ÉGARÉ Qu’une mésange turquoise batte de l’aile dans la crème et les pousses de la vigne s’envoleront comme des fausses barbes chassées par des pavés égarés dans des lunettes qui ne sont pas les miennes pas plus que la blancheur d’un bras ne noircit une chevelure tombant sur des yeux si clairs qu’on y voit gelées comme un os tombé du ciel de longues plantes molles et fragiles comme un torrent de larmes bataviques brisées une à une comme une automobile de luxe qui a heurté un âne braillant comme un tonneau de mica comme une asperge qui sort de terre et demande s’il est l’heure de dormir L’heure de dormir est passée asperge comme passent les œufs dans les tirs forains comme je passe en crachant sur la légion d’honneur que je rêve d’agrandir jusqu’aux omoplates afin d’y loger un rat affamé comme une mitrailleuse tirant sur les flics L’heure de dormir est passée comme une mésange turquoise qui se cache dans une armoire sans arriver à faire croire qu’elle est pleine de linge Pour dormir et s’éveiller comme une rivière qui saute à pieds joints dans le tutu de sa chute il faudrait que la mésange turquoise sorte de son armoire comme un arc-en-ciel sur un canapé et me crie Coucou me voilà
HOMARD Les aigrettes de ta voix jaillissant du buisson ardent de tes lèvres où le chevalier de la Barre serait heureux de se consumer Les éperviers de tes regards pêchant sans s’en douter toutes les sardines de ma tête ton souffle de pensées sauvages se reflétant du plafond sur mes pieds me traversent de part en part me suivent et me précèdent m’endorment et m’éveillent me jettent par la fenêtre pour me faire monter par l’ascenseur et réciproquement
ALLO Mon avion en flammes mon château inondé de vin du Rhin mon ghetto d’iris noirs mon oreille de cristal mon rocher dévalant la falaise pour écraser le garde-champêtre mon escargot d’opale mon moustique d’air mon édredon de paradisiers ma chevelure d’écume noire mon tombeau éclaté ma pluie de sauterelles rouges mon île volante mon raisin de turquoise ma collision d’autos folles et prudentes ma plate-bande sauvage mon pistil de pissenlit projeté dans mon œil mon oignon de tulipe dans le cerveau ma gazelle égarée dans un cinéma des boulevards ma cassette de soleil mon fruit de volcan mon rire d’étang caché où vont se noyer les prophètes distraits mon inondation de cassis mon papillon de morille ma cascade bleue comme une lame de fond qui fait le printemps mon revolver de corail dont la bouche m’attire comme l’œil d’un puits scintillant glacé comme le miroir où tu contemples la fuite des oiseaux mouches de ton regard perdu dans une exposition de blanc encadrée de momies je t’aime
CLIN D’OEIL Des vols de perroquets traversent ma tête quand je te vois de profil et le ciel de graisse se strie d’éclairs bleus qui tracent ton nom dans tous les sens Rosa coiffée d’une tribu nègre égarée sur un escalier où les seins aigus des femmes regardent par les yeux des hommes Aujourd’hui je regarde par tes cheveux Rosa d’opale du matin et je m’éveille par tes yeux Rosa d’armure et je pense par tes seins d’explosion Rosa d’étang verdi par les grenouilles et je dors dans ton nombril de mer Caspienne Rosa d’églantine pendant la grève générale et je m’égare entre tes épaules de voie lactée fécondée par des comètes Rosa de jasmin dans la nuit de lessive Rosa de maison hantée Rosa de forêt noire inondée de timbres poste bleus et verts Rosa de cerf-volant au-dessus d’un terrain vague où se battent des enfants Rosa de fumée de cigare Rosa d’écume de mer faite cristal Rosa
ATTENDRE Meurtri par les grandes plaques de temps l’homme s’avance comme les veines du marbre qui veulent se ménager des yeux dans un torrent où les truites à tête de ventilateur traînent de lourds chariots de mousse de champagne qui noircissent tes cheveux de château fort où la pariétaire n’ose pas s’aventurer de crainte d’être dévorée au-delà de la grande plaine glacière où les dinosaures couvent encore leurs œufs d’où ne sortiront pas de tulipes d’hématite mais des caravanes de hérissons au ventre bleu de crainte d’être avalées par la fontaine d’éclairs de mer engendrée par ton regard où volent d’impalpables papillons de nuit vêtus de gares fermées dont je cherche la clé de signal ouvert sans rien trouver sinon des fers à cheval gelés qui bondissent comme un parapluie dans une oreille et des canards d’orties fraîches graves comme des huîtres
JE NE DORS PAS Dis-moi reflet de cobalt pourquoi le vol de corbeaux qui t’entoure comme le charbon étreint le feu qui l’a fait en avalant des piments qui ont toujours déposé des œufs rouges sur tes lèvres de Saint-Georges qui va jusqu’à Pigalle se balance dans le hamac de la place s’inscrit comme une balle dans une poitrine à couilles qui ressemble tellement à un gyroscope qu’on dirait Pluton enlevant Proserpine dans son mouchoir qui disparaît à l’horizon comme les deux îles anglo-normandes de tes yeux près de la Manche de ton nez qui est un rayon de lune dans la cave que je cambriole espérant y trouver une gueule-de-loup en forme de oui qui n’aura pas d’ornières à fauteuil de dentiste qui sera sans filet pour capturer les pêches à tête de moustique sans moustiques endormis comme une minuterie au coin d’un bois sans minuterie rongeant les squelettes de mes aïeux et des siens comme une tête d’ail dans la mayonnaise qui a vraiment ce soir pour peu qu’on l’arrose de pétales d’amandes amères un grand air de vin nouveau un peu acide un peu doux acide et doux comme un volcan nouveau dont la lave reproduirait indéfiniment ton visage
PARLE-MOI Le noir de fumée le noir animal le noir noir se sont donné rendez-vous entre deux monuments aux morts qui peuvent passer pour mes oreilles où l’écho de ta voix de fantôme de mica marin répète indéfiniment ton nom qui ressemble tant au contraire d’une éclipse de soleil que je me crois quand tu me regardes un pied-d’alouette dans une glacière dont tu ouvrirais la porte avec l’espoir d’en voir s’échapper une hirondelle de pétrole enflammé mais du pied-d’alouette jaillira une source de pétrole flambant si tu le veux comme une hirondelle veut l’heure d’été pour jouer la musique des orages et la fabrique à la manière d’une mouche qui rêve d’une toile d’araignée de sucre dans un verre d’œil parfois bleu comme une étoile filante réfléchie par un oeuf parfois vert comme une source suintant d’une horloge
À QUAND Demain fera éclater des orages d’éclipses de lune ou jaillir des éclairs de sodium selon que tu le regarderas comme un wagon à bestiaux semblable à un amas de flics dans la neige qui voudrait les manger ou que tu l’appelleras comme un fantôme qui vous épluche les œufs durs comme le Bottin si maigre aujourd’hui qu’on dirait un cache-poussière qui a perdu ses lunettes comme une mer qui voit s’enfoncer son île Demain n’est pas une branche de houx dans une douille d’obus Demain n’est pas un repas à prix fixe comme une sauterelle ni le sourire de la concierge qui envie le sort des harengs dans leur caisse ni un défilé de boys-scouts conduits par une bénédiction dans un caleçon ni l’herbe qui pousse entre les pavés honteux de ne pas pendre au cou d’un noyé mais si tu le veux lueur entre des rails de tramway la nuit alors que les troupeaux de scarabées rouges aux yeux de Siamois murmurent à mes oreilles comme un canard épuisé Rosa fuit Rosa fuit demain jaillira du désert comme une oasis flottante où les pierres crient à tue-tête je t’ai vu drapeau de charbon aux étoiles bleues
ÉCOUTE Si tu m’abritais comme un hanneton dans un placard hérissé de perce-neige colorés par tes yeux de voyage au long cours lundi mardi etc ne seraient plus qu’une mouche sur une place bordée de palais en ruines d’où sortirait une immense végétation de corail et de châles brodés où l’on voit des arbres abattus qui s’en vont obliquement se confondre avec les bancs des squares où je dormais en attendant que tu viennes comme une forêt qui attend le passage d’une comète pour voir clair dans ses fourrés qui gémissent comme une cheminée appelant la bûche qu’elle désire depuis qu’elle bâille comme une carrière abandonnée et nous grimperions comme un escalier dans une tour pour nous voir disparaître au loin comme une table emportée par l’inondation
AUJOURD’HUI Que son sourire surgisse dans le ciel de nègre échappé d’un marais et les grands marteaux-pilons qui réduisent ma cervelle en papier de Chine susceptible de devenir aussi bien une soupe de mâchefer qu’une fleur de bananier cessent leur chanson de chameaux buvant aux mirages parce que le cadavre d’une huître s’est brutalement jeté sur l’orfraie briochée qui demande une heure aux passantes en forme d’R d’O d’S d’A qui par la vertu d’un vulgaire fauteuil en peau de savon sont tombées en poussière sur un cristal de lave incrusté d’aigles bleus comme une automobile de course qui ne finira jamais parce que les kilomètres qui succèdent aux côtes et les virages qui précèdent les descentes portent ton nom comme un blason
droit comme un mât de cocagne dont j’atteindrai le sommet pour que tu me regardes non comme un kilo de sucre mais comme une nuit que tu as décousue
LE CARRÉ DE L’HYPOTÉNUSE Première fleur du marronnier qui s’élève comme un œuf dans la tête des hommes de métal dur comme une jetée quand dans la pluie d’encre qui me transperce de miroirs tes yeux magiques comme un arbre égorgé crient sur tous les tons Je suis Rosa je t’aime comme la fougère d’autrefois aime la pierre qui l’a faite équation je t’aime à tour de bras je t’aime comme un poêle rouge dans une caverne Que ta robe de fil de fer barbelé me déchire avec un grand bruit de vaisselle tombant dans l’escalier je t’aime comme une oreille emportée par le vent qui siffle Attends Attends que le fer à repasser ait brûlé la chemise de rosée pour y faire fleurir le reflet du cristal caché dans un tiroir attends que la bulle de savon après avoir crevé comme un tzar des taupes qui ne couvriront jamais les épaules aimées renaisse dans la poussière assassinée par le soleil devenu bleu et que je guette par le trou de la serrure velue gelée de la prison de lichens polaires où tu m’as enfermé attends fils du sel attends vin de falaise qui vient d’écraser un patronage attends viscère de phosphore qui ne songe qu’aux incendies de forêts attends J’attends
JE Parmi les désirs simples comme une salade qui se dresse au-dessus des grands arbres demain noyé dans le ciment craché par les boulangers qui n’ont pas plus de poils au menton qu’une écrevisse n’a de tirelire parmi tous ces raisins qui me rappellent un mendiant à la porte d’un hôtel particulier deux yeux de pierre bleuie par le dernier quartier mangent lentement les champignons qui croissent paisiblement à l’intérieur de la petite mappemonde animée par l’alcool de ta voix où dansent des ludions Qu’un léger soleil d’épine-vinette se lève à travers la grande roue de tes cils qui ne sait plus que moudre le café que je voudrais boire comme un entonnoir je veux dire un massepain plus grand que ton image dans le placard où j’essaie de dormir mais qui se perd dans le cimetière aux fantômes comme une boîte de lait condensé dans un four à chaux et je moissonne les pavés plus clairs qu’un vol de demoiselles traversant une nuée de drapeau grecs délavés comme un cornichon conservé depuis la mort de mon grand-père qu’un reflet apparaisse dans un verre de bordeaux dans le paysage où je me cherche comme un chien qui court après sa queue et les brigades centrales d’appareils de T.S.F. qui d’ordinaire ne savent que grogner comme des enterrements fredonneront à mes oreilles ouvertes comme un coquillage qui va crever Rosa est là
SOURCE Il est Rosa moins Rosa dit la giboulée qui se réjouit de rafraîchir le vin blanc en attendant de défoncer les églises un quelconque jour de Pâques Il est Rosa moins Rosa et quand le taureau furieux de la grande cataracte m’envahit sous ses ailes de corbeaux chassés de mille tours en ruines quel temps fait-il Il fait un temps Rosa avec un vrai soleil de Rosa et je vais boire Rosa en mangeant Rosa jusqu’à ce que je m’endorme d’un sommeil de Rosa vêtu de rêves Rosa et l’aube Rosa me réveillera comme un champignon Rosa où se verra l’image de Rosa entourée d’un halo Rosa
NÉBULEUSE Quand la nuit de beurre sortant de la baratte noie les taupes des gares dont les yeux barrissent et s’agrandissent comme une station de métro qui s’approche et se recouvrent de ton image qui tourne dans ma tête comme un héliotrope affolé par le mal de mer tous les boutons de col sautent comme des moutons juchés sur une poudrière et lancent au loin de grands jets de cravates mais tu passes comme un courant d’air chargé de rosée aux ailes de lampe qui file et tu fermes la porte qui fait un bruit de bèche enfouissant une pomme de terre la porte de puits de mine la porte de province irrédente où je rôde dans les tourbillons de tes regards qui reverdissent sur tous les arbres et bleuissent entre eux et qui ne cessent d’ouvrir des chantiers de démolition au milieu des forêts là où les plus beaux seins du monde s’entrouvrent pour crier Non en agitant leur chevelure de soleil noir qui illumine une averse traversant la chaussée quand la goutte d’eau de tes pieds s’y pose comme la sonnerie pas libre dans une oreille que l’attente a déjà faite guérite habitée par des rats qui la rongent avant qu’elle devienne bateau-lavoir échoué dans une île déserte ou bateau à voiles oublié dans un wagon-lit Non n’est qu’une botte de radis qui se sèchent comme un quelconque président de la République jusqu’à se transformer en une place déserte et blanche bordée de palais de mica fluorescent où au milieu des machines à battre rouillées et dévorées par des chèvrefeuilles en fleurs giclera soudain une colonne de sang et de myosotis qui auront la forme de tes mains et porteront des oui de phosphore qui créeront autour d’eux de grandes aurores boréales de plumes d’autruche et de pêches s’amplifiant comme une mer qu’on ne veut pas traverser et qui jappe à tes pieds comme une conque où se retrouve l’écho de ta voix
DÉRAPER Que n’as-tu l’élan de l’alouette qui se jette vers la culotte de gendarme du ciel pour la percer sans jamais la trouver tu aurais rencontré le miroir de mon œil qui serait devenu comme un grain de blé dans la pyramide de ton vol qui édifie autour de moi une prison de ronces enflammées si tu fuis comme une maison fond dans une baignoire de lave ou de pensées volantes dévorées par une bouteille d’acide si tu regardes par le judas qui sourit alors comme la place Dauphine avant qu’apparaisse le fumier de justice j’aurais alors des yeux de mascaret pour toi qui serait une fleur d’agave au bord d’un puits de mine où l’on verrait des antilopes en forme d’oreilles je veux dire de violettes ainsi nommées parce qu’elles cachent des cils d’iris bordant une pelouse électrique qui me ferait ronger les crânes de mes ancêtres
A H Quand essoufflé comme un édredon ivre je tomberai comme un pot d’huile bouillante dans une histoire de France tu resteras à l’orée des planchers qui n’osent pas encore craquer pour faire de l’œil aux fantômes qui cheminent dans leurs raies et se battent comme des girouettes dans un parc d’attractions où le massacre des jeux prépare l’incendie des rivières de diamant et les plongeons dans un sol de lait aigre tu resteras comme une fontaine de turquoises au milieu d’une hécatombe de nègres hérissés de plumes de corbeaux à tête d’évêque qui fait sauter la banque comme une crêpe qui se colle au plafond Mais il suffirait que ton regard de giboulée sur une ville de bouteilles de Leyde se colorât du premier soleil de l’année aperçu à travers les persiennes closes pour que jaillisse de la lande d’ajoncs habitée de casseroles rouillées une forêt de baobabs à pendeloques de ministres et colliers de nébuleuses traversées par le vol des grands oiseaux de feu perdus au départ perdus à l’arrivée Mais cela ne sera pas parce que l’étoile filante s’est enfoncée dans la tête de la comète brûlée qui fait Non comme un drapeau de chef de gare fait mousser la locomotive et les balles des flics siffler autour de moi Liberté liberté chérie sur l’air des lampions comme un frein qui grince une chanson de chou-fleur |
© Mélusine 2011 |
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