LE GRAND JEU, 1928 À André Breton S’ESSOUFFLER À Max Morise Ah fromage voilà la bonne madame Voilà la bonne madame au lait Elle est du bon lait du pays qui l’a fait Le pays qui l’a fait était de son village Ah village voilà la bonne madame Voilà la bonne madame fromage Elle est du pays du bon lait qui l’a fait Celui qui l’a fait était de sa madame Ah fromage voilà du bon pays Voilà du bon pays au lait Il est du bon lait qui l’a fait du fromage Le lait qui l’a fait était de sa madame ATTENTION AU SIMOUN À Picasso La chaleur pousse du brasier de saules arrache les herbes et les plumes de la cervelle du pirate Le pirate est un homme de taille qui envie les arbres à cause de leurs oiseaux et roule sur les dunes comme une pierre à fusil Il attend sur le rocher sévère debout au milieu des merveilles que la main s’éloigne comme la terre du navire qui la fuit Il attend que les yeux de ses maîtresses renaissent des glands qui les simulent Il attend que les flocons de neige tombés à ses pieds s’envolent comme des mouches Il attend que la chair recouvre les squelettes et les squelettes recouvrent la campagne recouvrent la chair des héros au nez fendu par le rire recouvrent les villes tourmentées par les ornements sacerdotaux courent après les nuages qui se tordent comme des serpents et fixent les miroirs obsédants Pirate tu es un squelette et le plus pâle le plus fragile le plus lumineux celui dont les bergers disent les pieds dans l’eau Voici un beau mariage Comme il semble l’aimer Pirate tu es un squelette un de ceux qu’on devine chaque jour sous les apparences de la raison un de ceux qui s’ennuient devant une fontaine et demandent une danseuse jolie à rougir nue sous un manteau de sel LE MALADE IMAGINAIRE Je suis le cheveu de plomb qui tombe d’astre en astre et deviendra la comète qui te détruira dans un an et un jour Maintenant il n’y a ni jour ni année il y a une plante impeccable dont tu voudrais être l’égal Pour être l’égal des plantes il faut être grand dans la vie et solide dans la mort Or je suis seul immobile et muet comme un astre les pieds baignant dans les nuages qui comme autant de bouches me condamnent à rester parmi les êtres immobiles désespoir des plantes Pourtant un jour les liquides révoltés jailliront vers les nuages armes meurtrières maniées par des femmes bleues comme les yeux des filles du nord Et ce jour-là sera dans un an et un jour
LES TEMPS RÉVOLUS Le soleil de ma tête est de toutes les couleurs C’est lui qui brûle les maisons de paille où vivent les seigneurs échappés des cratères et les belles dames qui naissent chaque matin et meurent chaque soir comme les moustiques Moustique de toutes les couleurs que viens-tu faire ici Il fait un soleil de chien et la houle secoue les montagnes maintenant que les montagnes nagent sur une mer de lumière une mer sans vie sans poids sans chaleur où je ne mettrai pas le bout de mon pied A TRAVERS LE TEMPS ET L’ESPACE Attendre sous le vent et la neige des astres la venue d’une fleur indécente sur mon front décoloré comme un paysage déserté par les oiseaux appelés soupirs du sage et qui volent dans le sens de l’amour voilà mon sort voilà ma vie Vie que la nature a faite pleine de plumes et de poisons d’enfants je suis ton humble serviteur Je suis ton humble serviteur et je mords les herbes des nuages que tu me tends sur un coussin qui comme une cuisse immortelle conserve sa chaleur première et provoque le désir que n’apaiseront jamais ni la flamme issue d’un monstre inconsistant ni le sang de la déesse voluptueuse malgré la stérilité d’oiseau des marécages intérieurs LES OREILLES FUMÉES NE REPOUSSERONT PLUS Jadis une banane habituée au chenil sautait les haies de son cerveau cataracte de poissons perdus dans la montagne Jadis les plumes des nuages s’envolaient si loin que nul navigateur malgré la pluie de suie et les oeillades des nègres ne les pouvait saisir comme un coquillage amoureux Jadis les eaux salées dansaient et les forêts des pauvres roulaient sur les versants mais aujourd’hui que les fontaines blanches ont jeté dans les vallons les doigts de leurs ancêtres que les routes ont tué leurs 70 animaux que les saisons s’ennuient comme des prisonnières que les souffles usés des plantes de la mer ont rejeté dans les cavernes de la folie les enfants blonds du réséda une femme les cheveux teintés par ses songes se promène dans les déserts et regarde les puits O puits de mes amies vous êtes des oiseaux et les oiseaux de mon CŒUR vous entourent Ils sont bleus verts rouges incolores et sans saveur ils ont la forme de mes ongles et sont aussi nombreux que mes chiffres O puits de mes amies vous êtes des syllabes qui courent le long des falaises des liquides perdus dans un nuage sonore et je vous attends au bord de la figure VII où les anneaux de mes yeux s’enchaînent comme des fleurs où le bruit de mes pas croît comme une catapulte L’AVENIR EST AUX AUDACIEUX Sous les pas de l’horizon se creuse le puits d’amour qu’on appelle vesce de moine O puits qui rends visibles les étoiles à midi et le soleil dans les cheveux des saisons j’attends le jour simple comme un fruit où légère une certaine Arcadie descendant le long de l’horizon offrira aux enfants de l’éclipse mortelle son corps vierge et nu marqué entre les seins d’un signe égalitaire LES BEAUTÉS DU CIEL ET DE LA TERRE Un grand monsieur aux cheveux salés voulait être musicien mais il était seul dans la vallée avec trois accordéons Le premier accordéon achevait de pourrir Dans la simplicité de son âme il aurait voulu être cheval mais il y avait une lampe qui brûlait qui brûlait Le second accordéon tremblait comme une maison au passage de sa sœur C’est qu’il était une grande ville qui trompait ses habitants
bête comme un pied de biche Le troisième accordéon aurait dévoré la terre et les oiseaux s’il en avait eu l’envie Mais c’était un sage à la manière des orties et il se contentait d’envier les animaux immobiles Mais me direz-vous le monsieur qui voulait être musicien Il avait eu le temps de mourir et le loisir de fumer et c’était cette fumée qui montait de la terre vers les nuages UNE TROMBE PAR TRIBORD LE CASQUE DE L’INCONNUE Le vent la voix des insectes caressent la joue du mélomane mourant L’un d’eux plus grand que les autres saute d’une illusion à l’autre avec un rire muet qui glace les os livides des déments Ils sont mourants eux aussi et ils rient parce que le rire est leur dernière cartouche et qu’ils veulent tuer un soupir éternel Mais ils meurent et leur mort change l’ordre des désirs humains Un jeune homme pâle dont les yeux électriques sont les phares des forêts recueille leur poussière Il en enduit son front qui devient un canon épouvantable dirigé contre la destinée de chacun Et c’est fini les nuages lassés du ciel sont tombés sur la terre qui achève de cracher ses derniers animaux JÉSUS DISAIT A SA BELLE-SŒUR Nous avons fait le fumier pour les fumières l’évangile pour le crottin et le malin pour la mâtine En ce temps-là la terre avait la forme d’un sabot de cheval et le reste était à l’avenant Les tapis précieux paraient les arbres les plus nobles et les maisons antiques tourbillonnaient dans le soleil et la pluie Alors une dame passa et découvrit son ventre SAMSON Or nous délégués par les sceptres traversions les plaines lustrées de l’arachnéenne chance Aussi loin que les yeux les plus vils pouvaient contempler le triangle de sel les poids du sommeil tombaient lourdement Tombez poids c’est grâce à vous que la nuit est plus blanche que l’ombre et se revêt des robes ajourées de la montagne Arrivez sources de ma main et réchauffez les ossements des glaciers Arrivez sources de ma main et gelez les regards assombris car tout regard qui s’assombrit se plongera demain dans les révérences des miroirs et les collines se cacheront sous les rendez-vous C’est que les collines connaissent le langage des révérences et savent la valeur des soupirs outremer que poussent les longs cheveux blonds des S Collines asseyez-vous sur le poids mort des lac car les larmes de vos pieds se perdent sur leurs bords qui n’ont de limite que votre voix si bouclée que s’y perdent les renards de vos oreilles Ah si les collines voulaient se lier aux cygnes que les nuages seraient rouges et promptes les floraisons Hélas les collines s’en vont sur le chemin de sang qui les mènera aux rocs de fumée et de torture que protègent les mètres et les hôtels Mais la colline n’est plus que le poteau du paysage et le paysage n’est plus que le poteau de lui-même Hé poteau Hé paysage Qu’attends-tu Voici le chien des pentes Sois la vague et le bourreau la lance et l’orée et que l’orée soit l’étincelle qui va du cou de l’amante à celui de l’amant et que se perde la lance dans la cervelle du temps et que la vague porte la poutre et que la poutre soit une hirondelle blanche et rouge comme mon CŒUR et ma peur Mais l’hirondelle ne sera jamais le paysage à fleur de peau qui se cache comme le vent sur ton doigt séché qui se roule en boule dans les tuyaux de la neige Mais que le paysage découvre la caresse des collines mordues par les étoiles et les ponts s’ouvriront comme des oranges Mais jamais les étoiles ne suivront le sillage des poissons étoilés car leur mort est une question d’étoile et les étoiles s’en iront désormais attaquer les bateaux Bateaux vrilles feuilles onguents et chiffres chiffres liqueurs visages pistes sourires bateaux et ail pointes bateaux cheveux ours mon amour bateaux Conduisez la reine au port herbe tremblante qui coule comme une aiguille malgré son chas conduisez la reine et son miroir car la reine n’a pas de bateaux la reine n’a pas d’aiguille la reine n’a pas de miroir LES BELLES MANIÈRES À la lumière des cravates on découvre les cœurs et la saveur salée des cheveux des servantes Évente-toi si tu peux le portier est aux hôtes et les chats les chiens les cascades et les morts Dans le port il y a un cerf malade il a mangé des noix Sa voix est chaude comme un astre il regrette les autos des routes et les poissons d’eau douce Il a mangé des noix des noix sans voix et sans chaleur et sa peau se désole comme une mine de charbon LES JEUNES FILLES TORTURÉES Près d’une maison de soleil et de cheveux blancs une forêt se découvre des facultés de tendresse et un esprit sceptique Où est le voyageur demande-t-elle Le voyageur forêt se demande de quoi demain sera fait Il est malade et nu Il demande des pastilles et on lui apporte des herbes folles Il est célèbre comme la mécanique Il demande son chien et c’est un assassin qui vient venger une offense La main de l’un est sur l’épaule de l’autre C’est ici qu’intervient l’angoisse une très belle femme en manteau de vison Est-elle nue sous son manteau Est-elle belle sous son manteau Est-elle voluptueuse sous son manteau Oui oui oui et oui Elle est tout ce que vous voudrez elle est le plaisir tout le plaisir l’unique plaisir celui que les enfants attendent au bord de la forêt celui que la forêt attend auprès de la maison AVENTURES D’UN ORTEIL Sors de l’urne dit l’hortensia à son complice Et toi de ton Hortense lui répond la mandoline qui n’était mandoline qu’à la faveur d’un rayon de soleil ou d’une pièce de vingt sous tombée la nuit dans un ravin La pièce de vingt sous se dresse comme une reine et dit aux rochers dont les lèvres tremblent Le grand crime aura lieu demain mais il n’y a pas de crime sans chapeau il n’y a pas de crime sans étincelle il n’y a pas de crime sans potasse il n’y a pas de crime sans brebis Et le grand crime n’aura pas lieu car la terre est vide les yeux se séparent des lunettes et les ministres suppriment les corbillards qui encombrent la voie lactée RÉFORME En traîneau sur la Néva je glisse translucide entouré d’hippocampes blancs Petit cul pâle que viens-tu faire ici les casse-noisettes ont fermé leurs oreilles les champignons poussent sur la fonte Il n’y a plus que nous qui pensons aux gommes à effacer SOUFFRE-DOULEURS Robes courtes qui revenez dites à l’essence des yeux les détours sont inconnus au fond des nébuleuses Les danses des métaux nus jaillirent un matin du ventre d’un prélat mais le calendrier accroupi sur le bateau fiente dans la mer des jours décomposés Des bancs de harengs saurs qui les avaient mangés s’étalèrent en ligne de combat et bouche à bouche nous nageons depuis les temps primaires
quatre aiguilles en fibres de palmier Avons-nous oublié les huit souvenirs que nous avons promis Non l’oiseau du paradis s’est déplumé sur un front qui n’est pas le mien Quelle occasion pour perdre ce baiser Anis del oso pourquoi l’avez-vous teint Les soupirs de la chair fraîche ne sont pas pour la vieille mousse j’en appelle aux éventails que nous aimons pour leur cours limité par un bras de levier facilement mesurable Sur notre route des gouttes de sang coulant d’un vagin noir que nous voulons ignorer sont là pour nous reprocher d’avoir écrasé un papillon du soir sorti par l’une quelconque de nos narines LE PLUS LOINTAIN VISAGE C’était un bras de fumée qui s’agitait comme un soleil Mais si le soleil est plein comme une outre le bras s’éloigne de l’avenue tel le boiteux que poursuit une fourmi Si le soleil est un pied d’enfant espère La clavicule rougit dans sa gaine et la pomme s’envole vers l’hirondelle Hélas l’hirondelle blanchit sans se soucier du péril qui la menace et la pomme usée comme un couteau d’amour pleure en retournant aux fontaines noircies Si le soleil s’ennuie dans son tombeau nul époux ne caressera la route nulle épouse ne secouera la pluie mais sur la vierge ceinture de l’envolée quelle main insensible signera BARBICHE à l’heure où les eaux évadées de leurs prisons diront au soleil mou Tu es la barbiche et je suis le moineau PIEDS ET POINGS LIÉS Quand je serai le cheval de pierre debout devant l’éternité je demanderai aux divinités des plantes le manteau de pluies indispensable aux voyageurs éternels Aujourd’hui je suis dans le puits glacé où pleurent les madones noyées par leurs larmes et la pluie éternelle qui recouvre les pensées des hommes leurs souvenirs et leurs ambitions déjà flétris par une main inexperte et incolore comme l’eau d’une carafe où vit cependant l’œil de ma bien aimée couleur de citron et d’orage implacable MES DERNIERS MALHEURS À Yves Tanguy 270 Les bouleaux sont usés par les miroirs 441 Le jeune pape allume un cierge et se dévêt 905 Combien sont morts sur des charniers plus doux 1097 Les yeux du plus fort emportés par le dernier orage 1371 Les vieux ont peut-être interdit aux jeunes de gagner le désert 1436 Premier souvenir des femmes enceintes 1525 Le pied sommeille dans un bocal d’airain 1668 Le CŒUR dépouillé jusqu’à l’aorte se déplace de l’est à l’ouest 1793 Une carte regarde et attend Les dés 1800 Vernir il s’agit bien d’autre chose 1845 Caresser le menton et laver les seins 1870 Il neige dans l’estomac du diable 1900 Les enfants des invalides ont fait tailler leur barbe 1914 Vous trouverez du pétrole qui ne sera pas pour vous 1922 On brûle le bottin place de l’Opéra PORTRAIT D’ANDRÉ BRETON Les gazelles ont caressé leur mémoire Il en sort tout un équipage avec de grandes dames sans yeux un beau visage découvert une voiture dont les oreilles écoutent écoutent écoutent et meurent d’ennui L’ennui cultivé en des serres inestimables se développe en capitaine de forbans J’en suis PORTRAIT DE PAUL ÉLUARD Les dents sombres montent sur les étoiles Quelles étoiles Une voix éclate sur le gazon meurtri comme une fesse Quelles fesses Le vent couvre les cheveux des semences Les semences passeront mais tes nuages ne passeront pas J’en ai un dans ma poche qui s’élèvera jusqu’à ma bouche alors je sourirai à tes étoiles C’est gai hein PORTRAIT DE GALA ÉLUARD Il y a dans l’air un coup de revolver tout seul tant mieux qui pleure qui danse et ainsi de suite Il y a loin bien loin plus loin que tu ne penses Une palme qui n’est pas dans une palmeraie Une palmeraie où les animaux s’ennuient ils t’attendent PORTRAIT DE LOUIS ARAGON Les bienfaits de la croissance se constatent chaque jour j’en suis témoin et toi aussi Maintenant tu as des mains dans les cheveux et tes cheveux sont du verre dont on fait les maréchaux les capitaines au long cours les cigares de luxe et les wagons-lits Bonjour mon petit PORTRAIT DE MAX ERNST Tes pieds sont loin je les ai vus la dernière fois sur le dos d’un cheval-jument qui était mou qui était mou trop mou pour être honnête trop honnête pour être vrai Le cheval le plus vrai n’est jeune qu’un moment mais toi toi je te retrouve dans les rues du ciel dans les pattes des homards dans les inventions sauvages PORTRAIT DE ROBERT DESNOS La crème du rivage a guéri tes battements de CŒUR Salu-e As-tu vu la liberté Elle couche avec l’égalité Vilaine va Et si elle ne s’ennuie pas nous lui donnerons un petit serpent de mer qui couvrira ses épaules unies comme les États-Unis de la fraternité LES YEUX DU VENT La banlieue est bleue quand passe le juge Si le juge n’était pas juge on verrait un phénomène Quatre veaux debout sur un paratonnerre et criant Liberté Liberté chérie Et madame répondrait Chéri et monsieur Bibi LA CHUTE DES CORPS J’ai un poil dans la tête Il n’y en a pas autant dans la carafe J’ai une mouche dans le nez il y en a deux dans la calèche Tournez tournez la roue pour hisser les mendiants au sommet des cheminées Les femmes le regarderont les enfants le tueront Tournez tournez la roue pour découper les Saint-Cyriens Leur viande servira d’appât pour la pêche à Terre-Neuve et l’année sera mauvaise J’ai serré la main d’un idiot et un myosotis pousse dans ma main c’est qu’il fait chaud comme dans une conduite de gaz où les hirondelles passent sans se retourner de crainte d’être changées en becs Auer Que les raies du plancher zigzaguent dans leur ivresse ou que les échelles s’effondrent sur ceux qui les bravent le bruit de la rue sera lourd comme le sac d’un bagnard les passants désolés se boucheront les oreilles et les crises de nerfs de leurs épouses enceintes détruiront l’équilibre des tables dans les chambres des hôtels LE SANG ET LES ARRÊTS Petite vaisselle aboutira Beurre d’oiseau grandira Pelle de sel patinera Citron maudit s mariera Gazelle verte s’éventera Cigare de nuage s’encanaillera Grande poussière se développera Manège de soie dormira Patère mélancolique se balancera Groseille fauve flambera Flamme solide tressaillera Carte à oreilles bourgeonnera Mais le jeune explorateur qui les mains vides franchit l’enceinte où le premier né les pieds joints le CŒUR avide et la cervelle cousue ravive l’incident lointain qui rendit impossible l’élection de la meule souveraine Ainsi elle se pose jambes en l’air épaules lointaines et mains partout mains multipliées par le détour et le roman découvert sous le chapeau On bout on trempe dans la rue comme dans un baquet d’acide on se gonfle comme une aubergine on s’assoupit comme une bûche qui brûle on se meuble comme une cuvette Alors le marbre glisse le long des jambes mortes et s’étale sur l’équateur comme une petite flaque sonore UN MALHEUR NE VIENT JAMAIS SEUL Les grues sont tombées sur l’amiante avec leurs mains de poutres gonflées de gaz étoilés Un peu plus nous étions seuls et c’eût été dommage un lendemain de fête Ce n’est pourtant pas gai Une fête non plus mais Jeanne d’Arc est heureusement morte et les péniches coulées font l’amour avec elle Un amour de cheval qui ferait rire un Turc À bas les moineaux LES ENFANTS RIENT MAIS QUE FONT LEURS PARENTS Souple corvette de mon CŒUR l’acide te dévore Faute de veau on fauche le foin mais souple corvette de mon CŒUR ménage le sel le sel te dévore Souple corvette de mon CŒUR prends garde on construit des maisons un peu partout sur le sable des moulins sur le ventre des femmes et les enfants naissent sous les yeux des tortues Prends garde souple corvette de mon CŒUR voici l’époque de la moisson A UN VIRAGE EN S La jeune femme assise sur les grandes neiges de je ne sais pas quoi découvre le plus simple courage s’enveloppe d’un manteau de pieds léger comme un chapeau d’été Un carillon hollandais à la place de son sexe capte les dernières rumeurs de la ville Si elle mourait les premières pudeurs du berger tomberaient sur l’étang qui en serait sali et le cortège des sourds et des débiles rongerait les derniers éléments NUAGE Tombe pain d’épices les blessés sont loin les plantes sont mortes et les malades respirent à peine LA SEMAINE PALE Blonde blonde était la femme disparue entre les pavés si légers qu’on les aurait cru de feuilles si grands qu’on eût dit des maisons C’était je m’en souviens un lundi jour où le savon fait pleurer les astronomes Le mardi je la revis semblable à un journal déplié flottant aux vents de l’Olympe Après un sourire qui fila comme une lampe elle salua sa sœur la fontaine et retourna dans son château Mercredi nue blême et ceinte de roses elle passa comme un mouchoir sans regarder les ombres de ses semblables qui s’étendaient comme la mer Jeudi je ne vis que ses yeux signaux toujours ouverts pour toutes les catastrophes L’un disparut derrière quelque cervelle et l’autre fut avalé par un savon Vendredi quand on aime est le jour des désirs Mais elle s’éloigna en criant Tilbury tilbury ma flûte est perdue Va-t-en la rechercher sous la neige ou dans la mer Samedi je l’attendais une racine à la main prêt à brûler en son honneur les astres et la nuit qui me séparaient d’elle mais elle était perdue comme sa flûte comme un jour sans amour Et j’attendais dimanche mais dimanche ne vint jamais et je restai dans le fond de la cheminée comme un arbre égaré LE COURAGE DU SERPENT Ainsi sont mortes les nervures après avoir été boxeurs peintres yachtmen Elles étaient bien solides et bien tristes les nervures et mentaient comme un seul homme l’homme aux bretelles qui vit dans les solitudes semées de balais et de sculptures anciennes Un jour elles oublièrent et le mal se greffa sur leur plus beau cartilage c’était écrit Le plus beau cartilage soupira et se colla sur leur menton Nom de dieu VILLAGE SENTIMENTAL 40 découvertes pour 40 orteils 1 orteil par découverte 1 catastrophe par souvenir 1 conseil par côtelette Tout cela pour le bonheur d’un rajah un rajah somnolent amateur de moutarde inconnu du papier et voleur de savon Il a vendu la chemise du centenaire de Pasteur DEVENU VIEUX LE DIABLE SE FAIT ERMITE Louis-Philippe est grand pour son âge Donne-lui quelques sous son chapeau sera trop petit Donne-lui deux cravates il mentira tous les jours Donne-lui une autre pipe sa mère pleurera Donne-lui une paire de gants il perdra ses chaussures Donne-lui du café il aura des ampoules Donne-lui un corset il portera un collier Donne-lui des bretelles il soignera des souris Donne-lui un battoir il montera en avion Donne-lui un potage il en fera une statue Donne-lui des lacets il mangera des groseilles C’est Monsieur Louis-Philippe qui vit de pilules et de buvards mange sa mère et perd l’heure en marchant MA MAIN DANS LA BIÈRE À Jacques Prévert Le pendu est un pirate qui avait des dents qui avait des os qui avait des os avec de l’eau dedans Puis il courut comme un serpent sa mâchoire se détendit sa langue monta sur son œil Alors les sauterelles et les oignons les bananes et les colliers sortirent de sa poche un à un Bonheur bonheur disaient-ils sa bouche est la sœur de ma bouche et il fait bon marcher dans la rue des Anesses LE DERNIER DON JUAN DE LA NUIT Le quarante-deuxième pose son urine sur le canapé Dansez voltigez les biroutes Dépêche-toi j’ai envie de dormir EDMOND ROSTAND SIMPLEMENT À Marcel Duhamel Son cul sur son épaule la tête basse les yeux en l’air il parcourt le monde et fume sa pipe à l’envers O jours sans demi-lune cirages fromages cartonnages que faites-vous des animaux inférieurs Les œufs aux aigrettes de soie sèment des lacs d’encre bleue guident sa mémoire L’âme faible la chair forte le cul léger il vole avec les papillons la queue en l’air DEUX PETITES MAINS Sur le CŒUR de la rue en gouttes d’eau les bananes brodent des épingles cuvent des orties La robe de sang de la danseuse tombe sur les pieds du monsieur son amant qui rit et qui s’efforce qui s’efforce de couper un arbre avec des dents de poissons une échelle sur la jambe C’est le pape AS DE PIQUE Je veux voir les choses éternelles qui fleurissent comme les cigarettes que je fume dans la nostalgie des atlas de dix ans La symétrie des châteaux intérieurs se divulgue aux regards des explorateurs blancs J’irai à tâtons dans la chambre pleine de girafes chercher le manuscrit que j’ai composé avec des morceaux de cervelle fraîche achetés au rabais Parmi les musiciens que je connais j’ai vu un jeune homme qui savait les thèmes des symphonies d’aérolites Les camions automobiles et les grues respectueuses des quais annoncent Demain vaudra un jour de l’heure Les boulangers vous disent que c’est faux Mais les acteurs supputent les bravos J’arriverai pour déjeuner en 1919 Auras-tu ta tête neuve Celle qui est jeune sait bien que c’est demain Alors laissez-moi avoir le désir de quelques meurtres dans les descentes solennelles des ascenseurs Ne me dites pas non les alcools pourront peut-être me vieillir de quelques jours Je verrai des incendies fastueux Celui de Rome était-il beau Une botte de paille Enlever la croûte terrestre comme celle d’un pâté Je vous accrocherai pour vous descendre dans un bain de feux follets Un bâton dans la bouche vous fera sourire Je ne veux pas de l’eau qui fait oublier Mes instants futurs sont des chênes du Japon Autant de gestes que de microbes dans une goutte d’eau Le vent le CŒUR humain la colonne de mercure Inusable tout cela Le CŒUR sur la main et la main sur le sein gauche Les crottes vertes sont tombées Et changées en crottes jaunes Il n’y a plus que des mains de Chinois qui recherchent leurs poignets sur le sol et dans nous-mêmes Mais les moignons cachés au fond des poches Les feront courir jusqu’à la fin de l’hiver Il y a des toiles d’araignée partout Très bon pour les plaies cela dit-on mais les fossés sont bordés d’épines où germent des baies noires J’en ferai de l’encre et j’écrirai sur la poussière de la route TOUTES LES ÉTOILES SONT AU GIBET DEPUIS LA MORT DES PLÉSIOSAURES Et personne ne passera plus sur la route parce que les lettres seront des mitrailleuses hystériques Je partirai à cheval sur des cerveaux d’aliénés Et si je ne vois personne je ferai des alligators avec tous les animaux du chemin Je traînerai ma troupe en larmes vers les cités paisibles et sur leur passage ce sera l’ère des grands cataclysmes Si je vais sur l’océan je charmerai tous les poissons et les pêcheurs me maudiront car les poissons seront centenaires pour avoir fait trois fois le tour du globe Je partirai Sept lieues d’un coup de pédale Un grand bock d’espace s’il vous plaît Anguille de route à rouler dans l’estomac Poteaux indicateurs vous êtes des éventails Il faut franchir des kilomètres morts Tous ceux que tu as tués viendront dans ton sommeil te jeter du haut du ciel de lit leur tête sur les jambes en 1919
DEMAIN Jamais les oiseaux verts ne seront des oiseaux rouges Jadis Un citron dégorgeait des châteaux en Espagne Que mon docteur montait en bateaux plats Pourtant je préférais une souris Je changerai les métaux prisonniers des formes Et si quelqu’un dans ma prison me donne une figure de chien méchant j’aurai les flammes du foyer dans les yeux Les orgues des rues déroulent des écheveaux d’opéras Je les débrouillerai pour les chanter dans l’allégresse Les amourettes des bouteilles d’encre et des porte-plumes Baromètres ennemis des lois Sans lois Et vive le vagabondage spécial À ma voix les étoiles se jetteront dans les eaux noires On en retrouvera cachées au fond des puits et l’on reconnaîtra les temps prédits Si les yeux d’une femme inconnue cherchent à savoir ce qui sort des doigts du hasard tu lui opposeras des miracles inattendus La joie comme la peine se mesurent au centigramme Je connais la balance Comme une poire Un tatouage sur la main J’affirme qu’un suicide est plus beau qu’un traité de paix Je joue aux dés Ma vie ou ce château qui n’est pas né Taisez-vous le fusil est un oiseau des îles Apprendrai-je à chanter ma victoire inutile parce que le désir ne fait pas de miracles Une pendule qui hésite entre minuit et une heure du matin heure des becs de gaz infatués de leur éclat volé aux cadrans solaires Vivre la vie impersonnelle des sèves et des minéraux Avant je veux qu’une femme que je n’ai jamais vue remue du doigt l’eau immobile d’un aquarium pour que les poissons croient à la fin du monde Un coup de revolver comme un salut Monsieur les plateaux sont parallèles au niveau de la mer On m’évente avec des plumes de paon Quels yeux Du mercure dans un dé à coudre Deux lampes dans un grenier vide ou bien des airs mangés par les souris Rien les lampes sont noyées dans la cave J’aime les séjours dans les vitres verdâtres on fait des rencontres insoupçonnées Manières de comédie La poignée de mains du bull de la cour m’est moins agréable qu’une grosse émotion enroulée autour du bras Une piqûre de moustique est un billet pour le palais des Glaces A chaque coup de pied je suis frappé dans la poitrine Pour la dernière il faut se servir des bras Il est difficile de revenir sur ses pas comme les tramways jusqu’ à 1 2 1 1 1 1 1 1 1 2 2 2 2 MÉMOIRES DE BENJAMIN PÉRET À Marcel Noll Un ours mangeait des seins Le canapé mange l’ours cracha des seins Des seins sortit une vache La vache pissa des chats Les chats firent une échelle La vache gravit l’échelle Les chats gravirent l’échelle En haut l’échelle se brisa L’échelle devint un gros facteur La vache tomba en cour d’assises Les chats jouèrent la Madelon et le reste fit un journal pour les demoiselles enceintes LE QUATRIÈME DANSEUR À Roland Tual Comme il dansait dans son pantalon Un œuf sortit de la cuisine à pas lents comme une étoile un photographe Jusqu’au lendemain il sortit Jusqu’au lendemain il dansa avec un collier avec une musette et la barbe lui poussa tout au long de son pantalon tout autour de la cuisine autour de la cuisine qui n’est peut-être pas née LA MORT DU CYGNE A R.G. Un sexe sur un drapeau peau peau peau de tes fesses trottait comme un lapin pin pin pin de hibou du soir jusqu’au matin d’été té té té téléphone au bon dieu Mais l’été est funeste aux hiboux Les hiboux du bon dieu n’ont pas de fesses pas de fesses et pas de malheurs Ils vivent avec les lapins et les bas de laine l’été L’été les fesses sont pâles à cause des malheurs des hiboux Les hiboux sans cervelle trottent sur les drapeaux et déchirent des sexes Un sexe déchiré c’est une croix désirée Un drapeau sans sexe est une pauvre moustache Pauvre comme un hibou sans fesses A NOUS DEUX À Janine Kahn Il s’appelait Villiod D’une main il caressait la route et de l’autre il tourmentait la mer Drôle de quidam que celui dont l’œil fermé semblait toujours attendre la lune Un matin il dansait sur une palme et chantait Je suis celui que tu hais regarde la forêt La forêt comme un œil nu attendait que mousse le vin et il voulut ouvrir un bec Le bec cria Cocorico et Villiod mourut dans un salon LA FEMME A CHOSE Saint-Raphaël se promène en souliers de paille un quinquina dans les narines un quinquina avec une cravate une cigarette sur sa main Sa main devient un tonneau un chien dans les environs Il part avec les comestibles C’est son affaire VOYAGE DE DÉCOUVERTE Il était seul dans le bas du seul-seul Un seul à la seule il seulait Ça fait deux seule deux seuls dans un bas-seul Un bas-seul ne dure pas longtemps mais c’est assez quand on est seul dans le bas du seul-seul 26 POINTS A PRÉCISER À André Masson LA GRANDE MISÈRE DES DERNIERS CAILLOUX À Simone Breton C’est qu’il découvrit l’Amérique et les jupons les pancartes et les bonnes sœurs C’est que toutes les migraines se soutiennent autour de sa grandeur ensoleillée
Le président des achats vend le 13 pour le 15 use ses moustaches comme du verre mange comme un chat pisse comme un hôtel
À l’heure où le plus jeune carburateur emploie ses derniers joncs pour le dernier garçon La femelle se cache dans un drapeau autour d’un ventre sous des lunettes LE(A) CÉLÈBRE CAVALIER(ÈRE) Poule et poule voici l’ampoule qui sourit en pensant à Horace Oh fille d’agave oh pieds de coton tu auras la vie sauve car il te manque un sexe frais pour être honnête un cheveu pour être belle Une pierre et je penserai à toi Un voyage et je serai l’imbécile que tu sais Et nous rirons bien quand même PAR LE TROU DE LA SERRURE Lève la tête et fais le mort Quand tu t’en iras les pieds devant les barreaux de la cage auront des ailes légères qui battront la charge dans la cave et les souffles humides des tapis usés balaieront lourdement les cris suspects des volailles Minuit sonnant dans la cheminée déserte comme un rat aventureux ranimera le timide sourire des casquettes neuves qui voyageant dans l’ombre regardent passer près d’elles les persiennes closes qui n’ont jamais songé aux malheurs des serpents accroupis devant les portes cochères Ce sera la nuit et peut-être le jour Les grands arbres seront morts et les seins suspendus à leurs branches se soulèveront régulièrement pour signifier leur sommeil Tu n’en seras pas dupe comme les lames du parquet mais riras bien haut pour effrayer les balcons hardes mal lavées qui sèchent sans espoir de sécher comme on meurt blessé au coin d’un bois et surveillé par les grands papillons blancs chemises des herbes
Tout cela tout cela parce qu’un chien court après sa queue et ne la retrouve pas parce que les pavés sont sortis en rangs pressés et menacent les rivières parce que les plantes dépérissent dans des scaphandres désaffectés parce que l’eau ne s’égoutte plus entre les doigts tout cela enfin parce que tu n’es plus qu’une figurine découpée dans un billet de banque IL N’A QU’UNE MERVEILLE SUR LA TERRE Je ne pense à dieu qu’en mangeant du chiendent parce que dieu a fait le chiendent à son image qui est un mouchoir Il suffit d’une goutte d’eau tombant d’un nuage aussi ancien que Jules César pour que la glace se fende de haut en bas comme une orange laquelle est faite à l’image de ma sœur Entre parenthèses ma sœur ne prêche jamais la miséricorde divine car elle est divine divine te dis-je divine comme une mouche sur un arbre de quatre-vingt-dix mètres de diamètre divine comme une soucoupe de mica divine comme un hippopotame de quatre siècles divine comme un ivrogne sur le Mont-Blanc divine comme moi qui suis son frère de temps en temps Un jour je te dirai ce qu’il faut faire d’un serpent Aujourd’hui donne-le à une femme de vingt-cinq ans blonde de préférence et tu verras deux serpents Donne les deux serpents à un curé et tu verras le pape mourir d’une fluxion de poitrine LE LANGAGE DES SAINTS Il est venu il a pissé Comme il était seul il est parti mais il reviendra l’œil dans la main l’œil dans le ventre et sentira l’ail les aulx Toujours seul il mangera les asperges bleues des cérémonies officielles
LES ENFANTS DU QUADRILATÈRE À Jacques Baron Quand le soleil descendra sur la terre avec sa moustache nous ouvrirons les valises et les fils des derniers rats oublieront leur langage Dans la chambre les oranges rouleront jusqu’au soleil Si quelqu’un demande l’heure la dernière venue lui donnera sa bouche comme un gant et sans se souvenir de son père lui dira qu’il n’y a pas de fleurs sans fumée ni de pleurs sans colère Ventre de ventre mon ventre ni pleurs sans colère VERS L’OUEST Mieux vaut se coudre les mains que de rire aux anges Mieux vaut changer de montre que de hurler à la lune BIENSÉANCE La voiture était pleine d’eau qui couvrait la mouture mangée par la monture C’était un beau diamant taillé en forme de voiture C’était celle de la tortue LES CHEVEUX DU VENT Accours du fond des troncs ô sable pauvre sable des revenants toi qui sauves les mains et leurs attributs Le sang cravaté de nuages pour le plaisir des dames pour le plaisir des orgues botté crotté n’a plus d’image Il est presque nu et son sourire est fonction de la chaleur
QUATRE ANS APRÈS LE CHIEN À Pierre Unik Ici commence la maison glaciale où la rotondité de la terre n’est plus qu’un mot aussi léger qu’une feuille dont la nature importe peu Dans la maison glaciale danse tout ce que le mouvement de la terre ne peut pas empêcher de danser toute la vie impossible et souhaitée tant de fois tous les êtres dont l’existence est improbable Là le temps équivaut au partage d’un empire à une longue marche de Lilliputiens à une cataracte de 1.800 mètres de hauteur Passons aux actes Une jeune femme entre dans la maison glaciale fend un escalier dans toute sa longueur et le couvre de fumier un fumier d’étoiles rongé par des dollars Elle passe sa main sur ses yeux et la Liberté éclairant le monde est la place de l’escalier Elle crie tempête jure à tel point que l’air en est bouleversé Les oiseaux nécrophages qui sont peut-être des insectes tombent du plafond s’enfoncent dans le sol et vont se fixer pour toute l’éternité au centre de la terre qui en est tout émue C’est alors qu’apparaît la maladie du sommeil Le sommeil des arbres excite les vagues lubriques et l’amour bondit comme un chien hors de sa niche Autrement dit les vagues n’ont pas la force la foi qui soulève les montagnes Je leur prête mon sexe et tout est dit et nous sommes tous très satisfaits Une heure plus tard je le serai moins car je marcherai sur ma barbe La maison glaciale s’est déplacée comme un tremblement de terre et un caractère énergique voici qu’à la chaleur communicative des banquets un nouvel aspect des montagnes doit son existence à une impropriété de termes Il n’en faut pas plus pour qu’un savant un savant authentique à ce qu’on dit crie au miracle Dans toutes les classes de la société on ne songe plus qu’à jouir avec tous ses organes Un député qui joua un rôle dans l’Affaire affirme qu’il jouit par les poumons Je veux bien le croire quant à moi je monte dans un arbre qui porte la tour Eiffel dans son ombre et dont les racines ont vomi le soldat inconnu De là j’aperçois la maison glaciale dans le bec d’une tourterelle Est-ce la paix ou la guerre Vite un taxi un aéroplane un cheval Ca y est je suis arrivé et mes jambes deviennent extraordinairement fortes C’est qu’elles s’allongent outre mesure Je suis un arbre immense qui couvre la terre de son ombre Ah vous pouvez rigoler maintenant vous n’êtes pas près de voir la lumière du soleil Le soleil est une éclipse qui dure toute une époque géologique et les enfants de l’époque ne s’en rappellent pas la couleur Ceux pour lesquels la maison glaciale de leurs cheveux est une chambre d’amour ont le bonheur aux lèvres mais lorsqu’ils perdent leurs lèvres ils s’ennuient tellement qu’ils envient la vie des insectes adultes C’est alors que je passerai un rocher dans les mains attendant que l’oiseau de la résurrection se pose lourdement sur mon épaule La droite ou la gauche PARTIE DOUBLE L’onagre de paille pour la course à l’orage se range devant les taxis de feutre Le jockey cerise molle et gutta-percha pendule aux quatre coins car il n’aime pas la pipe du majordome Tout cela rend un son bizarre PREUVE FORMELLE Sais-tu mourir sans la permission du nageur si tu réponds oui tu es l’homme annoncé par la loi l’audacieux aux lèvres d’éléphant le menteur éprouvé par le fer et le feu le savant démoniaque qui changera le monde en filet de sang l’enfer de poix où tomberont les êtres miraculeux que tu rencontres chaque soir en sortant du théâtre mine de sel avenue décorée de fleurs sauvages orage sexuel pour décourager les conquérants de la Grande Roue LE MARIAGE DES FEUILLES L’homme découvre la poésie circulaire Il s’aperçoit qu’elle roule et tangue comme les flots de la botanique et prépare périodiquement son flux et son reflux O saints que n’êtes-vous ceints de seins sains Votre seing figurerait une main de pouces agitée d’un tremblement alcoolique O saints qu’avez-vous sur la main Est-ce une main plus petite que recouvre une autre main plus petite et ainsi jusqu’à la consommation des mains La poussière s’agite dans sa solitude Elle veut que le silence qui l’entoure se peuple de fantômes ailés aux voix de troncs pourris de femmes légères comme la dame blanche de vieillards descendus de la montagne en proie aux neiges éternelles des grandes montagnes molles où tournent virent et plongent les chaussons de danse AVEZ-VOUS DU WHISKY Lente fumée bleue où s’attardent tes pas mer sobre Salut poisson d’évangile toi qui naquis dans la main d’une voluptueuse et mourus sous les regards d’un roi La tombe s’ouvrira pour laisser passer une bannière La bannière suivra la rive gauche du canal jusqu’à la jambe humaine qui sépare l’amour de la mort Elle portera cette jambe sur le sommet de la montagne qui cessera de cracher des glaïeuls pour devenir un troupeau d’hermines Et dans le ciel nocturne peuplé des scolopendres une barre de fer maniée par un sultan broiera pendant l’éternité des têtes étincelantes HONOREZ VOS MORTS À Raymond Queneau Dans la main il y a la hache dans la hache il y a le chapeau la tête le cou les pieds et le souvenir des intestins Il y a aussi le courage des petites lumières qui ne craignent pas la contagion Il y a encore un tremblement nerveux C’est la contagion et une pente abrupte qui pourrait cacher des oies mais elle n’en cache pas car à droite il y a une tache grasse c’est de l’huile MYSTÈRE DE MA NAISSANCE À Colette Tual Et quand je lui ai répondu 19 il m’a répondu 19 22 si tu as le temps d’être riche 30 et 40 pour la comédie en deux temps 50 pour ton sale anniversaire 100 pour les commodités du printemps Pour le reste je suis pâle et hypnotique mais occupez-vous de vos pavés cher docteur et laissez à l’eau claire le soin de devenir de l’eau sale LE MEILLEUR ET LE PIRE Un enfant sérieux par la force des choses attendait la naissance d’un animal son frère en expliquant les miracles de la mer Lorsque le soleil se leva sur une montagne de verveine qui était une femelle désirable il se fit à travers la campagne un grand bruit de vaisselle brisée qui présageait l’approche d’un fléau Une montagne de verveine La montagne n’attendait qu’un souffle venu de l’océan Pacifique comme l’écho d’un désastre pour remplacer le soleil Et l’enfant cessa d’expliquer pour prédire Alors se révéla chez les cruels les sanguinaires et les inassouvis un grand désir de vins et de poison Les uns partirent à la recherche de la fleur qui n’éclôt qu’à la bonne époque chez les femmes parfaites les autres voulaient faire un caillou avec du sang et des larmes Les uns et les autres disparurent dans l’océan Pacifique près d’une île de phosphore pour avoir confondu les femmes spirituelles avec le souvenir du temps et les plaisirs des sauvages LES OSSEMENTS S’AGITENT Lorsque du cerveau jaillit la palme sombre l’oiseau mangeur de bananes la lumière qui tombe comme des paupières de sommeil le cheval et son cavalier s’agitent séparément et crient j’ai faim Une langue de sang passe le long de leurs nerfs de leurs yeux coulent les poisons aimés du genre humain les poisons que les femmes iront chercher sur les montagnes les frissons qui passent avec la rapidité de l’éclair sur ceux qui seront malades les frissons de la rue qui sent le chien Lorsque du cerveau jaillit la palme sombre La main se pose sur la plante ou sur l’homme qui n’a qu’une dent et la voix incolore sort du rocher de feu Elle ordonne Maintenant tu vivras sur la mer comme les fumées des peuples assemblés La lumière tombe comme des paupières de sommeil et dix millions d’oiseaux au plumage ensanglanté s’abattent sur l’arc de triomphe L’ARDEUR DÉSESPÉRÉE Si le vent le permet le désespoir ravagera les contrées saines voisines de l’arc-en-ciel et du pôle de soie la contrée où les visions des hyménoptères se concrétisent où l’espoir des uns anime l’ardeur sexuelle des autres où le passé comme une douleur périodique qui stimule l’énergie des insectes à carapace de verre O soupirs insectes d’avenir je vous attends dans l’ombre que vous connaissez pour vous confier des secrets qui vous donneront à réfléchir des secrets si fluides qu’ils couleront entre vos doigts comme les minutes entre les cuisses d’une jolie femme et le sommeil des insensés au soleil à midi CŒUR DÉCROCHÉ Danser sur le neuf de CŒUR lever le pied de l’échafaud passer et repasser le long des colonnes montantes voiler d’un crêpe la terrine de foie gras découvrir une racine dans sa tasse de café élever trois mouches dans l’abbaye de Westminster envoyer une carotte par la poste dresser l’arbre généalogique d’un bec de gaz s’égarer dans le tuyau de la pompe voilà les plaisirs réservés au grain de poussière qui détraque les machines parfaites les machines qui s’agitent comme des poissons
Les fusils aimantés de l’espèce des ombellifères pendaient aux persiennes closes leurs canons engagés dans les fentes menaçaient les multiples serpents de l’ombre ceux qui s’enroulent autour des bicyclettes et ceux qui flottent le soir comme des mains tendues d’une rive à l’autre Mais qu’une rive s’égare au cours de ce voyage et tout est perdu comme dans une cloche à plongeur Le coup partit Le rayon de soleil qui passait à travers un prisme ne se reconnut pas à la sortie Il y eut un son de cloche étouffé suivi du bruit sourd d’un paquet de linge qui tombe dans un puits Et ce fut tout Mais une roue remplaçait la main partie avec la rive J’IRAI VEUX-TU Il était une grande maison sur laquelle nageait un scaphandrier de feu Il était une grande maison ceinte de képis et de casques dorés Il était une grande maison pleine de verre et de sang Il était une grande maison debout au milieu d’un marécage Il était une grande maison dont le maître était de paille dont le maître était un hêtre dont le maître était une lettre dont le maître était un poil dont le maître était une rose dont le maître était un soupir dont le maître était un virage dont le maître était un vampire dont le maître était une vache enragée dont le maître était un coup de pied dont le maître était une voix caverneuse dont le maître était une tornade dont le maître était une barque chavirée dont le maître était une fesse dont le maître était la Carmargole dont le maître était la mort violente Dites-moi dites-moi où est la grande maison L’ENNEMI SECOUE SES PUCES Personnage étranger aux yeux d’écorce et d’amandes amères tu es forcené sale pauvre et décadent tu ouvres la bouche pour avaler tes chaussures tu ouvres la bouche pour vomir le paysage et le paysage te ressemble Vous vous promenez bras dessus bras dessous à la recherche d’une épingle de nourrice celle qui a piqué un vieillard dont la barbe métallique l’habillait comme le meilleur tailleur vous vous promenez de l’est à l’ouest en croquant du sucre pour apaiser vos sens qu’excite un soleil sexuel À quoi est-ce que ça ressemble docteur au tétanos ou à l’influenza À un fromage ou à un merle À un merle le merle s’envole en sifflant J’ai du bon papa dans ma papatière J’ai du bon papa etc.
Et tout le monde est content sauf moi car j’ai une sangsue sur l’œil L’ÉVOLUTION D’UNE JOLIE FEMME C’était je m’en souviens un homme couleur de feu Ses pieds dans un feu de paille flambaient comme un soleil couchant et ses mains inaltérables étranglaient la dernière sœur de la dernière vierge D’un arbre naît la femme l’impénétrable aux yeux feuilles qui lui demande de s’endormir Il sait bien que s’il s’endort il ne sera plus que flamme que dis-je fumée et son étreinte se resserre autour du cou qui brille comme un miroir Le miroir voudrait être le cou Il n’y a pas de désir qui tienne Une goutte d’eau tombe sur ma tête et j’en suis ébloui LA VRAIE VIE Un œil de daim me promet une plaque de tôle me donne un journal et me coupe un bras Je cours droit devant moi autant que je puis m’en rendre compte comme un poil de barbe emporté par le vent Demain je serai ce flocon de neige que tu envies ce flocon de neige qui deviendra grand ce flocon de neige qui ressemble à un chien lors de la saison printanière
LES ODEURS DE L’AMOUR S’il est un plaisir c’est bien celui de faire l’amour le corps entouré de ficelles les yeux clos par des lames de rasoir Elle s’avance comme un lampion Son regard la précède et prépare le terrain Les mouches expirent comme un beau soir Une banque fait faillite entraînant une guerre d’ongles et de dents Ses mains bouleversent l’omelette du ciel foudroient le vol désespéré des chouettes et descendent un dieu de son perchoir Elle s’avance la bien-aimée aux seins de citron Ses pieds s’égarent sur les toits Quelle automobile folle monte du fond de sa poitrine Vire débouche et plonge comme un monstre marin C’est l’instant qu’ont choisi les végétaux pour sortir de l’orbite du sol Ils montent comme une acclamation Les sens-tu les sens-tu maintenant que la fraîcheur dissout tes os et tes cheveux Et ne sens-tu pas aussi que cette plante magique donne à tes yeux un regard de main sanglante épanouie Je sais que le soleil lointaine poussière éclate comme un fruit mûr si tes reins roulent et tanguent dans la tempête que tu désires Mais qu’importe à nos initiales confondues le glissement souterrain des existences imperceptibles il est midi D’UNE VIE A L’AUTRE Sur une roue tourne l’azur O Azur qu’as-tu fait des cheveux blancs de la baronne La baronne était une salve d’artillerie qui crépitait à tout moment pour empêcher les citoyens de dormir Ceci pour le bonheur des citoyennes Qui rendaient leur âme à une colonne de porphyre en chantant Hurrah Hurrah Hurrah pour les chiens galeux Hurrah pour les pavés de bois Hurrah pour les femmes gelées Hurrah pour le paradis dans la cave Hurrah pour la Mésopotamie Hurrah pour les éprouvettes Hurrah pour les pendus Hurrah pour les facteurs Hurrah pour les automobiles Hurrah pour les incendies Hurrah pour les pelotes de laine Hurrah pour les prisonniers Hurrah pour les Arabes Hurrah pour les satyres et s’endormaient dans une feuille de fraisier sans respirer sans réfléchir aux conséquences de la chute d’une brique dans une mare alors que le soleil pied de zèbre se pose sur les cheminées des Alpes avec la légèreté d’une robe qu’on quitte pour ne pas susciter de caprices chez les falaises bleues qui se tordent comme un serpent devant un puits de mine UN OISEAU A FIENTÉ SUR MON VESTON SALAUD À Pierre Naville Main vide et pied levé le bon enfant sur deux assiettes mourait d’envie de rire d’un cheval solitaire de la lune de la rousse Au lieu de mourir il aurait pu rire il préféra cogner comme un sourd sur l’arbre le plus proche L’arbre miaulait T.S.F. T.S.F. La T.S.F. le mordit au pied droit et un ours à la main gauche Comme il était jeune il n’en mourut pas On le décora on en fit un ambassadeur Paul Claudel CHARCUTONS CHARCUTEZ À Suzanne Muzard Sur la carte il y a des lignes qu’on appelle des golfes Les enfants y mettent des grenouilles que leurs parents vont chercher pour leur apprendre la vie la civilisation et leur faire connaître leurs devoirs envers la patrie Inutile de dire que les grenouilles s’en foutent Un jour ou l’autre un soldat et une fermière feront l’amour devant leurs poules Elles en mourront et sur leurs tombes naîtra un petit cul sec qui saura danser le boston Ce sera la punition
Un soldat et une fermière
le cochon de chameau le chameau de tramway le tramway de papier Si un bandit passait par là vous verriez les yeux du soldat se dilater comme un ballon captif et les mains de la fermière se couvrir de fermiers Mais cela ne sera ne sera pas ne sera pas et c’est dommage ILS ÉTAIENT DE CONNIVENCE Que dit l’arc-en-ciel du vagin au petit sauvage habillé de vert-de-gris Le vagin était nu comme le sauvage Il n’avait plus l’âge de mentir moins encore de gémir moins encore de chatouiller le nombril du village voisin Hé hé Ce n’est pas prudent pensait le village voisin Sait-on jamais si du nombril les derniers couvercles aillent jaillir comme un mâle sans être précédés d’une lanterne qu’est-ce qui ne rirait plus UNE FEMME FATALE Sur la Normandie qui pleure des larmes de cire une feuille de thuya s’est posée qui tremble à tous les vents des ports déserts Elle est pauvre elle est jaune elle la sœur d’une dame aux yeux de sapinière qui se tient à droite des pendus la main sur le CŒUR Un sourire large comme une goutte d’eau flotte devant elle et se perd dans la nuit LA DOUCEUR DU FOYER La dame toussait toussait le monsieur pâlissait leur fils les doigts dans le nez attendait l’apparition d’un bec de gaz sur sa poitrine La dame toussait depuis qu’elle avait vu une femme blonde fendre un rocher avec un rasoir céleste Si le monsieur pâlissait c’était que le ciel le lui avait ordonné en jonchant la terre de plumes de colibri un colibri ainsi déplumé chanta J’ai une queue nom de Dieu j’ai une queue Alors un grand souffle fait de baleines de parapluies parfumées passa sur la terre salée comme la bénédiction d’une marchande de programmes et trois colombes blanches marquées d’une croix rouge s’envolèrent du Mont-Blanc LES MORTS ET LEURS ENFANTS À Denise Kahn Si j’étais quelque chose non quelqu’un je dirais aux enfants d’Édouard fournissez et s’ils ne fournissaient pas je m’en irais dans la jungle des rois mages sans bottes et sans caleçon comme un ermite et il y aurait sûrement un grand animal sans dents avec des plumes et tondu comme un veau qui viendrait une nuit dévorer mes oreilles Alors dieu me dirait tu es un saint parmi les saints tiens voici une automobile L’automobile serait sensationnelle huit roues deux moteurs et au milieu un bananier qui masquerait Adam et Eve faisant mais ceci fera l’objet d’un autre poème EN DEUX TEMPS ET TROIS MOUVEMENTS Le vieux chameau désorganisé dit à la demoiselle des P.T.T. Une petite chaise s. v. p. La demoiselle voulait une étoile L’étoile voulait des bas de soie Alors la demoiselle le poing à la hauteur de toutes les circonstances découvrit les cactus et les aima Ce n’était pas sérieux car les cactus aiment les alcools et se rient des demoiselles qui veulent des étoiles LA CHAIR HUMAINE Une femme charmante qui pleurait habillée de noir et de gris m’a jeté par la fenêtre du ciel Ah que la chute était grande ce jour où mourut le cuivre Longtemps la tête pleine de becs d’oiseaux multiformes j’errai alentour des suaires et j’attendais devant les gares qu’arrive le corbillard qui en fait sept fois le tour Parfois une femme au regard courbe m’offrait son sein ferme comme une pomme Alors j’étais pendant des jours et des jours sans revoir la nuit et ses poissons Alors j’allais par les champs bordés de jambes de femme cueillir la neige et les liquides odorants dont j’oignais mes oreilles afin de percevoir le bruit que font les mésanges en mourant Parfois aussi une vague de feuilles et de fruits déferlait sur mon échine me faisait soupirer après l’indispensable vinaigre Et je courais et je courais à la recherche de la pierre folle que garde une jambe céleste Un jour pourtant plein d’une brumeuse passion je longeais un arbre abattu par le parfum d’une femme rousse Mes yeux me précédaient dans cet océan tordu comme le fer par la flamme et écartaient les sabres emmêlés J’aurais pu forcer la porte enroulée autour d’un nuage voluptueux mais lassé des Parques et autres Pénélopes je courbai mon front couvert de mousses sanglantes et cachai mes mains sous le silence d’une allée Alors vint une femme charmante habillée de noir et de gris qui me dit Pour l’amour des meurtres tais-toi Et emporté par le courant j’ai traversé des contrées sans lumière et sans voix où je tombais sans le secours de la pesanteur où la vie était l’illusion de la croissance jusqu’au jour éclairé par un soleil de nacre où je m’assis sur un banc de sel attendant le coup de poignard définitif La crue du fleuve prédispose ses rives obscures aux plus obscurs désirs La faim avec ses lèvres de volcan viendra ensuite dans un rayon de soleil arc-en-ciel de l’espoir et de l’erreur demander des comptes au plus humble citoyen du pays Que lui répondra-t-il si ce n’est que la matière est plastique comme un calorifère que la vie est le miel des animaux malfaisants que les massacres continueront tant que durera la vie tant que les enfants morts-nés se trouveront sur le passage d’Apollon LE SANG RÉPANDU La cendre qui est la maladie du cigare imite les concierges descendant l’escalier alors que leur balai tombé du quatrième étage a tué l’employé du gaz cet employé semblable à un insecte sur une salade L’oiseau guette l’insecte et le balai t’a tué employé Ta femme aura des cheveux blancs comme le sucre et ses oreilles seront des traites impayées impayées parce que tu es mort Mais cet employé que n’avait-il les pieds en forme de 3 que n’avait-il le regard lucide d’un magasin de gants que n’avait-il pendant sur l’abdomen le sein desséché de sa mère que n’avait-il des mouches dans les poches de son veston Il eût passé humide et froid comme une potiche brisée et ses mains eussent caressé les verrous de sa prison Mais le soleil de sa poche avait mis sa casquette QU’IMPORTE Que l’eau s’écoule comme un lampion et je la rattraperai une nuit devant la mairie à l’instant où une étoile filante la seule de cette nuit-là m’apprendra qu’une catastrophe a eu lieu au kilomètre 1 000 Dans le train il y aura un sauvage un vrai avec des moustaches de fumée emportée par le vent Il y aura aussi une amazone et tous deux se retrouveront côte à côte sur le ballast Ils se féliciteront l’un et l’autre d’être sains et saufs et se regarderont comme on regarde une forteresse en ruines s’écrouler du haut d’une colline dans la vallée en renversant un grand nombre de voitures chargées d’oranges L’année prochaine la fleur d’oranger sera pour rien et il y aura aussi beaucoup de malades Jusqu’aux arbres qui seront épileptiques et secoueront leur écorce sur les fiancés Un petit bateau passe au fil de l’eau mais ce n’est pas une étoile filante il est traîné par un noyé dont les longues dents effraient les poissons qui jaillissent comme des baïonnettes se jettent dans des poitrines transparentes et repartent vers d’autres poitrines Mais le noyé sort de l’eau et flotte comme un drapeau rouge Il claque des mains et des dents son testament est dans une bouteille qui sort de sa bouche comme un oiseau de son œuf En souvenir de leur rencontre le sauvage et l’amazone se marieront dans la mairie d’un petit village inondé et ce sera la barque traînée par le noyé qui les conduira au maire lequel leur fera le speech d’usage en mangeant du cirage LE GENOU FENDU L’épaule indifférente et la bouche malade sont tombées sur les épines comme les roses Un œil les regarde et s’envolera bientôt à moins qu’une lumière ne sorte de l’eau avec une carpe pour que tous les poils s’envolent vers le pôle LE PIRATE ME DÉVORE Maintenant que le bouchon s’est envolé vers d’autres cieux il faut se couper les pieds et les offrir en hommage à la première tomate mûre À vrai dire c’est un hommage ou une injure L’avenir décidera Aujourd’hui je suis assis sur un arbre millénaire qui me donne d’excellents conseils parce qu’il est millénaire Une vieille femme me demande l’aumône et je lui donne une cervelle de chevreuil en lui disant Dieu vous rendra un sabot Je ne suis pas jeune non plus mais je ne suis pas millénaire c’est là mon tort si j’étais millénaire j’entendrais les soupirs des écorces mûres des savates de plomb et des derniers coups de fusil qui tueront les derniers esclaves des derniers animaux insensibles SANS PRÉCÉDENT Longues moustaches et larmes d’hydrogène voilà l’animal féroce qui désole les mécaniques Aujourd’hui il se tord auprès d’une demoiselle et d’un violon Le violon sent la rue et les poissons et s’éloigne de la demoiselle comme la balle du fusil Et l’animal se tord toujours et le violon arrive à Toronto Il défonce un gratte-ciel rempli de colibris qui s’envolent jusqu’à Panama où ils bouchent le canal Et la demoiselle seule et triste coupe des oranges pour une vieille sorcière qui a planté des dés à coudre dans une coupe à champagne les dés ont fleuri Ils abritent une légion de moustiques qui se croient aux ballets russes quoique la saison soit terminée et dansent une danse mystique à l’ombre d’un parapluie Oh mademoiselle vous pleurez des larmes de caoutchouc qui blessent votre concierge Votre concierge s’ennuie dans sa loge de cire Elle attend un pneumatique envoyé par le grand bananier du pape Il fait le tour de l’Afrique pour chasser les canards sauvages Hélas hélas il n’a rencontré qu’un scorpion électrique et sacré qui vivait dans une mandoline Maintenant sur les rives glacées des lacs de serpents il pêche mélancolique et muet un citron qui ne le consolera jamais d’avoir perdu un jour acide plein de jambes de femme et de poils obscènes une ombre sans douleur qui tournait autour d’un arbre sans vertu SOUS UNE PLUIE BATTANTE La grande armée sur un plateau sur un plateau coupait du zinc coupait du zinc Elle en fit un cheval blanc pour Henri IV pour Henri IV mais il mettait la poule au pot sans arracher les poils de son cheval blanc Si son cheval était blanc c’est que le pape l’avait voulu Si le pape l’avait voulu c’est qu’il était nègre Comme un mineur Mais aucun mineur ne donna de cheval blanc à Henri IV parce qu’on était au mois d’août parce qu’il était nègre parce qu’ils n’étaient pas le pape et parce qu’ils n’avaient pas de cheval blanc COU TORDU À Michel Leiris Qu’il s’élance le ruisseau solidifié par les grandes branches du vent qu’il s’élance du haut de la cathédrale de hannetons qu’il s’élance sans crainte car la crainte est attelée au buffet vermoulu des chaleurs moites et son appel ressuscitera la grande muraille des têtes coupées et la poussière la poussière aux ailes tordues par ses courants intérieurs n’hésitera pas à s’envoler pour courir la chance d’un internement dans les racines de l’armée quitte à s’évader à l’instant où les hommes fatigués par leurs méditations sur les spasmes de l’horizon tombent avec le bruit d’un nuage heurtant les poissons de ses rêves et lui offrent l’alcôve de leurs floraisons intenses Qu’il s’étonne donc ce ruisseau aux écailles de cuivre et que son élan le porte à l’orée de cette forêt liquide dont les yeux étincelants me regardent et me répètent sans arrêt
La fumée s’échappe de ton CŒUR et ce n’est pas celle d’une maison blanche dont les volets sont clos à cause de la nuit Découvre le père de la fumée et ton rire secouera les vertigineuses cohortes des rails perdus par les fantômes LA BOTTE AUX LUMIÈRES Elle est pleine d’un coton léger qui s’envole au moindre bruit qui crépite au moindre vent qui s’ennuie à la moindre pluie et qui tue pour le moindre désir
Cela ne peut pas continuer ainsi Il tombe sur les pieds de mon voisin une mousse de nuages qui est verte Ce sont des épinards Il tombe sur la tête de ma voisine des cailloux de fourrure dont elle fait ses délices Ce sont des souris PLEIN LES BOTTES L’oreille des lampes écoute les feuilles tomber dans le sel Le sel aujourd’hui a la forme de son sein et danse danse Il dansera tout le jour et la nuit ne l’arrêtera pas il dansera toute la nuit et le réveil des pierres ne l’arrêtera pas il dansera ainsi jusqu’à ce que les chevaux de frise meurent comme meurent les glaciers et les neiges Pourtant lorsque la nuit me regardera doucement comme un CŒUR les chevaux de frise sentiront leurs os se gonfler les voiles les emporter sur des routes douteuses où se traînent les cerveaux des reptiles sacrés L’un d’eux dont la main s’allonge vers le porte-manteaux du charbon sourira au passage des chevaux de frise Et cependant ils passeront Ils passeront si longtemps que leur souvenir se perdra comme un chien dans la mer comme un doigt dans un gant comme une oreille dans un coquillage etc. et mille fois etc. car etc. c’est la nuit des borgnes qui s’allonge comme un caoutchouc et revient les frapper au visage Il est vrai que leur visage est mort puisqu’ils sont borgnes et que pour eux la nuit est morte puisqu’elle s’allonge Mais le jour aux doigts de tulipe le jour dont les soupirs disparaissent dans les caves de l’araignée le jour enfin dont les regards tombent comme des fruits le jour pour eux n’est plus qu’un petit bateau d’enfant isolé dans une baignoire et ils auront beau faire jamais la baignoire n’aura les oreilles d’un veau jamais la baignoire ne cassera de noix à midi jamais la baignoire ne tuera un chat jamais la baignoire ne fera de veuves car la baignoire est morte la baignoire est morte comme le pain qui n’a jamais vécu le pain qui est condamné à mort avant d’être pain comme l’eau est condamnée à mort avant d’être eau L’ARÊTE DES SONS Rien qu’un cri d’arbre mort suffit pour l’insensible bonheur Rien qu’un soleil de plâtre sur les routes de flamme me donne le vertige et je suis semblable aux insectes sonores qui couvrent les membres des martyrs et leur valent une toison d’or qui n’est désirée que par les athlètes invisibles des mines blanches Si je leur ressemble c’est que la vie est pleine de coquilles de soupapes d’échappement et de virages sur des plaques de verre tournant à l’inverse de la terre La terre à ces moments-là s’allonge dans son ennui et tremble comme une feuille morte La chaleur disparaît dans les manteaux des pèlerins et la pluie s’éloigne à la suite des navigateurs aux oreilles de bronze Une grande roue tourne dans un vide bleu et trois éléphants pêchent des requins Une femme les yeux loin de la terre et de ses falaises nacrées s’élève lentement rose épanouie UNE ILE DANS UNE TASSE Les siècles de charbon les lanternes de colle sèche les pertes de temps les chutes d’eau se succèdent et se perdent dans l’allée grise qui mène aux îles sanglantes Il n’y a pas plus de temps que d’eau pas plus d’eau que d’éponges et les feuilles tombent au fond des têtes obscures Parfois un oiseau passe comme une main gelée et comprime lourdement les gorges haletantes les gorges qui frémissent aussi parce que les méduses hantent les corridors en hurlant si lugubrement que les raz-de-marée ne se retiennent plus de joie et le cri qui s’en échappe alors brûle les opéras et les cimetières déchire le voile des mariées qui n’ont plus aucune gêne à se montrer nues puisqu’elles sont mariées et rend aphones les bêtes multicolores qui vivent et se multiplient dans le vin blanc C’est le signal tant attendu par les frères du corail qui cuvent leur ivresse dans les gares où les chiens enragés concentrent leur colère Lorsqu’ils reconnaîtront les moellons qui les entourent*
les moellons enragés ils se lèveront comme cette feuille de papier qui craint le feu comme son ombre et se jetteront l’un à l’autre les os qui nuisent à leur légèreté puis comme le soupirail sera trop étroit pour leur immense orgueil ils s’enfonceront dans la terre comme des projectiles délirants
N’ATTENDEZ JAMAIS Misère Le cheval sent reverdir le bois de ses veines et son cavalier tache l’horizon comme un drapeau Il est minuit et les chats dévident des pelotes de laine sur un cadavre pendant que les vaches meuglent après le chef de gare Il est minuit et le chef de gare maigrit dans son cachot Il lèche le mur pour s’évader et délivre les graffiti de leur prison C’est un naufrage La jeune fille étreint la queue d’un requin au lieu du cou de son fiancé C’est un tremblement de terre et l’Opéra est projeté dans le marché de la Villette C’est l’exécution de Louis XVI et la tête du supplicié rebondit sur celle de son épouse qui s’évanouit Lèche le mur chef de gare Lèche le mur sans t’évader LA LUMIÈRE DANS LE SOLEIL La petite nudité s’ennuie dans son mil bateau roux Elle s’allonge comme la mer comme ses cheveux Elle demande à la pluie et au beau temps une ramure de scies et une corde d’évangile avec de grandes chandelles de maisons Elle est si jeunesse et si beauté que la suie grande coquine s’approche d’elle avec ses mains de cygne nettoyées par l’alcool et les vents Mais la pluie sourit au beau temps qui caresse les poils des montagnes et tous deux s’entendent pour chasser les vallées qui vivent de feuilles et de poussière de pierres et de bâtons CHIEN ET CHAT Dans le sentier des mains gelées glissent les oriflammes Ils sont gris bleu vert rouge et ont la forme de mon visage car je les ai faits semblables à mon rire qui éclate dans la mousse comme une pierre qui s’envole Et les pierres s’envolent chaque jour comme les ouvriers s’en vont à leur travail car ils s’envolent pour travailler et leurs usines sont dans les nuages et les nuages sont vieux comme les escaliers qui mènent aux oranges de laine et que montent et descendent les albatros de ma tête Albatros c’est grâce à vous que ma tête me coupe les pieds et que mes pieds sont de pâles vierges maigres comme un dieu Albatros Albatros si ma tête n’était pas en vous elle aurait au moins la forme de votre bec et mes ongles seraient dans votre bec car ce sont eux qui ont fait ma tête comme la terre fait l’eau et comme l’eau use les cordes des arcs mal tendus pour la circonstance Et les arcs les arcs mon dieu se noient dans la plaine submergée qu’on appelle As tu vu ces idiots La plaine est tellement submergée qu’elle n’est déjà plus plaine mais main Encore un peu et elle sera ventre puis torse Enfin je reconnaîtrai son visage semblable à une forêt LE QUART D’UNE VIE I À l’intérieur le catalogue vendait des huîtres vivantes qui pleuraient et qui chantaient sur un air américain II Les feuilles qui sont tombées ont emporté les deux taxis Les taxis ont renversé les sémaphores Les sémaphores tombés le lait ne coulera plus car les moustaches tombées ne repousseront plus III Nous sommes plus heureux que la mousse la mousse n’a pas de cheveux et nous portons des chapeaux Pauvres chapeaux aux ailes couvertes de givre la fumée des cigarettes vous excite mais le pétrole le pétrole sournois qui vide les ostensoirs est plus léger à vos reins que les chaînes d’aluminium IV Croupissez regards des sulamites Il pleut Il neige Sous le soleil qui nous déteste les chiens mangent la merde les ceinturons s’enrichissent des sabots des vieux chevaux qui les oreilles percées le ventre lumineux vendent leurs chemises aux portes des églises sans se soucier des cachalots et des zébus Joli mois d’août c’est le mois des zébus Les zébus ont trop bu bu bu bu et boira boira qui voudra mais ce n’est pas moi qui le voudrai C’est trop laid le cervelet qui sans sourire court à la chapelle téléphoner aux parfumeurs V C’est un jour saint un jour sacré un jour sacré à l’hôtel Vivent les atlas sous les bateaux VI Plutôt que périssent les cannibales nous démolirons les pianos nous interdirons les vendanges nous arrêterons les marées VII Couverture des étoiles le vent roule des motocyclettes Il ne croit pas à l’eau salée et symbolise les aspirations des peuples comme la guerre comme les vêtements VIII La cavalerie n’est pas loin et les oscillations non plus IX Vers le ciel de juillet montent les fourrures ovipares Le serrurier militaire invente le contrepoint nécessaire à la nourriture des abeilles X L’éléphant sans moteur naquit sans scandale Absalon-la-main-verte lui sourit et rangea les lis de ses viscères sur un poteau sur une épingle Guetté par le scorbut il sera veuf un jour où la couleur changera comme la chaleur XI Noble CŒUR songe au collodion qui les pieds dans ses cheveux s’ennuie s’ennuie s’ennuie comme un bouquet de lilas dans une valise XII Miroirs des balcons les balcons sur les citernes évitent les avirons invitent les kangourous visitent les ailes des moulins et meurent comme les zouaves sans océan et sans chaussettes Ainsi soit-il XIII Le visage roulé dans la farine le tropique du Capricorne est dans ma main qui tremble qui s’amincit et s’allonge qui roule et s’en va très loin sous un arbre comme un rat malade XIV Vins et cheminée allons nous-en Nos pieds ont leurs épingles et les veaux leur mystère Sans ministre ni harpon allons nous-en XV Il est temps de vous marier si vous craignez la pluie vieux monastère sans ceinture plaques grises coton de malheur XVI Alors de la gouttière un membre mal fermé dont le nom mal brossé dégoulinait sur un poisson s’enflamma sans dégoût Sa destinée fut courte comme une sueur Ma sœur as-tu vu ma pipe Ma pipe est morte et mon grand œil est sans saveur LA PÊCHE EN EAU TROUBLE I Aux gants les mains Aux innocents les gants Aux gants les mains pleines Avec les petites fleurs de manganèse étoilé les arêtes pulmonaires qui voyagent sous l’arc-en-ciel de midi à midi II L’homme pâle comme une cloche célèbre comme une tortue sans effort sans douleur ni lumière alluma son orteil et devint chaste III Oui mais vive le rouge cria la sorcière car il défend Et les jeunes filles enceintes demanderont des rossignols Et les vieillards malades apprendront la physique IV Avec les nerfs des dentelles les Suédois nourrissent les serpents qui font croître leur famille Avec des cadavres de crème Ils s’envolent volent volent volent volent volent V La main du mystère est dans ma poche et le mystère dans un aérostat tourne sur l’étoile de son ventre Ses cheveux sont des cadeaux de mariage Un oignon autour de sa ceinture assure sa virginité Pentagone de l’âme Beurre |
© Mélusine 2011 |
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