il s’agit de publier de la littérature et non des textes de propagande. De Saint-Alban, Eluard fait imprimer des textes à Lyon par Georges Terney, mais Lyon est loin, et fin 1943, Lucien Bonnafé entre en contact avec le résistant René Amarger qui fabrique de faux papiers et a publié Musée Grévin, écrit par Aragon sous le pseudonyme de François La Colère. Avec Jacques Matarasso, chimiste de formation, d’origine juive, arrivé peu avant Eluard à Saint-Alban, et son frère Léo, résistant en Auvergne, est créée la maison d’édition clandestine La Bibliothèque Française, dirigée par le poète. Plus populaire que les éditions de Minuit, elle a publié quinze titres, distribués gratuitement, sauf les tirages de luxe à 30 exemplaires. Bonnafé, Eluard et Matarasso s’occupent de tout, de la mise en page à la relecture. Ils gagnent la ville de Saint-Flour, située à quarante-cinq kilomètres, par le train, ou empruntent le Ford gazogène de l’hôpital. Ils apportent les manuscrits et les papiers Canson ou Ingres pour les exemplaires de luxe et attendent la fin du tirage à l’atelier, Eluard, qui souffre du froid, entourant le poêle de ses grands bras[16]. Les éditions clandestines cessent d’exister à la destruction de l’imprimerie par les Allemands en 1944. Parallèlement, Eluard est aussi en contact avec des éditeurs suisses qui publient Le lit la table aux Trois collines, grâce à Gaston Baissette, responsable du front de résistance des médecins et ami de Bonnafé, qui fait le lien avec Paris où François Lachenal, fils d’un avocat de Picasso, fait passer en Suisse les poèmes. Eluard continue donc à travailler activement en Lozère.

Mais le poète vit pour la première fois dans ce lieu si particulier qu’est un hôpital psychiatrique. Lucien Bonnafé a écrit qu’Eluard, parmi tous les amis qui auraient pu l’accueillir, a choisi celui qui lui permettait de vivre au pays des fous[17]. Les surréalistes se sont en effet très tôt intéressés à la folie. André Breton, dès 1916, incorporé comme infirmier en tant qu’étudiant en médecine, est affecté à sa demande au centre neuropsychiatrique de Saint-Dizier où il effectue un interrogatoire continu des malades. Il découvre alors les fulgurances de leur discours, et le commentaire de Fraenckel aux lettres de son ami est parlant : « Breton dans son hôpital de fous s’émeut et s’épouvante de voir des aliénés plus grands poètes que lui.[18] » L’expérience est éprouvante, parce que le jeune homme craint en même temps de sombrer lui-même dans la folie. Mais il a découvert que le fou est génial, que la folie est la poésie absolue, mais qu’il faut aussi s’en défier. Breton s’en prend par la suite constamment aux psychiatres, malgré ses bonnes relations initiales avec le docteur Leroy puis avec le docteur Babinski. Sa condamnation est ainsi virulente à la fin de Nadja, après l’enfermement de l’étonnante héroïne. Mais à Saint-Dizier, Breton a été en contact avec les souffrances d’êtres humains diminués par la maladie, il a appris à observer : Sujet est le monologue d’un malade qui ne croit pas en la réalité de la guerre, tout lui paraît un spectacle monté pour lui. S’il a vu à cette époque quelques aquarelles et acheté en 1929 deux objets d’aliénés, lors d’une exposition chez Max Bline à Paris, c’est donc par le verbe que Breton a pris contact avec la folie.

On connaît certes un poème d’Eluard daté de 1914 intitulé Le fou parle, mais il évoque surtout la position difficile du jeune homme entre sa femme et sa fiancée Gala. Eluard découvre vraiment la folie par les créations des malades mentaux, grâce à Max Ernst qu’il rencontre à Cologne en 1921. Lorsque le 18 août 1922, Ernst arrive à Paris grâce au passeport d’Eluard, il lui apporte en cadeau le livre de Prinzhorn Expression de la folie (Bildnerei der Geisteskranken) qui permet au poète d’admirer d’étranges productions d’aliénés. Préparant un certificat de psychologie, Ernst en effet a assisté, de 1910 à 1914, à un enseignement à la clinique psychiatrique de Bonn. Là, il a pu voir une collection d’œuvres de malades qui l’ont frappé. Ernst a compris, dès cette date, l’importance de la folie dans la création artistique et s’est intéressé aux découvertes de Freud. Le livre du docteur Prinzhorn qui en deux ans a constitué au sein de la clinique psychiatrique de Heidelberg une collection de plus de 5 000 pièces, est très attendu en Allemagne où il a un succès considérable à sa parution en 1922. Eluard est donc l’un des premiers à avoir accès en France, avant sa traduction, « au plus beau livre d’images qui soit » et à le recommander à ses amis. Selon André Masson, le livre est connu de tous les surréalistes[19].

Comme Breton, Eluard a donc une vision positive de la folie. En 1924 paraît sous son nom, dans les Feuilles libres, Le génie sans miroir, en réalité écrit par Desnos qui illustre le texte de dessins inspirés par ceux des fous. Il s’agit d’une célébration des maladies mentales qui semblent une punition, mais en fait sont une libération parce qu’elles donnent accès à un pays merveilleux. Lorsqu’en 1930 Breton et Eluard écrivent à deux mains L’Immaculée conception, ils simulent aussi cinq délires classiques étudiés par la médecine, simulations de valeur inégale aux yeux d’un psychiatre, pour prouver que la folie est dans l’esprit de tout homme, même non malade. Pour montrer la parenté entre les écrits littéraires et la production des fous, Breton et Eluard ont utilisé des phrases d’aliénés tirées de manuels médicaux ; ils les ont aussi données comme titres aux tableaux de leurs amis peintres. Cet intérêt ne s’est jamais démenti, puisqu’en 1942, dans le recueil Poésie involontaire, poésie intentionnelle, Eluard fait figurer, auprès de citations d’écrivains connus, des paroles d’anonymes et de malades mentaux empruntées aux Annales médico-psychologiques et aux écrits de Marcel Réja et de Lacan. Le poète rappelle donc la dimension artistique des paroles des aliénés, juste avant d’être confronté à la réalité de la folie.

Pendant les années de guerre, Eluard s’exprime déjà dans une poésie plus simple qui se veut proche du réel. En 1943, à Saint-Alban, il découvre le tragique de la maladie mentale, dans une approche directe, puisqu’il vit au sein de l’hôpital. Ses amis médecins qui travaillent sans relâche à l’amélioration des conditions de vie de leurs patients, ont noté l’humanité d’Eluard, sa gentillesse. Dans le service des femmes de Bonnafé, situé dans le château, confronté à la déchéance, le poète ne se contente pas d’observer les malades, de leur parler, il écrit, en les écoutant, frappé par ceux qui lui paraissent dans leurs chimères dériver vers l’animalité :

– Fausses guenons et fausses araignées
– Fausses taupes et fausses truies…

Dans les six portraits du poème Le monde est nul, selon Louis Parrot « le visage et l’esprit des fous sont reproduits avec fidélité[20] ». François Tosquelles peut mettre un nom sur ces portraits, évoquer celui d’une infirmière. Lucien Bonnafé dit également que Madame Colignon est celle qui susurre « Qui suis-je et ce marron et son sucre intérieur ». Eluard les regarde une à une, saisit les yeux vagues de la première, la tristesse de l’autre, les cris qui sont une demande d’amour. Dans les trois derniers portraits, le je leur donne la parole pour traduire la souffrance et les regrets de ces êtres brisés « qui font peur aux enfants ». Le deuxième poème intitulé Le cimetière des fous évoque l’atmosphère impressionnante du cimetière réservé aux malades et aux religieuses qui, comme dans tous les hôpitaux psychiatriques de l’époque, était situé dans le lieu même. Les croix anonymes dressées sous la voûte des arbres, « parcourue de vents fous et d’esprits en ruines » sont celles d’hommes emprisonnés qui ont perdu dans la mort jusqu’à leur nom. Face à la tragédie de la folie, la poésie d’Eluard est compassion. Il a désormais conscience que ces poètes dont il simulait autrefois le délire, sont des poètes déchus.

Ainsi, isolé en Lozère, Eluard n’est pas du tout dans une tour d’ivoire. Il participe en tant qu’artiste à l’action de réorganisation de l’hôpital accomplie par les médecins. Tosquelles, dans ses souvenirs tardifs raconte que lors d’une réunion de la Société du Gévaudan, une même malade donnait lieu à une lecture poétique d’Eluard, une lecture phénoménologique et existentialiste de Canguilhem, à l’analyse d’un Rorschach par Chaurand et à un apport psychanalytique de Tosquelles lui-même[21]. Le médecin souligne le rôle du poète : c’est « en les ayant rendus plus sensibles et plus attentifs aux drames humains qui se jouaient près d’eux que Paul Eluard a été un des hommes les plus agissants et les plus efficaces dans la réforme hospitalière qu’à cette époque ils méditaient[22] ». Bonnafé, déjà sensible à la poésie et à l’image surréaliste avec son ami Jean Marcenac lors de leurs années toulousaines, est désormais heureux de constater l’humanité et de la simplicité de l’écrivain qui lui semble incarner au mieux le surréalisme. Ici, la résistance ne se dresse pas seulement contre l’occupant. Médecins et intellectuels, communistes ou proches du PC cherchent plus largement par leur comportement et leurs paroles à alléger les souffrances de l’homme.

Mais la découverte d’Eluard à Saint-Alban est aussi celle des œuvres de fous, non plus sous la forme de reproductions photographiques comme dans les années 1920, mais dans des dessins, des broderies, des sculptures. Comme dans les autres hôpitaux psychiatriques depuis le XIXe siècle, à Saint-Alban les malades produisent des écrits et des images souvent restés anonymes, mais collectés dès 1914 par Maxime Dubuisson, le grand-père de Lucien Bonnafé. Mais en 1943, Eluard rencontre là de véritables artistes. L’enfermement, la solitude, les pousse à s’exprimer plastiquement, d’une manière parfois mystérieuse. Ainsi, Clément Fraisse, né en 1901 dans une famille de cultivateurs, ne sait ni lire ni écrire. Il est interné à Saint-Alban en 1925 pour avoir tenté de détruire la ferme familiale. Violent, il cherche à s’évader, si bien qu’il est enfermé dans une petite pièce aux murs tapissés de lambris de bois. Pendant les deux ans de son emprisonnement, à l’aide d’instruments de fortune, Fraisse creuse le bois de motifs variés, constituant une frise de 3,80 m/1,70 m. Il ne donne aucune explication à son extraordinaire travail qui cesse avec son enfermement : après 1931, il ne crée plus jamais.

Les créations artistiques des patients de Saint-Alban ne sont pas nécessairement liées à la présence de médecins particulièrement ouverts. Certains d’entre eux cependant commencent sans doute à écrire ou à dessiner à ce moment. Aimable Jayet est transféré des hôpitaux de la Seine en 1939. Son délire le conduit vers le pays des ancêtres et il l’exprime par écrit sur des cahiers qu’il remet aux médecins. Il écrit pour lui, se libère de la syntaxe, crée des mots, invente une mise en page qui mêle texte et dessins, caractères de tailles variées sur des supports de papier ou de tissus. Il n’est donc enfermé que dans son délire, car il a à Saint-Alban une grande liberté, circule librement dans le village et peut écrire à sa guise. Les médecins, Lucien Bonnafé, et plus tard Jean Oury, se sont attachés à ses productions, à son univers fantastique. Mais nous ne savons pas ce qu’en pensait Eluard. Le poète ne parle pas davantage d’une grande créatrice de Saint-Alban, Marguerite Sirvens.

Elle est née en 1890 à La Canourgue d’une famille aisée, a été bouleversée par le mariage de sa sœur avec qui elle habitait et est arrivée en 1932. Peut-être a-t-elle été encouragée par la nouvelle équipe pendant la Résistance. En effet, elle commence, en 1942, à réaliser des pliages, des tricotages et finit par « s’occuper toute la journée à des travaux artistiques ». Très habile – elle a été modiste – elle réalise des aquarelles et des tableaux brodés de couleurs vives qui montrent des personnages dans la nature, des enfants avec leurs jouets, des animaux. Plus tard, elle crée une somptueuse robe de mariée, brodée à l’aide de fils qu’elle tire de ses draps. Ces fils ne traversent pas les poèmes de Paul Eluard. Mais François Tosquelles compare le travail sur les mots de l’écrivain à la technique méticuleuse et inspirée de Marguerite Sirvens : « Eluard, c’était un ange, la dentellière de la parole. Il crochetait la parole toute la journée…[23] ». C’est reconnaître aussi à Marguerite un véritable statut d’artiste qu’un autre malade de Saint-Alban possède déjà, Auguste Forestier.

Passionné de trains depuis l’enfance, Forestier fut longtemps un fugueur. Après avoir fait dérailler un train, il est interné en 1914 à l’hôpital de Saint-Alban dont il n’est plus sorti. De la Première Guerre datent de nombreux dessins aux crayons de couleur, représentant militaires et personnages historiques, souvent pourvus de couvre-chefs extravagants, production conservée par Maxime Dubuisson. À partir des années 1930, il passe à la sculpture, taillant dans le bois soldats, maisons, bateaux, mais aussi personnages à tête d’oiseau et bêtes fantastiques inspirées par les exploits semi-légendaires de la bête du Gévaudan. L’activité de Forestier est née de son enfermement. Le voyage impossible se transforme en une errance dans l’imaginaire, dans un pays où il est le roi fou, créateur tout puissant, libre de ses choix. À l’hôpital, il est reconnu et soutenu. En 1943, il peut installer un atelier rudimentaire dans le couloir de l’arrière-cuisine. Il a un statut d’artiste, puisqu’il vend ou troque ses objets. Ses « oiseaux oiseleurs », selon l’expression de Dubuffet, comme les objets surréalistes inventés par Breton et ses amis juste avant la guerre, créent la surprise en rapprochant corps d’homme et bec-de-perroquet, tête de mammifère et queue de poisson. La simplicité des outils de Forestier, la pauvreté de ses matériaux, déchets récoltés dans l’hôpital, lui vaudront de plaire au créateur de la collection de l’Art brut. Ces étranges objets expriment aussi symboliquement l’aventure de Saint-Alban. Les maisons aux balustrades et portes sculptées évoquent le château hôpital accepté par le malade qu’est Forestier, les monstres la Société du Gévaudan créée par Bonnafé au service de la maladie mentale. La photo de Tosquelles portant un bateau de Forestier est l’expression très claire de l’esprit qui portait tous ces hommes vers la liberté.

Eluard n’a rien écrit sur ces artistes. Mais il a été marqué par eux, au point de suggérer à sa fille Cécile et au peintre Gérard Vuillamy son gendre, de passer l’été 1945 à Saint-Alban. Ils sont accompagnés de Tristan Tzara et de son fils Christophe qui a participé à la Résistance, invités par Lucien Bonnafé. Le poète Tristan Tzara, célèbre pour sa participation à l’explosion Dada à Zurich, puis à Paris dans les années 1920, connaît Eluard depuis cette époque et comme lui, a rompu avec Breton. Il fuit Paris dès juin 1940. Dans le Sud, il retrouve Aragon et Eluard et publie la petite plaquette Route Seul-Soleil à la Bibliothèque française. Le texte est précédé d’une notice qui le présente : « Dès l’occupation allemande, Tzara se retire dans le Midi, à Aix-en-Provence, puis dans le Lot, et commence à résister par un silence exemplaire. » En septembre 1944, il s’installe à Toulouse, cherche avec les communistes à faire revivre la vie culturelle de la ville et se passionne pour la culture occitane. Mais il se fatigue des luttes politiques de cette période de Libération. On le retrouve en juillet et août 1945 à Saint-Alban, et dans deux lettres à Georges Hunier, l’une à son arrivée, l’autre à son départ, il exprime sa satisfaction : le repos est au rendez-vous, mais plus encore l’intérêt[24].

Comme Eluard, Tzara découvre la maladie mentale. Certes, Dada se situe en marge des normes sociales, cherche à faire table rase de la culture, à déconstruire le langage, par un retour à l’origine, à ce que l’on appelle alors « l’art nègre », à la poésie orale des Africains ou des Maoris. Dans un article des Feuilles libres de 1926, Tzara fait l’éloge de la folie, lorsqu’il montre comment elle transforme l’œuvre du peintre suédois Ernst Josephson. Mais à l’asile de Saint-Alban, Tzara rencontre des êtres humains. Il leur parle, lie amitié avec certains d’entre eux. C’est ce contact qui le marque, plus que les créations artistiques qu’il découvre : « J’ai été extrêmement touché par ce côté de sympathie qui se dégageait, cette quête, cette demande constante d’humanité que j’ai trouvée chez eux. » C’est par la poésie qu’il exprime cette relation. Parler seul donne la parole aux « égarés », dit leur souffrance par les juxtapositions de mots et le retour des sonorités : « Horreurs détresses visages passés repassés trépassés », mais aussi la tendresse et le rire, dans une nature omniprésente où « le rire de l’eau » s’entend entre les arbres et les ombres, dans « la fourrure des Margerides », ces monts parcourus par l’écureuil et le hérisson, la truite et le renard. Contrairement à Eluard, Tzara ne décrit pas les malades de Saint-Alban. L’atmosphère du lieu surgit de certains mots : La bête du Gévaudan n’est pas loin lorsque le vers évoque les loups, pelote et laine appartiennent peut-être à Marguerite Sirvens, le coup de sifflet et le train rappellent Auguste Forestier. Mais « les mots sont de paille », le tu n’est pas celui du dialogue. Ambigu, il renvoie aussi au poète lui-même qui se reconnaît en ces êtres perdus. Après son séjour, Tzara demande à Miró d’illustrer son recueil, parce qu’il est le seul à avoir la fraîcheur qui convient, parce qu’« il sent des racines très profondes qui rapprochent le plus de l’homme à l’état de nudité de la conscience[25] ». Miró souligne les textes de signes noirs et colorés, de dessins volontairement naïfs. Les poèmes et les 72 lithographies de Parler Seul, édités par Maeght en 1948 et 1950 sont une véritable réussite bibliophilique. Tzara accorde en effet, depuis les publications dada, un très grand soin à la réalisation de ses livres. C’est donc par l’art qu’il a traduit son émotion.

Comme Tzara, Eluard a pu éditer ses poèmes illustrés. Son gendre Gérard Vuillamy, peintre d’abord abstrait, puis proche des surréalistes, arrive en Lozère un an après lui. Il rend compte de son premier contact avec la maladie mentale, par une série de portraits au crayon représentant des malades, hommes et de femmes, comme Auguste Forestier et Marguerite Sirvens, et un dessin du cimetière des fous et de ses multiples croix. Eluard peut donc choisir certaines œuvres pour illustrer ses poèmes et constituer le recueil Souvenirs de la maison des fous qu’il dédicace à Gérard Vuillamy : « A Gérard qui a vraiment rendu hommage à la tragédie de Saint-Alban et à ses acteurs. » Cette fois, deux regards se croisent, celui du peintre et celui du poète qui ont éprouvé une semblable compassion pour les malades qu’ils ont observés à l’hôpital. La représentation figurative de Gérard Vuillamy répond aux descriptions d’Eluard, dans le même souci d’humanité.

Ni Eluard ni Tzara n’ont parlé de l’œuvre d’Auguste Forestier, mais on sait combien elle les a intéressés. Ceci n’a rien d’étonnant. L’aspect fruste de ces statuettes peut rappeler les objets océaniens et amérindiens que les surréalistes ont très tôt collectionnés et associés aux tableaux des peintres : Le 26 mars 1926, La galerie surréaliste de la rue Jacques Callot expose Man Ray avec des objets des îles (Malaisie, Australie, Marquises, Pâques…) et en 1927, Yves Tanguy avec des objets d’Amérique (Colombie britannique, Nouveau Mexique, Pérou…). Tzara collectionne statuettes et masques africains ou océaniens, mais sans les mélanger comme Breton à des objets d’art populaire et à des trouvailles insolites. Pendant la guerre, au moment où Breton et Ernst achètent des poupées Kaschinas à New York, Eluard est sensible à l’aspect composite des sculptures de Forestier qui associent des têtes d’animaux à des corps d’hommes un peu à la manière des collages. Tzara en achète une, Eluard trois : Le roi fou photographié par Georgette Chadourne dans l’appartement parisien du poète et évoqué par Brassaï, une Bête du Gévaudan et un Homme coq, légués par la suite au docteur Ferdières. Gérard Vuillamy s’intéresse aussi à Forestier et possède au moins un homme-oiseau et une bête[26]. Des hommes au regard exercé à la quête d’œuvres nouvelles ne peuvent qu’être frappés par la créativité débordante de Forestier. Alors que les créations des malades mentaux sont souvent répétitives, celles de Forestier sont toutes originales, malgré les pièces détachées fabriquées en série, et témoignent d’une extraordinaire imagination.

Grâce à ces artistes qui se situent dans la mouvance du surréalisme, les œuvres des malades de Saint-Alban quittent l’asile. Auguste Forestier est déjà apprécié autour du village : il vend ou échange ses sculptures lorsque les paysans traversent l’hôpital pour aller au marché. Médecins et infirmiers en font aussi l’acquisition, souvent comme jouets d’enfants. Ces objets n’ont donc de reconnaissance que locale. La présence d’Eluard et de ses amis change la donne, non seulement parce que Jacques Matarasso et Gérard Vuillamy les emportent hors de Lozère, mais parce que, à son retour à Paris au printemps 1944, Eluard les fait connaître : il les offre à ses amis Picasso et Dora Maar ainsi qu’à Raymond Queneau. De plus, sa rencontre avec Jean Dubuffet, au sortir de la guerre, a sans doute exercé une influence sur la quête d’œuvres d’aliénés engagée par le peintre en 1945, point de départ de ce qui va devenir la Compagnie de l’Art Brut qui intègrera ultérieurement des œuvres d’artistes de Saint-Alban.

Comme Breton et Eluard, Jean Dubuffet a été frappé dans sa jeunesse par des œuvres de malades mentaux. En 1923, il séjourne à Lausanne, chez l’écrivain Paul Budry qui lui offre le livre de Prinzhorn. Pendant son service militaire à l’Office national météorologique de la tour Eiffel, il découvre les cahiers d’observations imaginaires du ciel de Clémentine Ripoche qui sombre dans la démence. Mais Dubuffet ne se met vraiment à peindre qu’après avoir vendu, en 1942, son commerce de vins. Il est en contact avec les surréalistes grâce à son ami d’enfance Georges Limbour, condisciple au Havre de Raymond Queneau. À la fin de 1943, Georges Limbour présente Jean Dubuffet à Jean Paulhan, immédiatement séduit par les recherches du peintre, au point de le présenter au galeriste Drouin qui l’expose fin novembre 1944. Mais dès le printemps 1944, Paulhan lui adresse peintres, poètes et écrivains. Dubuffet reçoit d’abord la visite de Louis Parrot qui lui amène Eluard. Cette rencontre est suivie d’une visite chez Eluard où le peintre découvre Le roi fou de Forestier. Eluard écrit alors le poème Quelques mots rassemblés pour Monsieur Dubuffet, illustré d’une lithographie de l’artiste. À peu près au même moment, Paulhan fait connaître à Dubuffet Raymond Queneau qui s’est intéressé aux fous littéraires depuis les années trente, comme en témoigne son roman Les enfants du limon. Une lettre de Dubuffet à Queneau daté de 1945 est une demande de renseignement sur ces travaux. Ils ne se connaissent pas, malgré leur jeunesse havraise commune, mais deviennent amis. Charles Ratton, spécialiste des arts primitifs, proche de Tzara, Eluard et Roland Tual, rend également visite à Dubuffet le 14 juin 1944 ; les relations se poursuivent et Charles Ratton devient en 1948 membre de la Compagnie de l’Art Brut[27].

À cette époque, la création personnelle de Dubuffet se veut contestataire. Il refuse la culture et la peinture officielle, s’intéresse à l’expression créatrice des sociétés primitives, aux graffitis et aux tatouages des prisonniers et peu à peu à l’art des aliénés. Au cours de l’été 1945, il fait « un petit voyage en Suisse[28] » en compagnie de Paulhan et de Le Corbusier, invité par l’Office national du tourisme dont Paul Budry dirige le siège de Lausanne. Commencent ainsi ses prospections. Il va de découverte en découverte, avec le concours des médecins des hôpitaux psychiatriques dont l’accueil est chaleureux : les extraordinaires peintures colorées d’Adolf Wölfi et d’Aloïse, les dessins au doigt à l’encre noire de Louis Soutter… Il commence à acquérir des œuvres : c’est le tout début de sa collection. A son retour, il rend visite en septembre à Rodez au docteur Ferdières qui soigne Antonin Artaud et collectionne objets insolites, masques, fétiches et objets d’aliénés. Proche des médecins de Saint-Alban, Ferdières conseille à Dubuffet d’aller voir Auguste Forestier. Leurs relations se tendent par la suite, parce que le terme d’Art brut ne convient pas à Ferdières qui préfère parler d’Art psychopathologique. Dans l’immédiat, Dubuffet est prêt à poursuivre en France les recherches commencées en Suisse.

Dubuffet arrive donc à Saint-Alban, tout exprès pour voir Forestier et ses œuvres. Il « trouve là nombreuse compagnie, madame Bonnafé (son mari est absent) et Tristan Tzara avec son fils et plusieurs autres invités ». Il lui semble « qu’on l’accueille un peu froidement » et en tout cas, « on ne lui laisse pas voir Auguste[29]. » Tosquelles en effet refuse de recevoir le peintre, très réservé, comme Bonnafé d’ailleurs, face à son entreprise. C’est cette opposition aux idées de Dubuffet qu’exprime la phrase de Tosquelles : « Lorsque je suis arrivé à Saint-Alban en 1940, Auguste Forestier avait déjà inventé l’Art brut ». « Tosquelles avait horreur des esthètes[30] », explique Jean Oury qui rétablit par la suite le dialogue des médecins avec Jean Dubuffet. Arrivé comme interne à Saint-Alban avec son ami Robert Millon en septembre 1947, Oury se passionne pour les œuvres des aliénés, découvre de nouveaux créateurs, comme Benjamin Arneval, interné en 1942 qui ne commence à dessiner qu’en 1948 lors d’une crise d’anxiété. Leurs productions, selon lui, constituent une autoreconstruction, une autoproduction, les malades étant centrés sur eux-mêmes plutôt que sur le résultat esthétique. Il écrit un article sur Auguste Forestier, publié par Ferdières dans la revue Bizarre n° 6, en 1956. Les échanges avec Dubuffet commencent dès 1947, puisque le peintre lui écrit pour lui parler des photos qu’il fait réaliser « des sculptures qu’Eluard et Queneau ont la chance de posséder ». Oury rencontre Dubuffet en octobre 1948 et entretient avec lui une importante correspondance. Les échanges d’objets commencent avec Saint-Alban, Dubuffet étant très attentif à rétribuer d’une manière ou d’une autre les malades, sous le contrôle de Tosquelles, avec lequel « les relations se sont améliorées, mais sans plus ». Avec un peu de retard, Auguste Forestier fait partie de la collection de Dubuffet et devient l’un des artistes majeurs de la Compagnie de l’Art Brut à laquelle Jean Oury donne les sculptures qu’il possède, avec des œuvres d’Aimable Jayet et de Marguerite Sirvens. Grâce à la ténacité de Dubuffet, les œuvres des aliénés sont sorties de l’asile et ont été montrées au public de manière confidentielle.

La création de la Compagnie de l’Art Brut montre clairement un intérêt commun avec les surréalistes. Dubuffet croit comme eux que la créativité des malades mentaux est plus réelle que celle de la culture officielle. C’est donc naturellement qu’il demande à André Breton d’être, avec Jean Paulhan, Charles Ratton, Henri-Pierre Roché et Michel Tapié, l’un des membres fondateurs de la compagnie, en 1948. Dubuffet, fier de cette participation, ressent une grande amitié pour Breton qui s’implique pleinement dans l’aventure. André Breton écrit, pour un Almanach de l’Art brut en définitive non publié, l’article l’Art des fous qui fait partie aujourd’hui du recueil La clef des champs. Breton fait aussi découvrir à Dubuffet les masques de coquillage de Pascal-Désir Maisonneuve, et accepte de prêter des œuvres de sa collection personnelle. Mais les désaccords apparaissent. La folie est pour Breton la force créatrice de ces œuvres, alors que Dubuffet minore son influence pour s’intéresser à leur qualité plastique. Le peintre craint aussi de se voir purement et simplement annexé au mouvement surréaliste. Lorsque Dubuffet décide d’expédier sa collection aux Etats-Unis, la rupture est violente : Breton, qui désapprouve ce choix, démissionne. Raymond Queneau a également suivi la création de la Compagnie de l’Art brut : par son intermédiaire, Dubuffet a acheté des œuvres de Scottie Wilson, à Simone Collinet, première femme de Breton et belle-sœur de Queneau. Ces contacts ont donc permis de développer une collection dont Dubuffet finit par rester seul maître.

Les tribulations de la collection ne sont pas terminées. Dans les années 1960, Dubuffet continue à l’accroître. Les relations avec les médecins de Saint-Alban, qui reprochent pourtant à Dubuffet d’oublier la maladie, sont ranimées lorsque le docteur Gentis, venu travailler avec Tosquelles avant de lui succéder, reprend le flambeau. En 1962, Dubuffet reçoit 24 pièces de Marquerite Sirvens. Roger Gentis retrouve dans un grenier son extraordinaire robe de mariée que Lili Dubuffet présente sur un mannequin noir lorsqu’elle rejoint la collection de l’Art Brut. En 1963, Tosquelles et Gentis sauvent in extremis le lambris de Clément Fraisse, acquis par Dubuffet. Le peintre admet la nécessité de respecter la maladie, de conserver un certain anonymat. Les noms des malades sont occultés lors des premières expositions de la Compagnie : Auguste Forestier est Auguste For et Marguerite Sirvens, Marguerite Sir. Mais, grâce à l’intérêt de Jean Oury et Roger Gentis, les œuvres des créateurs de Saint-Alban ont quitté l’hôpital psychiatrique.

Elles finiront aussi par échapper au cercle fermé de la collection de Dubuffet. La véritable trouvaille du peintre est le nom qu’il a donné à l’ensemble qu’il a constitué[31]. Après quelques hésitations en faveur d’Art obscur, il a choisi Art Brut, un terme qui se définit au fur et à mesure de la collecte. Ce que recouvre l’expression est suffisamment flou, pour ne pas représenter seulement l’art des malades mentaux, mais inclure les marginaux, tous ces créateurs qui ont en commun de ne pas avoir de formation artistique, de ne pas faire partie du circuit commercial, d’utiliser des matériaux pauvres. Comme la folie n’est pas centrale dans l’Art Brut, les malades mentaux peuvent être considérés comme des artistes comme les autres. Tous ces créateurs différents ont gagné progressivement une juste reconnaissance, malgré la confidentialité qui reste de mise à Lausanne au siège actuel de la collection initiée par Dubuffet. Plus, ils ont leur place auprès des artistes d’art moderne et contemporain qu’ils ont impressionnés, comme Klee au début du XXe siècle ou Tinguely dans les années 1960. L’extraordinaire aventure de Saint-Alban a permis, par l’entreprise de Dubuffet, de mettre en évidence la qualité des productions des malades, l’importance de leur rôle dans l’art de notre temps. Quand les œuvres sont sorties de l’hôpital, elles ont échappé à la maladie. Leurs créateurs ne sont plus des exclus, comme les morts anonymes du Cimetière des fous. Auguste Forestier, Marguerite Sirvens, Aimable Jayet, Clément Fraisse et leurs successeurs sont exposés au Musée d’art moderne de Lille, le LaM, quittant ainsi une collection privée pour être largement exposés au public. Un autre regard sur la folie leur a rendu leur nom.

La Seconde Guerre mondiale a fait de l’hôpital psychiatrique d’un village de la Lozère un lieu unique d’asile, de rencontre, et de création[32]. Il servit de refuge à des médecins qui initièrent une révolution dans le traitement des malades mentaux internés, et qui accueillirent des intellectuels et des surréalistes confrontés à la folie et à ses productions artistiques. Ces mêmes hommes remarquables ont soigné et caché les blessés de la Résistance. Leur engagement dans la défense des œuvres de leurs malades a permis à ces derniers de sortir de l’anonymat et d’être reconnus comme artistes. Ce moment fut exceptionnel, car depuis le début des années 1950, la chimiothérapie agit favorablement sur l’humeur et les productions délirantes des malades, mais elle bouleverse aussi et peut annihiler leurs facultés de création, d’autant que beaucoup de malades peuvent quitter l’hôpital. Quelle que soit l’explication donnée sur le rôle de la folie dans la création artistique, voire sur son expression particulière, il faut admettre que les neuroleptiques appauvrissent l’inspiration. D’une certaine façon, il n’y a plus d’« Art des fous » proprement dit, même si on rencontre encore des patients créateurs soignés qui peuvent figurer alors dans l’Art brut.


[1] Ce terme est utilisé depuis 1938 ; il remplace en France celui d’asile ou asile d’aliénés, un établissement hospitalier public où étaient traités les malades mentaux.

[2] P. Balvet, « Asile et hôpital psychiatrique : l’expérience d’un établissement rural », Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de langue française, 43e session, Montpellier, octobre 1942. Hermann Simon, « La psychothérapie à l’asile », L’Hygiène mentale. Journal de psychiatrie appliquée, 1933, 1, p. 16–28. L’ouvrage de H. Simon est publié en 1929 sous le titre Aktivere therapie in der Irrenanstalt.

[3] Une politique de la folie par François Tosquelles, Chimères, automne 1991, numéro 19.

[4] L. Johnes, « FrançoisTosquelles : De la guerre d’Espagne à Saint-Alban », L’Invention du lieu, résistances et création en Gévaudan, LaM, Musée d’Art moderne, 2014, p. 27-33. J. Lacan, De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, thèse, 1932, Seuil, 1980.

[5] A. Breton, L’Amour fou, Bibliothèque de la Pléiade, t. II, 1992, p. 70.

[6] Les albums sont conservés dans les collections du LaM sous le nom d’Albums Dubuisson. D’autres psychiatres collectionneurs se sont intéressés très tôt aux productions des malades mentaux. Auguste Marie, dès la fin du XIXe siècle ; Édouard Toulouse, Paul Sérieux. Benjamin Pailhas a voulu constituer un musée consacré à l’art des aliénés. Sa collection est conservée à la Fondation du Bon Sauveur, à Albi. Il y eut des échanges entre Dubuisson et Pailhas. S. Faupin, « Maxime Dubuisson, Benjamin Pailhas », L’autre de l’art, LaM , Musée d’Art moderne, 2014, p. 51-57.

[7] K. Ben Faour, « Georges Canguilhem, entre folie et résistance », Les chemins de l’art brut 6 à Saint-Alban- sur- Limagnole, 2007, p. 27-31. G.Canguilhem : Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique. Clermont. La Montagne, 1943.

[8] Tosquelles précise que des expositions de champignons avaient été organisées pour apprendre aux patients à les ramasser. Chimères, 1919.

[9] P. Balvet, A. Chaurand : « Régime alimentaire et restriction à l’hôpital psychiatrique de la Lozère », op. cit. ; I. von Buetzingsloewen, L’Hécatombe des fous, Aubier, 2007, p. 369-372. M. Rochet atténue l’optimisme de Bonnafé et Tosquelles, puisque, selon les rapports administratifs et médicaux, il y eut 56 décès par cachexie durant la guerre. Au-delà de la dénutrition responsable des morts, il faut y associer le froid, la tuberculose pulmonaire, et tenir compte de l’arrivée massive en 1939, de l’état de santé des 250 malades transférés du fait de la guerre en provenance de l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard et des hôpitaux d’Alsace-Lorraine ; M. Rochet : « Saint-Alban sur-Limagnole : un hôpital psychiatrique dans la guerre », L’Information psychiatrique, 1996, p. 758-765 ; Max Lafont, L’Extermination douce. La cause des fous, 40000 malades mentaux morts de faim dans les hôpitaux de Vichy, Bordeaux, éditions du Bord de l’eau, 2000 ; I. von Buetzingsloewen invalide la thèse d’un génocide organisé par les autorités allemandes ou françaises, voire le milieu psychiatrique, op. cit. , p. 403-421.

[10] F. Tosquelles, Chimères, op. cit.

[11] A. Breton, L’art des fous la clé des champs, Bibliothèque de la Pléiade, t. III, 1999, p. 884-887.

[12] L. Bonnafé, Désaliéner Folie et Société, Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 1991.

[13] B. Chevillon, « Sur les traces de Franco Basaglia et Lucien Bonnafé », Actes du colloque Paris 2011, p. 10.

[14] M. Gauzy, « L’effervescence saint-albanaise », in catalogue Trait d’union, LaM, 2007, p. 16.

[15] J.C. Gateau, Paul Eluard ou le frère voyant, Laffont, 1988, p. 282.

[16] « Les amitiés de la Résistance », Le Lien, n°8, Dec 1999.

[17] L’esprit de secteur, Entretien avec Lucien Bonnafé,  Site Soin étude et recherche en psychiatrie.

[18] M. Bonnet, « La rencontre d’André Breton avec la folie », Folie et psychanalyse dans l’expérience surréaliste, Zéditions, Nice, 1992, p. 120.

[19] « Une précision d’André Masson sur l’art brut », Le Monde, 6 octobre, 1971.

[20] P. Dhainaut, « Visages de la folie : Paul Eluard à Saint-Alban », L’invention du lieu, LaM, 2015, p. 40.

[21] P. Brétécher, « Une rencontre inévitable »,ibid, p.42.

[22] P. Dhainaut, « Visages de la folie : Paul Eluard à SaintAlban », ibid., p. 42.

[23] « Une politique de la folie par François Tosquelles », Chimères, op. cit.

[24] Lettres de Tzara à Georges Hugnet, 10 juillet 1945, 8 septembre 1945, Bibliothèque Jacques Doucet.

[25] Entretien radiophonique avec Georges Charensol et Jean Dalevèse, in Tristan Tzara Œuvres complètes IV, Flammarion, 1980, note de Henri Béhar, p. 582.

[26] E. Le Coguic, L’activité intellectuelle et artistique au sein de l’établissement psychiatrique de Saint-Alban-sur Limagnole de 1914 à 1970, Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, Mémoire de Master 2, juin 2011.

[27] P. Dagen, « Ratton, objets sauvages »,Charles Ratton. L’Invention des arts primitifs, Musée du Quai Branly, Skira Flammarion, 2013, p. 136.

[28] J. Paulhan Guide d’un petit voyage en Suisse, Œuvres complètes Cercle du Livre Précieux, 1966, t. I, p.239.

[29] Lettre à Jean Oury, 17 février 1949, L’invention du lieu, op. cit., p. 49.

[30] J. Oury, Préalable à toute clinique des psychoses, Erès, 2012, p. 238.

[31] C. Delavaux, L’art brut, un fantasme de peintre, Palette, 2010.

[32] L’hôpital psychiatrique s’appelle aujourd’hui Centre François Tosquelles.

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Livraison du Mélusine XXXV

Mélusine XXXV
ÉROS, C’EST LA VIE !

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En couverture : Virginia Tentindo, Minimes innocences

 Sarane Alexandrian appelait de ses vœux une étude approfondie de l’érotique du surréalisme : « Au fond, cela consiste à éclaircir ces questions : qui, dans le surréalisme, a parlé de l’érotisme ? Quand et comment en a-t-on parlé ? Quelle influence les œuvres de ce genre ont eu sur l’évolution du mouvement ? »

Son propos, publié ici, est vérifié par l’ensemble des contributions. Du moins demandait-il lui-même à être complété, sur tous les plans, le surréalisme ne se limitant évidemment  pas à l’espace français ! Comme d’habitude dans les dossiers thématiques de Mélusine, une attention particulière est ici accordée au trait d’union, le plus érotique des signes graphiques, avec le signe +, selon le jeune Jarry.

N’est-ce pas Artaud qui annonçait vouloir monter l’histoire de Barbe-Bleue « reconstituée selon les archives, et avec une idée nouvelle de l’érotisme et de la cruauté » ? Ce qui conduit nos collaborateurs à revoir de plus près les positions respectives de Bataille et de Breton sur le sujet. N’est-ce pas ce dernier qui considérait l’Histoire de l’œil comme « le plus beau livre érotique qu’il connaisse, et même l’un des plus beaux livres qu’il ait lu ».

 VARIÉTÉ, RÉFLEXIONS CRITIQUES
Contributions de :
Sarane ALEXANDRIAN, Imre József BALÁZS, Henri BÉHAR, Marcella BISERNI, Léa BUISSON, Georgiana M.M. COLVILE, Marc DÉCIMO Olivier, DELERS, Sébastien GALLAND, Gaëlle HOURDIN, Pierre-Henri KLEIBER, Marc KOBER, Giovanni MAGLIOCCO, Ruben Daniel MÉNDEZ CASTIGLIONI, Mickaël MESIERZ, Stamos METZIDAKIS, Maryam MOREL, Martine NATAT-ANTLE, Chiara PALERMO, Sophie RIEU, Alba ROMANO PACE, Gabriel SAAD, Stefania SCHIBECI, Paolo SCOPELLITI, Noémie SUISSE, Maryse VASSEVIÈRE

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Numéro disponible aux éditions L’Age d’Homme
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Jean Lancri, De l’ombre chez (ou sur ?) Marcel Duchamp

Jean Lancri, De l’ombre chez (ou sur ?) Marcel Duchamp
Quatre-vingts notes conjointes sur Étant donnés, Paris, Apolis éditions, 2013, 70 pages.

Compte rendu de Pierre Juhasz

Il fallait le regard incisif de Jean Lancri, sa culture théorique transversale et sa sensibilité de plasticien pour lever le voile sur la question de l’ombre dans l’œuvre de Marcel Duchamp et apporter une magistrale interprétation de l’œuvre ultime de l’inventeur du ready-made : celle de l’installation intitulée Étant donnés : 1) La chute d’eau 2) le gaz d’éclairage, érigée un an après le décès de l’auteur, en 1969, en vertu du contrat passé par l’artiste et à laquelle il consacra les vingt dernières années de sa vie ; en somme, une œuvre posthume, qui recèlerait, selon Jean Lancri, comme un supplément d’œuvre. En quatre-vingts notes successives et progressives – autant d’arguments édifiés au fil des notes –, le propos, imprégné de psychanalyse et de sémiotique, révèle non seulement l’importance de l’ombre dans toute l’œuvre de Duchamp, mais plus particulièrement, de cette ombre étrange, jusque-là inaperçue, qui grandit au fil des regardeurs-voyeurs, apposant leur visage sur la porte de Étant donnés, où ils sont conviés à regarder, par deux trous, une femme qui s’exhibe. « Il se pourrait, selon Jean Lancri, que cette installation n’ait été programmée par Marcel qu’en tant que leurre pour amener les “regardeurs” de son œuvre finale à faire œuvre eux-mêmes, au-delà de son trépas, voire à leur insu » (p. 7). Ainsi les lignes se concentrent petit à petit sur la porte de Étant donné, porte hantée par cette œuvre fantôme – le halo laissé par les multiples visages –, cette œuvre à la fois « achéiropoïète et céphalopoïète, […] élaborée, d’une part, dans la tête de Marcel ; produite grâce à la pression de toutes les têtes moins une, en l’occurrence, moins celle de M.D., définitivement retiré, quant à lui, “du champ” des vivants » (p. 56).

À travers le dédale de la langue – des langues : le français et l’anglais –, à travers le jeu des mots qu’affectionnait Duchamp, mais aussi l’auteur de l’ouvrage, à l’appui de ses aphorismes, maximes et écrits, comme « a guest + a host = a ghost » ou bien encore à l’examen des termes dyer (teinturier) et dier (moureur) et l’homophonie avec le terme d’ailleurs, Jean Lancri montre comment l’œuvre ultime de celui dont l’épitaphe inscrite sur la tombe est « D’ailleurs, c’est toujours les autres qui meurent » serait un magistral memento mori. « Nous aurions là,  écrit-il, lancé par-delà le trépas et depuis l’au-delà, misé tel un coup de dés, tel un tout dernier coup de “D”, un appel de Duchamp à Marcel […]. S’il faut se voir Soi-même comme un autre (ainsi que dira Paul Ricœur), l’y voici par lui-même désigné comme un autre ; au plus vif d’une apostrophe partagée en deux langues, rongée par l’altérité la plus foncière qui soit, celle de la mort » (pp. 48-49).

Empreinte des visages successifs, « telle une photo, note l’auteur, le halo noirâtre est un indice (au sens de Peirce) » (p. 58), mais aussi index. « Le dispositif duchampien fonctionnerait tel un gigantesque appareil de photo » (pp. 58-59). À l’appui de la thèse de Rosalind Krauss concernant le photographique dans l’œuvre de Duchamp, l’auteur souligne : « Au plus fort de la pulsion scopique, quand le corps d’un visiteur de Étant donné se fait le voyeur d’une femme qui s’exhibe, c’est à l’aveugle et dans l’ombre de l’esprit que ce corps produit l’ombre du halo : tache aveugle, aveuglée en son centre par l’éclair du voir, par l’éclat du désir » (p. 59).

« Les porteurs d’ombre travaillent dans l’infra-mince » avait écrit Duchamp. C’est cet aphorisme que Jean Lancri choisit comme exergue au seuil de son ouvrage. Plus tard, il note : « Une œuvre infra-mince enfin, […] où Duchamp, en habit d’outre-tombe et livrée de « porteur d’ombre », continuerait discrètement à « travailler dans l’infra-mince » ; où il ne cesserait de « re-venir », par têtes (présentes et à venir) interposées, pour œuvrer » (p. 56).

Le texte de Jean Lancri est précis, précieux, puissant. Il donne à comprendre et à sentir en quoi l’œuvre de Duchamp, « infra-mince et minimale ; minimale et liminale » (p. 56), hantée de tous les visages moins le sien, par la profondeur de l’ombre qu’il propage, continue à hanter malicieusement le devenir de l’art.

Pierre Juhasz

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Infra-noir

Infra-noir

recension par Georges Sebbag

 « Infra-noir », un et multiple / Un groupe surréaliste entre Bucarest et Paris, 1945-1947, sous la direction de Monique Yaari, Peter Lang, Bern, 2014.

http://www.peterlang.com/index.cfm?event=cmp.ccc.seitenstruktur.detailseiten&seitentyp=produkt&pk=80035

 Cet ouvrage sur les surréalistes de Bucarest a d’abord le mérite de reproduire, dans un format réduit il est vrai, une série d’opuscules ou de catalogues, parfois illustrés, pour la plupart écrits en français[1]. À cette liste impressionnante convoquant Gherasim Luca, Dolfi Trost, Paul Paun (ou Paon), Virgil Teodorescu et Gellu Naum, pourraient s’ajouter d’autres livres plus copieux,  notamment Le Vampire passif de Gherasim Luca et Vision dans le cristal de Trost publiés en 1945 aux Éditions de l’Oubli, également à Bucarest. Pour qui examine ces textes hostiles à la littérature, ces graphies aimantées par le hasard, ces objets tournant le dos à l’art, pour qui se penche sur ces manifestes surréalistes émaillés de nouveaux concepts, il apparaît soudain que le surréalisme, entre janvier 1945 et mai 1947, n’a atteint sa plus haute cime ni à Paris ni à New York mais à Bucarest.

L’ouvrage sur Infra-noir vise à être exhaustif. Dans une introduction bien articulée et détaillée, Monique Yaari, après avoir évoqué la genèse du groupe et la parenthèse sombre de la Seconde Guerre mondiale, dresse un bilan de l’œuvre des cinq surréalistes, nés, rappelons-le, entre 1910 et 1916, et apporte quelque lumière sur chacune des trajectoires. Elle ne cache pas qu’en dépit de manifestes communs et d’expositions collectives, il existe une fracture entre le duo Luca-Trost et le trio Naum-Paun-Teodorescu qui depuis longtemps voit en Luca et Trost deux incorrigibles mystiques. Il faut néanmoins préciser que le couple Luca-Trost implosera en août 1951, au moment de son séjour en Israël, pourtant après une expérience prometteuse d’un rendez-vous mental fixé à une heure précise du dimanche 18 mars entre Breton, Paon, Luca et Trost, se trouvant respectivement à Paris, Bucarest et en deux lieux différents en Israël.

Krzysztof Fijalkowski entreprend une étude patiente, éclairante et directe des écrits fondateurs de Gherasim Luca, en particulier du Vampire passif, qu’il a d’ailleurs traduit en anglais. Il reconnaît là, dans la veine de Nadja ou de Huysmans, le souci invincible d’une mise à l’épreuve du réel. Il souligne le rôle des objets dont on peut vérifier, à travers les photographies de Théodore Brauner, la charge obsédante et magique et la part incontestable qu’ils prennent dans le cours tumultueux et déroutant des événements. Luca, qui instaure un redoublement de l’objet dans sa pratique de l’Objet Objectivement Offert, opère une véritable mutation de l’objet au point qu’on peut se demander s’il n’a pas réussi à surmonter ce que Breton avait appelé la « crise de l’objet ». On a le sentiment d’un puissant renouvellement sur des terrains essentiels comme l’invention, la passion ou la formulation. Luca ne se prive pas d’affirmer qu’il réinvente l’amour et affronte la mort sans coup férir. Toutes ses audaces ne font que prolonger à ses yeux l’ébranlement par lequel les surréalistes ont secoué la vieille carcasse de la société.

Dans Dialectique de la dialectique, Luca et Trost entendent, à travers ce message adressé au surréalisme international, transformer le désir en « réalité du désir ». Ils précisent que le surréalisme ne cherche pas plus à gérer l’héritage de la pensée révolutionnaire qu’à occuper la place dévolue à l’avant-garde. Les surréalistes ne cessent de répliquer le désir. Comme le note Fijalkowski, ils se trouvent toujours dans la phase d’un « désir de désirer ». Aussi l’amour objectif vient-il prendre le relais de la découverte capitale du hasard objectif.

Fijalkowski, avec Amphitrite et Le Secret du vide et du plein, poursuit son étude au scalpel des textes infra-noir de Luca. Nous devinons, à travers ses indications minutieuses, tout un monde palpitant de passions et d’interrogations.

Alors qu’elle prétend conduire une étude serrée de deux textes de Trost, Le Même du même et Le Plaisir de flotter / Rêves et délires, Françoise Nicol échoue à montrer en quoi la théorie du Même du même trouve son application dans Le Plaisir de flotter. Elle ne voit pas que Trost est exactement dans la posture de Breton pour qui le Manifeste du surréalisme sert de préface aux images et aux « historiettes » de Poisson soluble. Mais surtout, loin de s’apercevoir que Trost (en même temps que Luca) renverse du tout au tout la théorie freudienne, elle suppose que Le Même du même « critique une partie de la conception freudienne du rêve et sa méthode d’interprétation. » En réalité, Trost ne conserve pas une seule miette de Freud. Dans la foulée des surréalistes des années 1920, il affirme la toute-puissance du rêve manifeste, invalide la quête du rêve latent et ne laisse plus la moindre place à l’interprétation freudienne. N’ayant pas compris le coup de force théorique opéré par Luca, Françoise Nicol n’a pas pu saisir l’importance du sous-titre du Plaisir de flotter qui ne fait que singer l’étude de Freud Délire et rêves dans la « Gradiva » de Jensen. Quand il rêve et délire, Trost ne flotte pas sur les décombres du passé mais sur une scène actuelle ou un paysage à venir. C’est ainsi qu’à notre grande stupéfaction nous décelons dans Plaisir de flotter la jeune fille et la jeune femme, deux personnages qui n’en feront bientôt qu’un dans Visible et invisible et Librement mécanique : la jeune fille-femme, la figure et le concept qui viendront enrichir les intuitions et les pensées de Trost.

Si les cinq surréalistes de Bucarest, entre 1945 et 1947, affrontent l’esprit et la matière, il n’est pas surprenant que Paul Paun soit amené à revisiter dans Les Esprits animaux le concept cartésien microphysique d’une matière impondérable et subtile. Un point que Monique Yaari aurait dû marquer davantage. Pour sa part, Jacqueline Chénieux-Gendron situe avec justesse « Sable nocturne », contribution du « groupe surréaliste roumain » dans le catalogue de la fameuse exposition « Le Surréalisme en 1947 ».

Dans un court essai, Jonathan Eburne s’interroge sur la part stratégique et le contenu théorique de l’obscurité chez les surréalistes de Bucarest. En somme, le groupe Infra-noir affronte à son tour la question de l’occultation du surréalisme. Eburne s’appuie sur le catalogue de l’exposition L’INFRA-NOIR, Préliminaires à une intervention sur-thaumaturgique dans la conquête du désirable de Luca, Paun et Trost, qui comprend un texte truffé de quarante-cinq énoncés en italique numérotés (Luca : 1 à 15 ; Paun : 16 à 30 ; Trost : 31 à 45), probablement les titres des œuvres présentées lors de cette exposition de septembre-octobre 1946. Mais le texte étant cosigné par les cinq surréalistes de Bucarest, on peut imaginer qu’ils y ont tous participé, avec comme seule consigne de remplir les vides entre les énoncés en italique. « Nous levons un verre pour provoquer le vol de sa consistance (6), nous mettons sur la table une feuille de papier pour trouer les résistances (7). » Un tel passage jonglant avec le plein et le vide, à la manière d’ailleurs de la photo Les Buveurs de Paul Nougé, ne creuse-t-il pas une forme d’absence et ne nous alerte-t-il pas sur les ressources propres à l’ombre et à l’obscurité ?

Le « surautomatisme » ou la « sur-thaumaturgie » indiquent à souhait que les membres d’Infra-noir ne lésinent pas sur le supra. Néanmoins, ils ont surtout conscience d’adhérer à l’infra. Non qu’ils se croient assujettis à une infrastructure économique et sociale mais parce que toutes leurs expériences passionnelles et intellectuelles, oniriques et verbales, relatives à des individus ou à des objets, se déroulent sur le terrain chaotique de l’infra-noir. Et sans aucun recours à la dialectique hégélienne, ils veulent toucher du doigt, en aveugles s’il le faut, les ombres et les spectres dans l’obscurité même du surréalisme.

[1] En voici la liste : Gherasim Luca et Trost, Dialectique de la dialectique / Message adressé au mouvement surréaliste international, S / Surréalisme, 1945 ; Gherasim Luca et Trost, Présentation de graphies colorées, de cubomanies et d’objets, 7 janvier – 28 janvier 1945 ; Paul Paun, Brevet Lovaj, colectia suprarealista, 1945 ; Exposition Gherasim Luca / Paul Pan / Trost, L’INFRA-NOIR, Préliminaires à une intervention sur-thaumaturgique dans la conquête du désirable, S / Surréalisme, 1946 ; Gherasim Luca, Amphitrite / Mouvements sur-thaumaturgiques et non-œdipiens, Infra-noir, 1947 ; Gherasim Luca, Le Secret du vide et du plein, Infra-noir, 1947 ; Paul Paun, Les Esprits animaux, Infra-noir, 1947 ; Paul Paun, La Conspiration du silence, Infra-noir, 1947 ; Trost, Le Même du même, Infra-noir, 1947 ; Trost, Le Plaisir de flotter / Rêves et délires, Infra-noir, 1947 ; Virgil Teodorescu, Au lobe du sel, Infra-noir, 1947 ; Virgil Teodorescu, La Provocation, Infra-noir, 1947 ; Gherasim Luca, Gellu Naum, Paul Paun, Virgil Teodorescu et Trost, Éloge de Malombra / Cerne de l’amour absolu, S / Surréalisme, 1947.

[Télécharger l’article   Infra-noir – G. Sebbag]

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Les Fabuleuses

Les fabuleuses

MÉLUSINE est la patronne rêvée d’une revue du surréalisme. Elle nous rappelle tantôt que Jarry a honoré Mélusine dans l’Amour absolu, et que Breton… Bien sûr, Mélusine c’est L’Amour fou. Ainsi baptisés, ces « Cahiers » existent fortement : des volumes de trois à quatre cents pages. Le dernier a pour sujet le livre et les revues surréalistes. Mais c’est tout autre chose qu’une présentation technique, typographique et plastique : une recherche sur l’esprit de ces livres et du surréalisme même. Par exemple : « L’amour et l’érotisme ». Arturo Schwarz cite aussitôt Breton : « Il est certain que l’amour charnel ne fait qu’un avec l’amour spirituel. » Avec des dessins de Desnos, des illustrations de Man Ray, André Masson, Tanguy, de Chirico, Dali, Miro. (Cahiers du Centre de recherche sur le surréalisme, dirigés par Henri Béhar. Édit. L’Age d’Homme).

Article d’Yves Florenne, LE MONDE, 1983/05/20.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/archives/article/1983/05/20/les-fabuleuses_2835049_1819218.html#HB080V8crUILhCia.99

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L’Art du crime surréaliste

L’Art du crime surréaliste

Recension par Georges Sebbag

Jonathan Eburne, Surrealism and the art of crime, Cornell University Press, Ithaca & London, 2008.
Masao Suzuki, Faits divers surréalistes, coll. Surréaliste, Jean-Michel Place, 2013.
Histoires littéraires, janvier-mars 2013, vol. XIV, n° 53.

Dans Surrealism and the art of crime, le livre très charpenté et novateur de Jonathan P. Eburne, la pensée et les activités surréalistes sont passées au crible du crime ou du fait divers, une notion concrète dont l’auteur dégage au fur et à mesure le concept. Cela l’autorise, avec un tel fil conducteur, à se faufiler entre le crime individuel et la violence collective, le battage médiatique et la réflexion théorique. Jonathan Eburne peut ainsi élaborer des interrogations nouvelles sur le mal, la terreur et la révolution. S’exprimant dans un style élégant et concis, il se résout par souci pédagogique à exposer, séquence après séquence, la chronologie du crime arpentée par les surréalistes. Surtout, il se montre d’une efficacité redoutable en sélectionnant des textes et des documents que l’historiographie du surréalisme avait négligés. Prenant à témoin le lecteur, il détaille les manifestations du crime, dissèque les éléments ambiants, exploite une série d’indices ou de signaux, déroule des arguments sans jamais forcer le trait. Bref, il conduit une enquête, le plus souvent inédite, sur l’art du crime surréaliste.

Bien entendu, Eburne examine à fond le dossier de Germaine Berton, des sœurs Papin ou de Violette Nozières, toutes ces femmes dont les surréalistes ont exalté le geste criminel. Il ne manque pas non plus de s’interroger sur Breton déclarant que s’il était fou et enfermé dans un asile il assassinerait le médecin lui tombant sous la main (Nadja) ou bien définissant l’acte surréaliste le plus simple comme le fait de tirer au hasard dans la foule (Second manifeste). Mais de façon encore plus subtile, il soumet au lecteur des pièces à conviction beaucoup plus inattendues :

  1. On sait que l’auteur du Manifeste du surréalisme s’appuie sur la description d’une chambre par Dostoïevski pour tirer à boulets rouges sur le métier de romancier. Or, contrairement à l’affirmation de Breton, cette description de Crime et châtiment n’a rien d’arbitraire, elle correspond à un moment de repérage par Raskolnikov, assassin en puissance. Ainsi, même si elle est invoquée par défaut, cette chambre tapissée de papier jaune, scène virtuelle d’un crime, semble logée au sein même du dispositif surréaliste.
  2. En mai 1922, dans Littérature, nouvelle série, n° 2, paraît « Au Clair de la Lune », un texte dédié à Raymond Roussel et signé d’un certain Philippe Weil. Y est décrite avec la minutie d’un huissier la scène d’un crime : une chambre où repose un cadavre masculin et où les vêtements, les rideaux et les diverses pièces du mobilier sont constellés de gouttelettes de sang. Derrière Philippe Weil se cache en réalité Philippe Soupault. Cette description redondante de taches de sang prendra tout son sens, une fois replacée dans le roman À la dérive, mais alors le cadavre sera féminin. Notons que ce même numéro de Littérature s’achève par une lettre, à la signature illisible, reçue par la rédaction : « Nous avons le plaisir de vous informer que nous vous expédions par ce courrier la douzaine d’enfants français morts de faim que vous nous réclamez en échange des spécimens russes que vous avez eu la bonté de nous envoyer. / Toujours dévoués à vos ordres, agréez, etc. » Outre cette missive qui balance entre le sinistre et l’humour noir, rappelons que Soupault à la même époque écrivait Invitation au suicide, un ouvrage dont on n’a toujours pas retrouvé la trace. On peut se demander si André Breton, à qui le roman À la dérive est dédié, n’a pas voulu sanctionner, à travers la chambre de Crime et châtiment, une autre chambre du crime, celle où Soupault s’appesantissait sur les gouttes de sang et modifiait à son gré le sexe du cadavre.
  3. Down Below (En bas), le récit dramatique et bouleversant de Leonora Carrington sur sa fuite en Espagne et son internement dans une clinique, est l’occasion pour Eburne, après un bilan de l’approche du délire paranoïaque par Dalí, Lacan et Crevel, de situer l’infortunée Carrington dans ce sillage. D’un côté, il établit un parallèle entre le plan de la clinique dessiné par la surréaliste et celui de la clinique du docteur Flechsig inséré par le fameux Président Schreber dans Mémoires d’un névropathe. D’un autre côté, il insiste sur la portée cosmique, sociale et politique d’un délire intégrant la persécution des Juifs en pleine Seconde Guerre mondiale.
  4. La Reine des pommes de Chester Himes publié en 1958 dans la Série noire, la collection de l’ancien surréaliste Marcel Duhamel, autorise une interrogation sur les ramifications de l’humour noir mais aussi sur une nouvelle façon pour l’écrivain afro-américain de rebattre les cartes du crime et de la violence sociale dans sa propre écriture du roman noir.

Ces quelques aperçus de l’ouvrage de Jonathan Eburne laissent deviner à quel point son investigation du champ criminel comme de la violence collective représente une réelle avancée dans la connaissance critique et épistémologique du surréalisme. Il est impossible de ne pas associer ce livre au dossier Faits divers surréalistes de Masao Suzuki, qui était sur le point de paraître en 2007 et qui n’a finalement vu le jour qu’en 2013. On trouve là rassemblés, dans l’esprit de la collection Surréaliste chez Jean-Michel Place, tous les textes publiés dans les revues surréalistes précisément sur ce thème. Sous le titre « L’Opium / Des jeunes gens s’étaient essayés à fumer le terrible suc », la mort de Jacques Vaché et de Paul Bonnet dans un hôtel à Nantes le 6 janvier 1919 ouvre le bal des faits divers. Benjamin Péret, dans Littérature de juillet-août 1920, fait de la surenchère sur le récent fait divers d’une fillette violée puis découpée en cinquante-cinq morceaux et précise ainsi son point de vue : « Un crime ne nous intéresse que tant qu’il est une expérience (une dissociation de composés chimiques). » Pour Eburne, cet article de Péret jette les fondements de l’art du crime surréaliste.

On peut donner une idée de l’étendue documentaire des faits divers en citant les trois grandes sections de l’anthologie de Masao Suzuki : « Qui a tué Philippe Daudet ? “C’est moi”, dit Germaine Berton / Violette, victime d’inceste et parricide / Denise Labbé, diaboliquement envoutée ». Comment expliquer que le fait divers soit consubstantiel au surréalisme ? Masao Suzuki y voit deux raisons. D’une part, le fait divers, en tant qu’énoncé journalistique, tombe sur celui qui le reçoit comme un message, voire comme un message automatique. D’autre part, ce message invérifiable trouve dans le groupe surréaliste, qui est une pluralité convulsive, un terrain affectif particulièrement propice.

Dans cette histoire surréaliste du crime et des faits divers, j’ai eu l’occasion à maintes reprises de souligner trois points : 1. « Il y a un homme coupé en deux par le fenêtre », le premier message automatique entendu par Breton est de nature schizophrénique. 2. Ce message succède au conte L’Homme coupé en morceaux projeté par Breton peu auparavant, en novembre 1918. 3. Ce conte, ce message, ainsi que quelques années plus tard, le jeu du cadavre exquis, ne sont rien d’autre que la projection de la femme ou de l’homme coupé en morceaux, un fait divers qui a ses lettres de noblesse avec Jean Lorrain (« Autour d’un cadavre / Propos d’opium », Le Journal, 29 janvier 1901), Alphonse Allais (« La vérité sur l’homme coupé en morceaux dévoilée par l’assassin lui-même », Le Journal, 30 janvier 1901) et Alfred Jarry (« Opinion de l’homme coupé en morceaux », L’Œil, 21 juin 1903). Cette revue de presse ne serait pas complète sans l’article retentissant « Pour l’homme coupé en morceaux » publié par Joseph Delteil dans Paris-Journal du 9 janvier 1925 : « Chaque fois que l’opinion, énervée, troublée par des incidents d’ordre international, des bruits sociaux, des querelles politiques, glisse, tangue, a besoin d’un cachet de véronal, vite on fait appel à l’homme coupé en morceaux. »

Il m’a paru nécessaire de réunir deux travaux qui bien qu’écrits l’un indépendamment de l’autre, se complètent admirablement. À l’étude magistrale de Jonathan Eburne qui irradie autour du foyer conceptuel du crime répondent les pièces de ce même dossier rassemblées et analysées par Masao Suzuki avec la plus grande finesse. Une nouvelle compréhension du surréalisme se fait jour quand ceux qui le mettent à nu en éprouvent la sensibilité même.

Dans « André Breton et le grand fait divers » (Histoires littéraires, janvier-mars 2013, vol. XIV, n° 53), dont le titre fait allusion à Divagations de Stéphane Mallarmé, Henri Béhar pose en note cette question pertinente : pourquoi les surréalistes ont-ils appelé leur Violette Nozières et non Nozière ?

[Télécharger l‘art du crime surréaliste par Georges Sebbag]

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Hommage à Octavio Paz à la Halle Saint-Pierre

Conférence Octavio Paz et l’Orient par
Hervé-Pierre Lambert

Dimanche 26 octobre 2014, à 15h :

Hommage à Octavio Paz : Conférence Octavio Paz et l’Orient par Hervé-Pierre Lambert à l’occasion de la sortie de son livre éponyme aux éditions Classiques Garnier (collection Perspectives comparatistes). Débat avec l’auteur et Jean-Clarence Lambert, à la Halle Saint-Pierre

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  Double hommage par Hervé-Pierre Lambert au poète, prix Nobel de littérature, dont on fêterait cette année les cent ans. Octavio Paz est nommé ambassadeur du Mexique en Inde en 1962. Poste qu’il abandonnera en octobre 1968 en signe de protestation lors de la répression des étudiants de Tlatelolco. Ce passage par l’Inde et son choc culturel fut déterminant. Cet œuvre, au carrefour de cultures mondiales, accueille et fait dialoguer la mythologie préco-lombienne, le surréalisme, le bouddhisme, l’hindouisme ou encore la poésie japonaise. Hervé-Pierre Lambert nous parlera des confrontations si fructueuses dans l’œuvre de Paz entre Mexique et Orient, pensée orientale et modernité occidentale.

 

Les rendez-vous de la Halle Saint-Pierre

Conférences de l’Association pour la recherche et l’étude du surréalisme (APRES)

organisées par Françoise Py à la Halle Saint-Pierre le dimanche 16 novembre 2014 puis, à partir de janvier 2015, le deuxième samedi du mois de 15h à 18h.
Réception par Martine Lusardy

Dimanche 26 octobre 2014

Hommage à Octavio Paz : Conférence Octavio Paz et l’Orient par Hervé-Pierre Lambert à l’occasion de la sortie de son livre éponyme aux éditions Classiques Garnier (collection Perspectives comparatistes). Débat avec l’auteur et Jean-Clarence Lambert.

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Samedi 10 janvier 2015

Editer la poésie surréaliste aujourd’hui. Rencontres animées par Dominique Calmé : avec la participation de Laure Missir, Éditions des Deux Corps, de Guy Girard, Christian Martinache et Richard Walter pour les éditions du Grand Tamanoir ainsi que de Francis Lecomte pour le catalogue Choses Vues.
Projection de 3 films issus du DVD Les Surréalistes et le cinéma :
Ni d’Eve ni d’Adam (1968) 10 min, réalisation Michel Zimbacca
— Évocation de l’Écart Absolu (2011) 8 min, d’après un scénario original de Jorge Camacho et Michel Zimbacca
— Entrevue d’André Breton avec Judith Jasmin au moment de l’exposition ÉROS à la galerie Daniel Cordier (extrait de l’émission Le Sel de la semaine, 1960) 27 min.

 Samedi 14 février 2015

Projection du film de Fabrice Maze sur Victor Brauner (éditions Seven Doc, collection Phares, fin 2014).
1.- Le grand illuminateur totémique
2- La mythologie hermétique (éditions Seven Doc, collection Phares, novembre 2014).

Débat avec le réalisateur, Fabrice Flahutez, Camille Morando et Fabrice Pascaud.

Samedi 14 mars 2015

Projection du film de Fabrice Maze sur Victor Brauner :
3- Le moi comme symbole de l’infini (éditions Seven Doc, collection Phares, novembre 2014).
Débat avec le réalisateur, Fabrice Flahutez, Camille Morando et Fabrice Pascaud.

 Samedi 11 avril 2015

CONCERT EXCEPTIONNEL  du duo Paris’click qui mêle avec talent instruments classiques et musique pop, théâtre onirique et voix chantées, avec des textes d’Ophélia Grimm et d’Arrabal. Un surréalisme d’aujourd’hui, un brin déjanté.
Le site de Paris’click (www.paris’click ) donne des extraits de cette musique totalement inédite.
Spectacle gratuit, offert tout spécialement pour les  amis de la Liste Mélusine.

 Samedi 9 mai 2015

Jean-François Rabain : conférence sur Unica Zürn.
Lecture de la correspondance d’Unica Zürn avec Henri Michaux et Hans Bellmer par Jean-François Rabain et Anne Szulmajster. Débat avec Jean-François Rabain et Georges Bloess.
Jean-François Rabain est esthéticien, psychiatre et psychanalyste. Il a connu Unica Zürn lorsqu’il était jeune interne et il a noué avec elle et Hans Bellmer une longue amitié. Unica Zürn est une artiste hors norme, entre surréalisme et art brut, très contemporaine dans sa démarche autobiographique qui passe à la fois par l’image et par le texte.
Anne Szulmajster est linguiste (Collège de France, EPHE, INHA).

 Samedi 13 juin 2015

après-midi en théâtre et en chansons !
L’après-midi du samedi 13 juin comprendra deux volets d’une heure chacun. Dans une première partie, Jean-Loup Philippe, auteur, acteur et metteur en scène, interprétera pour nous quelques unes de ses dernières créations. Dans une seconde partie, la chanteuse Aruna nous fera voyager en chansons.

Ami intime de Supervielle, de Jean Tardieu et de Henri Michaux, Jean-Loup Philippe a mis en scène, avec leur collaboration, plusieurs de leurs textes. De 1956 à 1960, il a joué « Thé et sympathie » avec Ingrid Bergman, occupant avec elle les deux premiers rôles. Il a également joué dans de nombreuses pièces de théâtre ainsi que dans une vingtaine de films. Il a créé au début des années soixante, avec Jean-Clarence Lambert, le Domaine Poétique pour promouvoir, après les futuristes et Dada, une poésie sonore expérimentale. Il a ainsi programmé pour de nombreux spectacles et performances, au sein du Domaine Poétique, Gherasim Luca, Bernard Heidsieck et Robert Filliou, ses proches collaborateurs et amis.

Aruna est une chanteuse hors normes à la voix grave et chaude, tout à fait exceptionnelle. Partie de son Béarn natal à l’âge de 16 ans, elle a voyagé et chanté avec les gitans qui l’ont adoptée. Elle parcourt le monde, et tout particulièrement l’Inde ou l’Amérique Latine, et chante pour les publics les plus défavorisés. Elle revient du Mexique où elle a réalisé une mission humanitaire de six mois, chantant dans les prisons, les hôpitaux, les quartiers déshérités. Son répertoire comprend ses propres chansons mais aussi les plus belles chansons françaises, espagnoles, sud-américaines. Dans la veine d’une Mercedes Sosa, elle donne vie à des chants oubliés. Elle s’accompagne à la guitare, instrument qu’elle joue de manière instinctive, avec des accents gypsy. (On peut entendre deux de ses chansons sur YouTube à Free Live Sessions).
Un verre de l’amitié, à la fin du spectacle, permettra de prolonger les échanges. Venez nombreux !

Informations pratiques :

Halle Saint-Pierre : 2 rue Ronsard — 74018 Paris, Métro Anvers. www.hallesaintpierre.org

Françoise Py : 06.99.08.02.63, francoise.py@univ-paris8.fr
L’Association pour l’étude du surréalisme est présidée par Henri Béhar

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Journées d’étude 2014-2015 – « Surréalistes et rebelles »

Journées d’étude 2014-2015
« Surréalistes et rebelles »

Toutes les séances se tiendront à l’INHA, Salle Giorgio Vasari.

Journée d’étude 5
Jean-Christophe Averty-22 Novembre 2014.

(en sa présence)
Organisée par Caroline Barbier de Reulle, Henri Béhar et Françoise Py
Matinée : 10h00 – 12h30 Accueil et première partie des communications
1. François Jost : Cinq raisons d’aimer Averty
2. Jacques Besson : Étude de différentes thématiques présentes dans l’œuvre de J.-C. Averty illustrées par le documentaire Si Averty c’est moi, avertissez-moi !
3. Bernard Papin : À partir des Raisins verts
Déjeuner au restaurant de l’INHA (dans la galerie Colbert)
Après-midi : 14h-19h suite des communications, conclusions.
4. François Naudin : Du bois dont on fait les flèches
5. Jill Gasparina : Figures de l’ubiquité chez J.-C. Averty
6.  Henri Béhar : Marcel Duchamp s’invite chez Jarry dans Le Surmâle de J.-C. Averty
Pause café
7.
Sandra Lischi : Entre télé et art vidéo : quelques notes d’imagination électronique
8. Caroline Barbier de Reulle : L’Autoportrait mou de Salvador Dalí
9.
Anne Legrand : La passion du jazz pour une télévision d’avant-garde
Les interventions, d’une durée maximum de 30 min, seront accompagnées d’extraits de l’œuvre de J.-C. Averty.

Journée d’étude 6 — 24 Janvier 2015.
Les surréalistes roumains, des rebelles ?

Organisée par Françoise Py, Gabriel Saad et Maryse Vassevière.

Matin, 10h 30-12h30 :
Florin Oprescu : Gherasim Luca : cubomanies, graphomanies, bégaiements et autres résurrections surréalistes.
Charlène Clonts : Ghérasim Luca : sortir de la pensée circulaire :  l’expérimentation hégélienne

Après-midi : 14h-15h45
Petre Raileanu : Perahim, surréaliste sans affiliation
Rose-Hélène Iché : Victor Brauner et Jacques Hérold à l’épreuve de la Seconde Guerre mondiale
— 16h-18h15 : Film de Fabrice Maze sur Jacques Hérold (édition Seven Doc, collection Phares)
— Présentation par Rose Hélène Iché
— projection du film (1h50)
— débat avec Rose-Hélène Iché et Françoise Py


Journée d’étude 7
Surréalistes et rebelles. 7 Mars 2015.
Organisée par Gabriel Saad et Maryse Vassevière

 — Matin :
10h30-12h30

Mickaël Mesierz : Un rebelle discret : Julien Gracq, entre indépendance et fidélité
Gabriel Saad : Alejo Carpentier, rebelle du surréalisme ?

— Après-midi :
14h-15h45
Bruno Duval : Robert Crégut : le plein des sens
Stéphane Massonet : Roger Caillois, le masque de Lautréamont

— 16h-l8h30
Projection du film de Fabrice Maze sur Wifredo Lam « Au carrefour des mondes » (1902-1946) », 87’.
Présentation du film par le réalisateur. Débat avec le réalisateur et Françoise Py.

Journée d’étude 8
Les surréalistes et les rebelles.  Samedi 30 Mai 2015

Organisée par Henri Béhar et Françoise Py
Matin  10h30 -12h30
Sébastien Galland : Breton contre Breton
Martine Créac’h : Yves Bonnefoy et les surréalistes

Après-midi  14h – 18h
Maryse Vassevière : Aragon rebelle ?
Daniel Bougnoux : autour d’Aragon
Philippe Ivernel : Walter Benjamin et sa relation à Aragon et au surréalisme
Fabrice Pascaud : André Breton et l’occultisme : histoire d’un malentendu.

 

 


INHA, Galerie Colbert, 2 rue Vivienne, 6 rue des Petits Champs, 75002 Paris.

Métro : Bourse, Pyramides, Palais Royal.
Accueil des participants et du public dès 10h15.

Cahiers Mélusine-prochainement

Les prochaines livraisons de la revue Mélusine

Les prochains numéros de Mélusine en préparation :

1) Érotisme et surréalisme 

Le dossier central de Mélusine XXXV, à paraitre au premier trimestre 2015, sera dédié au thème « Érotisme et surréalisme ».
Naguère, Sarane Alexandrian appelait de ses vœux une étude approfondie de l’érotique du surréalisme, estimant qu’on ne pouvait s’en tenir à deux ou trois cas isolés de poètes ou de plasticiens pour définir l’attitude globale du mouvement à cet égard. Il traçait ainsi le programme de recherches à venir : « Au fond, cela consiste à éclaircir ces questions : qui, dans le surréalisme, a parlé de l’érotisme ? Quand et comment en a-t-on parlé ? Quelle influence les œuvres de ce genre ont eu sur l’évolution du mouvement ? »
Le prochain volume vérifiera chaque point de ce propos, en examinant les théories et les productions du surréalisme dans les différents domaines de l’art et dans les différents lieux où il s’est produit.

2) Masculin-Féminin 

Le dossier central de la revue Mélusine, n° XXXVI, à paraitre au premier trimestre 2016, sera dédié à l’articulation « Masculin-Féminin ».
Parmi les plus nocives des idées reçues le concernant, il est acquis que le surréalisme, essentiellement composé d’hommes, développa un machisme actif.
La première tâche d’un esprit un tant soit peu scientifique serait d’aller y voir de plus près et de vérifier le degré d’exactitude d’une telle assertion. Sans éliminer la part du biographique, ni le rôle de l’individu, conscient et inconscient, dans chaque création, nous voudrions reprendre le problème du caractère générique d’une œuvre artistique et des représentations qu’elle suscite, à partir de ses propres informants, sans déterminisme ni positivisme simpliste.