QUATRE A QUATRE Meurtrie par les grandes grues électriques la patte de mouche voyage cependant dans mon œil comme nul explorateur Qu’il pleuve des sardines ou vente à en tire-bouchonner le Mont Blanc elle voyage sans se laisser arrêter par la tentation des parapluies fermés vieux sabres de panoplies qui ne savent plus que se moucher et éternuer Se moucher et éternuer en voilà une vie que n’envieraient pas les carottes à la sauce blanche ni l’herbe qui pousse entre les pavés bordés de dentellières sournoises comme un œil derrière un lorgnon comme un signal de chemin de fer qui passe du rouge au vert sans plus crier gare qu’un jardin public où se cache un satyre Mais la patte de mouche ne demande rien à personne car les professeurs ne craignent que les escaliers branlants où le gaz réussit parfois à tuer son ennemi le rat à coups de pierres comme un flic chassé à courre et les étoiles qui effraient les poissons rouges ne sont ni à vendre ni à louer car à vrai dire ce ne sont pas des étoiles mais des tartes aux abricots qui ont quitté la boutique du pâtissier et errent comme un voyageur qui a perdu son train à minuit dans une ville déserte aux becs de gaz geignant à cause de leurs vitres cassées Même si le voyageur rencontre une femme nue marchant sur le bord du trottoir parce qu’entre les maisons et elle passe un troupeau silencieux de crocodiles épouvantés par le feu de leurs pipes et cherchant une église avec un large bénitier même si le voyageur rencontre cette jeune femme il n’évitera pas l’incendie d’un magasin de confections d’où s’enfuiront des milliers de puces qui seront tenues pour responsables du désastre mais si le magasin brûle comme une lampe Pigeon le voyageur se sentira consolé et attendra paisiblement bêtement amoureusement courageusement tristement ou paresseusement que sa barbe pousse pour se raser et se fera une large entaille près de l’oreille par où sortira prudent et inquiet un petit lézard de verre qui ne réussira jamais à retrouver le nombril de son maître et se perdra dans la cheminée où l’attendent pour lui faire un mauvais parti l’épingle à cheveux l’épingle à chapeau l’épingle de cravate l’épingle de nourrice et cette brute de saladier écorné qui serre déjà les poings
BRAVES GENS À René Char La querelle entre la poule au pot et le ventriloque nous a valu un nuage de poussière qui est passé au-dessus de la ville en sonnant de la trompette Il sonnait si fort que son chapeau melon tremblait et que sa barbe se redressait pour lui mordre le nez Il sonnait si fort que son nez s’est ouvert comme une noix et que la noix a craché bien loin une petite étable où le plus jeune veau débitait le lait de sa mère dans des bouteilles en peau de saucisson vulcanisées par son père
UN DE PLUS UN DE MOINS Mille parapluies et mille bouteilles de Pippermint se battant autour d’un alambic engendrent plus ou moins fatalement une avalanche de pelotes d’épingles qui piquent rageusement les ponts et chaussées endormis dans les champs d’asperges Et les asperges irritées se réveillent de leur léthargie séculaire et les champs écœurés cachent leur visage dans un mouchoir à vitraux Ainsi commence la nouvelle vie des peupliers bordant les routes où ne passent qu’à la tombée des marteaux les porcelaines recherchées par les amateurs agités sur leur chaise de poulailler Ils voudraient bien se reposer dans un fauteuil électrique et gémir sur la dureté des temps mais les temps sont mous et les peupliers ont beau traverser les rues entre des gendarmes les gendarmes hélas ne sont pas encore pendus car le vent n’arrive ni à décorner les bœufs ni à hausser les montagnes de la hauteur du talon d’un soulier de femme C’est que les aiguilles des montres ont entrepris un grand voyage à travers la mécanique et ont fini par épouser en justes noces le ressort à boudin qui leur faisait de l’œil depuis si longtemps TOURNEZ A GAUCHE Tandis que le rocher surplombant la mer admirait sa mâle prestance et se disait qu’il lui serait facile d’écraser quelques douzaines de crabes le pain à cacheter cachetait plombait à faire envie à une baignoire qui n’a rien à espérer de son ennemi le chauffe-bains et avec un faible effort d’imagination se croit une chute d’eau et se dit que si les arbres perdent leurs feuilles elle pourrait fort bien mourir de soif et les champignons volants qui décrivent de si parfaites paraboles par-dessus les points de suspension des taupes se demandent si cette aventure va bientôt finir s’ils vont bientôt retrouver leurs pantoufles et empêcher les vignes de dormir dans les poêles à frire ce qui révolte les pommes de terre pourtant si calmes et si inoffensives qu’elles s’écrasent quand on les laisse tomber sur un crâne chauve ou non mais susceptible de devenir un billard japonais
TÊTE A GIFLE Ah que les os sont maigres par temps de pluie quand les pépinières de nez grecs retentissent du cri strident des œufs rouges qui parfois pleurent des larmes de biftecks parfumés comme une bête de somme quand les pommes demandent justice et quand les lorgnons crèvent les yeux des ministres de la troisième république où les princes se cachent comme des pots ébréchés dans des recoins d’armoires avec les nouveau-nés de la bonne qui ne veut pas être renvoyée
Ah que les os sont gras quand les lampions de feutre bâillent comme des haricots quand les nombrils se font tailler la barbe et les cheveux chez le tondeur du quartier qui n’a jamais vu de pareils caniches si bien dressés à avaler le sucre comme des aveugles au coin d’un quai des bicyclettes dans un cimetière ou des musiciens dans un égout A DEMAIN Que meure le blé noir si les dents du moineau n’attirent pas les alouettes si les lumières du vin blanc n’obscurcissent pas les miroirs anciens si les lacets de souliers ne guident pas les papillons le soir quand la pluie tombe comme un pendu dont la corde s’est rompue parce que le voisin se battait avec sa femme à cause d’une horloge qui s’obstine à rire avant de sonner pour signifier à ses propriétaires que le monde est renversé que les sources demain chasseront les hommes à courre montées sur des mouches des punaises ou des microbes de jolis microbes en forme de baromètres et qui feront couic couic à chaque pas à cause de leurs chaussures crevées par leurs enfants il n’en fera ni plus ni moins chaud mais il pleuvra des miettes de pain dont tu te frotteras les fesses comme les lapins se frottent les fesses sur des Citroën avec lesquelles on ferait du si bon bouillon pour les curés et les généraux qui demain couleront oubliés dans un tiroir avec des hosties tueuses de rats et des petits balais qui crieront À nous les généraux empoisonnés À nous l’odeur de ministre que les chiens flairent au coin des rues Mais ceci ne résout pas le problème des communications directes de la place Blanche avec la rue Trousse-Nonnains Il ne sera résolu que lorsque les haricots verts abandonnant leur tige avec colère se rendront d’eux-mêmes à la casserole qui les attendra le sourire aux lèvres se frottant les mains avec un culot de pipe ayant appartenu à Platon ou à Archimède Et d’ici là nous verrons un grand nombre de sabots se briser sur le vieux crâne sale du soldat inconnu et lui dire Tu sens le bouc hé morpion
RENDRE L’ÂME Plonger dans le pain rassis voilà ce qui attend les pierres plates grognant à l’approche des camions de fer-blanc car les moules vernies pour les expositions universelles meurent d’ennui avant l’inauguration et leur âme céleste fait éternuer les sénateurs dont la barbe masque une jeune fille violée Demain après-demain dans huit jours peut-être les bruits de plaques d’égouts sautant sur la gueule des flics tailleront dans le ciel autant de bleu qu’il en faut pour la tête de la plus jolie femme du monde et le pac pac n’empêchera pas les petits oiseaux de dormir Le monde sera plus grand qu’une boîte plus grande depuis qu’elle est vide et toutes les exécutions du monde n’arriveront pas à la remplir Il faudra une petite pluie fine une poudre d’or qu’on ne ramassera pas pour rafraîchir les visages en sueur qui n’auront rien perdu de leur fatigue mais où le perce-neige accostera les passantes nues
À CELA PRÈS Quelques petites pierres rectangulaires se sont donné rendez-vous sur la langue d’un pompier qui pour cela se croit un chêne autant dire le père d’un troupeau de cochons Mais le monde est si petit qu’un moustique y étoufferait et la moindre goutte de rosée éprouve le besoin de donner de grands coups de pied dans tous les sens comme la moutarde C’est ainsi que le chapeau melon graisseux comme il convient s’est réveillé un beau matin sur une tête de pierre qui se grattait les dents avec un chien empaillé Mais quel chien On aurait dit une lanterne vénitienne demandant l’aumône à un chef de gare une brouette appelant Pascal à la rescousse un tremblement de terre hésitant entre Naples et Tokio ou entre le premier et le cinquième étage Et le verre blanc des bouteilles n’acceptait plus que le contact du vin rouge à cause de la fièvre jaune qui soufflait dans ses doigts un air à faire se dresser les cheveux de pierre des navires en perdition à l’entrée d’un port Mais le port a vu passer cette semaine un vent de sciure de bois qui a rongé portes et fenêtres et en a fait de gros volumes destinés aux loisirs des académiciens qui ne voyagent qu’en petite vitesse O vieille mousse des mâchoires d’âne qu’on ne rencontre plus que dans les commodes Louis XVI
AU BOUT DU MONDE Quand les charbons enflammés s’enfuient comme des lions apeurés au fond de la mine les oiseaux de farine se traînent comme des timbres-poste sur des lettres retournées à l’envoyeur et les escaliers branlants bêtes comme des saucisses dont la choucroute a déjà été mangée attendent qu’il fasse jour que les pommes soient mûres pour appeler le cheval de fiacre qui joue à cache-cache avec son fiacre et le détruira avant que les orteils des concierges deviennent des rails de chemin de fer
CHASSE À COURRE Je m’étonne de l’orthographe de fois qui ressemble tant à un champignon roulé dans la farine Il n’a pas les mains blanches parce qu’il est nègre Son nez est une boussole qui se retourne vers le centre où il fait chaud C’est le creux de ma main Il crache sur le soleil qui a froid et veut me voler mon pardessus qui n’a rien à se mettre sous la dent
NUITS BLANCHES Passée la caisse de camemberts le petit hanneton s’est perdu dans le désert où le jambon a failli mourir de faim Il court à droite et à gauche mais à droite et à gauche il ne voit que des tomates blanchies à la chaux Il regarde au-dessus de lui et voit un portemanteau qui se moque de lui O portemanteau verni ciré par les homards aie pitié d’un petit hanneton qui tire la langue parce qu’il ne peut pas tirer à coups de fusil sur les chaussettes qui lui feraient un si bon dîner Aie pitié d’un petit hanneton qui joue de la flûte pour essayer de te charmer car il a cru que tu étais un serpent Que n’étais-tu un serpent à sonnettes ou lunettes le hanneton n’aurait pas rongé sa flûte dans son désespoir et n’aurait pas attendu la mort derrière une cravate Et la mort ne serait pas venue comme un râtelier de cristal et la mort ne l’aurait pas ramassé comme un mégot ÇA CONTINUE La vieille valise la chaussette et l’endive se sont donné rendez-vous entre deux brins d’herbe croissant sur un autel habité par des tripes Il en est résulté la création d’une banque hypothécaire qui prête des oignons pour recevoir des fauteuils Et le monde continue Un petit tas de sable par ci un ressort abandonné par là Une oreille en moins se retrouve barbe poisseuse dans un salon Louis XV Et le chiendent aide la chienne de vie qui lèche des culs et marche sur des pieds Et nous n’en finirions pas s’il nous fallait parler de tous les boutons de porte vomissant quand la main les empoigne de tous les escaliers qui se bouchent le nez à cause du macchabée des cravates et des poissons rouges qui meurent de honte et des pigeons qui refusent de se poser sur des nez tombés depuis trop longtemps dans le ruisseau où nul n’ose s’aventurer parce que trop vieux ou trop jeune ou parce qu’il va perdre son train qui heureusement déraillera DANS LE BLANC DES YEUX La fenêtre s’ouvre et se ferme comme une tempête dans un verre d’eau qui proteste parce que la pluie refuse de le faire déborder sous les yeux de la salade morte dont le cœur est devenu depuis longtemps un parapluie d’enfant qu’on cache pour ne pas faire peur aux abeilles dont l’essaim se nicherait avec plaisir dans les profondeurs éternelles d’un os à moelle J’en étais là de mon analyse spectrale des reflets qui vont se cacher dans les oreilles des militaires quand Mais je n’insiste pas Le vert-de-gris a vraiment bonne mine ce soir il est un peu ivre et prendrait volontiers un bain dans une brioche Un vaste rire fait se tordre les boutons de ma braguette On dirait une aigrette sous l’aisselle d’une jolie femme amoureuse d’une pince à sucre À MI-CHEMIN Le vieux chien et la puce ataxique se sont rencontrés sur le tombeau du soldat inconnu Le vieux chien puait l’officier crevé et la puce disait Si ce n’est pas malheureux de s’accrocher des petites merdes avec des rubans rouges sur la poitrine Jadis les poireaux pourris ne rougissaient pas d’être pourris les bouts de bois toussotant et crachotant faisaient des corbillards très convenables avec une odeur vénéneuse de champignons d’église et la moustache ne servait qu’à balayer Maintenant les sources de vieux poils jaillissent entre les pavés et tu les adores vieux général car ils viennent du crâne d’un curé qui n’a pas d’os qui n’a pas d’yeux et qui se regarde dissoudre dans un bénitier
DÉFENSE D’AFFICHER Non jamais plus les os du vent n’effraieront les vieilles horloges bâillant dans les boîtes à sardines Non jamais plus les pieds de table ne prendront leurs jambes à leur cou pour imiter les mouches Non jamais plus les dents cassées ne feront de musique Non jamais plus les miches de pain ne se promèneront nues Non jamais plus les courants d’air ne donneront d’ordre aux statues de sel Non jamais plus la barre d’appui ne sera un indicateur de chemin de fer Non jamais plus la moustache rasée ne repoussera au-dessus de l’œil de mon voisin Non jamais plus le bifteck ne sifflera son chien Non jamais plus l’électricité de ma queue n’empêchera la foudre de tomber Non jamais plus le métro ne demandera A boire par pitié Non jamais plus les noyaux de cerises ne voleront de pissotières car le moindre grain de poussière la puce qui cherche les oreilles oubliées dans les taxis les œufs durs qui savent si bien espionner par les trous de serrures et ce qui reste de la muraille de Chine sont là pour veiller aux traditions
et faire respecter les premières fraises qui se regardent dans tous les miroirs et seraient si heureuses de voir un veau pendu à l’étal se jeter sur le boucher et courir après sa peau qui serait si usée qu’il verrait son frère au travers
À UN MILLIMÈTRE PRÈS Le pavé râpé comme une barbe mal faite se perd en conjectures sur l’utilité du tournesol en mie de pain qui oscille comme une cheminée prête à tomber sur une tête de général moisie comme un vieux robinet de cuivre un robinet savant qui est devenu de cuivre pour que le bronze ne fasse plus de statue de saindoux et pour que le pain blanc limite la croissance des moustaches à juste ce qu’il faut d’eau pour noyer un regard dans une poche de gilet Ainsi la terre tourne comme une sauterelle autour d’un bec de gaz et le bec de gaz trépigne crie pleure injurie le gaz qui l’empêche de bâiller et de se tourner les pouces comme un chêne au bord d’une route nationale où passent deux par deux des brouettes vides qui ne demandent pas mieux que de transporter des pince-nez en charbon de bois en pierre ponce
avec des petites assiettes plates au derrière desquelles on verrait mal peint en rouge avec des taches bleues qui voudraient figurer des larmes de crocodiles un Poincaré jaune malgré tout se grattant le foie qui serait un trou dans la porcelaine par lequel on verrait un petit lion pissant sur la tête du même Poincaré cinquante ans plus vieux et dormant comme seuls savent dormir les déchets de boucherie qui voyagent lentement dans une diligence traînés par de vieux caps si pelés qu’on dirait une vieille reliure d’un très vieux livre Ils passent dans un tunnel sans lumière où l’on entend des bruits qui rappellent les grondements effrayant les salades qui fleurissent subitement au sommet des arcs de triomphe croulants et fuyant cependant à toutes jambes écrasant les taxis qui miaulent comme des brioches à qui l’on a marché sur la queue
plongeant dans des rivières de purée de pomme de terre au risque de se noyer et de faire couler les magnifiques navires de manteaux de vison qui passent comme des mains tendues et s’appellent fleurs de pissenlit
UNE BOTTE DE CAROTTES Sang sang et sang de la morue volante Qu’il retombe sur les orteils du sage qu’il recouvre les cascades comme les fantômes et que le sang le sang de la morue fraîche inonde les vaches maigres qui seront des pneus et éclateront à la première piqûre de moustique Et leurs échines seront labourées si scientifiquement que les paysans se tourneront les pouces comme des obus qui éclateront dans le sang le sang de la morue volante et le projetteront de tous les côtés comme une tignasse ébouriffée.
PARTI SANS LAISSER D’ADRESSE Un petit chien s’endort sur un plat de rotin et le rotin médite sur l’injustice du tribunal qui condamne le rotin sans condamner les chiens Mais ce tribunal se noie dans un plat de sauce où il a voulu pêcher des orteils qui ressemblaient à la pleine lune et bâillaient comme un âne devant un chapeau melon cependant que des cuisses de femme s’ouvraient et se refermaient comme une huître qui voudrait respirer la fraîcheur du soir sans montrer sa perle qui boit comme un trou et est toute la journée plus ivre qu’un manège de chevaux de bois Et si le tribunal se regarde dans le fond de son assiette il voit un robinet ouvert d’où s’échappe toute la récolte de petits pois de son hôte qui meurt lentement comme un champignon dans une chaudière où les cheveux des uns tombent pendant que ceux des autres poussent ce qui fait hennir les chevaux galopant sur la route au-devant d’un tombereau de betteraves qui jouent au piquet en attendant d’être admises dans l’intimité du sucre ce voyou qui fait mourir le café à petit feu comme on brûle la plante des pieds d’un général pour l’obliger à manger ses bottes sans boire une seule goutte d’eau qui pourrait être une citrouille trop mûre ou un chapeau à plumes ou une maison à loyers modérés ou une nuée de sauterelles ou une mine de plomb qui n’est pas dans une musette
MILLE FOIS À Elsie Parmi les débris dorés de l’usine à gaz tu trouveras une tablette de chocolat qui fuira à ton approche Si tu cours aussi vite qu’un tube d’aspirine tu iras loin derrière le chocolat qui bouleverse le paysage à la manière d’un soulier percé sur lequel on jette un manteau de voyage pour ne pas effrayer les passants par le spectacle de cette nudité qui fait claquer des dents aux boîtes de poudre de riz tomber les feuilles des arbres comme les cheminées d’usine Et le train passe sans s’arrêter devant une petite gare parce qu’il n’a ni faim ni soif parce qu’il pleut et qu’il n’a pas de parapluie parce que les vaches ne sont pas encore rentrées parce que la route n’est pas sûre et qu’il n’aime pas rencontrer des ivrognes ou des voleurs ou des flics Mais si les alouettes faisaient la queue à la porte des cuisines pour se faire rôtir si l’eau refusait de couper le vin et si j’avais cinq francs Il y aurait du nouveau sous le soleil il y aurait des pains à roulettes qui défonceraient les casernes de gendarmerie il y aurait des pépinières de barbe où les moineaux feraient l’élevage des vers à soie il y aurait dans le creux de ma main un petit lampion froid doré comme un oeuf sur le plat et si léger que la semelle de mes chaussures s’envolerait comme un faux nez en sorte que le fond de la mer serait une cabine téléphonique d’où personne n’obtiendrait jamais aucune communication
MAL RASÉ Un poulet se promène de long en large dans une tabatière qui est une sépulture très convenable pour une brosse à reluire édentée comme un ministre de l’agriculture et si faible qu’on a envie de la pendre comme un paquet d’oignons au bord du toit pour chasser les hirondelles qui sans cela viendraient nous aboyer aux chausses pour nous faire regretter les omnibus à impériale et la Jamaïque qui dort au coin du feu et se demande pourquoi il n’y a pas plus souvent des catastrophes de chemin de fer où des centaines de pèlerins se rendant à Lourdes font une fois pour toutes rêver les vertueuses limaces qui pourries depuis sept siècles et déjà transformées en cheveux blancs ayant abandonné le crâne d’un pauvre bougre pour aller bayer aux corneilles pensent à ce qu’il a pu advenir de leur bouton de culotte autrefois si bien peigné et si bien rasé que même de près on l’aurait pris pour un lavabo de porcelaine rose rongé par les mites et cependant prêt à entreprendre le tour de France à pied comme une pomme de terre frite
RUMINANT À André Breton Le garçon ouvre son ventre comme son portefeuille et les yeux au ciel qui reflète une chasse à courre moyenâgeuse et un peu militaire dans laquelle les pervenches montrent impudemment leurs cuisses comme les chutes d’eau leurs dessous vaporeux de lumière électrique que les abat-jour modernes n’arrivent pas à réduire aux ridicules dimensions d’un pékinois moustachu comme Hindenburg le garçon dis-je sort de son ventre une paire de ciseaux à ongles que son père avait oubliée là et me la prête en regrettant les dimensions de mes oreilles qui lui rappellent le lac de Genève encore que la S.D.N. n’y soit représentée que par un poil qui est le tunnel du Simplon dans lequel les lapins russes travaillent ardemment à faire une de ces magnifiques avalanches qui commencent blanches pour finir rouges comme un Vittel-fraise
PATTES DE MOUCHE Un coup de vent entre les cuisses déchaîne des colères folles qui ravagent les champs de pierres et font éclore trois ou quatre hannetons Il y a des courants d’air qui secouent les décorations d’autres qui pissent dans les coins Il y a les fenêtres qui ont mal au ventre et d’autres qui mangent du pain moisi Il y a des lumières qui percent les oreilles et d’autres qui épilent les pédérastes des chaises qui se battent comme des charretiers des chapeaux de bois vert des souliers de vin blanc des mois de savon et des coups de pied au cul Je regarde passer les briques qui ont des bottes de sept lieues et j’attends que le plafond me tende la main S’il ne le fait pas je le clouerai sous la semelle d’une savate qui aura bon pied bon œil
DORMIR DEBOUT Quand les poissons sortent des yeux de la mariée qui bave des hirondelles le pain mie mi-moisi mi-savon se dilate et sur cette corde à nœuds se suspend un petit perroquet qui crie comme un disque de chemin de fer Il braille même mais s’il braille c’est que le télégraphe a perdu au poker cependant que sa femme recevait les hommages d’un banc de harengs Minuit ou une heure du matin Les pilules Pink ont fini leur journée et rentrent dans leur caverne Quarante voleurs C’est une chèvre qui a laissé tomber 40 crottes de ce côté de la Seine qui est un vieux pain sec habité par les poux Ainsi le matin lorsque la poussière fatiguée par une nuit d’insomnie s’étire en même temps que les lévriers des riches les marronniers en fleurs soupirent après l’hiver qui peut-être leur donnera une barbe illustre ou un pendu qui lui aussi pourra être illustre Peu importe pourvu qu’il tire la langue comme un cordon de sonnette qu’on arrache à quatre épingles
LE BON VIEUX TEMPS Variations de la lumière dans un sabot de corne
Les nez en trompette jouent une marche funèbre et les trèfles à quatre feuilles annoncent le beau temps qui a un cerveau d’enfant et des pattes de canard comme au temps des cerises qui mangent du pain bénit quand il neige des œufs sur le plat quand les pattes des mouches marquent le pas en fabriquant des fauteuils de jardin Peine perdue Le sable prêche à la porte des grands magasins où les rubans se font flèches de premier ordre où les escaliers luttent contre les coliques hépatiques
Les petits chiens iront bientôt faire la queue à la porte des dentistes qui n’en ont pas
SE LAVER LES MAINS Il a donné sa vaisselle à laver au Gulf Stream doré ses petits pains avec un rayon de soleil et maintenant il se fait une ceinture avec la queue qu’il a arrachée au diable Tout cela lui vaudra la rencontre de la danse de Saint-Guy au pied d’un escalier en colimaçon qui fait la pluie et le beau temps comme un petit oiseau sur le chapeau des braves gens C’est pour cela que je n’ai pas de chapeau C’est pour cela aussi que les poux détestent les miroirs que j’ai faits de mes yeux comme la pluie et le cheval ont fait le fer à cheval Il n’y a guère que le papier mural des chambres d’hôtel qui ne puisse pas en faire autant Il est vrai que les temps sont durs on dirait ma queue et ne s’inquiètent pas des grains de sable qu’on trouve si souvent dans le raisin C’est un tort car d’eux vient le désert du Sahara et quelques autres
PONT DE FLANDRE Bleu de Prusse Le savon gras s’enfuit sur la rampe de l’escalier et les écorces d’amandes amères demandent du vin blanc qui joue à cache-cache avec la queue des porcs qu’on rencontre tous les jours dans les couloirs des hôtels Ils ont des drapeaux des nombrils et des cervelles de bière brune avec des couvre-chefs de canards qui attendent la fonte des neiges pour crier As-tu vu la mariée qui sent l’ail comme une vieille vache parce que le pavé est gras et les mains des sextants sentent le gras double comme les serrures s’effraient de rester fermées tous les jours et le jour de Pâques principalement parce que ce jour-là est une vieille momie qui a mal aux dents et mâche du mica Mais les gares couvertes de sucre crachent sur les militaires décorés de la croix de guerre La pluie chassera tout cela et le soleil le séchera mais il restera sur le seuil de la chaumière un râtelier à moitié dévoré par le cheval du propriétaire
DU JOUR AU LENDEMAIN Nuages atteints de la variole et morts à la fleur de l’âge qu’avez-vous fait des soubrettes qui rient si bien dans les théâtres des boulevards qu’avez-vous fait des crocodiles égarés dans les bottes d’un gendarme Le gendarme voulait manger ses bottes mais ses bottes lui ont mordu la main et il est devenu roi d’un petit pays où l’on pêche le platine avec un filet à papillons Il finit par s’apprivoiser le platine il fait beau et le laid boit du vinaigre avale des grenouilles vivantes et se bat les jours de marché pour défendre son auto qui tousse comme un sanatorium et deux ou trois cimetières Mais les vents sont contraires parce que le temps est beau pour les fraises qui ne se rasent pas tous les jours par paresse
C’est ainsi que surgissent les magasins de nouveautés
ÇA NE SERT A RIEN Ah petits chiens petits chiens Nagez dans l’encre dans l’encre qu’on extrait du poil des grands chiens à coups de sabot à coups d’orange comme une vache enragée qui se pétrifie lentement sous les yeux d’un marchand de tabac Vous aurez beau porter des cravates qui seront peut-être hors concours les savates éculées traîneront au coin des rues qui mènent aux terrains vagues comme une légion d’honneur mène à l’égout Le vent en aura une attaque d’apoplexie et les pierres se lanceront d’elles-mêmes sur les crânes ravagés par l’hiver et les inondations pour après murmurer La Tour prends garde aux pains d’épices qui se décomposent peu à peu Prends garde à quoi aux petites fleurs des champs ou aux orteils que secoue un grand rire le rire d’un melon qui s’ouvre pour laisser fuir une douzaine de papillons
S’ENNUYER À René Crevel Quand les montagnes têtent les serpents qui les étouffent et les bêtes de sang somment l’électricité d’aller se faire pendre ailleurs la poussière amalgamée sur les nouveau-nés se fend de haut en bas et sous la robe de soirée apparaît le numéro gagnant C’est un petit chien qui compte jusqu’à 18 et s’arrête en gémissant parce qu’il a avalé la queue du 9 si bien qu’aussi loin que se traînent ses regards on découvre le désert d’un rayon bleu d’acier qui flotte au-dessus d’une bouteille de champagne riant à cause d’un naufrage où tout un séminaire fut pendu par les pieds pour éloigner les puces qui s’étaient converties à la faveur de la tempête Il pleut C’est vrai il pleut des fibres de palmier qui s’enroulent autour des maisons bourgeoises et les bourgeois sont les lamproies dévorées par les nègres qui depuis longtemps ont reconnu l’inexistence du Japon qu’on dit perché quelque part sur un arbre mort d’où le matin sortent de belles formes blanches des femmes nues qui disparaissent ensuite dans la respiration des dormeurs Tout cela ne va pas sans une certaine stupeur qui leur fait dire une fois réveillées Tout tourne Oui tout tourne jusqu’aux plus beaux yeux du monde qui se vissent dans d’autres yeux et y restent mais tournent parce que les fauves font le tour de leur cage C’est ainsi que le vent après avoir gonflé les tuiles des toitures s’asseoit tranquillement à l’ombre des grands arbres et attend la détonation qui le réveillera mais il arrive qu’en sa présence deux automobiles se heurtent violemment et projettent dans l’œil des flics un grand jet d’iode qui en fait des morues de vieilles morues catholiques si salées et desséchées qu’il n’y a plus d’espoir d’en faire autre chose qu’une paire de ciseaux qu’on jette aux ordures Ensuite vient le savon qui malgré sa coxalgie court assez vite pour rattraper un cycliste Ce n’est pas moi car je ne sais pas me servir de cette bête qui miaule pour imiter les chats en rut ce n’est pas moi mais un petit chien qui a avalé la queue du 9
L’ESCALIER AUX CENT MARCHES L’aigle bleu et le démon des steppes dans le dernier fiacre de Berlin Légitime défense des âmes errantes le moulin rouge à l’école des mendiants attend l’étudiant pauvre Avec la bonne Chasseurs sachez chasser un jour de paie Chasseurs sachez chasser comme papa spécule avec le sourire Par l’épée par l’épée par l’épée le tigre des mers rêve de bonheur Vengé La vestale du Gange s’écrie Vanité quand la chair succombe Arrêtez regardez écoutez la fameuse dinde prend une journée de plaisir en tournant dans le cercle enchanté avec un cran de lion M’sieur le major Mon Paris mon oncle d’Amérique mon cœur et mes jambes esclaves de la beauté admirent les conquêtes de Nora pendant qu’on demande une dactylo pour le pirate noir Non pas possible qu’une femme en habit c’est la Veuve Joyeuse devienne la proie du vent parce que milliardaire Madame Sans-Gêne dans la peau d’un autre mène une course endiablée Son fils avait raison le patrouilleur 129 qui porte un chapeau de paille d’Italie est l’as des jockeys abandonne une petite aventurière pour une femme C’est Lune-Rousse qui chasse le buffle à Notre-Dame de Paris Ah quelle scie l’homme aux yeux clairs indomptable veut lui appliquer la loi du désert mais les amants âmes d’enfants sont partis Ah le beau voyage
UNE QUERELLE D’ALLEMAND Bavardez dans l’oreille des sourds et mettez les vôtres dans une valise La valise pourra s’égarer dans une gare quelconque mais vos oreilles trouveront le chemin du chef de gare et ce sera une tragédie car ce fonctionnaire ne verra pas d’oreilles mais un navet se balançant sur sa tige serpent de pot-au-feu et pinçant le malheureux à la bedaine Là le drame deviendra affreux mais ceci est l’affaire de monsieur le ministre de la justice qui s’est fait représenter dans la région par le petit balai des cabinets Le petit balai ne manquera pas de se jeter à la tête du chef de gare et de le barbouiller Pouah dira-t-il et il rendra son âme au chef des lampistes qui ce soir-là allumera ses lampes avec ses moustaches
MES SOURCES Quand la pointe des seins rencontre le vent frais et dit Bonjour le nombril descend l’escalier sans s’inquiéter de savoir s’il pleut s’il y a plus de marches que de pieds pour les descendre La beauté des pattes de mouche devient alors plus relative que celle des pattes de tortue C’est parce que l’écaille fait des siennes d’un bout de l’année à l’autre et le soir le tour des boîtes de nuit Je ne lui veux pas de mal cependant le fil à coudre se souvient du pain qui lui ferait du bien et pleure Ah si j’étais machine à battre mais c’est lui qui est battu À force d’être battu comme plâtre le plâtre s’effrite mais les graffitis restent et ne se retiennent plus de dire Merde on n’a pas fini de s’ennuyer Et les rats ne s’arrêtent pas de grignoter Attention ce n’est pas le maréchal mais les braves rats qui véhiculent la peste comme les chemins de fer le plâtre le papier d’Arménie qui réjouit les rats et les bottes de sept lieues
Assez Assez les perroquets se cachent dans les serrures pour singer les gens du monde
ANNIVERSAIRE Les orteils tannés qu’on se suspend au nez comme des clous de girofle ne se faneront plus car c’est fini de cultiver les orangers en pots À quoi bon d’ailleurs puisqu’ils fleurissent sous le couvercle des pianos que la poussière n’arrive jamais à rajeunir et puis un peu de neige au bout de l’oreille oblige le soleil à se lever Les pingouins se passent de soleil et de savon Mais ils sont obligés de crier Papa Maman du matin au soir et papa et maman sont plus souvent qu’on ne pense une aurore boréale
Ce distributeur automatique qui pour deux sous donnait des coups de pied aux curés a fait son temps et se repose au bord d’une rivière en pêchant à la ligne La dentelle aussi mais l’hiver seulement alors que les escaliers à révolution conduisent à la guillotine et qu’on applaudit le jet d’eau qui lance le plus loin les têtes coupées Les enfants s’en emparent et jouent aux billes C’est ainsi que j’ai vu l’année dernière un enfant de dix ans qui avait eu de la chance Il avait gagné tant de têtes que ses oreilles entendaient la délicieuse musique des scies qu’on fait vibrer pour les mettre en colère
UNE NUIT COMME UNE AUTRE Pince l’œil pour appeler le violon de beurre et la mayonnaise chantera une chanson d’ivrogne dans la cour des casernes où poussent les fils du crottin qui passent leur temps à se donner des airs d’eaux grasses d’anthrax blanchi par les veilles et suintent le gaz qui est à la moutarde ce que la moutarde est au crottin Au mou de veau revient l’honneur des chaussettes sales qui font si bien peintes en trois couleurs au bout d’un bâton Le bâton est habitué depuis longtemps à être employé à cet usage et cependant il proteste Parfois il aboie avec fureur et les ferblanteries tressaillent ce qui donne beaucoup de travail aux conduites d’eau et d’égout Il y a aussi des fleurs sur les murs ou ailleurs mais peu importe ce qui compte c’est le papier sale qu’on met dans sa poche parce qu’on ne sait pas Les cochons petits ou grands n’en voudraient pas mais ceux qui ont un ventre de noyé s’en empiffrent Il y a aussi des chemins de fer qui font un bruit de rêve et sèment des arbres qui poussent avec des feuilles qui ne jaunissent pas pour emmerder ceux qui parlent de l’automne avec des hoquets dans la voix et des tremblements de terre entre les jambes L’automne justement vient de crever dans son trou et le géranium de la maison grogne après les abeilles Ce n’est pas cela qui ressuscitera les abeilles et l’automne mais la peste ne perd pas son temps et court et se dépêche Jamais elle n’ira assez vite Il y a trop de gens à tuer et puis après ceux-là il en vient d’autres Quel travail Et tout cela parce qu’il faut que tout le monde vive que la mousse recouvre les yeux qui lancent des flammes douces et que le savon imite la terre quand on souffle dessus Je n’en finirais pas de parler de ce roi qui n’avait pas de pantoufles parce qu’il les avait mangées à la sauce blanche Qu’il sache seulement que son tour viendra d’être mangé par quelques malles Cependant ce roi a une collection d’éléphants et les éléphants devront rêver pour lui et les éléphants rêveront de meubles chinois avec des incrustations de cyclones Ce sera un cauchemar naturellement et ils se réveilleront en disant C’est la vie Oui c’est la vie C’est la vie qui fait des stalactites de papier argenté dans le cerveau des comptables et de papier de soie dans celui de leurs épouses C’est la vie qui a fait de l’homme une carrière de schiste C’est la vie qui a fait de la puce un cordon ombilical et du cordon ombilical une trompe d’éléphant en colère C’est la vie qui mais ceci ne nous regarde plus
VIN NOUVEAU Un sou qui n’est pas autre chose que la pomme d’Adam dans un coffre-fort s’embête comme il n’est pas permis Rien à faire sur la terre et il ne sait pas nager Il voudrait bien prendre l’air bourgeoisement mais il n’a pas de bourgeoise et les tours s’écroulent bruyamment pour mystifier les échos de leurs caves qui croient renfermer des trésors Mais les araignées ne sont pas des trésors et si elles se cachent c’est qu’elles n’ont rien de mieux à faire et ne savent pas jouer aux échecs sur leurs toiles parce qu’il n’y a pas assez de poussière par ce temps gris et pluvieux qui fait tomber les chiffres des horloges Ils roulent dans le ruisseau et voilà le temps perdu à tout jamais Alors à quoi sert le jus de citron
LA CANICULE Bouton bouton c’est dans ma main que tu sautes et les chèvres des lampes t’imitent Un pétale s’envole et se dépose dans mon œil Il a les mains jaunes le cœur pâle et danse C’est que la pendule sonne une heure horrible l’heure où les enfants montrent leurs dents blanches en caressant une brosse qui du coup perd ses poils et se promène lentement en roulant les hanches Dans les rues très fréquentées c’est une jolie femme qui agite son sac à main Elle n’a pas froid aux yeux parce qu’on abat les arbres dans l’avenue voisine parce que la moisissure envahit jusqu’aux chapeaux hauts de forme dont les racines plongent jusqu’au plus profond des gouffres Tu tournoies et tes fleurs rouges brillent comme tes yeux et je vois ta langue dans tes yeux Viens par ici il y a des fleurs écloses des jambes de femme
LES LOUPS NE SE MANGENT PAS ENTRE EUX Tout ce qui se lit est la cendre du bois mort qui attriste les murs et leur chemise de salpêtre Rien ne vient pas un malheureux petit poisson de friture à 2 fr. 45 pas une mouche sèche de visage anguleux Rien Les sources de plâtre jaillissent sur les plafonds anciens cachent le sang des mères égorgées et le suif des chandelles humaines Les marins qui empestent l’iode sur le coup de midi se cachent sous des pommes cuites et le style mauresque qu’on peut saisir avec une pince à feu comme une dentelle en point et virgule d’Alençon Alençon un pou qui confond les vêpres avec l’Opéra le macaroni avec les pendus et les thermomètres vertigineux avec la danse du ventre Rien ne s’oppose à ce que les nez droits portent un fil à plomb et les crochus des chiffonniers cependant que les sourds tendront la corde de piano sur laquelle sèche leur oreille comme un vieux bifteck qui a perdu son alliance
LES ALOUETTES ROTIES Le sang de ma mère alimente les tuyaux d’orgue qui pissent des boîtes de sardines bombées et des écorces d’orange semblables à des pièces de cent sous des monnaies du pape Elles restent là à attendre le coucher du soleil pour retrouver leur frère qui joue du violon afin de se faire de la publicité comme le chêne s’en est fait en brûlant lentement dans les cheminées du Moyen Age qui sont maintenant des mines de charbon habitées par des souris blanches Les papillons y retrouvent leur mère et les pôles hivernent près d’eux lorsque le sang frais refuse de rentrer dans les boudins qu’on punit en les faisant sauter à la corde si longtemps qu’ils se cassent et crient comme si leur oreille devenait une mare à grenouilles
IL NE SAVAIT QUE FAIRE DE SES DIX DOIGTS J’ai jeté quelques gouttes d’eau sur une tête de mort et un mât de cocagne m’a reconnu pour son frère Il avait les dents blanches et ses paroles étaient des pensées sauvages qui écartaient les grains de sable entre ses cils pour s’asseoir confortablement dans le fauteuil de ses yeux Mais les cochons d’Inde en étaient revenus depuis longtemps Ils avaient semé des marrons sur la route pour être sûrs de se perdre et ces marrons se lèvent comme des bateaux le matin Ils respirent à faire pâlir un soufflet de forge qui dès lors ne trouve plus rien d’autre à dire que Je vous aime ma belle enfant Vos yeux sont deux statues de sel qui fondent comme un beau jour dans le creux de n’importe quelle main Il est 10 heures et tes cheveux flottent dans l’air comme un rayon de soleil dans la poussière Pourquoi rire de l’expression Avoir pignon sur rue autant dire cela que de téléphoner au chien de pique aboyant à la mort pour faire avorter les femmes enceintes qui croient aux esprits et à cause de cela cachent leur nombril sous un petit myosotis
QUOI QU’ON EN DISE Les boutons les poireaux et l’oseille ont rencontré le soleil au coin de l’avenue Matignon C’était une queue-de-rat qui avait dessiné au passage un sein informe sur le front d’un vieux monarque barbu Il y avait aussi une belle étrangère qui ne perdait pas son temps et le cœur rouge de la vallée s’épanouissait elle les mangeait elle les chantait et le cœur rouge de la vallée s’épanouissait Il avait des oreilles et un beau porte-monnaie une voix éraillée et une tête de souris qui s’en allait sans plumes ni couronnes suivie d’un tombereau d’une douzaine de cannes à pêche d’un collier de chien et d’un chapeau haut de forme qui tournait lentement autour d’un cheval emballé
FAIRE DES PIEDS ET DES MAINS L’œil levé l’œil couché l’œil assis
Pourquoi s’égarer entre deux haies de rampes d’escalier pendant que les échelles s’assoupissent comme des nouveau-nés comme les zouaves qui perdent leur patrie avec leurs chaussures Pourquoi lever les bras au ciel puisque le ciel s’est noyé sans rime ni raison pour passer le temps et faire pousser ses moustaches Pourquoi mon œil s’assied-il avant de se coucher parce que les bâts blessent les ânes et que les crayons se brisent de la plus imprévisible façon par tous les temps à l’exception des jours d’orage où ils se brisent en zigzags et des jours de neige où ils déchirent leur chandail Mais les lunettes les vieilles lunettes dépolies chantent en cueillant du chiendent pour les chats Les chats suivent la troupe en portant des drapeaux des drapeaux et des insignes L’arête de poisson qui traverse un cœur battant la gorge qui se soulève régulièrement pour imiter la mer qui l’entoure et le poisson qui tourne autour d’un ventilateur Il y a aussi des mains de longues mains blanches avec des ongles de verdure fraîche et des phalanges de rosée des cils oscillants que contemplent des papillons mélancoliques parce que le jour a fait un faux-pas dans l’escalier Il y a aussi des sexes frais comme une eau vive et qui bondissent dans la vallée parce que le soleil les touche Ils n’ont pas de barbe mais des yeux clairs et poursuivent les libellules sans se soucier du qu’en dira-t-on
VOUS N’IREZ PLUS AU BOIS Il n’y a pas de galeries dans les pommes ni dans les chronomètres car les arbres sont en coton et chantent des chansons obscènes parce que c’est Noël et que les petits enfants pissent sur les vaches que leurs mères se laissent caresser les cuisses par les flics dont les crânes engendrent des parapluies qui sont des grilles en fer forgé bordant une route où défilent des officiers qui conduits par des soldats s’en vont au poteau d’exécution Ils ont des moustaches de bannière et pleurent des nez camus qui sont les leurs Leurs bras tombent le long de la route et guident la foule Leurs pieds adhèrent au sol et leur corps tombe sur des cloportes qui font l’exercice en costume de jambon Quelle nuit quelle pluie nom de dieu Les cloportes ont oublié leur parapluie et fondent La tache d’huile s’étale sur le front du moribond qui n’a pas fait de testament Il voulait pourrir en espalier comme une mouche qui bourdonne à l’oreille de mes lecteurs et leur crie Tas de vaches
FAIRE LE PIED DE GRUE L’orage éclate au fond des plus secrets tiroirs et c’est la lutte à mort entre le peigne et le salsifis Le peigne a des dents de salsifis et le salsifis une chevelure qui lui tombe sur les talons Ils se regardent en chiens de faïence et les chiens en question se brisent comme du verre C’est qu’ils voulaient aboyer et que la faïence le leur défendait Adieu faïence chien salsifis peigne Les boutons de mon veston chantent à tue-tête et le premier prend le tramway Il s’en va à la Villette Il se promène rue de Flandre où il achète des sabots et les rails du tramway l’applaudissent Il salue le crottin fumant au-dessus duquel tournoient les moineaux Oh Un manège s’écrie une petite vieille qui porte une pince à sucre au sommet de son chignon Et ses arrière-petits-enfants qui boitent ceux des années paires de la jambe gauche et les autres de la jambe droite poursuivent à coups de pierres des chiens accouplés Il pleut et les cheveux de la vieille fondent dans la pince à sucre Sa tête n’est qu’une grosse betterave dont ses enfants ont mangé les feuilles La betterave tremble et les maisons en beurre fondu glissent s’étalent comme des parachutes cependant que les boutons de mon veston s’en vont bras dessus bras dessous comme des matelots ivres
DANS LE CREUX DE L’OREILLE Se casser le nez sur un piano qui fait miaou miaou éplucher un bégonia ou une chaussette se suspendre une paire de binocles sur le nombril donner les morts à manger aux chevaux et mille autres choses qu’on voudrait faire en prenant un bain voilà de quoi mettre le feu au musée de l’armée Mais l’armée qui vagabonde comme une souris en réclame à la vitrine d’un magasin de jouets ne brûle pas à la manière des torches Il est vrai qu’aujourd’hui les torches ne brûlent pas on les a arrosées de vinaigre cuites comme des pommes de terre et servies chaudes sur un plat de légion d’honneur C’est pourquoi l’armée avec sa face de terre glaise l’armée qui pisse sur tous les becs de gaz pour leur faire des galons l’armée est représentée à ce banquet sous la forme d’une épingle de nourrice qu’un prince se passe au travers du nez Mais l’épingle se sent soudain l’ambition de devenir limousine et chante une chanson de Jonas où il est question de baleine de père-la-colique et de ruse d’apaches Rien n’y fait Il faut que Jonas élève des pies pour faire éternuer la baleine et sortir Rien n’y fait encore puisque Jonas n’est plus qu’un de ces mille parapluies que j’envoie à tous les diables comme j’ai dix doigts peu de cheveux et pas loin de 32 dents Il y a ceux qui se cachent dans le cirage et brisent les lacets de chaussures il y a ceux qui se déposent au fond des verres d’alcool ceux qui font trop vite pousser la barbe ceux qui vident mon portefeuille et mangent des biscuits de soldat déjà rongés par les rats ceux qui mettent de l’huile dans l’oreille des aveugles et sucrent les homards pour les dresser à la chasse Mais aucun diable n’a hurlé sous la neige au coin d’une rue déserte Norwège Norwège voilà bien de tes coups BLANC D’ESPAGNE Qu’as-tu fait de ton soulier fonctionnaire Je l’ai perdu dans l’escalier Ce n’est pas vrai fonctionnaire puisque ton rat blanc est un chameau Ce n’est pas vrai non plus puisque ta femme a les cheveux longs et qu’elle tond des oies parce qu’elles ont les dents longues des pattes qui les condamnent et mangent toutes à la même gamelle que leur tend un vieux général sale pétant sur l’air de la Marseillaise
AU PETIT JOUR La tour qui s’allonge comme un pain de seigle et le chien traînant sa queue comme un jardin ses plates-bandes se rencontrent dans l’antichambre d’un dentiste Ils sont tous deux glabres et borgnes et les becs de gaz s’éteignent sur leur passage Ils ont des mains d’évêque et des pieds d’escargots Leur sourire se fige sur leurs lèvres enflammées et leurs yeux se sont battus jusqu’à la mort de l’un d’eux Tue tue et tue Que les poissons s’étranglent dans les fusils et que les bateaux écrasent les enterrements La poussière qui recouvre les chemins de ronde s’envolera comme une barbiche et les panneaux verts des arrêts facultatifs se croiront le pouvoir de repeupler les tiroirs sans l’aide des colonnes montantes ou descendantes des barques renflouées et des lacets qui se brisent le matin à la dernière heure au moment où les becs de cane mordent comme des portes parce qu’un œil s’est ouvert comme une bouteille une branche d’arbre rompue comme une bourrasque un portemanteau s’est démené comme une pipe allumée est mort six fois par jour et a promis du beurre au pain
ATOUT TRÈFLE Assemble la pierre de l’élan brisé et l’erreur des branches au fil de l’eau Doute de l’horizon de l’autre côté de tes yeux et va-t-en à travers les montagnes blanches de fougères que sapent lentement les cordelettes de la passion folle Les cuisses du ciel s’arrondiront devant toi et les ténèbres fermeront leur porte sans verrou car le verrou ne se tire pas à cause des malfaiteurs en forme de tunnel mais à l’unique voisinage des pentes abruptes et lorsque les colliers de mirages se brisent comme le cristal des larmes que le ruisseau s’affaisse lourdement comme un verre vide le misérable coquillage de la route se déroulera comme une ceinture de sauvetage une ceinture qui ne sauve que les suicidés aux mains de flamme debout sur les collines qui rient car les collines des suicidés rient d’un rire de chute d’eau avec des vis dans leur voix de fumée et des escaliers infinis dans leurs gestes qui s’égarent dans les boules bleues du temps perdu Celui qui n’a pas perdu son temps dans les soupapes de la neige ne connaît pas la force dissolvante de l’aubépine fleurie baignant dans le sable blond ni le courage désespéré des petites rivières traversant des marais d’armoiries Et celui qui n’a pas senti le regard prismatique des palmiers se poser sur l’épine dorsale de l’avoine dont la chute correspond au degré de torréfaction du café celui-là ne sait pas ce que c’est que le vent perdu et ne peut prétendre qu’à l’oubli au plus définitif oubli des cils battants à moins que son souffle sursaute au passage affolé des murailles mordues par les écorces tombantes qu’anime la colère des obstacles surmontés
PRÊTE-MOI TA PLUME Nous sommes passés dans cette avenue plantée de seins bleus où les clous de girofle étoilaient le ciel de café Qu’ai-je fait aux herbes de verre qui mangent les agneaux Que leur ai-je fait pour qu’elles me jettent au visage leur soulier percé à travers lequel je vois le monde à l’envers le mort de peur tuer celui qui l’a fait mourir et la chaîne de montre se pendre au cou du pendu Un géranium montre ses fleurs de poussière dans les cheveux transparents d’un oiseau de proie qui n’hésite pas à se jeter comme un train déraille sur la barbe de mon frère Le géranium ne songe qu’à la pleine lune parce qu’elle a le visage d’un héros qui a mordu la mousse pourrie des forêts ravagées par un tremblement de terre survenu sans murmurer Gare de l’Est j’ai mon rasoir à la main pour faire une coupe scientifique du corps humain conservé dans l’essence d’héliotrope parmi les cailloux du Rhin qui font des phonographes pour les garde-champêtres et les vieilles bigotes qui coupent du pain blanc avec des limes à ongles Nous sommes passés par cette avenue plantée de seins bleus où le jour ne se différencie de la nuit que par une virgule et la sardine du hanneton que par un poil à gratter Il y avait sur le bord du trottoir un journal de 1896 où l’on annonçait une pluie de tulipes pour 1903 et il pleuvait des aiguilles à tricoter qui se tordaient sur la chaussée se rejoignaient et faisaient un arbre généalogique dans lequel je reconnus les lèvres d’une femme aimée qui battaient des ailes et volaient à la poursuite des Hispano-Suiza dont le dernier spécimen allait naître d’une bouteille de clair-obscur clair-obscur voilà ce qui manquait aux lunettes de l’aveugle dont la silhouette ne s’est pas encore tout à fait engouffrée dans le topinambour du coin car le bruit des marteaux frappant le crâne d’un sourd l’a arrêté juste le temps nécessaire aux homards pour devenir amoureux des renards blancs dont le regard est un triangle scalène enfermé dans un coffret de verre pilé blanc comme un linge qui sèche sur le dos d’un homme-sandwich dont la langue regarde les portes de la ville s’ouvrir comme un pyrogène mort comme un faux-col entouré de la famille du président de la république guillotiné à la place de son justicier
ET AINSI DE SUITE Encore un coup de pied au cul et la boîte de sardines vide se croira sainte Un coup de talon dans la gueule et c’est une divinitié qui nage dans le miel pur sans se soucier des protozoaires des hippocampes des cailloux célestes qui voltigent d’un œil à l’autre et transportent la raison avec un peu de sauce et les dents cassées dans la société des trognons de choux qui ne savent plus où donner de la tête depuis que les eaux grasses étouffent dans la zibeline
DÉJETÉ À Picasso Le sucre coiffé d’un dégoûtant chapeau de curé s’élança sur la plate-bande la piétina avec une fureur qui me fit songer à Vercingétorix se mordant la langue De sa poche jaillit une tasse à café du savon à barbe et la croix de la Légion d’honneur qui te regarde comme un navet pourri Que faire ô Platane si les mouches de fer-blanc s’enivrent de vinaigre si le printemps tousse comme un mutilé de guerre en se cachant la bouche avec un drapeau tricolore Que faire si un cerf s’offre à faire sécher le linge des putains qui dorment assises sur les cheminées au-dessus des septièmes étages de soupe à l’oignon Que faire si la force de l’habitude se couche dans la paille que les vaches ont essayé de manger sans autre résultat que de voir 36 chandelles Que faire si le porto rouge attend l’orage pour inonder les rues de Paris Que faire si les pieds de table se serrent les mains avant de se dire adieu Que faire si les arrêts facultatifs se mangent mutuellement le nez Que faire si les lances à incendie pompent l’eau de l’arbre du voyageur Que faire si les chefs de gare font dérailler les trains Que faire si les centenaires sèment des haricots Que faire si les ventilateurs font se cabrer les palais de la nouveauté Que faire si les riches cultivent des militaires Que faire si le chapeau melon pue le fumier Que faire si des fesses énormes couronnent une barbe blanche Que faire si le radeau de la Méduse surgit du bassin des Tuileries Que faire si le nez d’un roi devient une station de métro Rien Il n’y a qu’à regarder le pissenlit se cacher dans les dés à coudre et les cheveux des tramways de banlieue se balancer comme des sous-marins sur des oreillers blancs parce que la nuit est rouge comme un homard effrayé par la serviette chaude du coiffeur qui est un soupir de femme après l’amour Une boîte de cirage fera un bruit de bottes dans l’escalier et la concierge croira à l’invasion des Huns Le canari en avalera le courrier des locataires et l’on verra au loin un peu au-delà de la porte cochère un petit bateau à voile dont le pilote mort brandira une branche de tomates Il n’y aura plus qu’à ramasser le crottin empilé sur les toits et les passages souterrains se hérisseront de sexes de chevaux et les passages avaleront les flics qui reviendront chez eux plus sales que des ministres plus fatigués que des lampions en un mot prêts à donner des forces aux malheureuses petites pensées qui gémissent dans les baignoires oubliés comme un centime
JAMBES DE BOIS Entre deux eaux ni chair ni poisson l’individu se regarde dans le blanc des yeux Il n’a ni chaud ni froid il attend Quoi que les routes s’ouvrent devant ses yeux de poignées de portes que la mer lui monte jusqu’au nez pour montrer à tous ses os blanchis à la chaux et dire Je suis le rat annonciateur de la rage de dents et j’allonge les courts-circuits avec un peu de sauce Ne m’en veuillez pas pour la sauce ce n’est pas de ma faute s’il y a des riches et des pauvres des flics et des assommés Je suis le chapeau entre la trique et la tête l’enfant de cochon qui dit on va s’arranger
S’IL FAIT NUIT Masqué par son œil le pied de biche dit bonjour au saindoux Bonjour sein dur dulcinée voiture à bras nénuphar de bretelles Il fait beau dans les tiroirs et les mentons en galoche dorment lourdement au bord des champs de blé où s’ébattent les pipes culottées qui blanches et roses comme un navet se penchent galamment sur les cerisiers en fleurs Ne dirait-on pas que les serruriers reviennent de la pêche à la baleine les mains pleines et le regard extatique comme un squelette sous la poussière de sa mère qui tremble en voyant apparaître son père
EN VOITURE MESSIEURS DAMES Bâti comme une carte à jouer l’œuf à roulettes fuit devant le soleil de pied de porc qui grogne comme un officier de cavalerie On aura beau lui planter des radis dans les oreilles ce sera toujours un officier de cavalerie c’est-à-dire de la sueur d’âne dont on fait les bougies c’est-à-dire la fumée puante dont on recouvre les quartiers pauvres quand il fait un temps à ne pas mettre une puce sur la soutane d’un curé ce qui est rare car la musique qui sent l’anguille oubliée dans un placard fait régulièrement des siennes sur les passages cloutés qui rappellent celui de la Bérésina vu de dos comme un portemanteau que le commissaire-priseur brandit à bout de bras comme une oreille qui se cache dans une bouteille à cause de la foudre qui a rôti les marrons hésitant encore à mûrir sur l’arbre Mais tout cela n’a qu’un temps et froid aux pieds comme une vulgaire mouche éternuant dans un piano à queue
LES LYCÉES DE JEUNES FILLES SONT TROP PETITS À Yves Tanguy La nature des voies de chemin de fer laisse indifférents les scarabées qui moururent de la peste de même que le vin chaud n’empêche pas les petits poissons de dormir à la lueur d’une lanterne De long en large la mie de pain passe de long en large et s’extasie devant les chiens pissant devant les arbres centenaires Quelle audace Mais l’audace son chapeau à la main vous dit merde car vous êtes plat et moisi tricolore et pourri décoré décomposé barbu véreux et pour tout dire semblable en tous points à une armée de puces sur un tapis sale
MI-FIGUE MI-RAISIN Si ton chandail a mal aux dents donne-lui un collyre s’il a mal aux oreilles un peu de moutarde mais si l’herbe pousse haute et drue dans ton tuyau à gaz n’hésite pas à appeler quelques bossus chauves ataxiques au nez en forme de pantalon de femme et aimant à jouer aux dames au-dessus des taupinières Il suffirait d’une brosse à reluire dans une étuve d’une fraise des bois descendant la rue des Martyrs à bicyclette pour que les huîtres apprennent à lire et les haricots à écrire Hélas cela ne sera pas car il pleut des boudins qui font ouf en tombant sur la tête des nègres cela ne sera pas car les oranges éclatent comme des grenouilles car les grenouilles rient comme des vidangeurs car les vidangeurs chantent comme des tulipes car les tulipes soupirent comme des gants bleus abandonnés sur un billard car les billards s’ennuient comme des locomotives car
POUR PASSER LE TEMPS En mai ou septembre les ustensiles de cuisine claquent des dents et leur poil tombe parce que les chapeaux perdent le leur Ainsi la fumée qui sort d’un tiroir indique qu’un avion quelque part entre un peuplier et une cloche à plongeur avale la poussière qu’il avait crachée ailleurs et ça nous fait rire comme un melon comme une saucisse comme une tarte à la crème comme une bouteille de Leyde comme l’ouverture de la pêche comme un sac de blé comme etc. qui danse dans les placards où dort la vaisselle rôtie au four fêlée par la guerre de 1870 et qui demande sur tous les tons qu’on lui donne une cravate en tôle ondulée qui serait une cabane à lapins où les ressorts à boudins deviendraient du pain frais et blanc comme une huître perlière pendue au cou d’une femme nue sans voix ni poils mais si blanche qu’on dirait une forêt de sapins dans le trou d’une serrure
QUI EST-CE J’appelle tabac ce qui est oreille et les mites en profitent pour se jeter sur le jambon d’où un remarquable combat entre les sources jaillissant du pain d’épices et les lunettes qui empêchent les aveugles de voir clair Même si la femme en face de moi mangeait une table de dissection la roulette donnerait des déboires à un prince chinois qui se cache dans une valise dans laquelle un vagabond ganté et botté comme un porte-plume reconnaîtrait facilement l’arc-en-ciel qui apparaît loin au-dessus des vignes après la vendange quand le vin hésite à devenir rouge ou blanc et renonce à tout jamais à regarder l’avenir en face de peur que celui-ci lui tourne le dos en sifflant une tyrolienne où il serait question de cheveux blonds à moins que ce ne soit de cheveux bruns ou bien de lièvres qui tuent les perdrix pour que la chasse soit bonne et que le vent qui souffle dans les cheminées empêche les rivières de dormir dans leur lit
PAIN RASSIS Après avoir réfléchi profondément à l’origine des glands la carpe soupira et pensa Quel dommage que les groseilles à maquereau ne soient pas des putains il y aurait sous les premières asperges un petit palais de cristal de Bohème une tomate triste qui se perdrait le lendemain au vent du large sans arriver à se suicider et qui oubliant son passé de robinet mal fermé se jetterait à plat ventre sur une paire de bottes si petites qu’on les prendrait pour un morceau de sucre Après cela les années pourront passer comme une fleur de pissenlit les orteils pourront s’écarter les uns des autres comme une femme qui divorce parce que son mari ronge les pieds de la table de nuit les muselières pourraient chasser les hannetons dans les déserts des malles à double fond Tout cela serait en vain car les oripeaux dont on a recouvert la statue de la bière trembleraient de fièvre ou d’ivresse de froid ou de peur comme n’importe quel saladier tombant du quatrième étage sur un vieux paratonnerre
BRAS DESSUS BRAS DESSOUS Elle aura de grands yeux de boomerang qui faucheront les blés comme une vitre dépolie et étoilée par une balle de revolver Il y aura aussi sur la première marche d’un escalier très vieux comme un matelas qui s’envole un petit rat dont la queue rappellera au premier passant venu son ancienne profession de chef d’orchestre qu’il avait oubliée à cause de son chapeau qui est la carte de l’Angleterre avec l’Ecosse légèrement abîmée par une tache d’encre dont on ne saurait dire si elle est bleue rouge ou verte ou si c’est la graisse qui l’entoure qui forme cette petite aurore boréale plate et exsangue comme une gaufrette ou un âne pelé qui a encore la force de braire en voyant un tournevis se balancer nonchalamment au-dessus de sa tête et ouvrir une gueule énorme et verte comme une église en ruines d’où s’échappent quelques acrobates boiteux un dindon qui bat de l’aile comme une banque et plus de mille dictionnaires qui ressemblent à de vieux vestons de très vieux vestons des vestons extrêmement vieux avec des poches déformées à force d’avoir contenu des étoiles avec des boutonnières si larges qu’on pourrait s’y pendre avec le col qui ressemble à un drapeau français dans le fumier de très vieux vestons avec des taches de cambouis qui pleurent des larmes de mayonnaise de très vieux vestons
VARIABLE L’oreiller malade bondit hors du lit ce qui fait hurler les chiens à l’étage inférieur Ils paraissent dormir comme un vase à fleurs au pôle nord mais il a suffi d’un pied sur une graine de blé noir pour que l’éclipse de lune s’enfuie la queue entre les jambes devant le ressac qui fait dire à une femme nue sur un toit pour exciter la girouette Les oreilles ennemies nous écoutent
Un fameux lapin répond entre haut et bas le homard qui n’est pas encore tout à fait cuit à l’américaine C’est un fameux lapin que ce moulin à café qui court après les chats dans les escaliers en braillant des chansons patriotiques comme s’il était un moulin à prières une ventouse qui chante comme un rossignol dans une pipe ou un grincement de dents dans l’oreille d’un sourd Mais nous n’en sommes pas là Une bougie allumée devant une bouche d’égout indique qu’un scaphandrier dort là nu dans son scaphandre entouré de moineaux qui se demandent comment atteindre le crottin qui gémit à l’intérieur comme un petit pois cuit à l’étouffé
Il y aurait encore beaucoup à dire sur le sel qui s’échappe périodiquement des réveille-matin en sifflant pour avertir le chef de gare que les mimosas commencent à s’ennuyer dans leur prison en habit comme des ambassadeurs lépreux et sentant le mou de veau Et puis aussi loin que portent les regards des chèvres amassées devant l’Opéra une rondelle de saucisson roule tambour défoncé par les soupirs des femmes en couches qui ne savent pas ce qui va sortir de là si ce sera un peu de tabac à priser une brouette ou un seau à confitures qui pourrait être un coffre-fort éventré et cependant vivant c’est-à-dire une sole tellement frite qu’elle demande son chemin à un passant Assez Le public est fatigué et veut dormir mais ce n’est pas moi qui favoriserait e désir car si le public dort il n’y aura pas de haricots cette année pas de tortues vagabondant sur les bureaux ministre pas de poussière dans les ressorts de montre et même pas de jets de salive dans la gueule des curés
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© Mélusine 2011 |
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