« Faustroll ou l’hétéro gêne », dans L’hétérogène dans les littératures de langue française, textes réunis et présentés par Isabelle Chol et Wafa Ghorbel. L’Harmattan, 2015, p. 213-222.

Cet ouvrage interroge la pertinence du concept d’hétérogénéité dans l’étude de la littérature francophone. Le mot « hétérogène » est entendu comme ce qui donne à voir une relation dynamique avec ce que la langue et la société instituent comme homogène. . L’auteur rend ainsi compte de la façon dont le texte littéraire participe d’une pensée critique qui met en question les discours dominants, tant au niveau des représentations sociales que des formes esthétiques, et qui interroge de ce fait nos propres outils d’analyse.

Date de publication : 1 novembre 2015

Broché – format : 15,5 x 24 cm • 296 pages
ISBN : 978-2-343-07386-6
EAN13 : 9782343073866
EAN PDF : 9782336395036


Faustroll ou l’hétéro gêne1

S’agissant de l’’hétérogène dans la littérature, on pense immédiatement à Jarry autant qu’à Bataille, et, par conséquent, à la communication d’Helga Finter sur « Ubu hétérologue » prononcée lors du colloque international du TNP, en mai 1985. L’article consignant sa pensée reste malheureusement peu connu car il fut publié dans un ouvrage un peu confidentiel, les cahiers de l’Association des Amis d’Alfred Jarry2. Son sous-titre, « remarques sur la littérature et le mal » indiquait d’emblée qu’elle se plaçait sous l’égide de Georges Bataille, puisqu’elle considérait qu’Ubu roi en son entier marque le retour du refoulé de l’enfance. Ubu est l’hétérogène, autrement dit la merde ; celui qui prétend tout à la fois la répandre et l’éliminer. Cependant, à mon sens, les personnages y nomment la merdRe, production phantasmatique, et non l’excrément lui-même, ce qui invalide une bonne partie du propos. Je ne le discuterai pas ici, et porterai plutôt mon attention sur une œuvre explicitement revendiquée par Alfred Jarry, qui répond exactement aux objectifs de cet ouvrage.

Il me semble, en effet, que l’hétérogène se manifeste encore plus violemment, de manière éclatante et avec moins d’ambiguïté, dans Les Gestes et opinions du Dr Faustroll, pataphysicien, du même auteur. Précisons qu’Ubu et Faustroll sont des confrères, étant tous deux docteurs en ’pataphysique. En outre, la paternité de ce roman « néo-scientifique » y est totalement reconnue et assumée, mais différée puisque, écrit et achevé en 1898, le volume n’est pas publié du vivant de Jarry par sa décision souveraine et son entière volonté.

Je me propose donc de montrer comment ce texte, évidemment complexe, est hétérogène sur au moins trois plans : au niveau spatio-temporel ; au niveau narratif ; au niveau culturel enfin. Cette complexité, l’incapacité du lecteur à la dominer, expliquant la relative ignorance où il se maintient depuis sa première édition en 1911 chez Fasquelle.

Un espace feuilleté

J’ai déjà mentionné ce fait, assez rare dans la production littéraire, que le volume a paru, posthume, parce que l’auteur, peut-être mécontent de deux refus successifs de ses éditeurs, l’a différé jusqu’après sa mort, par la note finale qu’il apposa sur le manuscrit vendu à Louis Lormel en 1898: « Ce livre ne sera publié intégralement que quand l’auteur aura acquis assez d’expérience pour en savourer toutes les beautés3 ». L’adverbe « intégralement » se rapporte au fait que certains chapitres en ont paru en revue avant son décès. On m’objectera l’exemple de Kafka, de dix ans plus jeune que Jarry, dont la quasi-totalité de l’œuvre est posthume. Mais il y a une très grande différence entre le fait de demander, par testament, la destruction totale de ses manuscrits (même si l’exécuteur testamentaire n’en a pas tenu compte), et celui de reporter une publication post-mortem !

Prenons donc l’ouvrage tel qu’il nous est parvenu. Dès la page de titre, il se présente comme un hapax, un cas unique dans la littérature française, par sa qualification générique, jamais reprise. Quels traits définitoires peut-on donner d’un genre qui n’a qu’une seule occurrence ? On connait, à la même époque, le roman scientifique promu par l’éditeur Hetzel, mais point de néo. Ici, l’imagination prend son vol.

De fait, chaque mot du titre pose un problème. Si l’on présume la signification du terme « gestes » ou du substantif « opinions », l’alliance de mots « Gestes et opinions » constitue encore un hapax, pour relater les actions et les pensées d’un personnage, le Docteur Faustroll, dont le nom est lui-même un composé du Dr Faust+Troll, autrement dit deux êtres de légende, avant le détournement du dernier par Internet ! Or, nous apprendrons que le héros est né et mort à la même date, puisqu’il est dit à la fin du chapitre XXXV : « Ainsi fit le geste de mourir le docteur Faustroll, à l’âge de soixante-trois ans. » Ce qui suppose que l’acte de mourir est aussi un geste déterminé par sa propre volonté !

Pour connaître la spécialité dudit docteur, il faut donc ouvrir le livre et y rechercher les définitions de cette science, ou bien se souvenir qu’Ubu s’est déjà qualifié de la même façon dans une œuvre antérieure de Jarry : « M. Ubu. – Ceci vous plaît à dire, monsieur, mais vous parlez à un grand pataphysicien. » (Ubu intime, L’Autoclète, 1893).

Si l’on voulait étudier, à la manière de M. Bakhtine, le chronotope de l’œuvre4, ce que je n’ai pas loisir de faire ici, on mesurerait bien vite une autre étrangeté : c’est que l’espace ne se contente pas d’être discontinu, feuilleté comme un livre, mais qu’il ouvre d’emblée sur la troisième dimension (le volume), et je dirais même qu’il tend vers la quatrième dimension, l’espace-temps qui est exactement la définition du chronotope dans l’esprit du critique russe. Je cite :

A travers l’espace feuilleté des vingt-sept pairs, Faustroll évoqua vers la troisième dimension :
De Baudelaire, le Silence d’Edgar Poe, en ayant soin de retraduire en grec la traduction de Baudelaire.
De Bergerac, l’arbre précieux auquel se métamorphosèrent, au pays du Soleil, le rossignol-roi et ses sujets.
De Luc, le Calomniateur qui porta le Christ sur un lieu élevé… (chap. VII)

Par un prélèvement discret dans les textes du passé, Faustroll fait revivre les beautés de l’imaginaire individuel de ses prédécesseurs, constituant, en quelque sorte, un florilège de ces citations qui aident à vivre et à occuper pleinement l’espace-temps. Encore faudrait-il connaitre chacun des livres constituant la bibliothèque du Docteur !

Par un simple regard porté sur la page de titre du volume et quelque plongée rapide dans le texte, surgissent les difficultés de compréhension, tant il est hétérogène. Il n’est que temps d’entrer dans le récit et, là encore, d’en marquer l’étrangeté.

II. Un récit hétéro-textuel

Les actions et pensées que nous avons vues annoncées au seuil de l’ouvrage sont contées par un narrateur et sous une forme exceptionnelle, puisqu’il s’agit d’un exploit d’huissier, c’est-à-dire, selon la définition du Littré, un « acte que l’huissier dresse et signifie pour assigner, notifier, saisir ». D’où la création de René-Isidore Panmuphle, huissier de justice près le Tribunal civil de la Seine. Son patronyme donne à entendre qu’il incarne le Mufle5, c’est-à-dire le Bourgeois, en sa totalité. Et c’est bien son procès-verbal qui nous est donné à lire, sur papier timbré d’abord (Jarry a pris soin de dessiner le timbre à la main sur son manuscrit), puis sur papier libre, pour éviter, écrit-il, les trop grands frais qu’entraineraient de telles écritures légales, contenant un bon nombre d’énumérations et de listes. L’exploit s’arrête à la fin du livre VII, le reste du roman étant constitué de lettres reproduites et de fragments, vraisemblablement trouvés dans la chambre de Faustroll.

Autre particularité, qui éloigne le héros des grands voyages de la littérature, depuis l’Odyssée jusqu’à Pantagruel, le voyage qu’effectue Faustroll en compagnie de l’huissier et du singe papion Bosse-de-nage est strictement immobile :

L’as n’est pas seulement mû par des pelles d’avirons mais par des ventouses au bout de leviers à ressort. Et sa quille roule sur trois galets d’acier dans le même plan. Je suis d’autant mieux persuadé de l’excellence de mes calculs et de son insubmersibilité, que, selon mon habitude invariable, nous ne naviguerons point sur l’eau, mais sur la terre ferme.

Les îles auxquelles ils abordent sont des livres, ainsi, au chapitre XII, intitulé : « DE LA MER D’HABUNDES, DU PHARE OLFACTIF, ET DE L’ÎLE DE BRAN OÙ NOUS NE BÛMES POINT », qui indique clairement son contenu scatologique. Une lecture savante mettra en évidence le nom du dédicataire, pris ici comme cible, car il est bien affirmé que ce « n’est pas seulement une île, mais un homme ». Le chapitre suivant, et donc l’escale suivante, est au « PAYS DE DENTELLES », transposant littérairement l’art d’Aubrey Beardsley, dont Jarry s’est enthousiasmé, se plaisant à évoquer les gravures par des mots « le paradoxe de jour mineur se levait d’Ali-Baba hurlant dans l’huile impitoyable et l’opacité de la jarre »

Ce faisant, nous avons abordé, implicitement du moins, le goût des images chez Jarry, et sa pratique de la transposition d’art ou, plus précisément de l’ekphrasis, ce qui, en soi, n’a rien d’original, à commencer par le bouclier d’Achille chez Homère, mais qui revêt ici un caractère incongru, dans la bouche d’un huissier. L’usage excessif qu’il en fait confine à l’étrangeté : nous sommes alors bien au-delà du symbolisme. Ainsi de cette carte confiée par l’habitant d’une des îles visitée, qui

représentait au naturel, figurée en tapisserie, la forêt où s’adossait la place triangulaire : les frondaisons incarnates au-dessus de l’herbe d’azur uniforme, et les groupes de femmes, la vague de chaque groupe, avec sa crête de bonnets blancs, se brisant sans fracas au sol, dans un cercle excentrique d’ombre aurore. (chap. XIV)

dont il est aisé de comprendre qu’il s’agit d’une peinture d’Émile Bernard à Pont-Aven, représentant le Bois d’amour, porté en titre du chapitre. Il faudrait poursuivre avec les autres chapitres, qui ne se bornent pas à la transposition visuelle, traitant aussi des sons et des odeurs. Et je ne résiste pas au plaisir de citer ceci, où tout le monde aura reconnu le Gauguin des Marquises :

Hors de l’entrelacs des seins jeunes et des croupes, des sibylles constatent la formule du bonheur qui est double : Soyez amoureuses, et Soyez mystérieuses. (chap. XVII)

Nous atteignons ainsi à un univers baudelairien, à la différence qu’ici la Nature est devenue le Livre ! À se demander si la ’Pataphysique dont se réclame le Dr Faustroll n’est pas, tout simplement, le produit d’une rêverie prolongée devant une œuvre d’art !

L’énoncé que l’on trouve au Livre II, et qui est apparemment de l’auteur lui-même, le laisse entendre :

DÉFINITON: La pataphysique est la science des solutions imaginaires, qui accorde symboliquement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité. (chap. VIII)

Et, plus loin dans le même chapitre :

la pataphysique sera surtout la science du particulier, quoiqu’on dise qu’il n’y a de science que du général.

Encore qu’il y ait beaucoup à en dire, mon propos n’est pas ici d’expliquer (autant que faire se pourrait) cette science d’origine potachique qui envahit le théâtre par les soins du Père Ubu6, mais bien de pointer une pataphysique en actes (ou en gestes, si l’on préfère), tel ce trait de Faustroll relevé par son huissier attitré :

Ce matin-là, il prit son sponge-bath quotidien, qui fut d’un papier peint en deux tons par Maurice Denis, des trains rampant le long de spirales; dès longtemps il avait substitué à l’eau une tapisserie de saison, de mode ou de son caprice. (chap. II)

Où il est patent que l’amour de l’art a conduit le savant docteur à se contenter du papier peint en deux tons par Maurice Denis !

Dans le même ordre d’idées, je mentionnerai l’un des nombreux collages, cette pratique littéraire née des manipulations picturales, consistant à intégrer un fragment textuel dans son œuvre, pour le faire sien, et lui conférer toutes les vertus qu’on voudra. En voici un exemple, parmi tant d’autres, qui convoque la lettre de Pierre Loti, que Jarry détestait :

est-ce la dernière fois que le regret de tante Claire se produira en moi avec cette intensité et sous cette forme spéciale qui amène les larmes, puisque tout s’apaise, puisque tout devient coutume, s’oublie, et qu’il ya un voile, …
Loti, Le Livre de la pitié
que le regret de Latente Obscure se produira en moi avec cette intensité et sous cette forme spéciale qui amène les larmes, puisque tout s’apaise, puisque tout devient coutume, s’oublie et qu’il y a un voile… Jarry, Faustroll, XXX.

Peut-être convient-il maintenant de revenir à la première partie du roman, et de donner le portrait du personnage dressé par son homme de loi ?

A cet âge-là, lequel il conserva toute sa vie, le docteur Faustroll était un homme de taille moyenne, soit, pour être exactement véridique, de (8 x 1010 + 109 + 4 x 108 + 5 x 106) diamètres d’atomes; de peau jaune d’or, au visage glabre, sauf une moustaches vert de mer, telles que les portait le roi Saleh; les cheveux alternativement, poil par poil, blond cendré et très noir, ambiguïté auburnienne changeante avec l’heure du soleil; les yeux, deux capsules de simple encre à écrire, préparée comme l’eau-de-vie de Dantzick, avec des spermatozoïdes d’or dedans. (chap. II)

S’il voulait que ce fragment soit compris du lecteur actuel, le commentateur devrait expliquer chacun des traits pour le moins hétérogènes notés ici. Ainsi, Faustroll est né adulte, tout comme le P.H. (modèle du Père Ubu), mais il meurt l’année même de sa naissance. De fait, il apparaît sur terre avec sa création par le livre. Sa taille, calculée à partir du diamètre d’un atome isotope, est évalué à 1,1.10-10m ; on peut en juger à la mesure de son lit, « long de douze mètres » (chap. IV). D’autres commentateurs concluent qu’il aurait la taille de Jarry lui-même, soit 1,61 m. Trace des usages juridiques, l’huissier écrit bien « unes moustaches », avec l’article indéfini pluriel, en usage dans le français classique pour ce qui va par paire. Il porte moustache à la façon du Roi de la mer figurant dans les Mille et une nuits (531 et 549e nuits). Quant à « l’ambigüité auburnienne », elle ne réfère pas à la couleur des cheveux mais à l’alternance des poils, à l’instar du régime pénitentiaire du même nom, alternant le travail collectif et le séjour en cellule. Enfin, l’encre simple à écrire se distingue de l’encre de Chine et des encres d’imprimerie. Les capsules fournies par le droguiste sont semblables à l’Eau-de-vie de Dantzig, obtenue par « infusion d’écorces de citrons et de macis dans l’eau-de-vie ordinaire, avec addition de feuilles-d’or », selon Pierre Larousse ; mais point de spermatozoïdes !

Pourtant, comme je l’ai supposé dans mes Cultures de Jarry (PUF, 1984), il n’est pas certain qu’une explication de chacun des mots inusités, rares ou difficiles, puisse faire saisir l’étrangeté de ce portrait, qui mêle le langage scientifique au vocabulaire technique du droit et à la fantaisie poétique, à l’aide d’associations multiples, pour dire simplement que Faustroll est un homme ordinaire fixé à l’âge de 63 ans sous la plume de son mémorialiste. Ainsi, l’hétérogénéité du récit, la variété des voix narratives, qui devrait lui donner les lumières du diamant, aboutit à une sorte d’incompréhension, par quoi l’hétéro gêne toujours.

En somme, je postule que pour goûter toute la saveur de cette œuvre extrêmement élaborée et portant à l’extrême la quête de l’originalité symboliste, il faut, non seulement s’imprégner des ouvrages contemporains, s’informer de l’état de la science et de la connaissance à l’époque de son écriture, mais encore savoir faire jouer entre eux tous ces niveaux de culture.

III. Un ensemble hétéro-culturel

Cette approche culturelle des textes est d’autant plus compliquée ici que le lecteur se trouve aux prises avec un grand nombre de cultures s’entrelaçant de telle sorte qu’on a du mal à les identifier.

Pour la clarté de l’exposé, je distinguerai, dans l’ordre, un niveau de culture populaire, sinon traditionnelle, du moins telle qu’une certaine catégorie d’intellectuels voulait la promouvoir et la revaloriser à la fin du xixe siècle ; puis ce qui relève des humanités, ce qui s’enseignait à la même époque et constituait le bagage culturel des hommes instruits, dans quelque discipline que ce soit ; enfin ce qui ressortit de la science, entendue dans sa plus grande extension.

De la première relève, par exemple, l’image d’Épinal, ou son équivalent, consignée par l’huissier dénombrant les illustrations saisies dans la chambre de Faustroll : « une vieille image, laquelle nous a paru sans valeur, saint Cado, de l’imprimerie Oberthür de Rennes » (chap. IV). Image naïve et populaire d’autant plus intéressante aux yeux de Jarry qu’elle donnait dans ses marges une légende bretonne, selon laquelle le saint ici honoré aurait trompé le diable pour construire un pont reliant l’île à la terre ferme1. Il y a des années, j’avais émis l’hypothèse que les « Treize Images » ou Clinamen, une série de fresques produites par la Machine à Peindre manœuvrée par le Douanier Rousseau provenaient d’une collection d’images d’Épinal que nous n’avons pas encore identifiées, illustrant des passages de l’Histoire Sainte : « Nabuchodonosor changé en bête », « Le Bouffon », « Sortant de sa félicité, Dieu crée les mondes », etc. (Clinamen chap. XXXIV). On peut aussi penser à une Bible historiée du moyen-âge, et encore à des peintures de Paolo Uccello ou Lucas Cranach pour de telles séquences, ou encore lorsque « Dieu défend à Adam et Ève de toucher à l’arbre du bien et du mal ». Il est vrai que les artistes en question sont rien moins que populaires, mais leurs œuvres, copiées, maintes fois reproduites, apparaissent désormais comme des œuvres populaires. (Dernièrement, on a proposé d’y voir un écho des films muets nouvellement conçus par Georges Méliès.)

C’est pourquoi je mettrai dans la même catégorie L’évêque marin Mensonger : « Sa mitre était d’écailles et sa crosse comme le corymbe d’un tentacule recourbé; sa chasuble, que je touchai, tout incrustée de pierres des abîmes, se levait aisément devant et derrière mais par la pudique adhérence du derme assez peu par-delà le surgenou » (chap. XXV), tout droit sorti du livre sur les poissons du savant de la Renaissance, Ulysse Aldrovandi, dont les planches ont suscité l’admiration collective (Bologne, 1613), de même que la Bête marine provient de la Cosmographie de Sébastien Munster (1544), d’où Jarry avait aussi tiré la reproduction de l’hippopotame dans Perhinderion.

S’il est vrai que ces savants de la Renaissance ne font pas partie intégrante de la culture populaire, certaines parties de leurs œuvres ont été fort répandues depuis, par divers opuscules, des almanachs, au point qu’elles font partie intégrante des croyances du peuple. Plus complexe, puisque directement issue de la culture populaire, l’œuvre de Rabelais relève de la même catégorie, bien qu’elle fasse partie, au temps de Jarry déjà, des programmes scolaires. Rabelais lui fournit ses épigraphes des chapitres XVI : « S’enquestant quelz gens sçavans estoient pour lors en la ville, et quel vin on y beuvoit. » Gargantua, et XXXI : « Comment as-tu nom ? – Maschemerde », répondit Panurge, Pantagruel, livre III. Le vin d’une part, la scatologie d’autre part, ne sont-ce pas là des motifs courants dans la culture populaire ?

La forme seule, et la grande distance temporelle entre la publication des ouvrages de Rabelais et leur utilisation par Jarry, les déporte vers l’enseignement secondaire, ce qu’en gros on nommait les « humanités », autrement dit les classes de lettres.

C’est du temps du lycée que date, chez Jarry, l’excellente habitude de se référer directement au dictionnaire encyclopédique, et même d’intégrer ses données à son propre texte. Ainsi de l’un des sens du mot « ha ha » emprunté à la Métromanie de Piron cité par le Grand Dictionnaire Universel de Pierre Larousse, et même la suite :

C’est à dessein que nous avons omis de dire, ces sens étant fort connus, que ha ha est une ouverture dans un mur au niveau de l’allée d’un jardin, un trou-de-loup ou puits militaire destiné à faire écrouler les ponts en acier chromé, et que AA se peut encore lire sur les médailles frappées à Metz. Si l’as de Faustroll eût un beaupré, ha ha eût désigné la voile particulière placée sous le bout-dehors. (chap. X)

La pratique scolaire se complique lorsque le narrateur aligne une série de quarante-deux citations en grec prélevées chez Platon, qui toutes sont des appuis du discours, du genre « Sûr !, Mais encore », etc.

Cette forme de culture savante, d’origine scolaire, imprègne la totalité de l’ouvrage, quelle que soit la voix qui s’exprime. Elle est complétée par des éléments scientifiques, de ceux que l’on apprend dans les cours de mathématiques et de physique-chimie, Jarry en retenant plutôt les curiosités, les expériences divertissantes. Ainsi de la formule de l’encre sympathique avec laquelle est prétendument écrit le manuscrit de Faustroll :

Panmuphle, huissier, commençait de lire le manuscrit de Faustroll dans une obscurité profonde, évoquant l’encre inapparente de sulfate de quinine aux invisibles rayons infrarouges d’un spectre enfermé quant à ses autres couleurs dans une boîte opaque. (chap.VII)

En l’occurrence, ce n’est pas ici un souvenir scolaire, mais un emprunt à Lord Kelvin, lequel écrit exactement ceci :

Le phénomène se produit d’une manière très belle avec le sulfate de quinine. Une expérience intéressante consiste à écrire sur un écran de papier blanc avec le doigt, ou un pinceau, trempé dans une dissolution de sulfate de quinine. Les traits sont tout à fait invisibles dans la lumière ordinaire ; mais si l’on projette sur l’écran un spectre dont la portion ultra-violette invisible couvre la région sur laquelle on a écrit avec le sulfate de quinine, les caractères apparaissent, émettent une lumière bleuâtre, l’obscurité régnant autour d’eux2.

Visiblement attiré par ce qu’on dirait la physique amusante, qui n’en est pas moins très sérieuse et à l’origine de bien des découvertes, Jarry s’intéresse aussi aux recherches d’un savant peu ordinaire sur les phénomènes de capillarité :

Il est vraisemblable que vous n’avez aucune notion, Panmuphle, huissier porteur de pièces, de la capillarité, de la tension superficielle, ni des membranes sans pesanteur, hyperboles équilatères, surfaces de nulle courbure, non plus généralement que la pellicule élastique qui est l’épiderme de l’eau. (Chap. VI)

Ce Charles Vernon Boys (1855-1944), dédicataire dudit chapitre, avait publié ses conférences, traduites en français3 chez le même éditeur scientifique que Kelvin, Henry Gautier-Villars, qui se trouvait être une relation de Jarry et le fournissait en livres attrayants.

De telles sources savantes peuvent échapper au lecteur, qui n’en perçoit pas moins l’application qu’en fait Jarry à des inventions textuelles originales. La vérité est que les commentateurs ont toujours été mis sur la piste de l’élément déclencheur par Jarry lui-même, qui place un indice dans son texte, une sorte d’encodage indiquant ce qu’il faut rechercher, par exemple le nom du savant comme dédicataire du chapitre. Mais le lecteur, qui ne serait pas au fait de telles pratiques, en reste désorienté, incapable qu’il est de faire la différence entre la pure invention et le véritable raisonnement scientifique.

Pour conclure, il convient d’indiquer un élément omniprésent dans Faustroll, contribuant fortement à l’hétérogénéité du texte, qui ne relève d’aucune de ces cultures en particulier et pourtant les englobe toutes. Je veux parler de l’érotique – ce qui nous rapproche de Bataille – qui investit l’ensemble narratif, et que Jarry résume magnifiquement dans un prétendu fragment emprunté à Ibicrate le géomètre sous la formule suivante :

Éros étant fils d’Aphrodite, ses armes héréditaires furent ostentatrices de la femme. Et contradictoirement l’Égypte érigea ses stèles et obélisques perpendiculaires à l’horizon crucifère et se distinguant par le signe Plus, qui est mâle. (Chap. XXXIX)

Il renvoie implicitement à l’une de ses premières œuvres publiée par Jarry, à César-Antechrist, « où se trouve la seule démonstration pratique, par l’engin mécanique dit bâton à physique, de l’identité des contraires », le féminin et le masculin, les signes − et +, n’étant que la représentation symbolique de ladite unité. Le dernier chapitre de Faustroll, affirme le principe d’équivalence cher à Hermès Trismégiste et aux alchimistes (avant de devenir un dogme essentiel du surréalisme) par lequel les contraires s’identifient et fusionnent entre eux. Suit alors, et c’est bien là que tendait toute la démonstration de Jarry – et la mienne par conséquent – un savant calcul de la surface de Dieu, répondant par avance (pataphysiquement dira-t-on) aux inquiétudes métaphysiques de Bataille, à la définition suivante : « Dieu est le plus court chemin de zéro à l’infini ».



1. Voir une reproduction intégrale en couleurs dans Jarry en ymages, Paris, Le Promeneur, 2012, p. 35.

2. Voir William Thompson (Lord Kelvin), Conférences scientifiques et allocutions, Paris, Gauthier-Villars, 1893, n. 1, p. 136.

3. Bulles de savon, quatre conférences sur la capillarité faites devant un jeune auditoire, traduit par Ch. Ed. Guillaume, Paris, Gauthier-Villars, 1892, 144 p.

1. Pour le colloque de Gafsa, le 5 avril 2012, j’ai présenté et commenté, sous le même titre, un ensemble d’une quarantaine de diapositives organisées sous le logiciel Powerpoint. Il n’était pas question de les reproduire ici. D’où cette transposition, sans aucune illustration, reprenant mon propos initial à la lettre.

2. Helga Finter, « Ubu hétérologue : remarques sur la littérature et le mal », L’Étoile absinthe, actes du colloque du TNP réunis par Henri Béhar et Brunella Eruli, Tournées n° 25-28 1985, p. 31-41.

3. Mention manuscrite autographe figurant sur le Ms L (Lormel). Par la suite, nous renvoyons à l’édition numérique procurée par nos soins à l’adresse suivante : http://www.alfredjarry.fr/amisjarry/documents/Textes%20en%20ligne/faustroll.htm

4. Voir : Maikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Gallimard, 1978.

5. On se référera utilement à Henri Béhar, « Du mufle et de l’algolisme chez Jarry », Romantisme, 1977, n°17-18. Le bourgeois. p. 185-201.

6. Je l’ai fait ailleurs, dans mon Jarry dramaturge, Paris, Nizet, 1980, édition revue et augmentée sous le titre La Dramaturgie d’Alfred Jarry, Paris, Honoré Champion, 2004.

« 2016. Le triomphe de Dada », Europe, n° 1041-1042, janv.-fév. 2016, p. 346-47.

Texte publié dans la section « Correspondance » de la revue :

2016 : le triomphe de Dada

Aujourd’hui, les médias ne bruissent que de l’édition prochaine, annoncée par les éditions Fayard, de Mein Kampf [Mon combat], tombant dans le domaine public cette année.

Faut-il, en cette période de régression mentale caractérisée, redonner la parole au plus criminel des hommes ?

Les uns protestent, au nom de milliers de morts.

Les autres, dont je suis, pensent, comme Apollinaire, qu’il faut tout publier.

Publier, oui. Mais pour quels lecteurs ? Les esprits adultes, sachant reconnaître la performativité d’un texte, ont le droit de connaître la bibliothèque de base du nazisme. Faut-il pour autant en écarter les autres ?

À cet égard, je me souviens des difficultés que je rencontrai lorsque, préparant cette anthologie critique sur Dada, qui finirait par être publiée, avec la collaboration de Michel Carassou, sous le titre Dada, histoire d’une subversion (Fayard, 1990, 2005). Sachant qu’Hitler avait annoncé qu’il ferait sa fête à Dada dès son arrivée au pouvoir, il me fallait trouver le passage exact de Mein Kampf où cette menace était consignée.

La bibliothèque la plus proche, pour moi, était alors celle de la Sorbonne. Je n’avais qu’un étage à monter pour me procurer cet ouvrage maudit. S’il y avait bien une fiche à cet auteur et à ce titre dans la salle de bibliographie, l’ouvrage, ou plus exactement, sa traduction française, ne se trouvait pas sur les rayons, auxquels j’avais un droit d’accès direct, comme tous les professeurs titulaires.

Je m’en ouvris au directeur de cet établissement interuniversitaire, et lui demandai d’éclairer ma lanterne sur cette disparition matérielle. Ne fermait-on pas régulièrement les salles pour raison d’inventaire, à la recherche des ouvrages non restitués, disparus, mais pas pour tout le monde ? Et quand bien même un lecteur indélicat se serait approprié le volume, n’avait-on pas le moyen de le remplacer ?

Ce cher directeur m’expliqua alors qu’à la Libération, un comité d’épuration s’était constitué de lui-même pour mettre un certain nombre de titres à l’abri des lecteurs. L’Enfer politique, quoi.

Fort de mes convictions rationnelles, je lui demandai de combler le vide. Ce qu’il fit aussitôt, me prévenant dès l’arrivée de l’ouvrage, muni d’un papillon qui, conformément à la loi, mettait le lecteur en garde contre les effets morbides d’une telle lecture.

Voici le passage que j’en tirai concernant Dada :

« Si le jugement sur Dada porté par Camus traduit une com­préhension qui ne peut manquer de surprendre, celui d’Adolf Hitler en revanche, en parfaite conformité avec ses convictions intimes, traduit la menace que Dada faisait peser sur la culture : ‘’Mais un tel développement [de l’épidémie dadaïste] de­vait finir un jour ; en effet, le jour où cette forme d’art correspondrait vraiment à la conception générale, l’un des bouleversements les plus lourds de conséquences se serait produit dans l’histoire de l’humanité. Le développement à l’envers du cerveau humain aurait ainsi commencé… mais on tremble à la pensée de la manière dont cela pourrait finir » (Adolf Hitler : Mon combat (1924), Nouvelles Editions Latines, 1984, p. 258). Hitler l’avait compris, Dada entendait bien provoquer « un effondrement culturel ». Prétendant défendre la culture, lui-même devait provoquer un tout autre effondrement qui donnerait encore raison à Dada. Pour défendre les valeurs d’une « culture » et des intérêts particuliers, le dictateur allait causer la mort de millions d’hommes. A l’inverse, Dada s’attaquait à ces valeurs et à ces intérêts au nom de la vie, d’une vie qui serait pleinement vécue par tous les hommes. » (p. 42)

Aujourd’hui, Dada a clairement triomphé sur son adversaire nazi. Le centenaire de sa naissance à Zurich devrait marquer cette victoire, par des cérémonies publiques à la hauteur de l’événement.

En sera-t-il toujours de même ?

Si, en 1979, un jugement de la Cour d’appel enjoignait aux Nouvelles Éditions Latines de publier la seule traduction autorisée de Mein Kampf munie d’un avertissement, le fait que l’original entre dans le domaine public au 1er janvier 2016 entraîne que n’importe qui pourra l’éditer comme il le voudra, de le faire retraduire, et de le proposer à la vente sans aucun avertissement. D’autant qu’il ne peut être visé par la loi sur la liberté de la presse, ni par son complément dit Loi Gayssot (qui ne porte que sur la contestation des crimes nazis).

Une seule observation, mais de taille : les libraires interrogés nous disent tous que la mise en vente d’une traduction française ne serait pas une bonne affaire commerciale.

Je le répète : seules des raisons intellectuelles justifient la mise à disposition des lecteurs de cet ouvrage infâme. Mieux vaut qu’il soit accompagné d’un important appareil critique, rédigé par les meilleurs historiens, comme l’annoncent les éditions Fayard.

Reste, hélas, que nul éditeur n’est maître de la qualité de la lecture, ni des égarements ou détournements auxquels elle peut conduire. Heureusement, les lois françaises ne sont pas seulement faites pour la protection des animaux.

Henri BÉHAR
19 octobre 2015

« Spécificités d’À rebours », Bulletin de la société J.-K. Huysmans, n° 104, 2011, p. 69-83.

Voir le site du Bulletin de la société : Bulletin de la Société J.-K. Huysmans

Table des matières du n° 104 :

 Bulletin de la Société J.-K. Huysmans N° 104, 2011

Dimitri ROBOLY. Huysmans entre le bien et le mal…3
Philippe BARASCUD. L’homme gothique contre l’homme classique. Huysmans, Worringer et l’héritage grec…15
Ionna CONSTANDULAKI. Interférences spirituelles et esthétiques dans les écrits sur l’art de Huysmans…29
Dominique MILLET-GÉRARD. Huysmans et l’art chrétien : l’empreinte de Montalembert…37
Ion ZOTTOS. Huysmans ésotérique ou Éso-Sati….rique ?…51
Henri BÉHAR. Spécificités d’A rebours…69
Ioanna PAPASPYRIDOU. Huysmans et les surréalistes…85
Daniel GROJNOWSKI. Un conte bouffon : La Retraite de Monsieur Bougran…93
Iphigénie BOTOUROPOULOU. L’Esthétisme grec et les écrivains fin-de-siècle…101
Gaël PRIGENT. Huysmans et les écrivains français du XXe siècle….107

Cette brochure publie les actes du colloque d’Athènes les 7 et 8 décembre 2007, à l’occasion du centenaire du décès de l’auteur d’A Rebours.

Lire le texte numérisé d’A rebours : https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%80_rebours/Texte_entier

[Télécharger le PDF de l’intervention d’Henri Béhar]

[Au colloque d’Athènes, cette communication avait la forme d’une présentation de trente-trois diapositives commentées oralement. La simple reproduction d’une suite d’images sous PowerPoint n’ayant aucun sens dans une revue, je me suis résolu à publier un texte continu, au risque de figer ce qui n’était à l’origine qu’une proposition de lecture portant sur des analyses assistées par ordinateur.]

Ces propos résultent des recherches et des réflexions de l’équipe Hubert de Phalèse (Paris III-CNRS) qui, pour l’occasion, a produit un ouvrage destiné principalement aux candidates et candidats au concours d’agrégation de 1972. Ce groupe, ainsi dénommé en référence à l’auteur d’une concordance de la Bible publiée au XVIIe s. précédée des consignes indispensables à ses yeux pour fournir un travail cohérent.

Cette collection Cap’Agreg se propose de fournir à l’étudiant qui prépare les concours du professorat les matériaux les plus directement utiles à son travail, dans le domaine des études littéraires, fournis par les outils informatiques actuellement disponibles (banques de données, disques optiques numériques, logiciels d’analyse textuelle). Dans chaque ouvrage, il trouvera pré-traitées les données informatiques qui, autrement, lui demanderaient un surcroît dé préparation. À propos d’A Rebours de J.-K. Huysmans, sont rassemblées des informations historiques sur la période, les écrivains, les genres et les thèmes littéraires ; des fiches sur la structure du vocabulaire, les mots d’époque (décadence, névrose, hystérie, fin de siècle), sur les principaux thèmes de l’œuvre. On trouvera en outre, dans Comptes à rebours, un glossaire doublé d’une concordance des mots rares ou difficiles, un florilège des opinions émises sur Huysmans et le personnage de des Esseintes, une bibliographie et l’index des noms propres qui manquait à l’édition de référence. Ainsi pourra-t-on se garder des trois péchés qui généralement entachent les études littéraires : l’anachronisme, l’émanatisme, la confusion du moi social avec le moi écrivant. Ambition qui, par-delà les concours, devrait concerner tous les amateurs de Belles-Lettres soucieux de s’ouvrir aux technologies nouvelles.

La Librairie Nizet ayant fermé sa porte définitivement, l’ouvrage n’est plus disponible à cette enseigne, mais on le trouve encore dans les bonnes librairies. On peut le lire en version numérique ici:

Comptes À rebours | Henri Béhar (melusine-surrealisme.fr)

« Charlot-Dada », catalogue exposition Charlot avant-gardes, Nantes, sept. 2019, p.  176-179.

[ article à télécharger en PDF]

« Charlot-Dada » : texte repris dans : Essai d’analyse culturelle des textes, Paris, Classiques Garnier, p. 113-121. Collection : Théorie de la littérature, n° 24.

Ainsi que: https://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/?p=1077

Unique manuscrit : L, Paris, Bibl. nat., fr. 1635, fol. 62b-63b.

Lire le texte de Rutebeuf: De Charlot le Juif QUI CHIA EN LA PEL DOU LIÈVRE :

Rutebeuf – Œuvres complètes, 1839/Ci encoumence de Charlot le Juif, qui chia en la pel dou lièvre – Wikisource

Sujet de fascination pour les artistes du monde entier dès 1914, à la naissance du personnage de Charlot, et profondément conscient des problématiques de son temps, Chaplin affirme des préoccupations esthétiques et thématiques fortement partagées par les artistes d’avant-garde.

CHARLIE CHAPLIN DANS L’ŒIL DES AVANT-GARDES

Il est l’une des premières stars internationales du cinéma, Charlot, vagabond aussi drôle qu’émouvant, devient dès son apparition en 1914 la coqueluche du monde occidental, s’emparant des salles obscures et s’affichant dans les journaux et les publicités. Mais le personnage créé par Charlie Chaplin n’est pas qu’un phénomène médiatique et populaire. Le cinéaste a aussi une influence directe sur les artistes de son temps, dont il partage bon nombre de réflexions et préoccupations.

L’exposition propose ainsi une lecture inédite des œuvres d’avant-garde à travers du cinéma de Charlie Chaplin. De Fernand Léger à Marc Chagall, d’Alexander Calder à René Magritte, près de 200 œuvres provenant de collections du monde entier se déploient au regard du cinéma chaplinien.
Découvrez les échanges affirmés, les simples échos ou dialogues inconscients entre les artistes qui prirent ensemble le virage de la modernité, à l’heure de la naissance du cinéma comme septième art.

Exposition

En quelque 200 peintures, photographies, dessins, sculptures, documents et, bien entendu, extraits de film, l’exposition propose une redécouverte des œuvres de František Kupka, Marc Chagall, Fernand…

L’usine à rêves

Un espace-atelier construit en plein centre du parcours de l’exposition, pour prolonger l’expérience Charlie Chaplin dans l’œil des avant-gardes.

Catalogue de l’exposition

L’une des premières stars internationales du cinéma, Charlot, vagabond aussi drôle qu’émouvant, devient, dès son apparition en 1914, la coqueluche du monde occidental, s’emparant des salles obscures et s’affichant dans les journaux et les publicités. Mais le personnage créé par Charlie Chaplin n’est pas qu’un phénomène médiatique et populaire. Le cinéaste eut aussi une influence directe sur les artistes de son temps, dont il partage bon nombre de réflexions et préoccupations.

L’exposition Charlie Chaplin dans l’œil des avant-gardes propose ainsi une lecture inédite des œuvres d’avant-garde au travers du cinéma de Charlie Chaplin. De Fernand Léger à Marc Chagall, d’Alexander Calder à René Magritte, près de 200 œuvres provenant de collections du monde entier se déploient au regard du cinéma chaplinien et redessinent les échanges affirmés, les simples échos ou dialogues inconscients entre les artistes qui prirent ensemble le virage de la modernité, à l’heure de la naissance du cinéma comme septième art.

Direction éditoriale : Claire Lebossé

Auteurs du catalogue : Claire Lebossé, Commissaire d’exposition ; Zoé Isle de Beauchaine, Auteur ; Musée d’arts de Nantes (Nantes), Directeur de publication, rédacteur en chef
Daniel Banda, Henri Béhar, Francis Bordat, Olivia Crough, Zoé Isle de Beauchaine, Morgane Jourdren, Claire Lebossé, José Moure, Charlotte Servel.

Couverture : Nicolas Hubert

© Musée d’Arts, Nantes, 2019
© Éditions Snoeck, Gand, 2019
28 € / 978-94-6161-557-2

L’exposition se propose de mettre en parallèle des œuvres cinématographiques de Charlie Chaplin et des productions des avant-gardes, mêlant extraits de films, peinture, photographie, sculpture et documents. De la découverte de Charlot par Fernand Léger en 1916, au numéro spécial Disque vert de 1924 consacré à Chaplin, en passant par l’invention du concept de “7e art” par Ricciotto Canudo en 1919, qui identifie immédiatement Chaplin comme le premier artiste du médium, l’intérêt des avant-gardes pour ce nouveau moyen d’expression et particulièrement pour Chaplin permet de souligner de nombreuses porosités…

Date de parution : 17/10/2019
Editeur : Snoeck Publishers
Collection : Beaux Arts

Voir commentaire dans Historia: https://www.historia.fr/charlot-dada-en-est-fana
et aussi : https://www.en-attendant-nadeau.fr/2020/01/28/chaplin-avant-garde/

Voir aussi un ensemble d’illustrations Dada évoquant Charlot: https://dadarockt.wordpress.com/page/6/?archives-list=1

Et les conseils de la BnF : https://gallica.bnf.fr/conseils/content/dada

Outre le recueil de Philippe Soupault, édité par Plon en 1931 :

et la revue Le Disque vert :

lire « Dadaïsme, surréalisme et chaplinizam, Bojan Jović » dans la revue serbe Nadrealizam : http://nadrealizam.rs/fr/en-focus/recherche-dadaisme-surrealisme-et-chaplinisme