René Crevel

LE CLAVECIN DE DIDEROT

De l'humanisme Messianisme
Linguistique Jésus (Famille et complexes, famille de complexes. Complexe de famille)
À propos d’une chanson de geste La vierge et le serpent
Pourquoi ces souvenirs ? Le complexe d’Oreste
L’opium du peuple et des autres De l’animal et de la jouissance
Chantages à la poésie Crime et châtiment
La République des professeurs Juge et partie
Post-scriptum On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve
De quelques formules protectrices Sensations et juste critique des unes par les autres
Amour divin et amour-propre Dieu l’immobile
Le sac à facultés Des très dérisoires thérapeutiques individuelles
À titre d’exemple Le surréalisme au service de la révolution
Après l’humanisme, le réalisme  
Le surréalisme  
Dieu et ses murs  
Du pittoresque et des bordels  
De la volupté coloniale au patriotisme de l’inconscient  

à André Breton et Paul Éluard

Lénine, dans Matérialisme et Empiriocriticisme, constate, dès l’introduction, que : « Diderot arrive presque aux vues du matérialisme contemporain, d’après lesquelles, les syllogismes ne suffisent pas à réfuter l’idéalisme, car, il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’arguments théoriques. » Lénine, qui ne craint pas d’apporter ses preuves, met à ample contribution L’Entretien avec d’Alembert.

À notre tour de citer parmi ce qui a été cité : « Supposez au clavecin de la sensibilité et de la mémoire, et, dites-moi s’il ne répétera pas, de lui-même, les airs que vous aurez exécutés sur ses touches ? Nos sens sont autant de touches qui sont pincées par la nature qui les environne et se pincent souvent elles-mêmes. »

Et d’abord, il importe de noter que si un terme de comparaison, celui-là et pas un autre, s’est imposé au maître des encyclopédistes, pour une fois, le symbole n’a pas perdu son homme. Mais, au contraire, l’homme a réhabilité son symbole. Je veux dire qu’un instrument dont le rôle habituel était de nous la faire au petit évocateur, enfin, nous apparaît décapé de tout pittoresque d’époque. Tarabiscotage, vernis martin écaillé, musique aux bougies, clairs de lune aristocratiques, Trianon et ses trois marches de marbre rose, fichus et bergerie Marie-Antoinette, et ron et ron petit patapon et s’ils n’ont pas de pain qu’ils mangent de la brioche plaisir de vivre et bagatelles, de Louis XV cette pourriture satinée, au comte d’Artois ce dadais, de la Pompadour pédante, phtisique et corsetée à la du Barry née Bécu, du moindre nobliau cul-terreux au prince de Ligne, ce premier des grands Européens, les êtres, les choses qui ont prêté à tant d’évocations abominablement exquises, marquises, abbés de cour, soubrettes, chevaliers, Camargos et tutti quanti, ces bibeloteries, fadaises, fêtes galantes ou non, toute cette pacotille, tous ces accessoires de cotillon, pas un pouce de la belle surface lisse du clavecin de Diderot ne s’en est trouvé sali. Au contraire, tel que nous le recevons des mains de Lénine, il abolit, de sa masse exacte, propre, ces répugnants petits menuets de souvenirs verlainiens. Sa lumière a eu raison des maquillages symbolards, de leur opacité. L’écrivain fait sa métaphore, mais sa métaphore dévoile, ici éclaire, son écrivain. On respire, après tant de nuages de poudre aux vœux et de poudre de perlimpinpin. Non qu’il s’agisse d’ailleurs de se féliciter, à la manière des critiques en mal de conclusion : On cherche un écrivain et on trouve un homme.

Cette formule, nous la laissons à tous les mijoteurs, cuiseurs, distributeurs, amateurs du Gâteau Littéraire dont elle est le four banal.

De l’humanisme

« Homo sum, disait Térence, et nil humani a me alienum puto. »

En récompense de cette déclaration, l’Église a béatifié le faiseur de calembredaines. Il est devenu le saint Térence du calendrier catholique : Homo sum… Je suis un homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger.

Que cette déclaration ait valu renom de pionnier à son auteur, qu’elle en ait fait un évangéliste avant la lettre, voilà qui prouve assez la volonté confusionnelle des Églises et de l’intelligentsia bourgeoise, qui, en fait de psychologie, ne veulent d’autres découvertes que celles des plus communs lieux communs.

Il importe donc de ne pas se laisser encercler dans une lapalissade, rendez-vous de chasse de toutes les mauvaises fois du monde, carrefour équivoque où il n’est pas un maître chanteur qui ne soit venu s’essayer à faire son petit rossignol.

L’humain : pour emporter le morceau, n’importe quel opportuniste, à bout d’arguments, n’a qu’à s’en prévaloir. On connaît l’antienne : Tâchez donc d’être un peu plus humain. Sous les râteliers des MM. Prudhomme, elle vous a un de ces petits airs paternes, elle devient la prière mielleuse dont tous les rentiers espèrent qu’elle empêchera leurs rentes de descendre.

Or, parce que, si tout semble perdu, ces Messieurs feront du bon garçonnisme leur dernière cartouche, voici que, déjà, ils donnent à ce conseil un ton vaudevillesque, celui-là même qui valut à la célèbre phrase : « Mais n’te promène donc pas toute nue » de faire, à la fois le titre et le succès d’une pièce où s’incarnait, on ne peut mieux, l’esprit français, aux beaux jours du théâtre du Palais-Royal, avant la guerre.

L’humain, de son angle culturel, l’humanisme, de son angle christiano-philanthropique, l’humanité(1) synonyme sécularisé de la dernière des trois vertus théologales, la charité (laquelle, d’ailleurs, mériterait bien de passer avant la foi et l’espérance, eu égard au nombre de services qu’elle n’a cessé de rendre au capitalisme catholique, apostolique et romain), voilà tout ce qu’on nous offre, bien que nul n’ignore quels intérêts s’abritent à l’ombre de ces frondaisons-prétextes.

Et déjà, à cause de tous ces mots, qui sont à la fois des programmes électoraux, des étalons de valeurs morales, des monnaies d’échange, il nous faut noter que, dans l’histoire de l’homme, de l’humain, dirons-nous (assez beaux joueurs pour accorder cette ultime concession, la dernière cigarette à ces Messieurs de la démagogie en soutane ou complet-veston parlementaire) l’histoire du langage fait figure non d’un chapitre à d’autres tangent mais d’une glose ramifiée, entremêlée au texte.

Linguistique

À la psychanalyse de l’univers, de quel secours pourrait être la linguistique, si cette science, s’agît-il de langues mortes, savait, pour rester ou plutôt devenir vivante, remettre au point du temps qui fut le leur, ces familles de mots, dont, en vérité, elle se contente d’ouvrir les sépulcres, à seule fin de donner à s’extasier sur des cadavres rien que cadavres.

Qu’il entre tant soit peu de dialectique dans l’étude des dialectes (et qu’on ne m’accuse pas de jouer sur les mots, quand, au contraire je joue mots sur table), et le classique jardin des racines grecques et latines, au lieu de faire penser à un dépositoire d’affreux chicots, se repeuplera de ces membres vivants qui vont dans la terre chercher la nourriture des arbres et des plantes, et permettent ainsi, leur maturité aux fruits, à ces grains d’orge dont Engels, dans l’Anti-Dühring constate que « des milliers sont écrasés, bouillis, mis en fermentation et finalement consommés. Mais si un tel grain d’orge rencontre les conditions qui lui sont normales, s’il tombe sur un terrain favorable, il subit sous l’action de la chaleur et de l’humidité une métamorphose spécifique : il germe, le grain disparaît comme tel, il est nié ; il est remplacé par la plante née de lui, qui est la négation du grain. Or quel est le cours normal de la vie de cette plante ? Elle grandit, fleurit, est fécondée et produit à la fin, de nouveau, des grains d’orge ; et, dès que ceux-ci ont mûri, la tige meurt ; elle aussi, de son côté est niée. Et, comme résultat de cette négation de la négation, nous avons, de nouveau, le grain d’orge initial, mais multiplié, dix, vingt ou trente fois ».

Or, l’examen au microscope analytique des vieilles formes culturelles, à quoi s’obstinent ceux qui prétendent consacrer leur vie à l’étude de l’humain, quel élément de vie décèlera-t-il dans les trente fois centenaires épis de Cérès, ou, même dans les très proches fleurs séchées du romantisme ?

Sous prétexte d’étudier les grains d’orge, on les frustre de la chaleur, de l’humidité indispensables à leur métamorphose spécifique. Deux négations égalent une affirmation : sans doute les grammaires doivent-elles en convenir, mais que cette loi ne se contente pas de régner sur le monde des formes écrites ou parlées, voilà qui décide les spécialistes ès humanités à mettre en conserve ce dont, justement, la faculté de se décomposer sous-entend les germinations futures. Ou encore, et, ici, l’exception confirme la règle, cette faculté de se décomposer, les professeurs dans leurs jours lyriques, en font la vertu intrinsèque d’un temps, d’un lieu, de certains êtres. Ainsi évoquent-ils Néron, l’incendie de Rome, Pétrone qui, et que sais je encore ?

D’ailleurs, ceux qui se penchent sur les squelettes du langage, pour la plupart pauvres impuissants qui vont chercher dans leurs paléontologies l’oubli de leurs manques, en face du présent et de ses créatures, deviennent amoureux de leurs grimoires, tels, de leurs momies, les archéologues. Et ces scatophages de l’antiquité, non point rats, mais vampires de bibliothèque, se décernent à eux-mêmes des brevets de bons vieux savants inoffensifs.

À la Sorbonne , ce musée Dupuytren de toutes les sénilités, j’en ai connu entre 1918 et 1922, une bonne demi-douzaine taillée et s’enorgueillissant d’être taillés sur le modèle d’Anatole France. Au nom de l’humanisme, de quelle gaieté de coeur ils sacrifiaient, à leurs Thaïs poussiéreuses, l’actuel, le vivant. C’eût été risible, si, de ces marionnettes, les programmes officiels n’avaient entendu (et n’entendent encore) faire les mentors d’une jeunesse, la jeunesse, qui, elle, de toute sa bonne foi cherche l’humain. Sans doute, à ce piège, ne se laissent définitivement prendre que les niais parmi les niais. Aux autres, il faut, en tout cas, un sacré bon grand coup de colère, pour se venger du temps perdu et faire aussi et surtout que nul, dorénavant, n’ait à le perdre.

À propos d’une chanson de geste

Mais puisque langage et histoire de langage il y a, comment ne pas évoquer ce vieux pantin, qui, pour l’ouverture des cours de la Faculté des Lettres de Paris, la veille même de l’armistice, éprouva d’un râpeux bégaiement, ma bonne volonté toute neuve.

Il devait expliquer un texte de vieux français : Gormont et Isembart.

À cause du titre de cette chanson de geste et surtout du nom qui, dans le titre, faisait penser à quelque Isabeau (Isabeau de Bavière, s’entend) je m’étais plu à imaginer une histoire d’amour. Hennins et trouvères, je n’étais pas en avance pour mes dix-huit ans, mais, au sortir de l’aristocratique Janson-de-Sailly, le désir d’être autre chose qu’un sportif, un ingénieur diplômé du Gouvernement, témoignait d’une soif de connaissance bien insolite pour le 16 e arrondissement. Hélas, Isembart n’était pas Isabeau. Il s’agissait non d’amour, mais de guerre, autant que j’en pus juger par le distique initial :

En alt vois s’est escrié
Vous estes en dol tut fines…

que, deux heures durant, un vieux fou se contenta de répéter avec, pour tout commentaire, de multiples aboiements qui reprenaient les mots, un à un, et nous servaient, à propos de la moindre voyelle, tout un jeu de rauques vocalises.

Après ce beau début, je m’abstins plusieurs mois d’aller puiser aux sources du vieux français. Mais, un jour, égaré dans les couloirs, j’entendis de tels glapissements, que je poussai la porte qui se trouvait, comme par hasard, être celle de la salle où mon bon maître (ainsi doit-on dire, n’est-ce pas, quand on évoque les belles années de jeunesse et les leçons qui valurent à ces années d’être belles) se livrait à d’infinies variations sur l’a de Montmartre. Alors, peu expert ès bals musettes, le spectacle de ce podagre qui jouait de l’accordéon avec une voyelle me retint. Il allait du circonflexe à l’aigu, parvenait aux confins de l’e, se baissait pour en ramasser un qu’il servait grave, presque gras, mais, bien vite, asséchait. Pendant qu’il y était, sûr qu’il aurait pu faire passer la colline des Martyrs du passif à l’actif, tirer un peu sur l’e, le détendre et nous servir un Montmeurtre qui eût, à la fois, témoigné du juste retour des choses et aussi du sens prophétique de ceux qui, en faisant de ce mamelon le Mons Martyrum, lui avaient préparé une évolution phonétique parallèle à son évolution sociale.

Le vieux palotin se contentait, il est vrai, de jongler avec des Montmertre, à tel point inoffensifs que, mis à bout par ce défaut d’imagination, et, en même temps, tout pénétré de Jarry dont on venait de rééditer Uburoi, je murmurai, malgré moi, Montmerdre.

Or, à peine avais-je interrompu la série des mertre, mertre, mertre, mertre, dont la quasi-uniformité (j’ose même dire l’uniformité pour une oreille de non-initié) semblait, de leurs répétitions, avoir saoulé celui dont la bouche les proférait, que je craignis un malheur. Rendu par ma faute à un monde qui n’était plus celui des incantations philologiques, n’allait-il pas se casser le cou, tel le somnambule, dont, se trouve ramené à la conscience le sommeil errant au-dessus des toits ? Mais lui, au contraire, avec élasticité rebondit, répondit en contestant le d de merdre, car, affirmait-il, une métamorphose de voyelle ne pouvait décider aussi aisément d’une métamorphose de consonne, surtout si, entre la voyelle et la consonne en question, une autre consonne mettait sa barrière.

Pourquoi ces souvenirs ?

Jolie solidarité que celle d’un monde où des lettres enfermées dans les frontières d’un même mot ne peuvent changer, c’est-à-dire vivre de concert. Constatation dont je ne suis, tout de même, point d’humeur à me faire un petit souper de mélancolie, au milieu d’une nuit solitaire. J’ai laissé, tout simplement, me remonter un peu plus haut que la gorge, au cerveau, quoi ! ces souvenirs vieux de treize ans et sept semaines. Ils ne risquent guère de m’étrangler, m’étouffer, puisque, déjà, les voici hors des zones respiratoires.

Et cependant, si détaché que je sois de ces faits anciens, je pourrais encore les situer, à une minute près, car j’ai le sens, donc la mémoire du temps, avec, en compensation, d’ailleurs, l’ignorance, l’effroi de l’espace. Je ne me sers pas de montre, mais je descends une rue, croyant la monter.

Ainsi, m’égarai-je sous les combles de l’extravagance universitaire et ma jeunesse ne fut-elle pas exacte au rendez-vous qu’elle s’était fixé.

Ici, l’auteur, volontiers, s’attendrirait de n’avoir pas mieux été touché, de n’avoir pas, clavecin selon Diderot, répondu justement à des airs justes, donc collaboré à du mieux. Mais gare à la suie de l’attendrissement. Une très élémentaire politesse ne tolère ni la crasse des scrupules, ni les verrues des regrets. Que chaque pore soit débarrassé de son point noir, la pensée, les pensées dont la nuit, mauvaise conseillère, truffe les insomnieux.

Si je ne dors pas, c’est que, de ma chambre, j’entends une bourgeoisie aux faciès crétinoïdes et poumons ravagés, mener un beau tapage en l’honneur de la Saint-Sylvestre.

Je suis à Davos.
En Suisse.

La Suisse , violon d’Ingres de ma colère. Mais pourquoi m’en prendre à la confédération helvétique, enfin à son avantage, du moins dans les hautes vallées, par ce minuit transparent qui promet un demain matin craquant de gel, et dont la moindre poussière sera une neige éblouissante de cristaux. Et puis et surtout ces pages doivent être des éclairages simples (sans secours, ni maquillage de rouges glorieux, de bleus féeriques, de mauves déconcertantsÉ) sur les ponts à ciel ouvert, dans le secret des tunnels qui, entre eux, relient ces îlots de pensée, cités lacustres de systèmes que l’homme, triste castor, au cours des siècles, a construits pour s’abriter, lui et sa pensée.

Il a suffi de quelques tuberculeux déguisés en réveillonneurs pour me ressusciter les grimaces aboyantes d’un vieillard.

Retroussis de babines caduques en train de vous cracher des Montmartre -- êrtre -- értre…, pâles sourires dont l’agonie force la pitié, suffisances humanistes et testaments pathétiques, à quelques sauces, douce, triste, martiale, pédante qu’ils s’assaisonnent, dans cette Europe du milieu et de l’Ouest, sous tous les aveux, sous tous les masques, il y a un même et unique noyau d’inadmissible, dont l’acide prussique, à travers les fruits les mieux pétrifiés de la justice, de l’enseignement, de la médecine, de l’hygiène mentale, de l’art, filtre goutte à goutte.

Ce poison, il aura bientôt eu raison de notre cap de prétentions morcelées, dont chacune, pourtant, croyait que son égoïsme l’avait, à jamais, mithridatisée.

Alors, où vont-ils pouvoir se réfugier les individualismes nationaux et culturels, si fiers de se différencier de leurs voisins, pour, à leurs voisins, se préférer ? Qu’importe, pas de quartier. Quand le navire va couler, les rats en fuite n’en sont pas moins des rats.

Salauds !

On les connaît vos écoles, vos lycées, vos lieux de plaisir et de souffrance. Y prenait-on quelque élan, c’était pour aller se casser la gueule contre ces mosaïques de sales petits intérêts, qui servent de sol, de murs, de plafond à vos bâtiments publics et demeures privées.

Digne confrère de toutes les hargneuses théologies, l’humanisme donne pour une pensée libre sa pensée vague, et ainsi décide n’importe qui à reconnaître de droit sinon divin, du moins nouménal, l’exercice de ses facultés et métiers envers et contre les autres. Bien entendu, plus civilisé sera le pays, plus chaude sera la lutte entre individus. Le capitalisme se réjouit de cet état de concurrence. Les chrétiens soupirent : Chacun pour soi et Dieu pour tous.

Des langues anciennes, à la maladie, à la mort, en passant par la littérature, l’art, l’inquiétude, les bars, les fumeries et les divers comptoirs d’échantillonnages sexuels, jusqu’ici, pour qui voulait faire son chemin, il s’agissait de se spécialiser c’est-à-dire, sur toute carte de visite réelle ou idéale, d’annoncer, à la suite de son nom, une virtuosité particulière.

Un peu d’habileté, les thèmes les plus ressassés faisaient figure, sinon d’excellent, du moins de très honorable Camembert. Le roman tirait parti de tout. La psychologie, camoufle en mains, vous creusait ses taupinières dans le hachis des désirs, la boue des crachats. Penser, c’était, avant tout, s’intoxiquer de soi-même.

L’opium du peuple et des autres

Mais s’agissait-il de drogues, la fameuse chanson finale devait être toujours un cantique à la gloire de l’opium du peuple. Un petit coup de musique religieuse. Là, ça va mieux. Ce sont de saintes âmes que les âmes des violons. Quant à celles des orgues, nul ne leur conteste une magnificence archiépiscopale.

Et même ceux qui prétendent ne point tomber dans le piège des confusions mélomaniaques, les disciples modernes de M. de Voltaire, après avoir consenti à répéter la phrase célèbre : « Si Dieu a fait l’homme à son image, l’homme le lui a bien rendu » ces professionnels de l’ironie s’autoriseront de la vieille boutade (2) pour continuer à tolérer, c’est-à-dire encourager, de toute leur fielleuse bonasserie, les idées, les idées chrétiennes que le monde se fit au soir angoissé de l’empire romain.

Les radicaux
trinquent avec les cardinaux,
jolis cocos.
Ma foi, ces messieurs vous rendraient poètes.

L’Église, refuge des cœurs qu’on a sortis de leurs poitrines originelles, des cœurs dont on ne sait que faire, des cœurs perdus, cette idée, bien emberlificotée de mots et motifs à soutaches et soubretaches, on sait qu’elle a servi d’axe à l’une des phrases les plus ronflantes de Barbey d’Aurevilly. Mais, cher Barbey (au fait, ne dit-on pas crotté comme un barbet), mais, cher Crotté d’Aurevilly, faut-il que la soûlerie à l’eau bénite ait obscurci votre intelligence si souvent fulgurante des êtres et des idées, — n’est-ce pas historien des Diaboliques et de La Vieille Maîtresse , — pour que vous n’ayez pas même soupconné que l’Église, afin de ne point demeurer vide, s’était justement donné à tâche de faire en sorte qu’il y eût beaucoup de cœurs perdus, de cœurs, d’âmes sans corps, en réponse à la vieille image des corps sans âme.

Les solitaires les plus brillants, ceux qui se sont arrangé une petite coquille dont la nacre accroche, retient, renvoie les rayons du soleil, ceux dont la gourmandise s’est trouvé une petite cachemite aussi bien dorée que croûte de pâté, ceux qui ont connu la gloire, puis feint de très exaltants mépris, ne savons-nous pas que leurs réduits, leurs tours d’ivoire, finissent toujours par sentir la croupissure d’eau bénite, le pipi de chaisière, les aisselles de sacristain et le nombril de chanoine.

L’aile de l’imbécillité dont Baudelaire s’est senti effleuré, mais elle se confondait avec la membrane des chauves-souris, le velours empoisonné des religions qui flattent, caressent, enveloppent celui que la société a désossé, démusclé, décartilaginé. Homme poreux à la détresse, l’Église, autour du cerveau, glisse, d’abord, son impondérable encens, puis c’est la gélatine des oraisons, et, en compresse de sirop d’opale, la lumière des vitraux. Alors, se mettent à sonner les cloches, les cloches, comme, lorsque parvenu au point culminant de l’anesthésie, on sait qu’on va retomber de l’autre côté. Du côté de la mort. Cette fois, l’opération consiste à empiler l’un sur l’autre, en paquets, tous ces feutres de sournoiseries, dont la pression, digne collaboratrice des scléroses organiques, ne fera point quartier aux méninges.

L’Église, tous les chemins lui sont bons, et elle s’en vante : Tous les chemins mènent à Rome. Ainsi, alors que, dans le privé, un ratichon qualifiait de sacrements du diable les drogues et l’inversion, les ambassadeurs de l’Église, ses représentants officiels et semi-officiels cherchaient des recrues, des alliés parmi ceux-là mêmes qui n’avaient jamais eu d’autres soucis que de communier à ces tables.

Chantages à la poésie

Avant leur faillite définitive, les grandes compagnies religieuses — eh ! ne dit-on pas la Compagnie de Jésus, comme la Compagnie du Gaz — ces entreprises d’obscurité ont recours à tous les moyens, à toutes les publicités.

Le Clergé s’est modernisé, mis au goût du jour. Ainsi, l’abbé Violet relève ses jupes, et, d’un pied gaillard, s’en va au Club du Faubourg, discuter le coup : Faut-il que jeunesse se passe ? Mon curé va chez les riches (bien sûr), chez les pauvres (ça lui plaît moins), chez les sportifs et même (qu’il dit), chez les poètes. Quand il ne peut ou n’ose, ou ne veut, ou ne daigne se déranger en personne, il dépêche son nonce laïque. La plus fameuse de ces visites fut pour l’esthète. Sur son seuil, littérature et religion échangèrent des lettres de créance. On décida une petite parade. Le nouveau converti donna la réplique au thomiste. L’on eut donc un tam-tam qui valait bien les histoires de colliers perdus, dans les taxis, par des vedettes en mal de réclame.

Comme, par ailleurs, le mot mystique avait été repeint à neuf, de quels tours de passe-passe ne devint-il pas la baguette magique. En guise de prestidigitateur, ce petit bonhomme de syllogisme :

Mystique = homme religieux.
Homme qui refuse de composer avec le monde et ses iniquités = mystique.
Donc, = homme religieux.

Ainsi, jusque dans les blasphèmes, vit-on l’expression de la foi. L’iconoclaste fut baptisé mystique à l’état sauvage, et, à travers cette épithète, passèrent, comme lettres à la poste, contresens et fraudes majeures, à quoi avaient, au reste, déjà prouvé qu’ils savent exceller les messieurs bien-pensants de l’art et de la littérature qui feignent de s’intéresser à des oeuvres subversives, rien que pour les vider de leur moelle, leur flanquer un tuteur, justement de bois mystique, donc complaisant aux volubilis du conformisme gloseur.

C’est la grande tradition claudelienne, dont le mâchouillis diplomatico-bondieusard, depuis tant d’années, s’efforce de convertir (on fait bien voter les morts) Rimbaud, en boule de gomme très catholique.

Quand on lui demanda son avis sur le surréalisme, le poète ambassadeur (parce qu’il avait affaire à des vivants qu’il ne pouvait embigoter malgré eux) répondit par une grossièreté.

Au reste, le surréalisme, appel d’air, était bien fait pour, dès sa première phase, effrayer les grenouilles de bénitier, vous savez ces jolies petites bêtes sans coeur, sans rate, sans gésier, sans poumon et qui respirent avec la peau, celle du cul de préférence, car, alors, elles se respirent elles-mêmes dans ce qu’elles ont de plus caractéristique. Ces petites chéries n’échappèrent point à la contagion du modernisme et inventèrent la poésie pure, laquelle finissait, pour les rajeunir, en prière, c’est-à-dire en queue de têtard. Le qualificatif, d’allure à la fois évangélique et chimique, signifiait qu’on avait entendu miser sur plusieurs tableaux. Depuis longtemps, la Religion se plaisait à croire qu’elle avait, dans la personne de Pasteur, annexé la science. En fait de poète, elle avait bien Verlaine. Tout de même, le pauvre Lélian était par trop arsouille. Alors, l’abbé Bremond croupier de la grande roulette bondieusarde, prétendit mettre dans son jeu, dans sa poche, la poésie tout entière. Cette tricherie lui valut renom de finesse et de modernisme, partant une gloire, qui, dans cent ans donnera fière idée de l’époque à qui feuillettera les collections de nos journaux et revues littéraires.

Sans doute les opinions des laïcs officiels et semi-officiels ne valaient-elles pas mieux que les balivernes du mêle-tout enjuponné. Pour Paul Souday, par exemple, la chose écrite, prose ou vers, devait, avant tout, avoir pour but le divertissement de l’honnête homme. Ainsi, continuait-on à ne voir dans la poésie qu’une mine à sujets de pendules.

D’un article que M. Thibaudet, dans la N.R .F. du 1 er janvier 1932 (les belles étrennes ! ) a, sous le titre : Un idéaliste de province, consacré à Victor Bérard, j’extrais ces lignes :

« Lamartine a introduit en France une politique des poètes et une poésie de la politique. Et le sel de la politique ou son âme, ce sont ses poètes. Barrès et Maurras sont les poètes de la politique de droite. Et la gauche ? Elle en a, elle en cherche et elle n’en chercherait pas, si elle n’en avait trouvé. Un jour que, dans une réception officielle, Mme de Noailles passait au bras de M. Herriot, M. Painlevé qui est mathématicien mais fin, les désigna à ses voisins avec ces mots : Deux poètes. Ce sera d’ailleurs une des gloires de Mme de Noailles que d’avoir exprimé au XXe siècle, entre Jaurès et Barrès, quelque chose de ce principe généreux de la poésie, de cette présence du courant lamartinien dans la vie politique française.

Parce qu’elle éclaire cette demi-page, il faut citer cette phrase, à la fin de l’article de M. Thibaudet :

« Au Sénat, Bérard incarnait avec flamme, originalité et invention le meilleur de la République , un mouvement, une liaison, un dialogue entre trois visages de la République , que j’appellerai République des procureurs, République des professeurs, République des idées. »

La République des professeurs

La République des professeurs, l’expression est chère à M. Thibaudet qui a, d’ailleurs, le mérite de l’avoir inventée. Or, parce que, au seuil de leur République, MM. les professeurs ne sauraient manquer d’être les procureurs d’idées, dans ce dialogue entre trois visages, leur voix couvrira les autres, ce qui permettra aux opportunistes de nous la faire à l’union sacrée, au nom de la civilisation à sauver, de la culture et du bon sens français. Donc la parole est à l’universitaire.

Si l’un des deux autres masques ouvre la bouche, ce ne peut, ce ne doit être que pour un dégueulis de ces lourds morceaux que dans les lycées, les facultés, il faut avaler, de gré ou de force.

Pour la France officielle, la poésie c’est, avant tout, un jeu, un exercice d’éloquence. Et il ne s’agit même plus de la faconde méditerranéenne. Le soleil, l’ail, l’accent, le mélange de sperme, de coquillage secret et de fruits trop mûrs, dont se trouve naturellement parfumée toute vieille cité phocéenne, voilà qui a été corrigé par la tristesse septentrionale.

Langue d’oc et langue d’oïl, l’une en l’autre fondue, et, l’Europe a eu sa langue diplomatique. Quant aux autochtones, ils se sont consacrés au culte d’un verbalisme décoloré. De Racine (Andromaque, le fameux discours à Pyrrhus : avant que tous les Grecs vous parlent par ma voix) à Lamartine (la phrase sur le drapeau tricolore qui a fait le tour du monde et le drapeau rouge qui n’a fait que le tour du Champ-de-Mars), les leçons que reçoivent, de leurs grands ou petits maîtres, à propos de textes rimés, lycéens et étudiants, ne sont que leçons de ruses oratoires.

Quant à la connaissance intime et générale de l’homme, certains ne font profession de lui vouer leurs travaux, leurs existences qu’à seule fin de lui dénier, de l’intérieur, toute chance de progrès.

En vérité, depuis des siècles, on se contente de répéter les mêmes expériences et considérations sur certains réflexes à fleur de peau, avec une volonté d’agnosticisme ou, au moins, le désir de conclure qu’il n’y a rien de changé sous le soleil. Et que se produise, quelque part, ce changement dont ne veulent pas les classes favorisées, elles crieront à la monstruosité. De toute source, et, si le geyser ne veut se laisser mettre en bouteille, qu’on l’écrase des plus lourdes pierres. Ainsi, un égocentrisme à courtes vues décide les individus à l’individualisme, les nations au nationalisme.

Que les éléments se mettent à bouillir sous les carapaces dont ils les ont revêtus et ces messieurs de la surface s’étonneront (cf. Paul Valéry — Lettres sur la crise de l’esprit) de ne pas peser plus lourd qu’un grain de sable, à cette colère exaspérée par leur obstination compresseuse…

Politique des poètes, poètes de la politique ne visent qu’à endormir l’humanité au rythme de quelques phrases pas trop mal venues. D’Orphée, les intellectuels, en mal de carrière parlementaire, ne considèrent que la réussite électorale. Oui, les pierres, les lions, les roseaux votaient pour l’amant d’Eurydice. Il s’agit donc de trouver une formule capable d’entraîner la majorité, de l’entraîner au fil du courant lamartinien. Alors, au moins on ne risquera plus d’aller trop vite, de se casser le nez, puisqu’on sera au beau milieu d’un lac -Le Lac — informe, immobile, verbeux.

Dans la boue de ses rives, on a planté une pépinière de mots historiques, un potager de métaphores décisives. Quartier réservé aux procureurs d’idées. Les hommes ne tolèrent pas que les femmes s’y promènent. Mme de Noailles a dû affirmer, en plusieurs volumes, son amour des larges pensées et des haricots verts pour avoir le droit d’y voleter, sautiller. Maintenant, elle y est, elle y reste. Herriot lui a offert son bras, Painlevé approuve, Thibaudet se réjouit. De quoi nous plaindrions-nous ? Elle est le rossignol, l’oiseau, de ces Messieurs, le zoziau à ses pépères.

Mais on n’assiste pas impunément à sa propre apothéose, fût-elle arrangée par le plus finaud des n.r.fiens. La poétesse, aussi politico-littérairement allégorique et glorieuse qu’ait pu la vouloir M. Thibaudet, à faire la navette du plus pesant utopiste à la plus réactionnaire des rossinantes, attelés de front au char de la République des professeurs, évoque forcément une autre chose ailée, la mouche du coche, mouche du coche d’eau, dirons-nous, puisqu’il s’agit du courant lamartinien. D’ailleurs, ne va-t-on pas, comme de coutume, nous offrir de remonter le Rhône jusqu’à La Mecque Paneuropéenne, jusqu’à l’écrin du petit bijou S.D.N.

D’une pierre, deux coups : les bords du Léman sont également chers à Mme de Noailles qui écrivit, à Amphion, ses premiers vers et à M. Thibaudet qui enseigne dans la ville de Calvin.

Or, s’il a suffi du passage de Rabindranath Tagore pour que le téléphone de notre poétesse devînt un fleuve d’amour, il y a tout à parier, qu’elle ne songe qu’à jouer la fée des eaux romantiques. Elle rêve de voir englouti le peu de solide qui nous reste. Alors, elle se rappellerait la colombe du déluge. Elle agrémenterait sa Légion d’honneur d’un rameau d’olivier. Herriot, Painlevé, Thibaudet battraient des mains, et au rythme de leurs applaudissements la République des professeurs n’aurait plus qu’à chanter le refrain de la célèbre chanson :

Si cette histoire vous amuse
Nous pourrons la la la recommencer.

Mais le courant lamartinien, de ses ondes aristocratiques et bourgeoises, ne saurait noyer le remous issu des profondeurs, les colères sismiques, l’émoi des lames de fond par-dessus quoi, il passait sans sourciller. S’il est parlé de poésie, une phrase est à citer, celle de Lautréamont qui avait bien quelque titre à s’exprimer sur la matière : « La poésie doit être faite par tous, non par un. « Commentant cette proposition, Paul Éluard d’écrire : « La poésie purifiera les hommes, tous les hommes, toutes les tours d’ivoire seront démolies, toutes les paroles seront sacrées, et, ayant enfin bouleversé la réalité, l’homme n’aura plus qu’à fermer les yeux pour que s’ouvrent les portes du merveilleux.

« Les tours d’ivoire, mais celles qui restent c’est du toc à renverser d’une chiquenaude, des tours façon ivoire, du carton-pâte en vérité, des cercueils pour squelettes de moustiques, des boîtes où ranger tout ce que le courant lamartinien nous a valu de lyres et de lyristes, lyromanes mysticards, officiels, démagogues, avec leurs très comiques auréoles de pâmoisons, paradis, catholiques, artificiels et libéraux, attitudes, prétentions à l’incompris, à la fatalité photogénique et archi-individualiste.

Cravates de commandeur, robes universitaires, uniformes académiques, tous ces oripeaux dont la troisième République n’a même pas le mérite de les avoir inventés, bien que, depuis belle lurette, les mites s’y soient mises, au conformisme de la majorité des intellectuels, ils n’ont cessé de signifier un ordre, dont, ces messieurs sont les serveurs. Une atmosphère de concours agricole, de distribution des prix, de réception sous la coupole, de funérailles nationales, voilà tout ce qui fait frémir les narines poétiques officielles de la République des professeurs.

Post-scriptum

Relevant leurs jupes de mensonge,
les grosses molles républiques
designent comme des puits de vérité,
au fond des forêts publiques
leurs trous à virginités,
puis disent : tiens prends mon pouvoir public.
Elles parlent à ceux dont le sang est poussière,
la verge, un tire-bouchon philanthropique
et les couilles, deux pauvres lampions
ramassés dans les poubelles du libéralisme,
un lendemain de quatorze juillet.
Le cerveau c’est couleur de sperme
et Jean-Jacques Rousseau déjà,
celui dont le cercueil genevois
devait servir de berceau à la Société des Nations,
à chaque masturbation,
annonçait, pour le bonheur des précieuses à fanfreluches,
les belles dont il était la coqueluche
« Mesdames venez voir couler une cervelle. « 
Mais on a beau être conservateur, le foutre ne veut
pas se laisser mettre en bouteille,
tandis qu’un cerveau,
si on ne le porte que le Dimanche, jour de repos,
pour ne pas l’user trop vite,
la semaine, on le range sous le globe jumeau
de celui qui, entre deux candélabres,
pour le plus bel ornement des cheminées vertueuses
abrite la symbolique couronne de fleurs d’oranger.
Car la vieille pucelle
est digne de M. l’Intellectuel
puisque, si le pucelage vaut son pesant d’or
et vaut son pesant d’or aussi l’intellectualité,
sur le pont des pesants d’or
ne peuvent que se rencontrer
la vieille pucelle
et M. l ‘Intellectuel.
Et voilà comment toute grosse molle république
prend pour maquereau un pseudo philosophique.
Elle le donne en successeur à Dieu.
Or Dieu dit à Adam
«  Tu travailleras à la sueur de ton front" ,
et c’est l’abominable histoire du paradis perdu
qui se répète,
quand sont offertes
des petites écoles, en guise d’éden provisoire
tandis que M. l’Intellectuel réserve à sa jouissance
les fruits de l’arbre de la science.
Il veut qu’on apprenne, simplement,
à le vénérer lui et son caprice
et la boîte à malices
qui sert d’écrin à ses délices.
Homme des rues, homme aux poings durs
casse les vieilles garnitures
toutes les porcelaines des raffinements
écrase lobe par lobe
puis jette au fumier les cerveaux sous globe.
Arrache à toutes les marionnettes leurs nerfs pourris,
fais-en des cordes pour les violons de leurs si distinguées mélancolies
et souviens-toi que si M. l’Intellectuel
pense avec ses bretelles,
et le Monsieur de la psychologie
avec son parapluie,
le gracieux poète
avec ses tire-chaussettes
leurs compères
Messieurs les militaires
avec quoi pensent-ils donc
sinon
avec mitrailleuses et canons ?

Notes

1. Il a fallu la ruse prodigieuse et obstinée des moralistes et politiciens pour que le mot désignant l’ensemble des hommes en vienne à signifier non plus cette universalité concrète et vivante mais une abstraction qualitative dont la tartuferie couvre ses méfaits, et ne cesse d’arguer, pour contrarier, au profit du petit nombre favorisé, le devenir de l’humanité.

2. Dont la conclusion pratique ne saurait être que le statu quo, puisque si Dieu = l’Homme, l’Homme = Dieu, donc l’homme s’y retrouve, sans rien avoir à craindre de Dieu.

 

 

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© Mélusine 2007