TOUTE UNE VIE, 1950 Les sinistres glapissements tricolores crevaient comme des poissons en sueur dans les cimetières qu’un certain Poincaré un sourire de cigare aux lèvres de marécage inaugurait les mains battantes comme des portes au souffle d’érable qui l’animait et déjà la voix d’un cheveu blond emporté par le vent qui s’élève des tikis t’avait fait traverser d’un seul élan les rues en danse de Saint-Guy où Vaché allait disparaître comme une giboulée dans un salon Rien n’était dit des mots qui tuent les bêtes malfaisantes aucun son brisant les verrous n’avait été proféré dans l’air alourdi par la poussière d’épaulette ou gluant des brouillards familiaux empestant l’encens Rien qu’une avalanche de rires dévalant des montagnes phtisiques et bien peignées qui fauchait au passage les flocons vénérables pleins des liqueurs du dimanche La table dressée avec art était envahie par le jardin zoologique Le héron picorait dans l’oreille du grand père étouffant de rage sous la devanture de son plastron qu’escaladaient de grosses mouches bleues et la jeune fille de la maison se laissait peloter par un maki qui la possédait sous les yeux en cataplasme de sa mère tombant du haut mal L’art un coup de bouteille de champagne sur la tête s’écroulait dans une boue de décorations et de barbes arrachées comme des affiches de mobilisation et expirait avec un crissement de soulier trop neuf écrasant une crotte de pékinois Soudain un air frais de premier lilas de l’année balayait les vapeurs écœurantes de l’usine de noir animal et de tous les taillis le mot liberté s’échappait avec le parfum des aubépines pendant que les bêtes à tuer du talon geste de sacré-cœur regard de portez armes nez de pensum face de circulez sourire de compte en banque grognement de ministre demi-cervelle de soumis courbure de vendu gueule de faux témoin rentraient la truffe dans la vase bien pensante mijoter dans leurs abris les ragoûts des rancunes nourricières
Mais les uns à commencer par le rat des Carpathes murmuraient liberté en pensant Pour les flics et mon monocle D’autres comme le croisement du mouchard et viens-tu chéri ou le petit balai de La Chapelle prenaient de la graine de poubelle à éclore en fleurs immondes à exciter les chiens Lâchez tout disais-tu pour voguer sans nord et sans étoile à travers les tempêtes vers les grèves tourbillonnantes d’agates et les mines hantées par le regard provocant des opales Mouillez le temps de pêcher dans l’eau invisible le fantôme d’un nuage sirène des grands fonds riant comme une forêt ou aile de feu palpitant évadé d’un tromblon à panache de mariée Remontez les courants emportant les adieux de l’été jusqu’aux pudeurs recroquevillées dans l’alcôve des neiges en l’attente du viol qui crée l’alleluiah Lâchez tout Maintenant la proie qui comble et plus tard son ombre qui se dissout sous les yeux émerveillée de l’aube prochaine galopant à la poursuite d’un désir qui s’envole en flammes des mains empoignant sa cendre à sécher toutes les taches d’encre du monde Lâchez tout La poussière du jour déjà hier ne doit pas obscurcir le soleil de demain Lâchez tout patries empestant le gendarme argent à crasse de misère idées décorées de la médaille de Crimée Les seuls grands hommes ne naîtront que pour engendrer des fils parricides et la pourriture des autres ne fera pas croître une ortie à fouetter les prêtres de toutes les religions
Tous semblaient entendre l’heure du réveil sonnée par les alouettes mais se cachaient pour répudier les séismes de leurs rêves contrariant leurs sordides appétits et attendant l’heure de la louée ils mesuraient déjà les trottoirs des rues obscures où vague le client en calculant les dollars ou les roubles des crachats bien lancés
Souviens-toi des galas de fesses bénies par les pieds justes des pâtés de durillons sournois psalmodiant des anathèmes des symphonies de mains claquant sur les pommes pourries qui jutaient des sentences de cordon s’il vous plaît lorsqu’enfin creva pour avoir avalé sa barbe l’Anatole Crasse des vieux résidus de mérite agricole L’écriture automatique allait multiplier les merveilles que l’œil ouvert dissipait L’orchidée du savon allait fleurir comme une lampe qui fredonnerait des chants nègres le crochet à bottines farceur comme pas un commençait de plumer des oies pour se distraire en attendant le passage des généraux allant expirer sur leur lit en cadavres de leurs hommes tués au front l’inoffensif gardien de square sentait les nez se reproduire par scissiparité sur sa face en coquille d’huître en songeant à les greffer sur les arbres pour les obliger à éternuer et le grain de sel rédigeait ses mémoires sur les voiles d’un trois-mâts qui ronronnait sur son épaule Mais le cheval entre brancards et picotin ne rêve que du soleil des pailles dans l’ombre bourgeoise des vastes écuries Le galop qui n’effraie pas les papillons toujours libres l’épouvante comme le passage martyrisant des hommes 40 chevaux en long 8 et le blasphème des ruades lui répugne comme le homard aux vaches Le temps était aux aurores boréales invisibles dans les salles d’attente du dictionnaire Tu lançais le Manifeste du surréalisme comme une bombe explosant en vol de paradisiers faisant le vide dans la basse-cour et les éclats atteignaient au passage quelque digne vieillard à trogne d’élégie qui soupirait en ajustant son regard en purée La poésie perd ses tripes et ces voyous marchent dessus sans imaginer que son perroquet empaillé couvait toutes les mites qui paradaient sous son crâne Les hirondelles des mots qui ouvrent les persiennes du matin s’envolaient à tire-d’aile franchissant les déserts de squelettes polis par les vautours où l’artichaut des oasis dressant sa fleur d’apéritif surgissait comme un lion rebelle à leur passage et revenaient chaque saison plus agiles qu’un cri et plus sûres d’annoncer la naissance des eaux claires
Le rêve libéré du cachot où les araignées à face de Christ emprisonnaient ses gestes courait à travers la maison qu’une vague angoisse assiégeait Les chaises allaient-elles sangloter et la fenêtre jouer au poker Dévalant l’escalier comme un torrent charriant ses truites il descendait dans la rue pour la révolution surréaliste armé de son seul regard à arracher les serrures et se mêlait aux passants couleur de nuit tombante D’où vient disaient-ils ce banc où je m’assieds et qui me suit comme un jeune chien Qui me parle dans le tronc de cet arbre pour me donner l’heure des baignades de lucidité dans des eaux d’éclair Et des lueurs d’aube teintaient de rosée leur visage de mineurs
Liberté liberté couleur d’homme avais-tu déjà crié au milieu d’oreilles en ciment armé qui méditaient de nouveaux tabous pour étayer la ruine des barrières élevées entre l’homme qui prend et la femme qui donne Pour avoir trahi celui qui les avait sortis des tourbières et des gouffres scintillant d’horreur tous les dieux sont tombés en poussière de textes qui tente de ternir les corolles naissantes et d’obstruer la fontaine aux ailes de vent du matin où s’abreuvent l’homme des bois et l’insoumis à tout ordre la fille des rues et celle qui se sait tout un monde Consubstantiel à l’homme l’amour dissipe sans cesse la nappe de gaz acharnés à sa perte Honneur à chant d’esclave jouissant du fer qui le marque péché à croassement de corbeau fientant dans les alcôves préjugés jetant dans l’ombre un poignard entre deux épaules penchées pour un baiser et toujours l’or qui ne fait pas même de beaux dentiers pour vieillards à légion d’honneur tour à tour lui lancèrent le lasso qui devait l’étrangler Mais toujours l’amante les déchirait de ses dents de volcan car c’est elle qui conquit à la pointe de ses seins la liberté de son baiser sans rite imprimé sur papier de contrainte par corps sans rien autre que le partage primordial du feu qu’aucun déluge n’apaisera car toute liberté exsude fouet et chiourme si l’amour a des devoirs qu’il ne se connaît pas Tout était dit de l’amour depuis les onomatopées jusqu’aux formules qui le condensent depuis l’étincelle enflammant les lacs dorés de soleil bouleversant l’insondable forêt des chevelures secouées par la tempête magnétisant les corps de farine et les esprits de lémuriens se hissant sur les grands arbres jusqu’à l’horizon drapé d’un crêpe dont chacun d’eux tient un coin Tout était dit sauf les mots qui déchirent les voiles déteints par les larmes et dégagent les étendues aux mille mirages que chaque pas rend plus certain de palper Plus de conscience toujours plus de conscience de l’amour De toi comme un buisson explose de tous ses oiseaux fuse ce commandement qui extrait l’amour des cavernes obscures suintant la cervelle encrassée d’encens et lui dit Toi le premier Tant que l’homme sa compagne à la main n’aura pas exploré tes forêts que n’habite aucun monstre remonté tes grands fleuves de soie ou de chaudière surchauffée escaladé tes pics au-delà des rêves en oiseaux des îles flottant sur leurs versants pour d’en haut contempler d’un coup d’œil d’empereur le monde qui lui offre la possession de ses bras de feu et d’ombre mêlés la liberté ne sera qu’un demain on rasera gratis
Il serait inutile de parler de la vérité si l’on ne lui avait tant craché au visage que son regard en étoile polaire obstinée à marquer le la s’est aujourd’hui effacé comme une ville rasée par les barbares que déjà la brousse envahit Ils l’ont même livrée à tous les appétits de la troupe Je nomme ici la tourbe de la steppe comme la pègre en costume de gratte-ciel et le fouille-merde à cervelle d’eau bénite le chevalier des menottes le rampant à moustaches d’épaulettes la valise bourrée de clefs qui ne vont sur aucune serrure et son chien l’aveugle hypnotisé par un bocal à cornichons Tu as toujours cherché à dégager ses traits en arc-en-ciel sur les champs de boutons d’or des ecchymoses qui transformaient un nez en groin à hostie la plage des lèvres découvrant le lamé des dents en corps de garde infesté de râteliers d’armes et écrasaient d’une bouffissure canaille le regard d’horizon en jardin après la pluie de printemps C’est cela André qui nous rassemble en grains d’un même épi que ne courbe aucun équinoxe à rage de rat prisonnier dans son égout et ne brûle nul solstice en lance-flammes dévorant un paysage à ramage d’oiseaux libres répercuté par les mille échos des eaux en yeux de fée puisque la vérité sauvage au regard d’évidence qui fait tressaillir les ventres à gousset ne chante que les hymnes en rafales chassant les monastères de nuages contre les montagnes qui les éventrent les chants en poings dressés des éternels rebelles avides de vent toujours neuf pour qui la liberté vit en avalanche ravageant les nids de vipères de la terre et du ciel ceux qui crient de tous leurs poumons ensevelissant les Pompéi Lâchez tout
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© Mélusine 2011 |
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