VIOLETTE NOZIÈRES Elle était belle comme un nénuphar sur un tas de charbon de ce charbon que son père enfournait dans les trains présidentiels au lieu du président belle comme une perle dans une huître qui ne sera jamais pêchée belle comme un jeune sabot qui frappe des fesses paternelles belle comme une hirondelle nichant sous la gouttière d’une prison en démolition et si jeune qu’on aurait dit un raz de marée nettoyant une ville de tous ses curés
Papa Mon petit papa tu me fais mal disait-elle Mais le papa qui sentait le feu de sa locomotive un peu en dessous de son nombril violait dans la tonnelle du jardin au milieu des manches de pelle qui l’inspiraient Violette qui rentrait ensuite étudier entre le mécanicien de malheur et la mère méditant sa vengeance ses leçons pour le lendemain où l’on vantait la sainteté de la famille la bonté du père et la douceur de la mère La sienne son billet de mille francs cousu dans son sordide jupon valait une concierge et son chien hargneux une boîte de conserves bombée plusieurs escouades de ces flics dont s’enorgueillit sa famille Sur le père rien d’autre à dire N’en parlons plus
Mais le fumier décoré d’une couronne comtale aura de l’avancement à la brigade mondaine avant d’épouser une riche héritière la fille d’un quelconque M. Émile tremblant dans son pantalon Passons le nez bouché
Loin de là l’élève Violette Nozières revient lentement du lycée Fénelon dans l’espoir que son père sera rentré du jardin Mais il a déjà préparé une serviette derrière le paravent
Plus tard ce sera sur les boulevards à Montmartre rue de la Chaussée-d’Antin que tu fuiras ce père dans les chambres d’hôtels qui sont les grandes gares de l’amour
Au croupier au nègre à tous tu demanderas de te faire oublier le papa le petit papa qui violait Mais la martyre la mère laissée pour compte manie la vengeance comme on tient la chandelle singe les héroïnes antiques de bouse sèche pour venger la serviette maculée oubliée derrière le paravent qui devait avoir plus d’un trou
Et tous ceux qui font uriner leur plume sur le papier de journal les noirs flaireurs de cadavres les assassins professionnels à matraque blanche tous les pères vêtus de rouge pour condamner ou de noir pour faire croire qu’ils défendent tous s’acharnent sur celle qui est comme le premier marronnier en fleurs le premier signal du printemps qui balaiera leur boueux hiver parce qu’ils sont les pères ceux qui violent à côté des mères celles qui défendent leur mémoire
PICASSO Si la pierre de taille plus usée qu’un vieux doigt de gant crie comme une choucroute enragée si le moineau tombé du nid réclame encore une aiguille qui viendra reproduire le schéma de la bataille de la Marne sur son bec à la façon des saumons remontant un estuaire si le gravier emporté par le vent se rend compte de son impuissance à paralyser l’œil d’un vieillard nous ouvrirons une grande boutique en forme d’artichaut où l’on ne vendra que des moitiés de journaux dépareillés jaunis et mouchetés comme un parterre de fleurs après un orage qui a arrêté la fabrication du beurre en plantant des paratonnerres dans les barattes plus tremblantes qu’un général en retraite qui voit sa cravate de commandeur lui adresser de grande signes d’amitié du haut d’une potence à gendarmes qui ressemble tellement à une cathédrale incendiée que les pois de senteur refusent d’être arrosés avec de l’eau de bénitier et exigent de la bière en brandissant des arbalètes qui avec leurs cuirasses dans lesquelles on découperait facilement deux ou trois abat-jour prennent de si grands airs de mie de pain imitant un gardien de square qui crie On ferme qu’on dirait un coureur haletant comme une bouteille sortant d’une boîte à lettres comme une sauterelle d’une brosse à reluire Ainsi le bateau si petit qu’on dirait une puce sur la chemise nuptiale de la mariée après avoir désespéré de son gouvernail qui bâillait du matin au soir comme un cheval fourbu se joue un air de guitare et se sent ragaillardi C’est qu’il a aperçu entre deux brins d’herbe à tête de vache laitière une sorte de soleil coulant poisseux fainéant et ventru ou plutôt une boîte de spaghettis déjà percés et prêts à servir de flûtes dans une fête villageoise où ils se souviennent d’avoir été ramassés ivres au point d’offrir aux passants des sandwiches aux carafes Cependant au loin là où les sources hésitent à devenir camemberts dans les ascenseurs qui mugissent comme des paquets de tabac plus édentés qu’une grand-mère plus sonores qu’un piano à grimace de cercueil le papier de la chambre du marchand de charbon qui frise du nez pour oublier la couleur du pain qu’on rencontre dans les lavoirs passés au bleu comme une vieille rivière et rongés d’eczéma afin de ressembler à un adjudant hésitant entre le séminaire paternel et la fabrique de savon d’où montent et descendent de quotidiennes marées d’éclats de rire le papier mural plus brillant qu’une mâchoire neuve jaillit comme un cerveau d’enfant dans le cercle grondant des pierres que le gel fait éclater et danse comme une feuille morte qui rejoindrait sa branche sitôt finie la musique de ses nervures pareilles à un torpilleur dans la tempête si bien que le bec de gaz se croit devenu sémaphore ou marchand d’habits et gémit sur le sort des marins devenus toupies maniées par des mains plus blanches qu’un oreiller ou escalopes reconstituées avec des cornes de taureau et qui ne reverront plus la terre sous sa forme habituelle de perruque mais se mordront mutuellement les doigts comme au café-concert * * * Les fleurs électriques des estomacs pétrifiés par des yeux d’Acropole les courses en sac des machines recherchant leurs outils devenus brioches les cauchemars de la bouteille de bière égarée dans la forêt comme une langouste dans un édredon le pendu qui se dépend pour se rependre dans un courant d’air le visage éclaté comme un volcan qui a trop dormi et fait de la culture physique le bâton de rouge qui se prend pour une guitare lasse d’être muette et les bateaux qui s’engagent comme cravates à des devantures en forme de bœuf écorché vif pour que le soleil trépigne d’impatience et crie à tous les échos qui ne se lassent pas de le répéter On m’a volé ma motocyclette d’éclairs jaillissant du fond de l’horizon comme un poulet rôti dans une narine entr’ouverte comme une porte qui laisse passer un chat peut-être enragé peut-être échaudé ou bien encore tondu comme un rocher qui a perdu sa neige qui se donnait des airs de toile d’araignée sur une vieille bouteille de vin mais en tout cas effrayait tellement le bébé de la concierge dont les yeux en X Y Z faisaient dire aux voisins qu’il avait un regard d’éboulement qu’il a fini par mourir comme un gilet de flanelle tombé dans le lait de sa mère précieusement conservé par son père afin de le réduire en écume de mer propre à ferrer les chevaux qui s’emballent dans les champs de velours ondulant au vent de leurs sabots gonflés comme des oies prêtes à dévorer leur foie qui ferait un si beau drapeau à brandir par un cul-de-jatte dans une cérémonie officielle où la poussière sort de la bouche des assistants et décrit de grands NON proférés au loin par des armes prohibées avec un grand rire de Picasso. * * * Les jambes baignant dans un fleuve de bourgeons accoudés aux montagnes de porcelaine qui ramollissent lorsque se lèvent les grands animaux à tête d’enveloppe bâillant dans une mer calme prête à avaler un navire d’aspirine voici l’homme qui a forcé le soleil à montrer sa mâchoire en lui offrant un os de feu et de torrent écumant comme un apache un os d’homme que le taureau a jeté en l’air et qui ne retombe plus parce que l’émotion de la foule pareille à une feuille de papier carbone l’emporte mieux qu’une fuite de gaz parmi les astres à bec d’oiseaux-mouches qui figurent à côté de la cervelle miroitante convoitée par les moustiques de l’avant bras des démons en éponge qui sautent comme de vraies poudrières des grincements d’essieux imitant de longues méditations des mariages réprouvés entre des lances à incendie et des carrières de plâtre dans la pièce du fond où dorment aussi de leur sommeil de bulles de savon dépolies les hanches qu’on découpe en spirales pour illuminer les parcs déserts et plus sombres que jamais depuis que se sont éteints les feux d’artifice de feuilles fraîches qu’on pose sur le front des nouveau-nés pour leur donner la prudence d’un orteil plusieurs fois écrasé la force du caillou gelé qui se précipite pour arrêter les locomotives l’audace du fleuve qui se jette dans les bras de la ville prête à l’étouffer et avec de grandes bottes qui lui permettent de passer d’une colline à l’autre en crachant de haut sur les villages où gémit dans la solitude des poulaillers vides depuis que le tremblement de terre a rendu les volailles plus plates qu’un fromage coulant à leur véritable destination de grottes à stalactites une échelle de corde autour des reins d’une armure où fleurit un peu de réséda
MINUTE En arrivant au baromètre tordu comme un vieux jeton l’homme en or de barre fixe réclame l’ascenseur qui fuit comme un haricot pour éteindre le feu de sa végétation tropicale qui s’use comme un édredon dans une salière qui rêve d’incendier le fauteuil Voltaire où le chasse-neige rencontrera le perce-neige quand le titre au porteur le plant de rhubarbe le basset le crochet X et le pont de chemin de fer ruminant une vengeance se seront rencontrés dans un cerveau de nouveau-né qui sera rose comme l’électricité évaporée rébarbative et si sournoise qu’on dirait une marguerite exfoliée par un hanneton sorti du gousset d’un pape Ailleurs l’encre de Chine met son chapeau de beurre salé et s’en va Elle fera le trottoir comme un ticket d’autobus qui enterre son frère quoiqu’il ne soit pas tout à fait mort mais suffisamment malade pour ressembler à un balai usé à force de briser des pipes rongées par les crabes qui chantent dans les couloirs sur l’air de VIENS POUPOULE des chansons de canapés grinçant sous le poids des vipères qui les habitent J’aimerais être ivre comme une charpente dont le toit s’est envolé pour imiter les mouches à la recherche d’un bifteck de général prêt à mourir dans son lit rongé par les rats qui chantent des messes de bouche d’égout et des vêpres de melon crasseux roulant dans des escaliers dont on ne sait s’ils aboutissent aux sources de glaces biseautées ou commencent au mont de piété qui brandit son poignard dans le dos du sourcier affolé parce que sa baguette s’obstine à lui gratter le nez et son nez poilu comme un cimetière regimbe hennit et se fâche comme une tasse de thé Ainsi le robinet mal fermé réfléchit aux moyens de se faire trappeur sur une place Vendôme déserte c’est un long voyage se dit-il un voyage si long qu’on dirait un petit pain jeté négligemment dans une armoire à linge par ma grand-mère qui mange des peaux de chat roulées dans la farine et faites comme une giboulée dans un torrent jaloux du savon à barbe qui brûle sa chandelle par les deux bouts comme un grand singe gelé dont se cachent les orangers en fleurs en regrettant d’être associés à de ridicules histoires de mariage où le kilo de sucre de la fiancée est environné de mouches à viande qui se sont trompés de porte et font songer les passants à un patriote bouilli qui voudrait avaler son drapeau Mais que vienne le temps de se raser avec une sole qui pourrait être une sardine ou une poignée de blé noir et les sourires furtifs du charbon qui cache son grisou dans sa poche ne serviront plus à rien autre qu’à décorer les corps de garde où sourdront les rivières de pollenta baignant des champs de bougies qui ne demanderaient pas mieux d’éclairer la forêt comme les cuisses d’une jolie femme dont les seins regardent le lent vol des timbres-poste
PREMIERS RÉSULTATS Quand les étoiles s’en vont par deux en discutant de la dégradation de l’énergie les vieilles demoiselles ferment leur parapluie d’un coup sec en affirmant qu’il n’y aura pas de raisin cette année Mais une fois les étoiles sorties vers la droite des petits scarabées blancs surgissent trois par trois du côté gauche et montent tranquillement au ciel par leur échelle habituelle sans se presser en ronchonnant sur la longueur de l’échelle et sa roideur Peu à peu ils halètent et transpirent en murmurant Nous n’arriverons jamais à temps Mais les voici arrivés Ils déposent leur chapeau dans une vasque où il flotte doucement assailli par les poissons et vont s’asseoir chacun sur leur chaise défoncée Ils se penchent tous du côté droit très épuisés et très las et ramassent dans une corbeille à papier des grenouilles mortes qu’ils se lancent les uns aux autres et qui deviennent lumineuses en touchant la face de l’adversaire Alors les vieilles demoiselles rouvrent leur parapluie et la plus vieille son dentier à la main dit Ah oui des raisins
À GARDER PRÉCIEUSEMENT Ainsi va la vie
Le souffle de la dormeuse gonfle les voiles de la barque où les naufragés reprennent espoir à la cadence des baisers qui l’emportent étincelante des regards d’envie des passants enfermés dans leur valise Non qu’elle dorme sous l’armure rouillée braillant des chants d’averse ou prisonnière des bas de soie qui multiplient les mots latins Non compagne née des champs de seins ondulant sous le plumage qu’ils couvent au jour naissant qui les favorise d’un clignement d’yeux à peine plus chargé d’envols que celui s’échappant d’entre les roseaux noirs de soupirs satinés par l’ombre elle laisse par le double drapeau de ses lèvres insurgées échapper le cri triomphant du rubis jaillissant de sa gangue et refusant la sujétion humiliante des coucous commères consultant leur espion pour vérifier la démarche tortueuse du facteur dont le fantôme égaré ne porte plus que des spectres de lettres prononce le mot brisant de gai cristal ouvert à tous les vents et repousse les horizons d’horizon en horizon de galop en marée pour qu’elle se dresse équinoxe des équinoxes dans les filons bouillants que les flammes les plus hautes peuvent seules rafraîchir
Inutile d’écouter le murmure indistinct des chevelures roulant sur de blancs tremblements de terre On sait qu’à midi le soleil soupirant se suicidera d’un nuage tourbillonnant entre des cils pour renaître sur la passerelle tendue de la prairie sillonnée du vol des libellules au sourd battement qui se précipite d’une poire ivre de baisers à bascule faisant éclore des jardins à mourir d’attente
Inutile d’afficher les mains au mur de graffiti entassés si loin des lumières qui devraient jaillir des doigts pour s’assembler en gerbes à balayer les églises tombeaux des yeux
Je les veux grands ouverts et distillant les soifs insatiables des forêts pétrifiées avec des cris d’aube à genêts pétillants d’oiseaux lointaines et profondes eaux de ciel sans autres ombres que le vol d’insectes deviné appelant les immersions folles et si longues que le jour polaire se dissout en nuit tropicale où les papillons géants volent des seins aux flancs imperceptible et lourde caresse de soupirs se balançant sur le flux et le reflux des reins et surtout perdus à tout jamais dans les multitudes de bêtes majeures qui chassent les monstres excommuniants acharnés à les étouffer sous les édredons des orgues vêtues d’araignées
La bouche de réveille-matin appellera les éruptions dans les clos fleuris et les torrents de lave s’élevant des housses poussiéreuses qu’elles régénèrent et vivifient jusqu’à leur accorder une seconde de feu d’artifice projetant au fond des tiroirs des haleines de cristaux tintant une charge à savourer entre les plaintes des tubéreuses et les rires des cailloux illuminés
L’obscure voie lactée que hantent les étincelles noires et velues des puits de mine s’écoule limitée par l’infini et bat d’une aile onctueuse le lac laiteux que rident des mots d’eau-de-vie hypnotisant les larmes des fées guettées par les hiboux pour qu’elles ceignent le couloir des aveux d’une explosion de regards de cascade enchantée de sa chute
L’orange tranchée en parties égales laisse circuler une foule de somnambules dans le col ouvert entre la caresse d’acier qui dresse un doigt vaincu d’avance et le baiser en tourbillon qui projette de lourdes étoiles sur la plage où le vent de terre soulève des dunes aussitôt résorbées par l’oiseau de feu délirant du poignard qui le transperce au point d’exulter à la vue de son sang fuyant à travers les steppes sans se douter que la prochaine blessure libérera d’inutiles poursuivants
Femme vêtue de ronces dont les épines s’amollissent au plus léger contact femme aux yeux de mangues mûres qui dissolvent en se dissolvant les champs de mines qui nous entourent femme aux bras d’aurore provocante et de nuit à pistolet aux bras d’âtre en liesse Femme au lit de barricade bruissante de poings dressés femme aux mains de rayons de soleil et d’éclairs foudroyants femme toi
POUR DEMAIN Lève la tête vers le ciel peuplé de tortues Si tu vois sur leur dos un éventail agité tu découvriras ta femme dans la lune Brise une incisive à un portier galonné pour entendre prophétiser les beaux jours qui t’attendent Si ton chien chante à mi-voix on volera ta vaisselle Si ta table murmure des imprécations Arrose-la de lait frais pour éviter la peste Le vent qui dessine une étoile filante dans le sable annonce ta prochaine détention si tu ne brûles pas le drapeau de ton pays Tatoue sur la joue de ta mère le signe de Saturne et tu comprendras la fin et le commencement Rase soigneusement un lion rauque pour découvrir la voix du corbeau Fais pleurer un bulbe de lys en jouant du violon nu devant un grand feu qui fascine un scorpion et ta cervelle se multipliera Mais ne tue sous aucun prétexte un canard à bec rouge Ta peau effervescente se soulèverait pour laisser s’enfuir à jamais tes paroles sages
PLUS BAS Donnez-moi une pierre en forme d’étoile qui puisse éteindre le clair de lune et je me charge du reste c’est-à-dire de faire bouillir le pain frais jusqu’à ce qu’il libère son rubis de tuer d’un seul coup de cheveu plusieurs douzaines de mouches barbues si occupées à trier les atomes selon leur saveur que leur langue s’effiloche comme un rideau usé par le temps
Donnez-moi un nœud de cravate pleurant à chaudes larmes et je vous rendrai des mélopées de bateau-lavoir à la dérive perçant la clairière de la brume mieux qu’un tire-bouchon une noix de coco qui roule sur une pente dont on n’aperçoit pas la fin bondit de chêne en saule écrase des grenouilles trop occupées de culture physique pour voir que le soleil bête terrassée par la chaleur s’est étalé dans un coin d’ombre et déjà ronfle à réveiller dans les mines de houille les grands escargots qui sentent que l’heure est venue de renaître et d’envahir les derniers étages des maisons modernes Donnez-moi une peau d’éléphant bien tannée bien dorée mais si mince que je puisse au travers contempler le spectacle d’une flotte qui se saborde et je vous apporterai un litre d’eau réduite en poudre de riz parfumée qui vous attachera à jamais la plus belle fille de la ville
Donnez-moi ce que vous voudrez à condition que s’en échappe un murmure de zéros qui complotent et vous aurez toujours une chanson de pierre morte
UN NUAGE SANS AME Un arbre sans tronc erre au-dessus de ma tête Une pierre molle se dissout dans ma main dont les lignes vont pêcher à la rivière Quatre-vingt-dix ans s’effacent comme le sillage d’un navire et la foule sans pieds ni tête rentre dans sa tanière tandis que le veau gras braille une quelconque ritournelle Où l’on regrette les mots trop bas qui griffent les visages et parfois arrachent les yeux pour tarir les larmes
Où donc va se cacher cet arbre sans tronc qui erre au-dessus de ma tête si ce n’est dans une caverne qui éclate sous la pression du soleil levant et s’il ne se cache pas comme une fortune toujours mal acquise où va-t-il si ce n’est au rendez-vous que lui a donné une trombe de diamants prête à s’effondrer sur une parade sans lendemain montée pour des spectateurs usés comme une pierre ponce frottée sur une lime si usés qu’ils ne retrouveront jamais le chemin de leur maison depuis longtemps effacée comme un œil pinéal depuis longtemps évaporée comme une goutte de rosée au sommet d’un brin d’herbe qui se secoue en songeant que la corvée est terminée pour aujourd’hui sans s’apercevoir qu’un regard en enseigne de coiffeur le contemple avec la béatitude d’une bigote avalant une hostie en mouron rouge parce qu’il promet une belle journée
NE ME DEMANDEZ PAS... Ne me demandez pas s’il pleut des kiosques à musique si le syllogisme bâille comme une graine qui germe si les femmes aux cheveux courts se mirent dans les eaux claires où brille leur étoile si le sablier à l’œil unique chante une chanson de corps de garde ou si la bouteille contient un message où l’on ne déchiffre que le mot éternellement je n’aurais pas le courage de vous avouer que les pavés se soulèvent pour que s’entende le cri désespéré des sirènes mises en cage pas plus que je n’oserais révéler les confidences du manteau de fourrure privé des seins nus qu’il recouvrait comme un voile cache la moitié d’un horizon Pourtant cela n’aurait que l’importance d’un grain de sable arrêtant un temps mort si la circulation automobile s’arrêtait comme un ascenseur entre deux étages parce que ses câbles noués figurent une lavallière que ne dissimule aucune barbe mais qui sent l’ail et rue sans espoir de se débarrasser de sa charge servitude plus pesante qu’un complément pour un verbe plus machinale qu’un automne concluant un été sans orage plus triste qu’un égoutier amoureux de sa tâche
LE BŒUF... Le bœuf à fermeture éclair ressemble à ton grand-père à mon grand-père à celui de tous bien que ses moustaches aient un air d’adverbe que ses yeux pleurent comme un escalier où manque une marche et supplient les vols d’hirondelles de lui accorder un chapeau de curé à fermeture éclair Mais le chapeau de curé frémit tout au long de sa fermeture éclair frontière dont chaque dent cache un douanier gueule de crocodile guignant une jambe et cherche un curé vide à fermeture éclair à soutane mouchetée d’hosties où fermentent des Verboten éclatant comme des vesses-de-loup qui projettent des psaumes poussiéreux et las à l’image d’un œillet d’Inde fané ou d’une concierge à fermeture éclair comme son Dites votre nom après dix heures où transparaît une scie ébréchée pleine de rancœur et décidée à se venger sur un passant bigle comme un meuble rongé par les vers sourd comme une cervelle aplatie par le temps et muet comme une brique à fermeture éclair LES MAINS DANS LES POCHES N’allumez pas les réverbères qui germent aujourd’hui comme des nez dans une huître n’allumez pas votre lanterne à plumage semblable à une baraque foraine où des oreillers souriants comme une boulette de mie de pain vendent des lignes téléphoniques en peau de soupirs avec des ventres de myopes et des vernis qu’on astique comme des mille-pattes comme une tête de pipe qui sera bientôt d’ail et renaîtra entre les rives d’un citron où les feux follets à tête d’ours crieront Au secours comme s’ils avaient des poumons de fuite de gaz à asphyxier le Mont-Blanc qui s’ennuie dans sa salière comme une mouche saoule qui s’est égarée en recherchant une pince à sucre qui se travestit si bien en saule pleureur que le roi la plante devant son banc de têtes de poulets qui ont avalé la mer qui n’est bue que dans les grandes occasions lorsque le pavé glissant révèle à chaque passant l’image de son vieux père rasé comme un squelette très fatigué et transformé en nid d’hirondelle dont le prochain envol à la lueur du dernier rat-de-cave qui aura pris pour cette fois la forme solennelle d’un chapeau de mousquetaire signifiera quoi qu’en dise le salpêtre inutilisable même comme sang de curé le prochain et définitif évanouissement de la violette de Parme déjà tremblante et à demi-morte de peur comme un bain turc ALLER ET RETOUR Toi qui regardes comme un brin de mousse avide de rosée à l’orée d’un bois exhibant ses cuivres astiqués pour l’ouverture de la chasse où l’averse passée attire des chants qui claironnent dans les veines des images d’hirondelles rassemblées pour des vacances toi qui embrasses comme une mûre encore rouge en un point d’aurore tropicale où se repose un papillon de camélia reflétant un ciel que n’ose traverser aucun oiseau de crainte d’un passage à tabac par mille mesures de flammes montant une garde d’honneur toi qui tends une main d’angora sans queue ni griffe ni tête mais pleine d’un vin revigorant comme une sirène de retour où méditent des caresses de source au fond d’un ravin vêtu de quartz comme une danseuse figée dans un dernier sursaut d’éphémère si mémorable que les montagnes de là-bas l’imitent à qui mieux mieux toi qui m’offres tes lèvres de premières fleurs sauvages épargnées des bestioles qui rongent comme un métro aux heures d’affluence que mon baiser et le tien confondus soient le grand cri d’aigle renaissant des moraines
LE "VIN DE LA TERRE" Le "Vin de la terre" m’a marqué du signe indélébile du brouillard à tête de cafard Qu’y faire Les veines du bois serpentent capricieusement attendant les chenilles magnétiques des mines de soie Dans la demi-brume de mon crâne vaporeuse et tapissée de mousse comme un cigare Entre les lèvres d’une momie si transparente qu’on dirait un matin agité des sonnettes d’un ruisseau pareil à un sein dur de forêt pleine de papillons de vin qui enivrent le passant comme mille belladones scintillantes pimpantes exubérante comme un vol de mouettes dans un salon Louis XV où tu serais chèvre à reflets d’orage étoilée de fleurs de fantômes aux éclats aigus d’aigrettes de cascades
TROIS POÈMES-GAGES Hymme Et patati et patata Et tapati et tapata Et patiti et patoto Et titipa et totopa Et pititi et pototo Et titipi et totopo Ah ! Rien Vendredi dit à dimanche ôte-toi de là que je m’y mette Mais dimanche est sorti de sa loge et encombre le printemps comme une crotte de chien qui aboie après les mardi, mercredi, jeudi, samedi et lundi Battements d’ailes L’horizon bat la semelle à cause du vin blanc qui est rare cette année La rue se mouche très fort pour faire tressaillir la concierge L’escalier rit bêtement à cause du locataire du cinquième et de sa veuve qui chante Le locataire du cinquième est mort et c’est tant mieux
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© Mélusine 2011 |
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