Her De VRIES
LuAstuRevue Melusine

  

LES PREMIÈRES ÉDITIONS DE "FATA MORGANA" D’ANDRÉ BRETON
HER DE VRIES

[Her de Vries a publié cet essai aux édifions Brumes blondes du Bureau de recherches surréalistes en 2007. Il a bien voulu nous en confier le texte en vue de cette édition numérique, dont il conserve l’entier copyright.]

© 2007 Her de Vries, Grevelingen 19, NL-1826 AM ALKMAAR, Pays-Bas.
Edition numérique mise en forme par Sophie Béhar, juin 2008
© 2008, Mélusine


REMERCIEMENTS

Pour leur aide précieuse

et les documents qu’ils ont mis à ma disposition

je tiens à remercier vivement

Paul Destribats, Dominique Rabourdin,

Franklin Rosemont, Justus Rosenberg,

Pieter Schermer,

ainsi que les institutions:

la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet à Paris
et la Médiathèque Municipale Valéry Larbaud à Vichy,

qui m’ont fourni des données relatives

aux exemplaires du poème qu’elles conservent.

"Last but certainly not least"

un très grand merci à mon ami Guy Ducornet,

qui a pris la peine de revoir mon texte.

Her de Vries

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Au bord du matin, en plein soleil, comme un fruit, éclate une ville.

Marseille, tout le monde descend.

René Crevel1

Non, mon cher René, pas tout le monde, mais certainement des centaines, des milliers d’hommes et de femmes de toutes nationalités fuyant la zone occupée, cherchant refuge à Marseille, l’antique cité phocéenne, le seul port encore libre après la débâcle de cette "drôle de guerre".

Parmi eux, André Breton, sa femme Jacqueline et leur fille Aube, ainsi qu’un bon nombre de surréalistes dont la "situ­ation devant le régime de Vichy était exceptionnellement critique et n’avait, en tous cas, rien de comparable avec celle d’autres intellectuels."2

Après sa démobilisation comme médecin-chef du Groupe­ment d’écoles de pilotage de Poitiers, le 1 er août 1940, Breton, "dénué alors de tout moyen d’existence"3, trouve refuge chez son ami le docteur Pierre Mabille à Salon-de­Provence.4 Les Deux hommes discutent d’une éventuelle mission au Mexique pour y donner une série de conférences sur l’art français.5 Toutefois, l’exil aux États-Unis est également envisagé par Breton qui, en avril 1939, avait déjà confié à Charles Henri Ford qu’il émigrerait aux USA en cas de guerre6 , désir qu’il réitère le dix août 1940 dans une lettre à Kurt Seligmann, déjà émigré à New York: "Nous sommes arrivés à cette conclusion que notre place serait actuellement où vous êtes vous-même et où les circonstances veulent que règne la plus grande effervescence des idées..." 7

Tandis que Jacqueline et Aube, après avoir été les hôtes de Picasso et Dora Maar à Royan8, réussissent à les rejoindre, Breton, Mabille et leur familles se rendent pour quelques jours à Martigues, petit port de l’étang de Berre. Le 8 septembre 1940, le jour même de leur départ pour Marti­gues, Jacqueline écrit une longue lettre à Dora Maar, révélatrice des activités et de la situation instable du couple. Ils vont peut-être partir pour New York "pour préparer un ouvrage sur l’art. Nous avons reçu un télégramme de Calas à cette intention. Mais... l’ouvrage peut se faire au Mexique où nous irions de préférence... André a commencé un poème magnifique très long, vraiment très très beau." Breton y ajoute quelques lignes: "l’histoire de l’art

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aurait tous les charmes si nous pouvions nous y consacrer. Dites à P. que je suis avec lui et vous dans mon cœur."9

Vivant dans un cabanon, tout près de la mer, Breton achève son poème Pleine Marge, déjà commencé à Salon, qu’il dédie à Mabille et dont il confie la publication à Jean Ballard, l’éditeur des Cahiers du Sud 10, après l’échec d’un projet de publication dans la Nouvelle Revue Française.

A la mi-octobre, les Breton arrivent à Marseillell où ils retrouvent Victor Brauner, Oscar Dominguez, Jacques Hérold et Wifredo Lam. Ils se réunissent quotidiennement dans un petit café, Au Bruleur de Loups, au coin de la rue Bailli-de-Suffren, face au Vieux Port.

"Dès son arrivée, se rappelle Helena Benitez, l’amie de Wifredo Lam, Breton baisait cérémonieusement la main de chaque femme présente à notre table, saluait les hommes et aussitôt, il engageait vivement la conversation." 12

Très tôt, la nouvelle se répand de l’existence d’une organisation de sauvetage, l’American Emergency Rescue Commit-tee, (ou le CAS, Centre Américain de Secours), sous la direction inspirée de Varian Fry13, un jeune quaker américain et ancien étudiant d’Harvard, alors agé de 32 ans, secondé à partir de septembre par le français Daniel Bénédite, sa charmante femme Théo et Mary Jayne Gold, une riche héritière américaine, "young, blond and beautiful" selon Fry.

Arrivé le 14 août 1940 à Marseille où il prend une chambre à l’hôtel Splendide, boulevard d’Athènes, Fry, avec en poche quelques trois mille dollars, une liste de deux cents noms et la bénédiction d’Eleanor Roosevelt, installe très vite ses bureaux dans un étroit appartement au n° 60 de la rue Grignan, avant de déménager au 18 Blvd Garibaldi à partir de janvier 1941.

"Impeccablement vêtu, fleur à la boutonnière et pochette de soie, il ressemblait à un banquier de Wall Street", se souvient Helena Benitez.14

Dans ses mémoires, Daniel Bénédite écrira plus tard que dès le début, Fry "se lança dans la bagarre avec ardeur, courage et persévérance. Au milieu d’un océan de lâchetés, de compromissions, d’abandons, il agit en homme lucide et énergique, s’appuyant tantôt sur ses qualités de cœur, tantôt sur son sens de l’humour. Et il accomplit des merveilles."15

Profitant du désordre général, il parvient à organiser de nombreux passages de la frontière espagnole, mais la situation devient vite plus difficile.16 Dans son roman Transit,

9

Anna Seghers a bien décrit les lenteurs administratives que doivent subir les réfugiés en attente.17

Vers la fin d’octobre, les Breton peuvent s’installer au premier étage de la villa Air-Bel, trouvée par hasard par Théo et Mary Jayne. "Une grande maison vide dans un parc, selon Fry, fermée à double tour comme une forteresse, les murs et les jardins envahis d’herbes folles...Mais d’où la vue sur la vallée et la Méditerranée était un enchantementn 18

Après quelques négociations avec le propriétaire, le docteur Thumin, Bénédite et Fry parviennent à louer la villa pour un prix avantageux. En plus d’André, Jacqueline et leur fillette Aube, il y a Varian Fry et Mary Jayne Gold, les trois Bénédite, Victor Serge, sa compagne Laurette Séjourné et son fils Vlady.

"Dès les tout premiers jours, l’entente fut parfaite et le resta" assurera Bénédite19, mais cette affirmation est quelque peu nuancée par Mary Jayne Gold qui précise que, pour Breton, les essais politiques de Victor Serge étaient écrits dans "un style raisonnable et réaliste, pour lui sans sens". Quant à Victor Serge, il tolérait assez mal ce qu’il appelait "le flirt de Breton avec l’au-delà".20

De son coté, Breton fait tout son possible pour préserver au mieux les valeurs poétiques et spirituelles du surréalisme parmi lesquelles figurent en bonne place les fameux jeux surréalistes, annoncés par l’expression familière: "Alors, on joue?"

Comme le dira par la suite Jean-Louis Bédouin: "La pratique de jeux collectifs se révèle être, en outre, d’un recours efficace contre la tentation du désespoir. Il ne s’agit pas alors de chercher à se dissimuler la gravité de la situation. Il s’agit de garder coûte que coûte suffisamment de liberté d’esprit par rapport à elle."21

Chaque dimanche, tous les surréalistes dispersés dans la région - comme se rappellera Fry: "toute la bande des Deux Magots, toujours aussi folle" - se retrouvent à la villa. Dans ses Entretiens, Breton en parlera: "C’est de cette époque que date, en particulier, l’élaboration à plusieurs d’un jeu de cartes dessiné d’après les symboles nouveaux correspondant à l’amour, au rêve, à la révolution, à la connaissance, et dont je ne parle que parce qu’il a l’intérêt de montrer ce par rapport à quoi, d’un commun accord, nous nous situions à ce moment. " 22

10

Entre-temps, leurs amis qui sont déjà de l’autre coté de l’Atlantique s’efforcent de leur procurer les visas nécessaires: Wolfgang Paalen au Mexique, Yves Tanguy avec

sa femme Kay Sage, ainsi que Kurt Seligmann aux États-Unis.23 En septembre, Breton reçoit une lettre officielle du Secrétariat des Relations extérieures du Mexique qui l’invite à y séjourner un an avec Mabille pour donner des conféren­ces.24 Kay Sage lui propose de financer la traversée tout en faisant son possible pour aider les surréalistes à quitter la France. Elle intervient auprès de Peggy Guggen­heim, alors à Grenoble, pour qu’elle soutienne Breton financièrement.

A New York, Kurt Seligmann s’adresse le 2 octobre 1940 à l’Emergency Rescue Committee: "Veuillez trouver ci-joint trois exemplaires de curricula vitae d’André Breton, Pierre Mabille et André Masson. Ils ne sont pas complets et j’ai hésité à vous les adresser puisque je cherchais d’autres renseignements. J’espère néanmoins qu’ils vous seront utiles. Comme Mme Tanguy vous l’a indiqué elle s’efforce d’obtenir les, frais de voyage et les attestations, et nous vous saurions gré de nous accorder une assistance immédiate. Permettez-moi de vous rappeler que j’ai deux lettres du Musée d’Art moderne adressée à André Breton. Elles devraient lui servir de références et je les tiens à votre disposition si nécessaire." 25

Quelques jours plus tard il écrit à Breton: "Il va de soi que votre présence aux États-Unis est tout à fait désirable. J’ai parlé avec Mr. Barr, directeur du Musée d’Art moderne, qui a exprimé son vif désir de vous voir ici. Il serait ravi d’organiser pour vous une tournée de conférences. Il en est de même pour Pierre Mabille. Je suis sûr que sous peu je pourrai vous donner des nouvelles plus précises. L’arrangement de votre visite aux États-Unis n’a rencontré aucun obstacle... 26

Si Breton écrit le 12 octobre à Picasso: "Nous nous proposons d’aller à New York sans aucune certitude27, il confie le lendemain à Maud Bonneaud: "L’Amérique ne s’impose, du reste, que d’une manière toute négative: je n’aime pas l’exil et je doute des exilés."28

En novembre enfin une lettre de Kay Sage apprend à Breton que Pierre Matisse se porte garant de l’affidavit of support (l’attestation de soutien) et David Hare de l’affidavit of sponsorship (l’attestation de parrainage).29

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Dans l’attente de pouvoir enfin quitter la France -Breton est en possession de deux visas à la fin de décembre, l’un américain, l’autre mexicain,30- il se rétire dans la serre de la villa Air-Bel, plus agréable que la sombre et froide maison en cet hiver particulièrement rude de 19401941: pour la première fois depuis des années, il neige en janvier et la température descend à moins huit degrés.

Il entame alors la rédaction d’un poème d’une exceptionnelle longueur, Fata Morgana, dont Gérard Legrand nous dit qu’il "nous installe dans le mythe dès son premier vers", et où, comme remarque ailleurs Philippe Audoin, "la fusion... entre l’automatisme et l’intelligible atteint une sorte de perfection."31 Pour Breton lui-même "il se développe tout à fait en marge de l’actualité."32

Lors d’une des réunions dominicales, Breton, "reconnaissant d’emblée le monde visionnaire de Wifredo"33, dont il dira plus tard: "Lam, l’étoile de la liane au front, et tout ce qu’il touche brûlant de lucioles",34 lui demande des illustrations.

"Tous les invités applaudirent, raconte sa compagne Helena Benitez dans ses mémoires, Wifredo venait d’être lancé dans le surréalisme. En rentrant chez lui, ce soir-là, il dit avec un petit sourire, ‘Je suppose que je viens d’être baptisé’." 35

Comme sa connaissance du français est alors plutôt rudimentaire, Helena traduit aussitôt le poème en espagnol, tandis que Wifredo commence à dessiner à l’encre de chine sur du papier parcheminé. "Certains présentaient ses formes monolithiques sculpturales," dit-elle, "mais de petites fleurs, des étoiles ou des diamants agrémentaient progressivement les lignes d’une sévère simplicité... Quand j’ai eu fini

ma traduction, Wifredo l’a lue attentivement plusieurs fois, choisissant les passages sur lesquels il souhaitait baser son illustration:

"Comme c’est joli qu’est-ce que ça rappelle?"

"Parce que tu tiens dans mon être la place du diamant serti dans une vitre"

"Le lit fonce sur ses rails de miel bleu

Libérant en transparence les animaux de la sculpture médiévale"

"Dans la suspension du sacre"

"Ouf le basilic est passé tout près sans me voir

qu’il revienne je tiens braqué sur lui le miroir" "Mais l’aigle est partout

sus à lui il y a eu l’avertissement"

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....En adéquation avec le texte d’André, ces dessins sont particulièrement lyriques. Deux d’entre eux montrent le visage tendrement expressif d’une jeune fille aux lèvres douces. Dans le premier, sa longue chevelure flottante est ornée de fleurs; elle est entourée dans le second de créatures magiques. Une sorte de lézard grimpe dans sa chevelure fleurie, d’autres animaux sont visibles derrière sa tête et un petit personnage fantomatique lève les mains devant elle dans un geste protecteur. Une autre tête, bouche bée, semble observer la scène.

Le dessin relatif au basilic est énigmatique. Deux mains tiennent le miroir décoré. Le basilic reviendra-t-il? A-t-il déjà transformé ce personnage en sa propre image? On lit le doute et l’angoisse dans ses yeux: c’est le dessin qui diffère le plus des œuvres précédentes de Wifredo.

Entouré de créatures mythiques, l’aigle prend un fulgurant envol, devenant constellation de symboles répétés par groupes de quatre: étoiles au bout des ailes et boutons de fleurs, Représente-t-il l’unité avec l’oiseau Quetzal (évoqué plus tfot dans le poème) dont il n’existe que quatre spécimens sauvages?36

"Les illustrations de Fata Morgana sont un tournant essentiel de l’évolution de l’artiste, remarque ailleurs Helena Benitez, à partir de ce stade, il s’est trouvé sur la route des rituels magiques et des images primitives si chères à la vision surréaliste des vues de l’inconscient. André

était ravi et les deux hommes sentaient bien qu’ils venaient d’accomplir quelque chose de spécial. La synergie mutuelle des dessins et des poèmes représentait la liberté de l’esprit dans un monde de guerre et destruction."37

Lam fera en tout quarante-cinq dessins et Breton choisira les sept qu’il trouve les plus lyriques.

En décembre un journaliste du Figaro vient interviewer BreLon qui déclare: "Je travaille actuellement à un long poème qui s’appellera "Fata Morgana" dont, pour témoigner de la sympathie que je porte aux conceptions racistes du Maréchal, je confierai l’illustration à un peintre de grand talent, Wifredo Lam, né d’un père chinois et d’une mère cubaine."38

Le poème achevé - il est daté "Marseille, décembre 1940" et dédié à Jacqueline - Breton espère pouvoir le publier au plus vite. Le 4 février, il écrit à Léon Pierre-Quint (des Éditions du Sagittaire) replié à Marseille:

13

"je me propose de publier ici un long poème: "Fata Morgana" ...Je vais me mettre cette semaine à la recherche d’un imprimeur quelque peu qualifié, qui ne peut, paraît-il, être trouvé plus près qu’Avignon." 39

Le tirage ne dépassera pas les deux ou trois cents exemplaires et Breton est prêt à en assurer les frais.

Léon Pierre-Quint répond favorablement en se déclarant "enchanté" et le texte est alors soumis au Bureau de Contrôle de presse de Clermont-Ferrand qui décide pourtant le 6 mars d’en différer la publication "jusqu’à la conclusion définitive de la paix."

Les démarches de Breton, le 4 mars, auprès de l’écrivain Roger Lannes - qui travaille à la Censure - pour solliciter une intervention en sa faveur sont donc restées sans effet et il est possible que le rapport du préfet des Bouches-du-Rhône au Ministre de l’Intérieur du 30 décembre 1940, qui dénonce Breton comme "auteur de plusieurs ouvrages à tendance anarchiste"40, y ait été pour quelque chose.

Breton en parlera quelques mois plus tard à Eugenio Granell lors de leur rencontre à Saint-Domingue:

...deux nouveaux ouvrages de moi ont été récemment soumis à la censure: le premier, une Anthologie de l’humour noir... a été interdit; le second, un poème intitulé Fata Morgana, qui se développe tout à fait en marge de l’actualité, est revenu avec la mention: "Différé jusqu’à la conclusion définitive de la paix". A l’éditeur qui s’enquérait des causes de cette rigueur auprès du chef de la censure, fut répondu en propres termes: "Ne nous proposez pas d’ouvrages d’auteurs qui sont la négation même de l’esprit de redressement national." 41

Dans ses Entretiens, Breton en donne une version un peu différante mais qui en garde l’esprit: "on conseilla de ne pas attirer à nouveau l’attention sur un auteur qui - je cite textuellement - était ‘la négation de l’esprit de révolution nationale’." 42

* * *

Le 25 mars 1941, un petit vapeur de la Société Générale des Transports Maritimes, le Capitaine-Paul-Lemerle, quitte le Quai de la Joliette à destination de Fort-de-France, à la Martinique.

"La Martinique, m’avait dit sans vouloir rien ajouter le commandant du Paul Lemerle qui en était à son vingtième

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voyage sur cette ligne, la Martinique: la honte de la France: "Je n’avais que très imparfaitement compris", note alors Breton.43

Sur le navire, plus de trois cents personnes, dont un grand nombre de républicains espagnols, sont entassées dans les cales. S’y retrouvent avec Breton et sa famille, Victor Serge et la sienne, Wifredo Lam et Helena, Anna Seghers et Claude Lévi-Strauss qui a eu la chance de trouver place dans l’une des deux cabines du bord. Dans Tristes Tropiques il livre son témoignage: "André Breton fort mal à l’aise sur cette galère, déambulait de long en large sur les rares espaces vides du pont; vêtu de peluche, il ressemblait à un ours bleu. Entre nous une durable amitié allait commencer par un échange de lettres, qui se prolongea assez longtemps au cours de cet interminable voyage, et où nous discutions des rapports entre beauté esthétique et originalité absolue.’’ 44

Après une traversée longue et mouvementée, le Paul Lemerle arrive à Fort-de-France fin avril et Breton peut pousser un soupir de soulagement: "Dans ce long sillage d’un mois depuis le départ de Marseille se dissipe enfin tout ce que la vie à bord du Capitaine-Paul-Lemerle a pu offrir de malaisé, de précaire, quand ce n’est pas d’inutilement odieux. La maigre paillasse des dortoirs est définitivement pliée, la cuisine "roulante" près de laquelle il a fallu s’aligner deux fois par jour en quête d’une pitance des moins engageantes, dans un angle prend un air anachronique, presque amusant."45

Mais les passagers ne sont pas au bout de leur peines: au débarquement les attend un assez mauvais accueil. Signalé comme "un agitateur dangereux recherché depuis longtemps par la police française", Breton, Jacqueline et Aube sont dirigés sur la Pointe-Rouge où se trouve l’ancienne léproserie du Lazaret, transformée en camp d’internement. Les installations qu’ils y trouvent pour dormir leur font regretter celles du bateau. Dans Martinique charmeuse de serpents, Breton donnera une description détaillée de leurs tribulations sur l’île. 46

Avec André Masson, arrivé quelques jours plus tard aux Antilles, Breton et Wifredo Lam embarquent le 16 mai sur le Presidente Rafael Trujillo à destination de New York. Après avoir pu rencontrer Pierre Mabille lors de l’escale de Pointe-à-Pitre, à la Guadeloupe, ils arrivent à Ciudad Trujillo, en République Dominicaine, où ils séjournent quelques jours.

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Breton trouve le moyen de s’y entretenir avec le peintre Eugenio F. Granell.

Vers la fin du mois Breton et les siens embarquent à nouveau pour entrer enfin, début juin, dans le port de New York.47 Après avoir répondu pendant deux heures aux questions des immigration officers, ils sont accueillis par Yves Tanguy, Kay Sage et Stanley William Hayter. Kay - "la princesse, la pire emmerdeuse qui soit", selon Jacqueline -leur a loué temporairement un studio au 60 West Ninth Street, tandis que Hayter les emmène prendre un pastis à l’Hotel Brevoort, sur la Cinquième Avenue - le seul café new yorkais doté d’une terrasse à la française.

Ce n’est qu’après quelques mois que les Breton emménagent dans un walk up - un petit appartement situé au 265 de la West llth Street à Greenwich Village.

Comme l’écrit Jacqueline dans une lettre en date du 18 septembre 1941 à Dora Maar, ils vont désormais habiter un appartement dans le quartier des artistes avec "un atelier très joli (sky light!), une chambre pour moi et une autre minuscule pour André... Il y a plus d’anticaires (sic) dans une rue ici que dans tout un quartier de Paris... Mme Gugg nous aide à vivre... André s’ennuie mortellement." 48

Afin qu’il se retrouve quelque peu dans son atelier parisien du 42 rue Fontaine, Gordon Onslow Ford, aidé par des amis déjà installés à New York, y a accroché des tableaux de surréalistes en exil. Plus tard, un visiteur remarque: "Pendant que vous faisiez les cents pas en conversant avec Breton, ces tableaux vous regardaient des deux cotés de la pièce. " 49

La situation matérielle de Breton est pour le moins précaire. Fort heureusement le 14 juillet Peggy Guggenheim, qui avait déjà assuré le voyage depuis Marseille, arrive de Lisbonne par l’hydravion de la PanAm en compagnie de Max Ernst. Elle garantit à Breton une pension mensuelle de deux cents dollars s’il accepte de devenir son conseiller artistique et le rédacteur du catalogue de sa collection de tableaux, à paraître sous le titre d’ Art of this Century.50 Le préface de Breton: « Genèse et perspectives artistiques du surréalisme », y relate l’histoire du mouvement.51

* * *

1 6

Par son refus de parler un seul mot d’américain, Breton se condamne à l’isolement. Kurt Seligmann écrit: "Je vois à quel point André est handicapé par la question langue; et son idée de ne pas l’apprendre du tout est erronée..." 52 - ce que confirme Jacqueline qui maîtrise bien l’anglais et lui sert souvent d’interprète: "...parce qu’il ne voulait pas articuler de mauvaises phrases, des pensées approximatives; il voulait garder à sa parole la dignité. Quand il s’est vu traduit, il a senti que ça ne marchait pas et cela le faisait beaucoup souffrir."53

Dans une lettre à Roger Caillois, Breton mentionne lui-même le sentiment d’infériorité où le confine son ignorance de la langue.

Beaucoup plus tard Dorothea Tanning déclarera encore à ce sujet: "C’était un homme si fier - si "royal" en un sens -qu’il n’aurait pas supporté d’être ridicule un seul instant en disant quelque chose de mal prononcé qui aurait prêté à rire. Il préférait ne rien dire du tout."54

Anna Balakian résume ainsi la situation: "Sous la verrière d’un atelier d’artiste, un homme puissant, prisonnier de sa cage, tournait en rond, rendu muet par une langue qu’il ne parlait pas, circonvenu par une société incompréhensible, empêtré par ses obligations économiques envers une femme et un enfant qu’il avait peine à entretenir, réduit à une inquiétante réalité ami semblait oblitérer à jamais la possibilité du rêve."55

Entre temps la situation en France s’est aggravée et Varian Fry, qui a réussi à sauver plus de deux mille personnes - ses instructions étaient d’en ramener deux cent, pas une de plus ! - est arrêté fin août "en tant qu’étranger indésirable" et conduit par deux inspecteurs de police à la frontière espagnole.56 "Pour avoir été pro-juif et antinazi et pour avoir aidé un communiste notoire dans un camp au Maroc", ainsi que le précise Fry lui-même.57

Jacqueline lui a encore écrit pour le remercier et lui dire que "l’Amérique est vraiment l’arbre de Noël du monde."58

Ce même mois d’août, Breton accorde une entrevue à Nicolas Calas qui sera publiée peu après à la une de View, la revue de Charles Henri Ford, dont Calas est le guest editor.59 Certains passages seront omis dans la version française qui paraîtra après la guerre dans les Entretiens, mais Breton à l’occasion d’y reparler de Fata Morgana: "Ce poème fixe ma position de résistance plus intransigeante que jamais aux entreprises masochistes qui tendent, en

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France, à restreindre la liberté poétique ou à l’immoler sur le même autel que les autres."60

A peine âgé de vingt ans, Charles Henri Ford débute en 1929 â Columbus, au Mississippi, avec sa revue de poésie Blues, qui n’a guère de succès, malgré la collaboration de William Carlos Williams, de James T. Farrell ou de Gertrude Stein. Elle expire l’année suivante après neuf numéros. En bon Américain, Ford ne se laisse pas démonter pour si peu et part au début des années trente pour Paris, où il finit par rencontrer Breton et les surréalistes.

Rentré aux États-Unis dès le début des hostilités, il imagine aussitôt une nouvelle revue dont le premier numéro paraît en septembre 1940: il s’agit de View, Through the Eyes of Poets. 61 Nicolas Calas y écrit un article intitulé: " Mexico Brings Us Art"; et on le retrouve dans le numéro six avec "Anti-Surrealist Dali ! Say His Files Are Ersatz."

Il sera ensuite le guest editor du numéro double 7/8 de novembre 1941 avec son interview d’André Breton.

Poète d’origine grecque, Nicolas Calas - né Nikos Kalamares en 1907 à Lausanne - est venu à Paris en 1934 où il a rejoint le mouvement surréaliste vers 1937. Son livre Foyers d’Incendie y est salué comme un évènement.62 Il arrive aux États-Unis en 1939, où James Laughlin, qui publie et édite New Directions in prose and poetry, le charge d’une anthologie surréaliste pour le numéro de 1940. Il l’invite chez lui à Norfolk (Connecticut) pendant l’été pour y travailler, ce qui offre à Calas la possibilité de présenter au public américain les valeurs du surréalisme. Son choix va de Rimbaud et Apollinaire aux poètes surréalistes contemporains. Malheureusement il y publie   également un texte de son cru: Towards a Third Surrealist Manifesto, qui sera gravement critiqué plus tard par Breton.63

Il semble pourtant que Laughlin n’ait invité Calas que pour des raisons purement commerciales et il décide d’ailleurs d’y inclure - probablement à l’insu de ce dernier - deux essais dont les auteurs sont des adversaires déclarés du surréalisme: Herbert Muller64 et Kenneth Burke.

Plus tard Laughlin racontera à Calas que l’affaire avait été "le plus cuisant désastre de sa carrière d’éditeur."65 On peut certes reprocher à Laughlin une certaine ambiguïté à l’égard du surréalisme, comme en témoigne sa lettre à

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Charles Henri Ford: "Je ne voulais pas de ces couvertures surréalistes farfelues pour New Directions. pourquoi effrayer les lecteurs du cru?" 66

Quoi qu’il en soit, Laughlin ouvre encore une fois l’année suivante les pages de New Directions à un surréaliste: c’est Breton lui-même qui v voit paraître - en traduction -son poème Fata Morgana.67 Cette proposition n’est sans doute pas pour déplaire au poète qui se sent encore étranger en Amérique.

Bien que ce volume de New Directions ne mentionne pas la date de parution (le volume paraîtra en novembre 1941), il est évident que les négociations avec Laughlin ont dû avoir lieu dès le débarquement de Breton à Manhattan en juin, ainsi que le confirme Peggy Guggenheim, arrivée à la mi-juillet: "Pendant que Max était encore retenu à Ellis Island, je suis allée voir Breton...C’était la première fois que j’avais l’occasion de le remercier de son poème Fata Morgana68, qu’il m’avait envoyé avant de quitter la France69." Le gouvernement de Vichy en avait interdit la publication mais il avait trouvé un éditeur en Amérique pour sa traduction.""

La traduction de ce long poème prend un certain temps; le 12 octobre Breton écrit à Roger Caillois, qui publie à Buenos Aires Lettres Françaises depuis juillet de cette année: "Je vais vous adresser "Fata Morgana" dès que New Directions m’en aura rendu la copie (il n’est question de le publier ici qu’en traduction)."70

Dans une lettre du 19 octobre à sa mère Gertrude Cato, Charles Henri Ford lui dit avoir vu Breton et "apporté (son) aide à la traduction d’un long poème de 500 vers pour le numéro de New Directions à paraître en novembre."71 C’est pourtant Clark Mills qui est crédité pour la traduction.

Né en 1913, Mills s’est définitivement impliqué dans la poetry scene d’Amérique du Nord durant les années trente et quarante, alors qu’il enseignait le français à Cornell University. Avec Robert Friend, Elgar Houston, George O’Donnell et Edward James il appartient au Vou Club. 72

New Directions le présente ainsi: "Clark Mills, qui a traduit Fata Morgana, enseigne le français à Cornell. Il est l’un des poètes de nos Five Young American Poets of 1941 et l’auteur de plusieurs recueils publiés par James A. Decker à Prairie City (Illinois), parmi lesquels une traduction de Herodias

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par Mallarmé. Il a également publié des traductions d’Ivan Goll."73

Malheureusement, l’université, consultée à son sujet, n’a "aucune information concernant Mills" et "il ne reste plus personne au département de Français qui puisse avoir connu Mills dans les années quarante."74

On remarquera que la première série de View, dans son format de journal, a été imprimée par le même James A. Decker de Prairie City qui avait publié des œuvres de Clark Mills.75

Ceci n’est peut-être pas une simple coïncidence: les deux hommes ont dû se connaître car nous retrouvons le nom de Clark Mills dans les pages de View avec "A Few Words of Advice to Beggars",76 son unique contribution à la revue qui ne mentionne pas sa traduction de Fata Morgana.

Kurt Seligmann, qui connaît bien Clark Mills et qui de toute probabilité a joué un rôle d’intermédiaire pour la traduction, a illustré quelques-uns de ses livres comme sa traduction de Herodias,77 une eau-forte pour le poème The Beggurs/Place Rostund, qui représente une scène parisienne dans laquelle des clochards sont comparés aux oiseaux annonçant la fin de l’hiver.78 La même année Mills fait paraître The Migrants, avec une introduction de Jules Romains.79 En plus de Mallarmé et Goll, il traduit Le Bateau Ivre (A Drunken Boat) de Rimbaud et nous rencontrons son nom encore dans les pages de la revue new yorkaise The Chimera en 1942.80

Il va sans dire que Mills a très scrupuleusement traduit un poème d’une difficulté certaine. On y trouve de belles trouvailles, bien qu’il se soit autorisé quelques "licences poétiques" comme dans les vers 188 et 189:

il y a place pour mille et une cloches de verre
sous lesquelles revivent sans fin les têtes qui m’enchantent

qu’il traduit ainsi:

there is room for a thousand and one cristal mirrors

beneath which live again endlessly the heads that enchant me

Il est peu probable que des têtes puissent revivre sous un miroir comme sous une cloche,   a bell)

Mais au vers 181, la version qu’il donne de la question posée en rêve par Aube à son père est fort jolie:

20

André tu ne sois pas pourquoi je résédise

André you do not know why I mignonette

En français comme en anglais la mignon(n)ette est une plante, le Reseda odorata, ainsi que le diminutif de mignon.

Dans quelle mesure Ford a-t-il "contribué à la traduction"? D’après la lettre à sa mère citée plus haut, cela semble avéré, mais le doute demeure.

Quant à l’opinion de Breton sur la traduction de son poème, Jacqueline y pensait peut-être des années plus tard en faisant remarquer à Bernard Noël, au téléphone, que son mari avait "senti que ça ne marchait pas et cela le faisait beaucoup souffrir". 81

* * *

Une question demeure: quelle épreuve de son poème Breton a-t-il mise à la disposition de New Directions pour la faire traduire?

Retournons à Marseille où, le 6 mars, le texte est refusé par la censure de Vichy. Quatre jours après, cinq exemplaires sont imprimés par l’ Imprimerie du Sémaphore à Marseille et facturés à Breton.

Catherine David, de la Galerie Nationale du Jeu de Paume à Paris, en donne une version plus dramatique en prétendant que le gouvernement de Vichy aurait saisi et détruit le tirage tout entier et que seuls cinq exemplaires auraient survécu.82

Les lignes de la justification du tirage, figurant au verso de la page de faux-titre, soit 215 exemplaires dont quinze coloriés à la main, sont biffées et Breton a ajouté à l’encre bleu turquoise:

De "FA TA MORGANA, différé jusqu’à la conclusion définitive de la paix par décision du Contrôle de presse de Clermont-Ferrand (6 mars 1941), il n’a pu être tiré que cinq épreuves recto-verso (A,B,C,D,E) coloriées ù la main par l’artiste et signées.

Selon toute probabilité, la répartition de ces cinq exemplaires s’est faite comme suit:

1 - l’exemplaire personnel de Breton,

2 - celui de Jacqueline, à qui le poème est dédié,

3 - celui de Wifredo Lam, en tant qu’illustrateur,83

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4 - celui de Peggy Guggenheim, qui a aidé le poète matériellement,

5 - la dernière épreuve, marquée "E", dédicacée par Breton à Gilbert Lély pour le remercier d’avoir cherché (et payé 7) l’imprimeur à Marseille.

L’un de ces exemplaires se trouve à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet à Paris: c’est celui d’André Breton, donné à la Bibliothèque par sa fille Aube Breton-Elléouët en 2001.

Cet exemplaire, en feuilles, non coupé, sans couverture (il était inséré dans une enveloppe), ne porte pas de lettre, mais il est bien signé par Breton et Lam. Lors de la grande exposition de 1991 au Centre Georges Pompidou: "André Breton, la beauté convulsive", le catalogue énumère parmi les "principaux documents exposées":

Fata Morgana, illustré par Wifredo Lam, Marseille, Sagittaire, 1940. Ex. 1 des 5 jeux d’épreuves, colorié à la main par Lam, signé par l’auteur et l’artiste. Coll. part.

Il s’agit certainement du même exemplaire.

L’exemplaire que Breton a dédicacé à Gilbert Lély (et marqué "E"), a été mis en vente publique le 16 juin 1969, à Berne, chez Kornfeld und Klipstein.84

Estimé à quatre mille francs suisses il est adjugé à six mille.

Cette épreuve est également en feuilles, sous couverture, avec la mention de la main de Gilbert Lély: "André Breton - Fata Morgana", dans une chemise cartonnée au format 285x230 mm. Jointe à l’exemplaire, la note de l’Imprimerie du Sémaphore à Marseille, datée du 27. mars 1941 et adressée à Breton. Sur la page de titre figure l’envoi autographe à l’encre verte de Breton:

A Gilbert Lély, l’heure du rêve à Saint-Laurent

du Maroni est venue, qu’il annonçait dans un vers

inoubliable et c’est grâce à lui que ces pages ont vu le demi-jour.

Son ami de tout cœur André Breton.

Il semble que la dédicace n’a été ajoutée qu’après le retour de Breton de New York en 1946; c’est pourquoi il y a différence de couleur d’encre: bleu turquoise et verte.

* * *

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Rappelons que les cinq exemplaires ont été imprimés le 10 mars, ce qui veut dire qu’au moins une épreuve supplémentaire existe et qu’elle a été imprimée avant le six mars afin d’être soumise au contrôle de presse qui y a apposé son cachet:

CONTRÔLE DE PRESSE * RF * DIFFERÉ

avec la note manuscrite:

différé jusqu’à la conclusion définitive de la paix.

C’est cet exemplaire que Breton remet à New Directions, qui reproduit bien, sur la page de titre, le cachet ainsi que la note manuscrite.85

Il va de soi qu’André Breton souhaitait la publication de son poème dans sa langue originale, ainsi qu’en témoigne une lettre à Roger Caillois:86

"Mademoiselle Weil que j’ai rencontré à New York vous a sans doute déjà vu de ma part. Je lui ai dit que je souhaiterais publier en Argentine en traduction l’"Anthologie de l’Humour noir" refusée par la censure française... et un poème écrit l’hiver dernier à Marseille d’environ 400 vers, que cette même censure a "différé jusqu’à la conclusion définitive de la paix." Ce poème, qui comporte six dessins au trait de Wilfredo (sic) Lam, s’appelle "Fata Morgana". Il pourrait faire l’objet d’une plaquette de 32 pages. Je le préfère à ce que j’ai écrit en vers jusqu’ici."87

Le 26 septembre 1941 Caillois lui accuse réception de son texte "sur la forêt martiniquaise. Je le publierai dans le prochain numéro. Au moins que vous ne l’avez publié d’ici-là auy. U.S.A. Je compte sur vous pour m’avertir dans ce cas. J’aime beaucoup la fin de ce dialogue où vous renouvelez avec beaucoup de force et de grandeur l’ambition actuelle du surréalisme. Je ne suis pas d’accord, vous n’en doutez pas, avec la thèse générale du texte."

À la fin de la lettre, Caillois dit enfin avoir vu "dans une annonce de James Laughlin (New Directions) que vous allez publier Fata Morgana aux U.S.A. J’aimerai avoir la date. Je vous ai déjà écrit que je me chargeais de convaincre Sur d’accepter que Lettres Françaises publie ce poème en plaquette. Mais ce n’est pas possible si vous le publiez auparavant là-bas, fut-ce en regard d’une traduction anglaise. Naturellement, s’il ne s’agit que de l’édition de la traduction anglaise, il n’y a, j’en suis sûr, aucun inconvénient. Voulez-vous me renseigner le plus vite possible sur ce point? Et m’envoyer sans tarder le manuscrit..."88

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Breton répond le mois suivant qu’il va lui "adresser "Fata Morgana" dès que New Directions m’en aura rendu la copie (il n’est question de le publier ici qu’en traduction). Vous y retrouverez, je crois, le prosaïsme de "Pleine Marge". Je m’en voudrais de l’aggraver encore d’une préface, persistant du reste en poésie à croire que "s’expliquer, c’est s’abaisser". Que voulez-vous: je reste fidèle à une tradition, moi aussi, qui est celle de la poésie indépendante de ces 80 dernières années. Je me résigne à en partager les antipathies et les partis pris de toutes sortes... Si "Fata Morgana" trouve grâce devant vous à quelque titre, ne peut-on le faire suivre ou précéder de sa traduction en espagnol (puisque vous paraissez redouter la minceur de la plaquette). Dès que vous m’aurez répondu sur le texte, je vous adresserai les dessins qui, à mes yeux, font corps avec lui."89

Le 23 du même mois Caillois écrit qu’il attend "avec impatience Fata Morgana et les dessins. Je ferai l’impossible pour publier le tout immédiatement. Pouvez-vous placer aux U.S.A. quelques exemplaires de luxe? Cela serait précieux afin que l’édition ne soit pas trop onéreuse. Je ne suis par trop partisan d’une traduction espagnole, du moins dans la plaquette. Mais je tâcherai qu’il en paraisse une dans une petite revue de poésie d’avant garde qui sort depuis quelque temps. J’ai un éditeur en vue pour l’Humour Noir. Mais je ne peux rien faire sans le texte."90

Le 17 novembre il rappelle sa demande: "J’ai annoncé Fata Morgana. Mais j’attends toujours le manuscrit ainsi que celui de l’Humoir Noir."91

Ce n’est qu’en janvier de l’année suivante92 que Breton pense être enfin en mesure d’adresser le texte de son poème à Buenos Aires car Benjamin Péret et sa compagne, Remedios Varos, viennent d’arriver à Mexico93 et il a apporté avec

lui les clichés qui devaient servir à l’édition de Marseille. Si Caillois peut garder le format d’origine, les clichés seront réutilisables.

Caillois perd un peu patience et le 16 février il répète qu’il attend le poème. "Je le publierai immédiatement et mettrai fin avec ce poème à ma malheureuse tentative d’éditions. Car ces petits livres ont rencontré l’indifférence la plus désolante; ni on les a achetés, ni on n’en a parlé, et la caisse est vide; il reste à peine pour la revue.94

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Comme il l’avoue lui-même, Breton tarde beaucoup à envoyer le texte 95 et ce ne sont donc pas les épreuves utilisées pour la traduction de Mills dans New Directions, mais celles qu’a apportées Péret, et qui comportent des annotations autographes pour l’imprimeur.96 Ces annotations ne sont pas de la main de Breton. La cachet du Contrôle de presse avec la note manuscrite n’y figurent pas.

"A l’intention de M.M. les censeurs", Breton ajoute la note suivante à sa lettre à Caillois: "Cette enveloppe contient, outre une lettre manuscrite, des imprimés, à savoir: 1° les épreuves d’un poème en français, "Fata Morgana", qui doit faire l’objet d’une édition à Buenos Ayres, 2° trois bulletins de souscription en langue anglaise pour une revue à paraître à New York sous le titre VW."

Par le même courrier il écrit à Péret pour lui demander d’expédier les clichés des dessins de Lam directement à Buenos Aires.

L’envoi prend beaucoup de temps et ce n’est que le 7 mai que Caillois accuse réception du texte: "Je reçois Fata Morgana. Je le donne à l’imprimerie et demande de respecter la pagination. Ainsi, quand je recevrai de Péret les clichés, il sera facile de sortir l’ouvrage rapidement."97

N’ayant pas de nouvelles de Breton, Caillois lui écrit le 10 novembre: "Avez-vous reçu Fata Morgana? Vous ne m’en dites rien, aussi je vous fait un nouvel envoi. Hélas, la vente est nulle, mais non l’intérêt, du moins par le Chili (Gomez Correa, Huidobro, Jorge Caceres; êtes-vous en rapport avec eux?) J’ai envie de vous faire un envoi massif, y compris les exemplaires de luxe. Le climat est peut-être, il me le paraît, du moins, meilleur à New York. Qu’en pensez-vous? En tous cas, je vous fais faire un premier envoi à (mot illisible) de quelque librairie que vous choisirez."98

Quoiqu’il en soit, les plaquettes ne parviennent pas à l’auteur car celui-ci se plaint auprès de Caillois, en février 1943, de n’avoir toujours pas reçu d’exemplaire du poème: "J’espérais pouvoir vous accuser réception de "Fata Morgana" mais, une fois de plus, le numéro des "Lettres Françaises" me parvient seul. Je suppose que votre premier envoi vous a été retourné, dans la confusion postale qu’a entrainée mon changement de domicile."99

Achevé d’imprimer le 10 juillet 1942 sur les presses de l’imprimerie L6pez, Perù 666, Buenos Aires, et tiré à

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520 exemplaires dont vingt sur papier pur fil Liverpool Ledger, numérotés de I à XX, Fata Morgana, édité par les Éditions des Lettres Françaises et SUR dans la Collection des Amis des Lettres Françaises comme n° 3, a donc "beaucoup de mal à arriver jusqu’à New York", comme le remarque justement Dominique Rabourdin dans sa postface à la réédition à l’identique en 2004 de la plaquette publiée à Buenos Aires en 1942.100

En comparant cette dernière avec les publications plus récentes, comme par exemple celle des Poèmes parus chez Gallimard en 1948101, j’y ai trouvé une variante au vers 29:

Si j’étais un instrument de travail, Plût au ciel noir tu serais la canne des verriers

devient plus tard:

Si j’étais un instrument de travail, Plût au ciel noir tu serais la canne des cueilleurs dans les verreries

(c’est moi qui souligne).

La traduction de Mills est conforme au texte de l’édition de Buenos Aires:

If i were an instrument of work Plea se black heaven You’d be the glass-blower’s tube

Puisque Mills a utilisé le même texte original que Caillois, il ne s’agit donc pas d’une coquille et Breton a dû modifier le texte plus tard.

À sa première parution en France, en 1946, dans le numéro spécial L’Évidence Surréaliste de la revue d’Henri Parisot Les Quatre Vents102 on retrouve encore la même variante que dans l’édition de Buenos Aires. Ce n’est donc que dans l’édition Gallimard de 1948 que la modification a eu lieu. Les raisons de cette précision demeurent mystérieuses. À remarquer que la canne des cueilleurs dans les verreries est plus "technique", plus précise, moins ambiguë que la canne des verriers.

* * *

Depuis lors, plusieurs traductions ont été faites, en principe d’après le texte de l’édition Gallimard de 1948. Pour autant que je sache, la traduction espagnole qu’écrivait Helena Benitez à l’intention de Wifredo Lam n’a jamais été publiée.


NOTES

Dans le texte les citations en anglais ont été traduites en français par les bons soins de Guy Ducornet. La citation originale en anglais figure ici dans les notes.

1 - René Crevel, Babylone, Simon Kra, Paris 1927, p. 139.

2 - André Breton, Entretiens, NRF, Paris 1952, p. 195.

3 - André Breton, "Pont Levis", préface au Miroir du Merveilleux de Pierre Mabille, Éditions de Minuit, Paris 1962, p.9.

4 - D’après l’administration pétainiste, il faut au poète un certificat d’hébergement; aussi Breton sera-t-il, officiellement, le "laborantin" du docteur Mabille.

Cf . Remy Laville, Pierre Mabille: un compagnon du surréalisme, Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université de Clermont-Ferrand II, Nlle série, Fasc. 16, 1983, p.37.

5 - Une lettre de Wolfgang Paalen du Mexique, du 17 sept. 1940, confirme que cette éventualité fut envisagée. Cf. Remy Laville, op.cit. p. 38.

6 - Lettre de Charles Henri Ford à son ami Parker Tyler, du 27 avril 1939: "In case of war AB and B Péret want to refugee in Amerikee", Ford Papers, Harry Ransom Humanities Research Center, University of Texas at Austin, citée par Dickran Tashjian, A Boatload of Madman, Thames & Hudson, New York 1995, p. 178 et note 10, p. 368.

7 - Lettre citée par Henri Béhar, André Breton, le Grand Indésirable, Calmann-Lévy, Paris 1990, p. 333.

8 - Si Breton est préoccupé par la situation politique, Jacqueline, de son côté, semble moins lucide. Dans une lettre à Tanguy, déjà aux États-Unis, en date du 22 juillet 1940, lorsqu’elle est avec Dora Maar et Picasso à Royan, elle lui demande s’il pense rentrer en France l’hiver suivant.

Aussi, dans une lettre d’août 1940, Tanguy se plaint-il auprès de Pierre Mabille: " Ou bien tous ces gens ne savent absolument rien de la situation générale ou bien ils ont un optimisme de commande..."
Lettre citée par John Russell, Matisse père et fils, Paris, éditions de la Martinière, 1999, p. 207.

9 - Vente publique, Les Livres de Dora Maar, manuscrits, documents, photographies, Étude Piasa, Paris, le 29 octobre 1998, lot n° 229.

10 - Cahiers du Sud, n° 229 de novembre 1940, pp. 497-501.

Le manuscrit autographe, signé et daté Salon-Martigues, septembre 1940, consiste en un feuillet double in-4°, écrit à l’encre bleue et rouge au recto des deux pages, avec de nombreuses ratures et surcharges. En 1943, le poème est publié à la Galerie Nierendorf à New York avec une eau-forte de Kurt Seligmann. Une grande plaquette et feuilles, sous couverture rouge imprimée, tirée à 50 exemplaires et quelques ex. H.C., signés par André Breton.
En mai 1943, il paraît clandestinement en France comme le n° 5 des Pages Libres de la Main à Plume, en 265 exemplaires. Traduit par Édouard Roditi comme Full Margin,
le poème paraît dans View, Série IV, n° 4, décembre 1944, pp. 132-133.

11 - Pierre Mabille part pour la Martinique le 28 septembre 1940, tandis que les Breton sont encore à Martigues d’où ils envoient des cartes à Dora Maar le 14 octobre, l’informant qu’ils sont en bonne santé.

Cf . catalogue de vente publique Les Livres de Dora Maar, op. cit.

12 - Helena Benitez, Wifredo Lam. Interlude Marseille, Editions Bløndal, Copenhague 1993, p. 11: "At his arrival,Breton would ceremoniously kiss the hand of every woman at our table, then greet the men and engage at once in lively conversation."

13 - Suivant un rapport du Préfet des Bouches-du-Rhône à Monsieur le Ministre, Secrétaire d’État à l’Intérieur, Direction Générale de la Sûreté Nationale, Inspection Générale des Services de Police Administrative, en date du 30 septembre 1940, les activités du Centre Américain de Secours ont été, dès l’origine, consacrés au: "sauvetage des intellectuels de premier plan chassés de leur pays, en favorisant leur libération des camps, leur sortie de France, leur entrée en Amérique, en leur venant en aide pécuniairement."
Mais, continue le préfet:
"En réalité, le Comité a rapidement élargi son action et il n’est pas sûr que celle-ci soit tout à fait désintéressée.
Il est certain, en tous cas, qu’il ne s’est pas toujours tenu aux formalités légales pour atteindre son but. La preuve en est que le Centre Américain de Secours est tenu à l’écart du Comité de Coordination des ouvres s’occupant d’émigration, lequel est présidé par M. Lowrie, Président de la Y.M.C.A. à Marseille.
Le Centre Américain de Secours soutiendrait même des étrangers de nationalités qui ne sont pas intéressés par l’émigration. Il porterait plus particulièrement son attention sur les extrémistes internationaux qui ne sont pas plus intéressants pour les États-Unis, que pour la France ou le Reich."
Cf . en annexe copie de ce document, qui porte encore l’en-tête de la République Française: Liberté - Égalité -Fraternité, au lieu de Travail - Famille - Patrie, celle de "l’État Français".
Document fourni par Justus Rosenberg, qui était présent à la Villa Air-Bel en 1940, avant de rejoindre les maquis de Vercors jusqu’en 1944; professeur de langue et littérature française, allemande et russe à Bard College, New York. Il est aujourd’hui Président de la Varian Fry Foundation.
Dans son Histoire du Surréalisme sous l’occupation, (La Table Ronde, Paris 1982, p. 48), Michel Fauré mentionne en passant Marseille et le Comité de Secours, en mutilant d’ailleurs le prénom de Fry en William. Un peu plus loin il fait embarquer Breton sur le Capitaine-Paul-Lemerle en compagnie de Max Ernst et de Marcel Duchamp.
Les histoires les mieux documentées ne sont pas forcément les plus exactes.

14 - Helena Benitez, Wifredo Lam. Interlude Marseille, op.cit. p. 13: "He was impeccably dressed...His posture was reminiscent of a New England Puritan, his attire - flower in the lapel, silk handkerchief in the breastpocket - of a Wall Street banker."

15- Daniel Bénédite, La Filière marseillaise. Un Chemin vers la Liberté sous l’Occupation, Éditions Clancier-Guénaud, Paris 1984.

16- Cf. Bernard Noël, Marseille-New York, une liaison surréaliste, André Dimanche éditeur, 1985.

- Bernard Noël, lbid, p. 24.

18 - "A big empty house in a parc...closed as tight as a fortress, the walis and garden overrun with weeds... but the view across the valley to the Mediterranean was enchanting", Varian Fry, Surrender on demand, Random House, New York 1945, p. 113.
Le livre a été traduit en français comme La Liste Noire, Plon, Paris 1999.
La Villa Air-Bel, au 67, Avenue Jean-Lombard, dans le quartier de la Pomme, n’existe plus aujourd’hui, elle a été démolie et remplacée par des HLM.

19 - Daniel Bénédite, op.cit.

20 - "A sensitive, realistic style that to André was meaningless, and he was intolerant of what he considered to be André’s flirtation with the Beyond." Mary Jayne Gold, Crossroads Marseilles 1940 , Garden City, Doubleday , New York 1980, p. 254.
Toutefois, c’est bien Victor Serge qui avait recommandé à Bénédite et Fry de joindre Breton à leur ménage en disant, comme Fry le relate: "He has the reputation of being difficult, but I assure you that he is a charming and truly stimulating companion."

("Il a la réputation d’être difficile, mais je vous assure que c’est un compagnon charmant et tout à fait stimulant.")

21 - Jean-Louis Bédouin, Vingt ans de surréalisme, 1939-1950, Éditions Denoël, Paris 1961, p. 27.

22 - André Breton, Entretiens, op.cit. p. 195.

Cf . André Breton, "Le Jeu de Marseille", dans VVV, n° 2-3, New York, mars 1943, pp. 89-90.

Le jeu de cartes, redessiné par Fréderic Delanglade, est exposé au Musée d’Art Moderne de New York en 1941. Il faudra attendre 1983 pour qu’André Dimanche publie le jeu à Marseille. Après la vente Breton de 2005, Aube Breton-Elléouët a fait don des originaux de ces cartes au Musée de Marseille.

23 - Wolfgang Paalen embarque en mai 1939 avec sa première épouse Alice Rahon et Eva Sulzer, son amie pour la vie et photographe émérite, pour l’Amérique. De New York ils visitent la Colombie britannique et après avoir reçu une invitation de Frida Kahlo, ils arrivent en septembre 1939 à Mexico où Paalen organise Exposicion lnternatinal del Surrealismo à la Galeria de Arte Mexicano, avec la collaboration du poète péruvien César Moro et l’aide à distance de Breton (janvier 1940).

Tanguy, réformé à la déclaration de guerre, arrive le ler novembre 1939 à New York où il rejoint Kay Sage. Fille d’un sénateur fortuné, elle a vécu longtemps en Italie avec son mari le prince Rainier di San Faustino; après son divorce, son remariage avec Yves Tanguy a lieu le 17 août 1940.
Dans une lettre à Marcel Jean, Tanguy écrit: "Maintenant nous vivons dans l’anxiété et l’espoir de revoir bientôt André. Tu ne peux t’imaginer le nombre de coups de téléphone et de démarches que cela nécessite depuis un mois et Kay est admirable d’activité." (Lettres de loin à Marcel Jean, Le Dilettante, Paris 1993, p. 23)

Kay passe alors pour une riche américaine, mais sa fortune n’est certes pas ce qu’on lui prête.- (Cf. Gérard Durozoi, "Yves Tanguy, André Breton et le groupe surréaliste", dans Yves Tanguy, l’univers surréaliste, Somogy éditions d’art, Paris 2007, p. 30) Kurt Seligmann de son côté part pour New York en septembre 1939 où il renoue son amitié avec le marchand d’art allemand Karl Nierendorf, qui s’est réfugié à New York en 1936 pour fuir les nazis et dirige la Nierendorf Gallery.

24 - "Chronologie", établie par Agnès de la Beaumelle et Isabelle Monod-Fontaine, in: André Breton, la Beauté Convulsive, Centre Georges Pompidou, Paris 1991, p.347. Cf. aussi note 5 ci-dessus.

25 - Lettre citée dans La Planète affolée, surréalisme, dispersion et influences 1938 - 1947, Musées de Marseille et Flammarion, 1986, p. 56.

26 - Lettre de Kurt Seligmann du 10 octobre 1940, citée in: La Planète affolée, op.cit. pp. 56-57.

27 - Archives Musée Picasso.

28 - Lettre citée dans Henri Béhar, op.cit. p. 335, publiée comme André Breton, Lettre à Maud, 13 octobre 1940, Marseille 1989, pp. 6-7.
Maud Bonneaud est une jeune étudiante de littérature de 19 ans que Breton avait rencontrée dans un hôtel à Poitiers. Cf. ‘Notes sur une rencontre", in: Profil littéraire de la France, 1 ère série, n° 15 (1945) p. 31.

29 - Lettre de Kay Sage du 9 novembre 1940, mentionnée dans André Breton, la Beauté convulsive, op.cit. p. 347.

30 - Visa mexicain très probablement délivré par le Dr. Gilberto Bosques, Consul général du Mexique à Paris, transféré à Marseille avec tout son personnel.

31 - Gérard Legrand, Breton, Pierre Belfond, Paris, 1977, p. 144 et Philippe Audoin, Breton, Gallimard, Paris 1970, p. 209.

32- André Breton, "Entretien avec E.F. Granell", in: La Naciôn, du 28 mai 1941, Ciudad Trujillo. (Paru en traduction espagnole; le texte original français se trouve dans Œuvres complètes, Tome III, pp. 121-125.)

33 - Helena Benitez, op.cit. p. 16: "Quick in recognizing Wifredo’s inner visionary world..."

34- André Breton, manuscrit autographe (1941) reproduit dans le catalogue de vente Calmels Cohen, lot. n° 2238, tome "Manuscrits", vente du 11-12 avril 2003.

Derniers mots de la préface écrite pour le dépliant à trois volets publié par la Galerie Pierre Matisse de New York, le 17 novembre 1942, pour une exposition d’oeuvres de Wifredo Lam: "Lam, the star of liane on his brow, and everything he touches lit by fire flies."

35- "All the guests applauded: Wifredo was suddenly launched into Surrealism. As we went home that night he said with a little smile, ‘I guess I was baptized today’", Helena Benitez, Wifredo and Helena. My lite with Wifredo Lam 1939-1950, Acatos, Lausanne 1999, p. 38.

36 - Helena Benitez, Wifredo Lam. Interlude Marseille, op.cit. pp. 16-19: "Some still exhibited the sculpturelike monolithic forms, but gradually little flowers, stars, and diamonds came to adorn the severe outlines... After I had completed the translation, Wifredo read it several times over with great attention, choosing special sections to base his illustration on. They were:... concurrent with André’s text, these drawings are particularly lyrical.Two of them show the face of a young girl, the expression tender, the lips soft. In the first of these, delicate flowers adorn the long mane of floating hair; in the second, the girl is surrounded by magic creatures. One lizard-like animal climbs her flower-adorned hair, others appear behind her head, and a little ghostlike figure holds its hands up protectively in front of her. A second head at the right seems to observe the goings-on openmouthed.

The drawing relating to the basilisk is enigmatic.
The decorated mirror is held up in two hands. But will the basilisk return? Has it already converted this figure into its own image? The expression of the eyes manifests doubt and anguish. Of the entire suite, this drawing is the most different from Wifredo’s earlier work.
The eagle takes off at high speed. Surrounded by three mythical creatures, he himself is a constellation of symbols - stars ending the wings, flower buds - repeated in groups of four. Is he a unity with the Quetzal bird, mentioned earlier in the poem, of which only four specimens exist in the wild?"

36 - "The illustrations of Fata Morgana indicate a definite turning point in his development. From this midway station on, he was set for the rest of his life on the road to magic rituals and primitive images so dear to the Surrealist vision of the unconscious. André was more then pleased. Both men felt that they had accomplished something special. The poem and drawings onhanced each other synergistically, representing freedom of spirit in a world of war and destruction." Helena Benitez, Wifredo and Helena. My life with Wifredo Lam 1939-1950, op.cit.p. 45.

Georges Sebbag est du même avis: "Le plus surprenant est que Lam se saisit de l’occasion pour dessiner d’une toute nouvelle manière, véritable point de départ de son imaginaire et de son art surréaliste." Georges Sebbag, "Le Souvenir de l’avenir", in: Surrealismo Siglo 2l, édité par Domingo-Luis Hernandez, Gobierno de Canarias, Universidad de la Laguna, septembre 2006, p. 294.

38 - Cité par Daniel Bénédite, op.cit. p. 24. À la grande colère de Breton l’interview fut tronquée.

39 - Bibliothèque Nationale, nouv. acquisitions, fr. 18358, f° 390. Lettre citée dans les Œuvres complètes, Tome II, p. 1786.
Le même 4 février Breton reçoit de New York un télégramme de A. Everett "Chick" Austin Jr., directeur du Wadsworth Atheneum de Hartford, Connecticut, l’invitant à venir aux États-Unis donner des conférences.(C’est lui qui, le premier, avait introduit le surréalisme aux États-Unis en 1931 avec une exposition Newer Super Realism, dont le catalogue citait des extraits de Breton.)
À peine une quinzaine plus tard Alvin S. Johnson lui offre mille dollars pour donner des cours de littérature française moderne à la New School of Social Research. Ce que Breton ignore encore à ce moment, c’est la mort de Léona-Camille-Ghislaine Delcourt, survenue le 15 janvier 1941 dans un hôpital psychiatrique du nord de la France - probablement emportée par un cancer selon Marguerite Bonnet, ou par la fièvre typhoïde, d’après Etienne-Alain Hubert. Léona D.... plus connue sous le nom de Nadja.

40 - Cf. note 13 ci-dessus.

41 - André Breton, "Entretien avec E.F. Granell", op.cit.

42 - André Breton, Entretiens, op.cit. p. 196.

43 - André Breton, "Eaux Troubles", dans: Martinique, charmeuse de serpents, Sagittaire, Paris, 1948, p. 52. D’abord publié dans Pour lu Victoire, hebdomadaire français paraissant à New York, les 7 et 14 février 1942. Ce journal créé par Geneviève Tabouis et Henri de Kérillis était le principal organe pour les Français exilés aux États-Unis. Le tirage s’élevait à environ 20.000 exemplaires.

44 - Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, Pion, Paris 1955, p. 12. (Nouvelle édition revue et corrigée, Plon 1973).

45 - André Breton, "Eaux Troubles", op.cit. pp. 49-50.

46 - André Breton, Ibid. pp. 56 sqq.

47 - La date d’arrivée à New York donnée dans le catalogue André Breton, la Beauté convulsive; op.cit. ainsi que dans la chronologie des O.C. Tome III, est abusive. En effet, les Breton sont arrivés un mois plus tôt à New York, début juin, comme le précise une lettre de Tanguy à Marcel Jean. (Yves Tanguy, Lettres de loin à Marcel Jean, op. cit. p. 24)
Les Masson, eux aussi, arrivent dès le 29 mai 1941 à New York où ils séjournent à l’Hôtel van Rensselaer, 17 East 11 St , avant de s’installer à Washington dans le Connecticut. (Cf. André Masson, Les Années surréalistes, Correspondance 1916-7962, édition établie, présentée et annotée par Françoise Levaillant, La Manufacture, Paris 1990, lettre 270, pp. 457-458).
Dans une lettre de Kurt Seligmann en date du 7 juin 1941 il invite son ami Karl Nierendorf à lui rendre visite dans son atelier, afin de rencontrer quelques amis. Comme le suppose Stephan E. Hauser (Kurt Seligmann 1900-1962, Leben und Werk, Schwabe & Co. AG Verlag, Basel, 1997, p. 215) il est bien probable qu’il ait voulu présenter Breton et Masson. Mais la preuve définitive est sans doute le texte de Breton lui-même "Enquête de P.M." (= Pierre Mabille) bien daté "New York, 16 juin 1941", dans lequel il revient encore à Fata Morgana, qu’il appelle "un long poème d’inspiration strictement inactuelle". Le brouillon de ce texte se trouve dans les archives Breton, daté et signé. (Cf. aussi les O.C. Tome Ill, p 175).
En plus il y a son allocution "Au Lunch du RESCUE COMMITTEE" en date du 25 juin et écrite à New York. (Cf. O.C. Tome III, p. 177).

48 - Lettre de Jacqueline à Dora Maar du 18 septembre 1941. Cf. Les Livres de Dora Maar, op.cit.

49 - "As you walked up and down the living room conversing with Breton, those paintings looked at you from two sides of the room." Lionel Abel, Intellectual Follies, a Memoir of the Literary Venture in New York and Paris, W.W. Norton, New York 1984, p. 94.

50 - Dans une lettre de Peggy Guggenheim à André Breton, datée Santa Fee, le 6 septembre 1941, elle écrit: "J’aurai deux choses à vous demander à faire... de me préparer un catalogue de ma collection. Ceci sera plus difficile car tout le matériel se trouve à New York. Il y a un peu près 110 oeuvres et 52 artistes. Le préface de Arp et (le Votre) serviront enfin, par des photographies de presque tous les œuvres. On verra ce qu’on pourra faire quand je serai de retour. Peut-être vous voudrez préparer votre préface - et les biographies des artistes surréalistes en attendant."

51 - André Breton, "Genesis and Perspective of Surrealism", in: Peggy Guggenheim, éd., Art of this Century, New York 1942. L’inauguration de la galerie de Peggy Guggenheim du même nom, a lieu le 20 octobre 1942 lors d’une soirée au profit de la Croix-Rouge américaine. La galerie se situait au septième et dernier étage du 30 West 57th Street, la rue des galeries à cette époque. Le vernissage est d’un grand succès médiatique. Peu de temps après, Peggy Guggenheim cessa de soutenir Breton financièrement et aussi était-il contraint à travailler pour gagner sa vie comme speaker à la "Voix de l’Amérique" de l’ Office of War Information. "un métier abominable", comme il avoua dans une lettre à Péret.

52 - Lettre de Kurt Seligmann à Pierre Mabille du 27 août 1941, citée par Bernard Noël dans Marseille-New York, op. cit. p. 86.

53 - Cité par Bernard Noël, op.cit. p. 84.

54 - Marc Polizzotti, interview avec Dorothea Tanning, le 15 septembre 1987. Cité dans Marc Polizzotti, Revolution of the Mind. The Life of André Breton, Bloomsbury , London 1995, p. 503.

55 - Anna Balakian, André Breton. Magus of Surrealism, Oxford University Press, New York 1971, p. 173.
"Under the skylight of an artist’s mansard roof paced a powerful man trapped in a cage, muzzled by a language he could not speak, circumvented by a society he could not understand, caught in economic obligations to a wife and small child he did not have the means to support, reduced to a fearful reality that seemed forever to obliterate the possibility of the dream."

56 - Bernard Noël, op.cit. p. 48.

Cf . le document cité dans la note 13 ci-dessus. Le préfet conclut sa lettre:
"Conclusion. En résumé: 1°) M. FRY dirige une oeuvre qui, sous prétexte dimigration (sic) protège des étrangers de moralité douteuse ou de tendance politique défavorable au Gouvernement Français.

2°) Sans que les services de la Police Spéciale, de la Surveillance du Territoire et de la Sûreté se soient concertés, ils ont tous trois été amenés à s’intéresser à M. FRY.

3’ ) Il fréquente et reçoit chez lui des anarchistes.

4°) Non seulement le Gouvernement Américain ne veut pas soutenir son action, mais il serait heureux de la voir cesser. En conséquence, je vous propose l’expulsion de M.FRY."

57 - "Being pro-Jewish and anti-Nazi and for having sent help to a known Communist in a camp in Morocco ", Varian Fry, op. cit. p.224.

Daniel Bénédite a maintenu le CAS jusqu’à sa fermeture définitive par la police le 2 juin 1942.
Après son retour aux États-Unis la seule "récompense" pour Varian Fry est d’être fiché par le F.B.I. avec la mention: "too soon" anti-Nazi!
Ce n’est qu’en avril 1967, peu avant son décès - le 13 septembre 1967 dans sa maison à Easton, dans le Connecticut, où il enseignait la philologie classique - que la France lui décerne la Croix de Chevalier de la Légion d’honneur, que Fry accepte avec émotion.
En mai 1995 la Knesset lui attribue le titre de Juste d’Israël. Depuis 1999, une rue de Berlin, dans le quartier de Potsdamer Platz, porte son nom. Enfin, il existe aujourd’hui à Marseille une Place Varian Fry - juste retour des choses...

58 - Cité e.u. par Henri Béhar, op. cit. p. 344.

59 - À en croire Breton dans ses Entretiens, l’interview a eu lieu avec Charles Henri Ford, mais comme en témoigne Ford lui-même dans son anthologie View, Parade of the Avant-Garde 1940-1947, (Thunder’s Mouth Press, New York 1991, p. 272), il s’agissait bien de Nicolas Calas. Dans une lettre du 16 juillet 1941 à Charles Henri Ford, Seligmann écrit qu’il va voir Calas ce soir-là pour discuter les possibilités de publier un numéro de View, mais que l’interview avec Breton ne sera peut-être plus d’actualité. ("I will see Nico tonight and will then discuss with him the possibility of issuing a number of View although it seems to me that we are rather late in season and Breton’s interview may be perhaps of no more actuality...However, I will let you know our dicision soon. The latter depends partly on Breton’s being ready with his article.") Par lettre du 15 septembre 1941 Ford fait savoir à Seligmann que l’interview de Breton est magnifique. ("Breton’s interview is magnificent. I’ve sent the translation to Nico.") Seligmann y répond le lendemain qu’il a raconté à Breton que Ford était très content. ("I told Breton today how pleased you are with his interview.") Lettres citées dans Stephan E. Hauser, Kurt Seligmann 1900-1962, Leben und Werk, op.cit. p. 208 et notes 696-97.

60 - Cité d’après la traduction française dans les Entretiens, p. 231, du texte anglais de la revue:
"This poem states my resistance, which is more intransigent than ever, to the masochistic enterprises in France that tended to restrict poetic freedom or to immolate it on the same altar as other freedoms." Bien des années plus tard, Calas mentionne en passant le poème dans un article de sa main et se trompe de lieu: "Breton a dit qu’un devoir urgent pour le poète révolutionnaire en temps de guerre était d’écrire des poèmes d’amour. Son FATA MORGANA est un hymne à l’amour, écrit en Amérique pendant la dernière guerre." ("Breton has said that an urgent task of the revolutionary poet in wartime was to write love poems. His FATA MORGANA is a hymn to love written in America during the last war.") Nicolas Calas, "The point of the Mind: André Breton", in: Arts Magazine, décembre 1966-janvier 1967.

61 - Dickran Tashjian, op.cit. pp. 137-175.

62 - "Toutes les questions qui se sont posées à nous depuis vingt ans trouvent dans ce livre leur réponse inspirée, décisive, exaltante. C’est l’œuvre d’un esprit merveilleusement jeune et avide, auquel il n’est pas un des problèmes vitaux de notre temps qui reste étranger." Ainsi André Breton, "Prière d’insérer" pour Foyers d’Incendie de Nicolas Calas. Le fragment cité est publié dans Clé, n° 2 de février 1939, ainsi que dans Ce vice impuni, la lecture, n° III-4, Paris 1939. Foyers d’Incendie paraît aux Éditions Denoël en 1938.

63 - "Values in Surrealism", dans New Directions in prose and poetry, novembre 1940, pp. 383-579.

64 - Herbert J. Muller, professor of English, Perdue University : "Surrealism:a Dissenting Opinion", in: New Directions, 1940, p. 549 sqq.

65 - Cf. Martica Sawin, Surrealism in Exile and the beginning of the New York School , The MIT Press, Cambridge 1995, pp. 151-152.

66 - James Laughlin, lettre à Charles Henri Ford du 4 mai 1939, Ford Papers, Getty Center, citée par Dickran Tashjian, op. cit. p. 373:"...didn’t want anv wacky Surrealist covers on New Directions. Frighten the natives, and to what end."

67 - Fata Morgana dans la traduction de Clark Mills, dans New Directions in prose and poetry, Volume VI (novembre) 1941, pp. 651-675.

68 - Le vendredi Saint Peggy Guggenheim avait déjà écrit à Breton pour le remercier de son exemplaire de Fata Morgana: "Cher Breton, je vous remercie infiniment - je suis très touchée de votre magnifique cadeau et .surtout de votre pensée. Je lis et relis votre poème avec une joie énorme. Il est très très beau." Et elle continue: "J’étais au château dimanche dernier. C’était bien triste sans vous et Jacqueline. L’atmosphère était complètement changée. On ne sait plus quoi faire sans vous."
Elle ajoute encore d’avoir "passage réservé pour le 18 juillet."

69 - Peggy Guggenheim, Out of this Century. Confessions of an Art Addict, New York 1946, p. 249.

70 - André Breton, Lettres à Roger Caillois, Détours, s.l. 2002.

71 - "Ford also mentioned that he had seen Breton and ‘helped on the English translation of a long poem of his (500 lines) for the next New Directions volume (November)", Dickran Tashjian, op. cit. p. 193. et note 57. Lettre de Ford à Gertrude Cato, du 19 octobre 1941. Ford Papers, HRC.

72 - J’emprunte ce détail au livre de Stephan E. Hauser, Kurt Seligmann 1900-1962, Leben und Werk, op.cit. p. 178.
Le VOU Club était principalement composé de Japonais. En effet, après avoir fondé et collaboré à plusieurs revues de poésie successives, d’abord dadaïste puis surréaliste, le poète japonais Kitasono Kat(s)ue s’en éloigne et fonde, en juillet 1935 le VOU Club (apparemment d’après le mot anglais vow) - groupe expérimental de jeunes poètes. Il y introduit ses propres théories poétiques, comme l’idéoplasty. C’est alors qu’Ezra Pound se lie d’amitié avec Kitasono et s’enthousiasme pour VOU, le faisant connaître en Europe et aux États-Unis et en reliant "l’idéoplastie" de Kitasono avec sa propre théorie idéogrammaticale dans Guide to Kulchur.
Les poètes japonais sont ensuite introduits par Pound dans la revue londonienne Townsman de janvier 1938, ainsi que dans New Directions, qui, dans le volume de 1940, incorporait quelques références: des textes de Charles Henri Ford, un essai par John Peale Bishop et plusieurs exemples de chain poems. Cependant, le nom de Clark Mills n’y est pas mentionné.
Comme disait Pound: "...it may be from now on that any man who wants to write English poetry will have to start reading Japanese...Nowhere in Europe is there any such vortex of poetic alertness."
(...il est possible que dorénavant, tout homme désireux d’écrire des poèmes en anglais se devra de lire le japonais...on ne trouve nulle part en Europe un tel tourbillon de vivacité poétique.")
Jusqu’à sa mort en 1978, Kitasono poursuivra la publication de sa revue sans interruption, l’appelant pendant la guerre SHINGIJUTSU (Techniques Nouvelles).

73 - "Clark Mills, who has made the translation of André Breton’s Fata Morgana, teaches French at Cornell. He is one of the pcets in our Five Young American Poets of 1941 and author of several books of verse published by James A. Decker of Prairie City , Illinois , among them a translation of Mallarmé’s kerodias. He has also issued translations of the work of Ivan Goll." "Notes on Contributors", dans New Directions, V1,1941.

74 - Lettre du 26 novembre 2006 de Franklin Rosemont à l’auteur.

75 - Cf. Dickran Tashjian, op.cit. p. 173

76 - View, n° 9-10, décembre 1941-janvier 1942.

77 - Stéphane Mallarmé, Herodias, translated, with an introduction and commentary by Clark Mills, containing a reproduction of an original etching by Kurt Seligmann. The Press of James A. Decker, Prairie City , Illinois 1940.

78 - Clark Mills, The Beggars/Place Edmond Rostand, Nierendorf Gallery , New York , sans date (1941). Plaquette avec une eau-forte originale de Kurt Seligmann. Tirage 10 exemplaires marqués A - J et trente exemplaires numérotés de 1 à 30.

79 - Clark Mills, The Migrants, with an introduction by Jules Romains, The Press of James A. Decker, Prairie City, Illinois 1941. Dans son introduction, Romains qualifie le poème d’unamistique, le reliant ainsi à sa propre théorie de l’ âme unanime. (Cf. Jules Romains, La Vie unanime, Paris 1908.) Le poème fut dédié à Tennessee Williams et commencé dans les années trente à Paris. (Cf. Stephan A. Hauser, Kart Seligmann 1900-1962, Leben und berk, op.cit. p. 356.)

80 - The Chimera, Vol. I, n° 2, New York autumn 1942.

81 - Voir note 53 ci-dessus.

82 - Cf. Vvifredo Lam. Obra sobre paper, Fundacié "la Caixa", Barcelona 1993, p. 63: "Fata Morgana, un extens poema que el govern de Vichy segrestrarà i destruirà - juntament amb l’Anthologie de l’humeur (sic!) noir - i del quai sols s’han conservat cinc exemplars originals."

83 - Bien que Helena Benitez consacre plusieurs pages à l’histoire de l’illustration du poème (et reproduise même les dessins choisis pour l’illustrer), elle n’en parle pas dans ses mémoires. Dans le grand livre de Max-Pol Fouchet sur Wifredo Lam (Wifredo Lam, Ediciones Poligrafa, S.A., Barcelona 1976) il y a à la page 13 la reproduction d’un exemplaire du poème, marqué "B"; s’agirait-il de l’exemplaire ayant appartenu à l’illustrateur lui-même?

84 - Cf. Dokumentations-Bibliothek IV. Illustrierte Bûcher. Kornfeld und Klipstein, Berne, vente publique le 16 juin 1969, lot 112:

"Fata Morgana". Illustré de 7 dessins de Wifredo Lam, coloriés à la main par l’artiste. Marseille, Ed. du Sagittaire, 10 mars 1941. 28,5 : 23 cm . In losen Bogen, in Or.-Umschlag, in Or.-Kassette. Original-Ausgabe. Das letzte von Breton in Europa vor seiner Flucht nach Amerika in nur 5 Exemplaren publizierte Buch! Exemplar E von den insgesamt nur 5 von A-E numerierten Exemplaren, im Druckvermerk vom Dichter und Künstler voll signiert. Der gedruckte Druckvermerk vom Künstler durchstrichen und in grüner Tinte eigenhândig korrigiert(...) Auf dem Vorsatzblatt lângere persbnliche, freundschaftliche Widmung des Dichters in grüner Tinte an den surrealistischen Dichter und Freund Bretons Gilbert Lély(...) Beigelegt: die Original-Druckabrechnung für den Druck der insgesamt 5 Exemplare der "Imprimerie du Sémaphore, Marseille..." an Breton vom 27.3.1941. Breton schrieb die Gedichte auf der Flucht im Dezember 1940 in Marseille. Titel und Name auf dem Original-Umschlag "André Breton - Fata Morgana" von der Band Gilbert Lélys. Von allergrbsster Seltenheit. Rarissimum!"
Lors de cette vente on offre également un exemplaire de l’édition de Buenos Aires avec la dédicace sur toute la page de titre: "A la mémoire d’André Breton" (sic). Pour la modique somme de 600 francs suisses, on pouvait l’acheter, avec un exemplaire d’ Arcanes 17 -- l’un des 300 exemplaires sur Oxbow, signé par Breton - et l’Ode à Charles Fourier, sur vélin. Cela fait venir l’eau à la bouche...mais c’était en 1969!

85 - Dominique Rabourdin avance la même opinion dans une lettre du 27 décembre 2006 à l’auteur. Pour autant qu’il s’en souvienne, il s’agissait d’épreuves "découpées au ciseau", annexées à une lettre d’André Breton à Roger Caillois, sans les illustrations qu’il avait vues chez ce dernier il y a longtemps. Il a "fait relier pour Alena, la veuve de Caillois, ces épreuves avec la lettre la plus significative. Ce livre doit faire partie du fonds Caillois à la Bibliothèque Valery Larbaud à Vichy, à qui Caillois a légué ses archives."
Après vérification l’exemplaire appartenant à la Médiathèque Municipale Valery Larbaud de Vichy ne semble pas être l’épreuve ayant servi à la traduction de Clark Mills.

86 - Roger Caillois, né en 1913, participe brièvement au mouvement surréaliste au début des années trente (comme en témoignent quelques lettres d’André Breton de 1932), avant de fonder en 1937 avec Georges Bataille et Michel Leiris le Collège de Sociologie. Il collabore à la NRF et à de nombreuses autres revues, avant son séjour en Amérique du Sud où il fonde Lettres Françaises, cahiers trimestriels, à Buenos Aires en juillet 1941, avec l’aide de la revue SUR, dirigée par son amie et mécène Mme Victoria Ocampo. D’après Odile Felgine (Europe, novembre/décembre 2001), Caillois "semble avoir longtemps hésité entre être un sociologue rêvant qu’il est poète ou un poète rêvant qu’il est essayiste, avant d’opter pour la poésie." Dans une lettre à Caillois, André Masson lui écrit le 13 juin 1942: "...les "Lettres Françaises", la seule revue à cette heure qui nous rappelle que quelquefois les Français savent penser et écrire."

87 - Lettre du 21 août 1941. André Breton, Lettres à Roger Caillois, op.cit.

88 - Lettre de Roger Caillois à André Breton en date du 26 septembre 1941. Je n’ai pu retrouver la lettre mentionnée par Caillois: "Je vous ai déjà écrit que je me chargeais de convaincre Sur..." Breton ne l’a peut-être jamais reçue. Entre temps Breton reçoit une lettre de Péret, encore à Marseille, en date du 16 septembre: "Il paraît que Picasso est prêt à assurer l’édition de "Fata Morgana". Je lui écris aujourd’hui même à ce propos et s’il est ainsi, je lui enverrai le texte et les clichés." Projet resté sans suite. C’est dire pourtant que Péret dispose d’une épreuve du texte et des clichés des dessins, qu’il apportera ensuite avec lui au Mexique.

90 - Lettre de Roger Caillois à André Breton du 23 octobre 1941 sur papier à lettres de la revue SUR dirigada por Victoria Ocampo.

91 - Lettre du 17 novembre 1941 de Roger Caillois à André Breton.

92 - Lettre du 10 janvier 1942 d’André Breton à Roger Caillois. Cf. Lettres à Roger Caillois, op.cit.
Entre temps Breton a reçu de Benjamin Péret une lettre en date du 28 décembre 1941 de Mexico dans laquelle Péret lui informe que- "j’ai apporté avec moi les clichés de "Fata Morgana". Si tu les veux, je te les enverrai. La librairie Quetzal va faire des éditions en français prochainement et publiera "le Feu Central".
Si tu as quelque chose, dis-le-moi. Je suis sûr que ça marchera!"
Mais Breton, a-t-il déjà en mains une autre lettre de Péret, lui envoyée de Mexico le 2 janvier 1942? Là-dedans Péret, alarmé, lui demande: "Pour Caillois: as tu déjà correspondu avec lui? Quelles sont ses (mot illisible)? Frances assure qu’il menait à Buenos Aires une activité anti-surréaliste endiablée et la même affirmation m’était parvenue à Marseille par Ballard. Il faudrait donc ne pas se lancer avec lui. sans garanties (mais lesquelles?) contre un sabotage éventuel."

Et il continue: "Information intéressante: l’édition est très bon marché ici, si bien que, si nous éditons des livres, il y aurait intérêt à les imprimer ici à condition que les droits de douane aux U.S.A. ne soient pas prohibitifs. Pour 100-pesos soit 20 dollars on peut faire une plaquette. A ce propos, comment paraît "Fata Morgana" en français ou en anglais? Il serait possible d’en faire une édition française puisque j’ai les clichés des dessins de Lam."

D’ailleurs, Péret n’était pas seul à avoir des objections vis-à-vis de Caillois, dont témoigne une lettre en date du 17 mars 1942 de Nicolas Calas à Péret dans laquelle il parle de "réactionnaires à la Caillois" et qualifie Les Lettres Françaises d’’’aussi lamentables que les autres revues plus ronflantes..." (Lettre citée dans Trois Cerises et une Sardine, n° 21, Paris, novembre 2007). Breton pourtant semble se faire moins de scrupules...

93 -. Péret et Remedios restent à Marseille jusqu’en octobre 1941, d’où Péret envoie un radiogramme à Breton qu’ils voudraient "embarquer hateu (bateau?) direct casablanca veracruz partant mois prochain necessaire confirmation guggenheim paiera nos passages urgent fry parti portugal difficultes avec famille benedit(e) amities merci."

En effet, ils rejoignent Casablanca, d’où, un mois plus tard, un paquebot portugais les embarque. C’est l’un des derniers bateaux partant pour le Mexique. Ils s’y installent dans une maison en ruine de la rue Gabino Barreda n° 18, casa 5, qu’ils finiront par partager avec Leonora Carrington et Esteban Francés.

94 - Lettre de Roger Caillois à André Breton, datée Mar del Plata, le 16 février 1942.

95 - Lettre de Breton à Caillois du 23 mars 1942 (Fonds Caillois, Médiathèque Municipale Valéry Larbaud à Vichy), reliée avec les épreuves de Fata Morgana. L’enveloppe adressée à Roger Caillois, aux bons soins de la revue SUR, Viamonte 548, Buenos-Ayres (sic) , Rep. Arg., est envoyée de Flushing, march 25, 1942, et porte les annotations autographes de la main de Breton: "WRITTEN IN FRENCH" et "23.3.1942 NOTE L’INTENTION À (sic) M. le CENSEUR EPREUVE FA TA MORGANA".

96 - Cf. reproduction de la page de titre du poème.

97 - Lettre du 7 mai 1942 de Caillois à Breton.

98 - Lettre sur papier de la revue SUR en date du 10 novembre 1942. Caillois y accuse également la réception de VVV et écrit qu’il en donne un compte-rendu dans le n° 6 des Lettres Françaises. "Dans l’ensemble j’ai trouvé le n° très remarquable, pour ce dont j’ai pu prendre connaissance ne comprenant pas l’anglais. Si je ne craignais que vous le preniez mal, je vous dirais que je trouve votre texte très raisonnable, lisez, si vous voulez, très digne d’approbation."

99 - Lettre du 4 février 1943 d’André Breton à Roger Caillois. Cf. Lettres à Roger Caillois, op.cit.

100 - La Bibliothèque des Introuvables, La Bibliothèque Surréaliste, Collection dirigée par Dominique Rabourdin, Paris, novembre 2004.

101 - André Breton, Poèmes, Éditions Gallimard, Paris 1948, pp. 155-167. L’exemplaire des Poèmes ayant appartenu à Gérard Legrand porte cet envoi autographe signé de Breton: "A Gérard Legrand qui a réveillé pour moi les génies de l’air rêvant autour de Fata Morgana, très amicalement."

102 - Les Quatre Vents, Cahiers de Littérature, numéro IV, sous-titré "L’évidence surréaliste", textes réunis par Henri Parrisot, Paris, le 1 er février 1946, pp. 9-29.

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