Archives de la liste de discussion de Mélusine
SJJ Accueil

2000

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
Octobre

Avertissement, Avril 2003

Note technique :
La compilation des messages de sept années, expédiés par différentes machines sous différents systèmes, a produit des fichiers fort encombrants. Il n’était pas possible de garder la forme initiale des messages. Nous avons donc privilégié l’accessibilité en réduisant au maximum leur poids, en évitant les redondances, sans toucher au contenu, qui reste l’objet du présent document. Les coordonnées personnelles des abonnés ont volontairement été enlevées.

Signalons que les abonnés à la liste Mélusine peuvent retrouver les messages conservés depuis février 2006 sur le serveur Sympa dont ils ont les coordonnées. Il leur suffit d’insérer le mot de passe qui leur a été communiqué par la machine lors de leur inscription, et de consulter les Archives dans l’ordre chronologique, ou encore grâce au moteur de recherche du logiciel.


Date : Tue, 01 Apr 2003 00:08:34

Les messages d’informations et discussion transmis aux 3400 signataires de l’appel Breton seront désormais modérés, au nom du comité, par Dominique Dussidour, qui prend le relais provisoire de Laurent Margantin.

Bonjour à tous.

Parfois, les magazines littéraires nous surprennent. Ainsi, en ce mois d’avril, et à moins d’une semaine de la vente Breton, l’article de Bernard Molino paru dans la revue Lire, qui à la fois approuve cette vente mais regrette que rien n’ait été fait lors de semblables dispersions… Deux lecteurs d’André Breton lui répondent. Lisez cet article et les deux réponses, ils nous encouragent, nous, à persévérer dans notre action.

André Breton, 42 rue Fontaine par Bernard Morlino — Lire, avril 2003

Le bric-à-brac fabuleux collecté par André Breton va être mis aux enchères.

La belle affaire ! Quand on n’a pas su créer un musée du surréalisme, autant faire plaisir aux collectionneurs.

Ce n’est pas une blague post mortem de 1er avril signée par l’auteur de Poisson soluble… La vente de la collection d’André Breton déchaîne les passions. Passion des collectionneurs qui ont repéré l’objet convoité ; passion des disciples de l’ancien habitant du 42, rue Fontaine, Paris IXe.

La fille et la petite-fille du créateur de L’amour fou sont libres de vendre leur héritage. Les ayants droit se sont déjà pliés à des donations et dations importantes. L’Etat a reçu tout ce qui décorait le « mur » du bureau de l’ancien maître des lieux, augmenté d’œuvres de Miró, Brauner et Matta.

Les thuriféraires qui s’offusquent des enchères publiques à Drouot-Richelieu, du 1er au 18 avril, n’ont pourtant pas levé le petit doigt pour dénoncer la dispersion de la bibliothèque de Tristan Tzara, en 1989. Le fondateur du mouvement dada qui voulait « tout démolir » était lui aussi un fieffé collectionneur ! Personne non plus n’a condamné les vacations du fonds surréaliste vendu par le libraire Jacques Matarasso. Et le 30 avril 1993, aucun écrivain n’est reparti avec le lit où mourut Apollinaire. Le cadre avec sommier et pieds rouillés fut bradé à mille francs.

Toujours pas de musée du surréalisme. Depuis la mort de Breton, en 1966, nul n’a été capable de fonder un musée du surréalisme, digne de ce nom qui a fait fortune, alors qu’il en existe un voué au tire-bouchon… La vente des trésors des arts populaire et primitif amassés pendant quarante-quatre ans dans soixante mètres carrés, au-dessus des cabarets du « Ciel » et de « l’Enfer », est un juste retour des choses. Leur propriétaire a légué délibérément un pactole à ses descendants. Le contester salit sa mémoire.

Une douzaine d’experts ont mis trois ans à répertorier les cinq mille lots des vingt-trois sessions annoncées : livres, revues, tableaux, photos, sculptures… Le bric-à-brac du cabinet des curiosités contenait poupées hopi, statuettes océaniennes, moules à hosties et à oublies. Tout un programme ! Les masques esquimaux sont annoncés à 150 000 euros ; Je ne vois pas la femme cachée dans la forêt, de Magritte, 800 000 euros. Quelque 500 manuscrits et 3 500 ouvrages recouverts de papier cristal feront des heureux. Guère de grands papiers parmi toute la littérature contemporaine présente, mais d’innombrables dédicaces de prestigieux expéditeurs : FreudTrotski, Dalí, Michaux… Chemises contenant Nadja, dossiers sur les séances dites « des sommeils », prisées par Robert Desnos, traces des cadavres exquis, roman noir, sciences occultes, ethnologie et romantiques, on trouve tout chez Breton.

Profession, collectionneur. Dès 1921, il était rabatteur de chefs-d’œuvre littéraires ou picturaux au service du mécène Jacques Doucet. André Suarès et Louis Aragon officiaient aussi pour le couturier qui fit don de sa bibliothèque à Paris. Elle contient notamment la correspondance du « pape du surréalisme » qui a mis le veto jusqu’en 2016 tant ses lettres sont des bombes à retardement. Payé 20 000 francs par an, le bibliothécaire et conseiller artistique Breton préconisa d’acheter des Picasso et des Douanier-Rousseau. Le mentor vécut de ce commerce, tout comme Paul Eluard. A l’opposé, Philippe Soupault forma une « collection fantôme » afin de se démarquer de la névrose de posséder. « Je cherche l’or du temps », disait Breton pour définir l’inspiration. A la vérité, il le trouva puisque tout ce qu’il récolta s’est transformé en valeur refuge : le magot de sa caverne devrait dépasser les 30 millions d’euros. Au lieu de végéter au fond d’un tiroir ou dans les arrière-salles de la culture, sa moisson va réjouir collectionneurs et spéculateurs. Jadis, les frères Goncourt avaient choisi de vendre leurs biens à des amateurs plutôt que de les exposer à l’indifférence des visiteurs de musées. La soi-disant braderie surréaliste décriée par les rebelles de pétitions n’a rien à voir avec l’essence d’un mouvement qui prône la création sans le contrôle de la raison. Un cédérom de l’univers du père d’Aube et du grand-père d’Oona fera office de musée portatif. La poésie de Breton, elle, n’est pas à vendre.

Réponse à Lire : sur la vente André Breton d’Odile Biyidi

La poésie de Breton n’est pas à vendre ? Il est étonnant de lire cet axiome dans un magazine qui fait la promotion des livres et nous incite à les acheter. Moi j’ai acheté les textes de Breton pour pouvoir les lire et les relire. Je n’ai pas payé cher pour cela. Quand je suis pauvre je vais lire dans les bibliothèques publiques où l’Etat a acheté des livres pour que les gens puissent les lire. Je ne saurais compter les heures d’enchantement que j’ai passées dans les bibliothèques. Je séjourne de longues semaines chaque année au Cameroun. Le rêve des gens là-bas est d’avoir des bibliothèques.

Parfois il n’y a qu’un livre pour une classe de plus de cent élèves.

Pourtant le pays est riche en forêts et en pétrole, mais il n’enrichit que quelques dirigeants et trafiquants, style Tarallo ou Bongo. C’est peut-être l’un d’eux, ou quelqu’un dans leur genre, qui s’offrira, avec l’argent du pétrole, un objet ayant appartenu à Breton, pour épater les ploucs milliardaires de son entourage. Cette idée est particulièrement déplaisante.

Parmi les milliers de visiteurs indifférents des musées — ploucs pour ploucs je préfère cependant la noce de Gervaise, ignare, aux spéculateurs — il se trouvera quelqu’un qui sera saisi par la beauté convulsive d’un tableau comme le furent André Breton ou Yves Tanguy devant Le cerveau de l’enfant aperçu d’un autobus dans une vitrine, offert au regard de tous. Tous les grands découvreurs ont d’abord été des connaisseurs et pour cela il faut avoir vu des tableaux en vrai, et pas dans les pages d’un livre ou sur un cd-rom. Seul un philistin peut penser que c’est la même chose, confondant lire une carte et marcher sur la route. Que l’argent de l’état, c’est-à-dire le nôtre, achète des œuvres dont la beauté sera accessible même aux clochards est quelque chose qui peut aider à supporter l’insupportable condition humaine. Il y a infiniment plus de chance en effet que se trouve parmi les clochards un Germain Nouveau ou un Antonin Artaud, à qui ces œuvres parleront, que parmi les croque-morts collectionneurs ou spéculateurs qui ne sont là que pour que les grandes œuvres crient dans le vide de leurs coffres ou de leurs salons, qui croient qu’on peut s’acheter la beauté spirituelle comme celle d’une pute de luxe et qui ne font que l’avilir à leur niveau.

Un des scandales de cette époque qui en est si fertile est la confiscation des arts plastiques par l’argent. L’artiste, écrivain, peintre, musicien crée « pour chercher des hommes, et rien de plus « (Breton, La confession dédaigneuse). La substance purement spirituelle du mot le fait échapper en partie à la confiscation par le pouvoir brut et brutal de la force matérielle de l’argent, le caractère unique du tableau l’y soumet totalement. Il a été coupé de la masse des hommes à qui il s’adressait naturellement. Il a été privé du sens que voulait lui donner son auteur, il n’a plus que la valeur boursière que lui accordent les possédants, indexée sur sa rareté, comme celle du premier timbre émis à Oklahoma city en 1856.

Pauvre Vincent tombé de son enfer terrestre dans cet enfer posthume : ne pas pouvoir être regardé par des âmes comme la sienne mais être exhibé comme signe extérieur de richesse, comme une Rolls ou un diamant, orgueil de ceux qui prétendent posséder la terre, le travail des hommes et même les créations de l’esprit. Quelle humiliation ! La vente et la dispersion des œuvres réunies par André Breton sonne comme une nouvelle défaite de l’esprit, dont un grand pan va se trouver englouti et digéré par l’ogre.

Enfin, pour ceux qui se contenteraient d’un lambeau arraché à la voracité des prédateurs, ajoutons qu’il y a des lieux magiques qu’il faut conserver.

Encore aujourd’hui le pèlerinage à Port-Royal des champs, la visite de Brou, exsudent les grandes passions qui les ont animés. Qu’on pense à la tour Saint Jacques chantée par Breton, aux phénomènes spirituels qui s’ordonnent autour de ces lieux. Il s’agit de bien autre chose qu’une piété fétichiste.

Il y a la puissance des objets, il y a aussi la rencontre entre eux et avec un lieu. On sait combien Breton était sensible à ces impondérables. Ce qui serait puérile superstition, c’est de croire que les lieux agissent mécaniquement. Même si pas une personne sur dix mille ou cent mille n’aura assez d’attention pour capter l’esprit du lieu, il importe qu’il soit préservé.

Quoi qu’il en soit nous saurons bientôt ce qui l’emporte aujourd’hui du respect et de l’amour de l’art et de son plus grand rayonnement, auquel doivent contribuer les forces matérielles si elles veulent s’élever au dessus d’elles-mêmes — l'état ou les mécènes offrent alors aux œuvres le moyen de communiquer avec le plus grand nombre, et d’en illuminer quelques uns — ou du mépris et de la haine de la puissance de l’art qu’on enferme et qu’on rend stérile dans la geôle de l’argent pour qu’il ne risque plus de faire exploser le monde trompeur des apparences, tandis qu’on n’en offre aux foules que les ersatz sans vie, pour qu’elles courent s’abêtir massivement dans les images frelatées dont on les drogue, et que les quelques uns qui y répugnent meurent d’inanition.

« Ce qui en toute rigueur qualifie l’œuvre surréaliste, quel que soit l’aspect qu’elle puisse présenter, c’est l’intention et la volonté de se soustraire à l’empire du monde physique (qui en tenant l’homme prisonnier de ses apparences a si longtemps tyrannisé l’art) pour atteindre le champ psychophysique total (dont le champ de conscience n’est qu’une faible partie) […] : parvenir aux terres du désir que tout, de notre temps, conspire à voiler et les prospecter en tous sens jusqu’à ce qu’elles livrent le secret de 'changer la vie' ». A. Breton Trait d’union.

Réponse à Lire : Une collection d’insanités sur André Breton par L. Duvoy (http ://site.voila.fr/cahier_virtuel)

La revue Lire, du mois d’avril, a laissé paraître un article pour le moins dégoûtant : André Breton, 42 rue Fontaine, signé par un certain Bernard Morlino. En revanche, un parfait papier pour les amateurs de livres de comptes. Il est utile parfois de dresser l’inventaire des idioties de la presse. C’est une basse besogne, mais, en tant qu’hygiène, un devoir quotidien.

En plus d’aimer les livres de comptes, Monsieur Morlino aime l’histoire. En nous rappelant par exemple que la dispersion de la collection constituée par Tristan Tzara n’avait pas entraîné un tel mouvement de protestation. C’était en 1989. Seulement, on ne fait pas de l’histoire en plaquant de vagues arguments, car il faudrait rappeler à ce cher Monsieur que "les livres de Tristan Tzara sont, quant à eux, présents à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet et à la Bibliothèque nationale de France (Réserve des livres rares)" [Hélène Lévy-Bruhl, Tristan Tzara : ses éditeurs et ses illustrateurs, thèse de l’Ecole des Chartes : http ://theses.enc.sorbonne.fr/document.html ? id=3D37], et que si la bibliothèque fut vendue aux enchères, l’Etat prit bien soin d’en mettre à part ses manuscrits, la totalité de sa correspondance et les gravures originales des peintres que Tzara fréquentait. H. Lévy-Bruhl ajoute : "nous avons pu aussi examiner les volumes conservés à la Fondation Miró à Barcelone." Miracle de cette dispersion pour laquelle "les thuriféraires qui s’offusquent des enchères publiques à Drouot-Richelieu, du 1er au 18 avril, n’ont pourtant pas levé le petit doigt" (Morlino). Soit. Leurs raisons devaient être d’ordre bassement matériel — aller chercher les enfants à l’école, faire l’amour, nettoyer la voiture, autant de connivences avec la dictature du marché ! -, puisqu’aucun ne s’est élevé contre le projet de rassembler les pièces les plus importantes de Tzara dans des lieux où tout chercheur peut désormais les consulter.

Passons plutôt au fond argumentaire de l’article. J’ai remarqué trois choses. Premièrement, une langue férocement ironique, moqueuse et parfois insultante. Deuxièmement, des syllogismes tronqués, contradictoires.

Troisièmement, l’absence totale de passion de ce journaliste dans son service rendu aux vendeurs de catalogues et de CD-rom. A croire qu’il ne connaîtrait d’André Breton que les images qu’il a pu rapidement apercevoir. "L’ensemble des catalogues est vendu 280 e sous coffret avec CD-Rom. Celui des manuscrits ou des livres, 60 et 80 e." (Morlino) (…) "La soi-disant braderie surréaliste décriée par les rebelles de pétitions n’a rien à voir avec l’essence d’un mouvement qui prône la création sans le contrôle de la raison. Un cédérom de l’univers du père d’Aube et du grand-père d’Oona fera office de musée portatif. La poésie de Breton, elle, n’est pas à vendre." Pour finir, B. Morlino ose ce renversement radical de position : "la poésie de Breton, elle, n’est pas à vendre". Mais non ! d’ailleurs, qui a parlé de la vendre ? Ce que les pétitionnaires dénoncent, ce n’est pas le fait que la dispersion de la collection d’André Breton soit une trahison de son œuvre, bien sûr que non. Ce que nous craignons, c’est que l’univers qui entoure l’œuvre, sa Stimmung, disparaisse. Ces œuvres rassemblées — et non ce "bric-à-brac" de Morlino — sont le trésor inestimable d’une époque durant laquelle "tout" s’est côtoyé, dans un seul mouvement, une seule aspiration, héritage d’une révolution née en Allemagne, au XIXème siècle, et que l’on nomme le romantisme. Briser cette unité revient à nier qu’il ait pu exister, en marge de la politique, au cœur de l’art, une autre possibilité d’unir les hommes et de changer le monde.

Appel Breton : La poésie de Breton est-elle à vendre ou à lire ?

Les messages d’informations et discussion transmis aux 3400 signataires de l’appel Breton seront désormais modérés, au nom du comité, par Dominique Dussidour, qui prend le relais provisoire de Laurent Margantin.

Bonjour à tous.

Parfois, les magazines littéraires nous surprennent. Ainsi, en ce mois d’avril, et à moins d’une semaine de la vente Breton, l’article de Bernard Molino paru dans la revue Lire, qui à la fois approuve cette vente mais regrette que rien n’ait été fait lors de semblables dispersions… Deux lecteurs d’André Breton lui répondent. Lisez cet article et les deux réponses, ils nous encouragent, nous, à persévérer dans notre action.

Date : Tue, 01 Apr 2003 11:24:35

Subject : [Melusine] [appel Breton] Nouvelles réflexions à J — 7

La vente de la collection André Breton approche et les articles se multiplient dans la presse (Le Journal du dimanche, Zurban, Libération), l’annonçant pour la décrier ou pour s’en féliciter — parfois on ne sait pas trop, les journalistes eux-mêmes non plus, a-t-on l’impression à les lire.

Quoi qu’il soit, nous continuerons à parler au nom des vivants, non des morts, au nom de la littérature et de l’art, non du commerce et de l’argent.

On le rappelle ici : la seule « libre « circulation est celle des personnes qui peuvent aller et venir afin de voir les œuvres dans les musées et les bibliothèques, non celle des œuvres allant d’une salle des ventes à un salon particulier. Ci-après une dépêche AFP informant que le ministre de la Culture propose que l’Etat puisse acheter des « trésors nationaux « à l’étranger — mais n’envisage toujours pas de considérer et de classer la collection Breton comme un « trésor national ».

On lira ensuite, pour garder le moral, c’est-à-dire réfléchir, un texte d’Hervé Le Crosnier qui pose quelques excellentes questions, et un article paru dans Le Parisien.

€ AFP | 31.03.03 | 20h00 Aillagon : amendement en faveur de l’achat à l’étranger de "trésors nationaux"

Le ministre de la Culture et de la Communication Jean-Jacques Aillagon déclare mardi dans un entretien aux Echos qu’il va déposer un amendement encourageant les entreprises à faire un don à l’Etat pour l’aider à acquérir à l’étranger un "trésor national".Cette amendement complètera la loi des musées, qui "prévoit des réductions d’impôts (allant jusqu’à 90 %) pour toute entreprise finançant l’acquisition par les pouvoirs publics d’un trésor national", rappelle M. Aillagon."Mais cette disposition n’est prévue que pour empêcher une sortie du territoire. Je proposerai qu’elle soit étendue à l’achat à l’étranger d’oeuvres considérées comme des trésors nationaux ou de chefs-d’oeuvre absents de nos collections", précise le ministre."Plus tard pourront venir d’autres textes en faveur, par exemple, du marché de l’art, de la transmission du patrimoine historique ou du financement des industries culturelles", ajoute-t-il.Cette interview parait le jour où les députés examinent un dispositif d’incitations fiscales destiné à encourager le mécénat, tant de la part des particuliers que des entreprises.Interrogé sur les liens entre l’économie de marché et la culture, M. Aillagon affirme souhaiter que le ministère de la Culture et de la Communication "soit aussi un ministère de l’économie culturelle". "Je compte d’ailleurs doter son organisation d’une fonction horizontale qui embrasse tous les secteurs de l’économie culturelle", dit-il."Il faut surmonter une vision antagoniste des relations du culturel et de l’économique, de l’art et du marché, dont le débat sur la vente Breton témoigne à sa façon", estime le ministre.Sur cette vente, qui soulève de nombreuses protestations chez les artistes et les intellectuels, M. Aillagon estime qu’il y a "un paradoxe à souhaiter que le marché de l’art -- galeries, antiquités, ventes volontaires -- se développe en France et, dans le même temps, à en contester l’opportunité et même la moralité à chaque grande vente"."L’exception culturelle, c’est l’affirmation que les biens culturels ne sont pas des marchandises ordinaires. Ce n’est pas méconnaître le fait qu’ils sont aussi tributaires et bénéficiaires d’une économie", observe-t-il.

Texte d’Hervé Le Crosnier

La vente et surtout la dispersion des collections de André Breton s’approche. Elle ouvrira par l’exposition des oeuvres à compte de ce mardi 1 avril…

Le commerce est évidemment une part importante de la création. Mais là, est-on encore dans le domaine de la création, ou bien celui de la mémoire.

Au fond, cette affaire Breton nous oblige à reposer la question des "ayant-droits". Droit à quoi, droit encadré par quelles règles ? Les seules règles du commerce ?

Ou la responsabilité d’hériter (pour le meilleur ou pour le pire) d’une personne qui a joué un rôle essentiel dans la construction culturelle de notre univers ?

Car on ne peut pas reprocher à des propriétaires qui ont reçu propriété par héritage, de vendre les bijoux de famille. Ce qui est en jeu, c’est l’incapacité à trouver une solution qui prenne aussi en compte l’intérêt général. C’est un mot pas très commercial celui là, mais il me semble essentiel.

Donc reposons des questions : — comment penser la "propriété" intellectuelle ? Les travaux de créations sont ils soumis au même régime que les biens matériels ?

- comment penser la mémoire culturelle, comme une succession d’objets individualisés ayant été "soustraits" par la préemption à l’emprise du marché, ou comme la nécessité de préserver le chaudron de la création pour y inviter les apprentis-sorciers qui feront la culture de demain ?

- comment penser que la culture puisse, par delà la mort d’un auteur ou d’une auteure, avoir un "héritier" comme seul gardien, sans que la "puissance publique" (seul outil actuellement pour exprimer dans ce domaine les intérêts collectifs des générations à venir) ait un mot à dire.

- comment enfin croire qu’un Ministère de la Culture qui laisse faire une telle vente puisse ultérieurement avoir quelque crédibilité quand il parlera de patrimoine ?

Il se trouvera toujours des gens pour expliquer que le patrimoine sera d’autant mieux conservé qu’il permettra la richesse de propriétaires privés…

Pour le reste, vous aurez droit au cédérom…. qui est lui même protégé par des droits de monopole et donc que vous ne pourrez pas en diffuser les photographies.

Eh oui, il n’y a pas de question traitant de la culture qui ne finisse par devoir choisir son cap au plus près parmi les écueils et les récifs de la "propriété intellectuelle". Certainement le plus vaste débat de l’heure… complètement occulté par les forces du marché et auquel les forces collectives ne parviennent pas à trouver un discours cohérent.

Avec cette vente Breton, nous avons aussi un moyen de repenser la propriété intellectuelle. Par ce qu’on appelle un "raisonnement par l’absurde".

Ce ne serait certainement pas pour déplaire à AB…

Paru dans Le Parisien :

Espace Drouot-Richelieu 9, rue Drouot, , 75009 Paris IX

Du mardi 01 avril 2003 au jeudi 17 avril 2003

Horaires : Tlj de 10h30 à 20h.

Tarif : Tarif plein : Entrée libre.

La collection d’art réunie par André Breton, à défaut d’être conservée en son entier, est sur le point d’être dispersée aux enchères. Une triste occasion d’admirer pour la dernière fois l’ensemble des livres, monnaies, toiles, photos et objets d’art primitif, témoins inestimables de la période surréaliste en France.

Date : Tue, 01 Apr 2003 12:13:41

Subject : [Melusine] Colloque Cerisy/Antonin Artaud. Questions ouvertes

Bonjour à toutes et à tous,

ANTONIN ARTAUD. QUESTIONS OUVERTES

Colloque Cerisy http ://www.ccic-cerisy.asso.fr/

Du lundi 30 juin (19h00) au jeudi 10 juillet (14h00) 2003

Direction : Olivier PENOT-LACASSAGNE

Avec le soutien du Conseil Scientifique de l’Université de Paris III et du Centre de Recherches sur le Surréalisme de l’Université de Paris III (GRD/CNRS 2223)

----------------------------

ARGUMENT :

L’œuvre d’Artaud est une œuvre engagée dans le procès de la "modernité européenne". Ce colloque sera l’occasion d’en repérer les trajets discursifs, poétiques et politiques, d’en répertorier les points de fixation, de rupture ou d’éclatement, d’analyser l’évolution complexe de la pensée d’Artaud sans en interrompre arbitrairement le mouvement.

Le geste critique que cela suppose n’est pas indifférent, toujours menacé de replis frileux ou partisans. Non seulement il exige de lire toutArtaud, récusant de la sorte les découpages abusifs et le morcellement de ses écrits, mais il demande également la suspension des a prioricritiques et cliniques. Nous n’écarterons donc aucune des postures, aucun des parcours qui traversent cette œuvre.

Quelques-uns, largement débattus (le théâtral, le religieux, le mythique, les pratiques d’écriture, l’imagination spéculative), seront l’occasion d’analyses nouvelles ; d’autres, encore peu étudiés, seront interrogés (nom propre et signature ; communauté et secret ; détermination chrétienne de la chair et déconstruction du christianisme ; souffrance et rémunération ; tentation de savoir et reniement ; abjection et fécalité ; métaphysique, pataphysique et athéisme ; écriture et dessin…).

---------------------------

COMMUNICATIONS :

*Martine ANTLE : Artaud théâtralisé *Henri BÉHAR : Le rire d’Artaud *Giorgia BONGIORNO : L’évidant *Béatrice BONHOMME : Antonin Artaud : le corps dans tous ses états *Monique BORIE : Artaud et le modèle oriental *Myriam BOUCHARENC : Artaud et Van Gogh : variations sur l’entre-deux-morts *Guillaume BRIDET : Artaud et le ressourcement mythique des années 1930 *Pierre BRUNO : Homme abstrait jusqu’au corps *Raymonde CARASCO : Antonin Artaud et les Tarahumaras *Ludovic CORTADE : Artaud et le mysticisme chrétien *Laurent DANCHIN : Dubuffet à Rodez : Artaud ou l’art brut ? *Laurent DUBREUIL : Les impossibilités de la lecture *Guy DUREAU : De l’obsession mythographique : invention et réinvention de la fable chez Antonin Artaud *Guilhem FAVRE : Pour en finir avec le jugement de Dieu : un théâtre de la voix *Marcello GALLUCI : Artaud et le mythe de l’Atlantide *Itzhak GOLDBERG : Le visage chez Artaud *Isabelle KRZYWKOWSKI : Artaud et G. Stein *Marie-Christine LALA : Artaud-Bataille, aujourd’hui *Delphine LELIÈVRE : Théâtralité dans les Cahiers de Rodez *Stamos METZIDAKIS : Du Dé d’Artaud : Ceci n’est pas la pensée d’Artaud *Loredana PAVONE : Artaud et la rencontre avec l’autre : "L’arve et l’aume" *Olivier PENOT-LACASSAGNE : De l’invention du divin au jugement de Dieu *Françoise QUILLET : Artaud et le théâtre d’aujourd'hui *Jacob ROGOZINSKI : "Ce spasme auquel la mort veut nous plier" *Emmanuel RUBIO : Artaud/Breton : androgynie et amour fou *Franco RUFFINI : Antonin Artaud et l'"action consciente" *Mari SAKAHARA : Artaud et le Japon — pour une histoire du théâtre transnationale *Diogo SARDINHA : Artaud lu par Foucault et Deleuze *Jean-Luc STEINMETZ : La poésie vraied’Artaud *Céline SZYMKOWIAK : Les glossolalies d’Antonin Artaud *Anne TOMICHE : (Anti)lyrisme d’Artaud ? *Kuniichi UNO : La pantoufle d’Artaud — Artaud et Hijikata

----------------------------------

RÉSUMÉS :

Giorgia BONGIORNO : L’évidant

L'œuvre d'Antonin Artaud nous interpelle en ce qu'elle pose dans son propre mouvement la question de l’œuvre. Son interrogation de l’impossible création en reprend radicalement l’acte même à travers une manipulation du temps qui fonctionne comme une "protestation perpétuelle contre la loi de l’objet créé" (1947). Le concours de l’écrit et du dessin dans cette emprise, qui avait déjà été celle théâtrale, est à lire comme une relation nécessaire.

Il ne s’agit pas seulement d’accentuer par le dessin celle qui est nommée la "motilité" de l’écriture, mais de constituer dans leur croisement une venue poétique jamais vue, "infigurable" dit encore Artaud, toujours sur le point de naître et à jamais ratée.

Par le dessin, Artaud touche l’énigme de sa poésie, une certaine proximité entre évidence et vide, entre monstration et maladresse.

Béatrice BONHOMME : Artaud : le corps dans tous ses états "Artaud est le seul à avoir été profondeur absolue dans la littérature, et découvert un corps vital et le langage prodigieux de ce corps, à force de souffrance. (…) Le langage d’Artaud est taillé dans la profondeur des corps", écrit Gilles Deleuze dans Logique du sens.Cette communication proposera, donc, en s’appuyant sur les analyses de Deleuze, de dresser une sorte de topographie des différents états du corps dans l’œuvre d’Antonin Artaud. Puis, dans un perpétuel aller-retour des mots au corps, des corps aux mots, elle tentera de mettre en exergue l’écriture comme acte infini de guerre et les mots en éclats comme écriture performative.

Myriam BOUCHARENC : Artaud et Van Gogh : variations sur l’entre-deux-morts " Mort empiétant sur le domaine de la vie, vie empiétant sur la mort " ( L’Ethique de la psychanalyse) : ainsi Lacan ébauche-t-il, à propos d’Antigone, le concept d’" entre-deux-morts ", en corrélation avec celui de " seconde mort ", qu’il emprunte à Sade. De cette notion, on trouve trace aussi bien dans les rites de doubles funérailles que dans la Bible ou chez les philosophes (Heidegger, Jankélévitch) et, plus récemment, sous la plume de Daniel Sibony. Qu’elle soit perçue comme une réactualisation de l’origine ou une mort vécue par anticipation, l’entre-deux-morts est une figure majeure du passage, de l’intrication (ou de la désintrication), de la réversibilité. On cherchera à dégager quelques-unes des incidences de ce concept, suggestif dans sa variabilité même, avec Van Gogh le suicidé de la société, texte littéralement écrit entre deux morts, et qui regarde de — et depuis — " l’autre côté de la tombe ".

Guillaume BRIDET : Artaud et le ressourcement mythique des années 1930

L’intérêt d’Artaud pour la culture mexicaine, qui culmine dans son voyage de 1936, s’inscrit dans le cadre plus vaste d’un renouveau mythique qui, dans les années 1930, touche, non seulement l’avant-garde littéraire française, mais encore certaines dramaturges (Cocteau, Giraudoux) ou certains écrivains proches du fascisme (Drieu, Brasillach). Un point commun rassemble tous ces écrivains : la certitude d’une insuffisance à la fois essentielle et conjoncturelle de la civilisation et de la littérature occidentales, insuffisance à laquelle le recours au mythe pourrait permettre de mettre un terme. On s’efforcera de situer les enjeux à la fois moraux, politiques, spirituels et littéraires de la démarche d’Artaud en le comparant avec celles qu’entreprirent dans les mêmes années d’autres écrivains, principalement les membres du Collège de sociologie (Roger CailloisMichel Leiris, Georges Bataille) et les membres du groupe surréaliste (André Breton).

Raymonde CARASCO : Antonin Artaud et les Tarahumaras

Antonin Artaud n’a cessé d’écrire et de ré-écrire sur les Tarahumaras : outre les articles écrits à vif, au Mexique, juste après son Voyage au Pays des Tarahumaras, en septembre-octobre 1936, tels "La montagne des Signes", "Le pays des Rois Mages", "Une Race-Principe", on connaît les deux poèmes "Tutuguri", écrits l’un en octobre 1947, l’autre le 16 février 1948, quelques jours avant sa mort, ainsi que les textes consacrés aux rites du Ciguri, tels "La danse du Peyotl" réécrit en 1937, ou "Le Rite du Peyotl chez les Tarahumaras", écrit à Rodez en 1943, puis remanié en 1947 lors du Retour à Paris. A partir de la projection d’extraits de son film Artaud et les Tarahumaras, Raymonde Carasco analysera en quoi ces textes sont une sorte de catalyseur du montage des images, des sons et des voix, le fil directeurde la dizaine de films qu’elle a réalisés depuis 1978 au "pays des tarahumaras".

Ludovic CORTADE : Artaud et le mysticisme chrétien

Artaud fut-il mystique ? Au-delà de la dimension mythique suscitée par l’œuvre et la vie d’Antonin Artaud, le rapport que ce dernier entretint au mysticisme chrétien demande à être réévalué à la lumière d’une analyse rigoureuse des textes. Le propos sera centré sur le statut et la légitimité des médiations sensibles chez Artaud à l’aune des écrits du Pseudo-Denys, de Maître Eckhart et de Jean de la Croix.

BIBLIOGRAPHIE :

Ludovic Cortade, Antonin Artaud ? La VirtualitéIncarnée, ParisC.N.R.S./L’Harmattan, 2000

Laurent DUBREUIL : Les impossibilités de la lecture

Au moins pour le dernier Artaud, la lecture se voudrait intenable.

L’œuvre voudrait juste être attestée, mais surtout pas interprétée, ni lue. Même les "lecteurs vérifiés" peuvent faillir, et trahir. C’est le cas de Jacques Prevel, impossible disciple. Et Paule Thévenin, dans son édition du texte, se met elle aussi à lire plus qu’Artaud ne commandait — au nom pourtant d’une (illusoire) fidélité aux manuscrits.

BIBLIOGRAPHIE :

Laurent Dubreuil, De l’Attrait à la possession, Paris, Hermann, 2003, coll. "Savoir : lettres"

Guy DUREAU : De l’obsession mythographique — invention et réinvention de la fable chez Antonin Artaud

En considérant les textes les plus importants qui jalonnent la "carrière" littéraire d’Antonin Artaud, depuis l’Ombilic des Limbes jusqu’à la conférence du Vieux Colombier, je me propose d’étudier comment se produit de façon récurrente dans ces textes une sorte de refonte de la réalité dans l’édification systématique d’une mythologie personnelle qui subvertit toute dénotation référentielle. En effet, Artaud compense la déception que lui impose l’épreuve du réel, avec tous ses obstacles et toutes ses insuffisances, par l’élaboration obsessionnelle de constructions imaginaires nourries syncrétiquement de mythes personnels ou collectifs, prises dans le tourbillon d’incessantes métamorphoses, et mêlant indistinctement la fiction et la réalité. J’envisage de montrer comment s’organisent et se combinent alors, autour du processus de répétition, l’itération lexico-sémantique et la récurrence thématique, moyens d’une quête sans cesse relancée à partir du langage et du mythe pour traduire l’intrusion systématique du fantasme dans le réel.

Itzhak GOLDBERG : Le visage chez Artaud

Les visages contemporains échappent à leur inscription dans la tradition humaniste ou religieuse, ne se considèrent pas comme le condensé psychologique de la personne, ne croient plus dans leur capacité à immobiliser le temps. La dépersonnalisation, la décomposition, font que la face perd son statut de monument et s’approche davantage d’une figure vague, n’offrant aucune garantie d’éternité. C’est ainsi que des têtes de Michaux, de Gasiorowski, de Rainer, ou de Saura, défilent devant nous comme un magma d’éléments disjoints et indistincts. Ceux d’Artaud, amorphes, semblent échapper à toute fonction descriptive.

Définis par leur auteur comme "une force vide, un champ de mort", ces griffonnages fébriles, faits à partir de traits qui s’interrompent au milieu de leur trajet, sont des figures anguleuses, éclatées et disloquées qui mettent en scène leur propre anéantissement. On tentera d’étudier leur spécificité et les rapports qu’ils entretiennent avec les écrits.

Marie-Christine LALA : Artaud-Bataille, aujourd’hui

Nous inscrivons notre questionnement dans l’ouverture de cet Aujourd’hui sans cesse renouvelé à la source du présent. C’est le pourquoi de la présence continuée d’Artaud et de Bataille qui insiste et fait appel devant nous ici et maintenant. Au centre de notre propos, nous mettrons leurs pratiques d’écriture pour souligner à quel point ces créations dans la langue, aussi différentes soient-elles l’une de l’autre, ont tendu pour toujours l’axe qui relie métaphysique et langage.

BIBLIOGRAPHIE :

La haine de la poésie dans l’écriture et la pensée de G. Bataille, In Bataille writing the sacred, Ed. Routledge, Londres et New-York, 1995

Le réel en jeu (Artaud, Bataille, Breton), Revue Mélusine : Réalisme-Surréalisme, n°XXI, Ed. L’Age d’Homme, Lausanne, Suisse, 2001

Dénigration poétique et création, d’après G. Bataille, In Altérations, créations dans la langue : les langages dépravés, Ed. A. Tomiche, Presses Universitaires Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, 2001

Artaud / Bataille : L’écriture dans la langue, Revue Europe Antonin Artaud n°873-874, janvier-février 2002

Stamos METZIDAKIS : Du Dé d’Artaud : Ceci n’est pas la pensée d’Artaud

Incantatoire bien plus que représentative, la parole chez Artaud se veut errante, aléatoire. Ayant sa source dans les humeurs et mouvements du corps du poète, elle ne vise pas à développer logiquement une pensée qui serait "derrière" une instance langagière particulière, mais à se laisser emporter par le hasard (ce qui vient du mot "dé" en arabe) de l’articulation elle-même. Or, il se trouve que cette articulation, comme par hasard, se fait très souvent chez Artaud à l’aide du préfixe "dé-", négativisant ainsi et faisant éclater toute finitude, qu’elle soit sémantique, thématique ou existentielle. Aussi sa parole ne peut-elle indiquer que ce non-lieu exprimé gravement par l’élève Hamlet de Prévert : "Je suis où je ne suis pas". Allant de la tension phonémique et symbolique de la voyelle <é> à la libération et à l’ouverture articulatoire de <a>, sa parole corporelle, mise en scène ici par notre titre, finit toujours ainsi par l’emporter sur son esprit.

Franco RUFFINI : Antonin Artaud et l'"action consciente"

La cruauté d’Artaud, appliqué à l’acteur, est la nécessité de n’accomplir que des actions conscientes : s’il veut "re-faire" la vie, comme Artaud le demandait. Action consciente signifie action remplie de "pensée" et pensée remplie d’action, à chaque instant de sa durée. Dans le contexte historique d’Artaud, on peut connaître la pratique et la théorie de l’action consciente à travers de Gurdjieff et son milieu. Les rapports, directs ou indirects, entre ce milieu et Artaud font l’objet de mon intervention.

Mari SAKAHARA : Artaud et le Japon — pour une histoire du théâtre transnationale

Trente ans après sa parution (1938), Le Théâtre et son double a eu des lecteurs parmi les hommes de théâtre japonais comme TERAYAMA et SUZUKI. Ils ont montré des réactions divergentes, mais pareillement sensibles aux lignes de forces de l’œuvre d’Artaud qui nous semble en contiguïté étroite avec les crises et les remises en cause des conditions humaines, mondialement vécues au vingtième siècle. Il est temps de libérer les écrits d’Artaud des mythes d’un visionnaire et d’Artaud le momo, réprouvé contestataire, et d’apprendre à les lire pour une histoire du théâtre transnationale.

Diogo SARDINHA : Artaud lu par Foucault et Deleuze

Jusqu’à la fin de sa vie, Deleuze restera fidèle à l’inspiration venue d’Artaud et proposera même d'« en finir avec le jugement » en général. Pour sa part, Foucault ne fera plus de référence à l’écrivain, qui fut une figure majeure de ses textes des années 60 sur la transgression et la folie ; tout se passe comme si l’expérience d’Artaud ne lui permettait plus de faire avancer sa réflexion. Qu’y a-t-il alors dans les « guerres déclarées » par Artaud qui ait invité Deleuze à les pousser plus loin ? Et contre quelle limite butent-elles pour que Foucault semble les avoir abandonnées ?

Anne TOMICHE : (Anti)lyrisme d’Artaud ?

Cette contribution interrogera les reconfigurations lyriques que propose l’œuvre d’Artaud. Qu’en est-il du lyrisme dans la poésie d’Artaud, quand ce lyrisme ne peut être identifié ni "aux fibres mêmes du cœur de l’homme" (que Lamartine disait avoir substituées à la lyre de convention) ni aux "élastiques de [s]es souliers blessés" (que Rimbaud tire "comme des lyres") ? Si la poésie, avec Artaud, continue à s’affirmer comme chant et souffle, de quelle nature sont ce chant et ce souffle ? C’est la question à laquelle nous tenterons de répondre à partir d’une étude qui portera à la fois sur les premiers poèmes d’Artaud ( Tric Trac du Ciel, L’Ombilic des Limbes), sur la Correspondance avec Jacques Rivière et sur les poèmes écrits à Rodez et après Rodez ( Ci-Gît, Suppôts et Suppliciations).

Kuniichi UNO : La pantoufle d’Artaud — Artaud et Hijikata

Le danseur Tatsumi Hijikata, qui a créé une nouvelle danse expérimentale (le buto) dans les années 60 au Japon, s’est beaucoup intéressé à Artaud, mort en mordant la pantoufle, c’est à partir de cette image qu’il a écrit un petit texte extraordinairement dense sur la vie et la pensée d’Artaud. Pour Hijikata l’être du corps demande la recherche incessante durant toute une vie.

Comme dans le cas d’Artaud, les conflits entre tout ce qui détermine et clôt le corps et tout ce que le corps possède comme vitalité infinie se présentent comme question primordiale pour Hijikata et ses expérimentations.

Cordialement,

Carole Aurouet

Date : Tue, 01 Apr 2003 22:03:33

Faire part de naissance :

Vient de paraître, à l’adresse suivante :

http ://www.cavi.univ-paris3.fr/Rech_sur/astu/astu.htm "ASTU

Le présent site étant régulièrement consulté par une quantité notable de lecteurs (indiquée par l’instrument statistique associé à chaque page), il nous parait désormais souhaitable de leur offrir, outre les différentes bases de données, textes originaux, informations et recensions déjà présents, des études neuves en français. Cette rubrique, nous l’intitulons ASTU, en référence au mot énigmatique de Nietzsche, dans une lettre reproduite dans le deuxième numéro du Surréalisme au service de la révolution (octobre 1930) qui tant intrigua l’auteur de l’Anthologie de l’humour noir. Elle contient : des essais, articles inédits, recherches en cours ; des notes plus ou moins brèves ; des documents ; des traductions de travaux méritant l’attention de la communauté francophone.

Comme toutes les pages de ce site, ces différentes études sont sélectionnées par le comité de lecture du Centre de recherches sur le surréalisme, qui ne saurait pour autant être engagé par le contenu des propos laissés à l’entière responsabilité de leurs auteurs."

Dès maintenant, on peut consulter et charger l’article de Corinne Prinderre sur Saint-John Perse lecteur de Carrouges.

Henri Béhar

Date : Tue, 01 Apr 2003 17:19:01

En rev’nant de l’expo par Dominique Hasselmann

Les trois mille tracts ayant été distribués ce matin, avec Yves Veyrier et deux autres personnes, à la ronde incessante des visiteurs de la salle Drouot, j’ai été faire un tour à l’exposition préalable à la vente André Breton du 7 avril.

C’est le choc et le Jouffroy, si j’ose dire !

Car l’immense «trésor», que balaie d’un trait d’interview Alain Jouffroy dans «Libération» du 1er avril, est bien là, mais seulement pour quelques jours encore. La salle Drouot est devenue (»Je cherche l’argent du temps», aurait pu dire l’initiateur de cette entreprise mercantile !) un lieu surréaliste où plane l’ombre, ou le fantôme sans doute ironique, d’André Breton.

On ne sait plus où donner de la tête devant tous ces manuscrits (impossible de prendre le temps de lire en entier une lettre adressée à Georges Bataille, par exemple), ces photos (André Breton essayant des lunettesAndré Breton multiplié à l’infini sur les murs…), ces tableaux (le célèbre portrait de Victor Brauner, accroché près du plafond, par manque de place), ces objets exotiques, ces compositions hasardeuses, ces livres par milliers (attachés comme des asperges en botte)…

L'Etat a donc trouvé un lieu pour rassembler le «fonds» André Breton : la salle Drouot. Cela s’imposait.

En circulant dans les allées des différentes pièces classées par thèmes, on entend parler anglais, américain, japonais… Certains disent : «Regarde le numéro 2345, celui-là je le veux, je le note !».

Chacun fait son marché et se «réserve» pour le 7 avril.

Après cette date (»Arcane 7»...), tout sera envolé au vent des enchères, des avions traversant l’Atlantique, du grincement des huissseries des coffre-forts.

L’affiche jaune et noir, encadrée, qui annonçait une conférence d’André Breton relatant sa rencontre avec Léon Trotsky se retrouvera sur le mur d’un PDG qui hait rien tant que tous les extrémismes et toutes les idéologies….

C'est sans doute, en ce moment, l’exposition à voir à Paris !

Attention : elle ne dure qu’une semaine. Pour en garder trace, il suffit d’acheter le catalogue (de la vente) ou un CD-rom. Les pin’s sont en cours de fabrication ainsi que les tee-shirts (si Didier Daeninckx est d’accord pour que l’on reprenne son slogan-pavé !).

En fait, André Breton surveille cette exposition : il a même dit «Passe !».

Sa voix a soudain retenti ce matin dans l’Hôtel des ventes, je l’atteste : «Hors d’ici, les marchands du temple !», a-t-il tonitrué. Les acheteurs ont pris leurs jambes à leur cou…

On peut toujours rêver, non ?

Où sera le ministre de la Culture, lui, le 7 avril ?

AFP | 01.04.03 | 12h25 (transmise par Paul Hermant, de lautresiteBruxelles)

Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture et de la Communication, se rendra en Roumanie, en Hongrie et en Pologne du 7 au 11 avril, pour renforcer des relations culturelles déjà anciennes avec ces pays qui ont vocation à rejoindre l’Union européenne, dès 2004 pour la Hongrie et la Pologne, a annoncé mardi le ministère. M. Aillagon, précise un communiqué, s’entretiendra avec ses homologues "pour amorcer un dialogue sur l’importance des enjeux culturels dans l’espace européen et la nécessité de défendre la diversité culturelle et linguistique, dans les relations bilatérales, comme dans les enceintes multilatérales".Francophonie, industries culturelles, patrimoine, promotion de la création contemporaine seront au centre des entretiens et des travaux.A Bucarest, où M. Aillagon débutera sa visite, les 7 et 8 avril, le livre et les archives seront également abordés. Le ministre doit notamment s’entretenir avec Razvan Theodorescu, ministre roumain de la Culture et des Cultes, puis avec le président Ion Iliescu, le Premier ministre Adrian Nastase et le maire de Bucarest, Traian Basescu. Une convention sur le patrimoine sera signée.A Budapest, les 9 et 10 avril, les entretiens porteront notamment sur l’audiovisuel, avec le lancement de la semaine consacrée à ARTE, et la Saison française en Hongrie. M. Aillagon rencontrera les directeurs de chaînes de télévision publiques, s’entretiendra avec Gabor Görgey, son homologue hongrois avec lequel il donnera une conférence de presse portant sur le Salon du livre, avec la France comme invitée d’honneur (24-27 avril), et le Festival du Film français (25-27 avril).En Pologne, les 10 et 11 avril, le ministre s’attachera à la préparation de la Saison polonaise en France, qui aura lieu en 2004. Il rencontrera Andrzej Wajda et d’autres professionnels du cinéma polonais, notamment les jeunes réalisateurs, avant de s’entretenir avec Waldemar Dabrowski, ministre de la Culture polonais.Dans chaque pays M. Aillagon sera accompagné d’une délégation d’artistes, de chefs d’entreprises et de responsables d’institutions culturelles.

Date : Wed, 02 Apr 2003 11:36:33

Thomas Girst est l’éditeur du site Tout-Fait : The Marcel Duchamp Studies Online Journal (www.toutfait.com). Nous vous transmettons un article qu’il a écrit, paru en mars sur <http ://www.nyartsmagazine.com/74/french.htm> ainsi qu’en édition papier, et à paraître prochainement dans un journal allemand.

Merci à lui.

J’Accuse the French Government ! : Why Surrealism’s Clearance Sale Must Be Stopped

Thomas Girst

One stereotype will have to go : That the French are masters in taking care of their own cultural heritage. In one long barbaric act between April 7 and April 18 this year, quite the opposite will become apparent. The auction house Calmels Cohen will sell all artworks, photographs, books, and objects that Surrealism’s founding father André Breton amassed in his studio on Rue Fontaine 42, Paris. Between 1922, two years before his first surrealist manifesto until his death in 1966 the address was the home of the Surrealist headquarters, a worldwide organization and the major art movement of the twentieth century. The over 5, 000 lots are expected to bring in about forty million dollars. Yes, Breton’s space was an incredible mess that no more than five people could possibly enter at the same time, impossible as a public place. To be sure, the French have preserved the house of Victor Hugo, Gustave Moureau’s tiny museum is still intact (a shrine for the Surrealists), Brancusi’s studio was recently rebuilt in front of the Centres Pomidou and the house of Proust’s aunt outside of Paris has become a site of continuous pilgrimage.

Not so Breton’s place. From an economic point of view it could not be maintained through entrance fees alone. Breton’s wife Elisa knew this yet kept the place in perfect disorder until her death in 2000. Breton himself never mentioned anything in regard to the future of his cramped 'wunderkammer’-appartment and now his daughter Aube, lacking public funding for a Surrealist Foundation, has decided to give it all away after trying for years to establish the place.

The anger today is not so much directed towards her as towards the French government. An online petition for the preservation of Breton’s studio reads in part : «We find the very idea of this event to be to the shame of French Government, and contrary to the best accounting of the History of the Twentieth Century. Together, the manuscripts, books, objects, and art within Andre Breton’s studio at 42 Rue Fontaine are very different from other 'great collections.' Together, they represent a global Idea the likes of which has never before been seen in Europe or elsewhere. Together, and only together they create a Marvelous Site with more historic significance than many in Paris.» Breton always refused to accept any prices or monetary aid from his own country, living modestly and in rigorous self-imposed independence surrounded by artworks of Picasso, Ernst, Duchamp, and de Chirico. The auction house produces a five-volume catalogue and a CD-Rom listing all of his belongings but"as Bill Wilson recently remarked"a problem of making archives is that any rearrangement of papers destroys information.

Early last year, “Surrealism : Desire Unbound” came to the Metropolitan Museum via London’s Tate Modern, which had organized the show. The press reviewed Surrealism’s obsession with the female body and its use of the occasional pornographic image as a joke that had finally gone stale. It was unbelievable ! Here is a movement that aimed at major upheavals not only in the arts but also of society as a whole. Whose founding father André Breton worked together with Trotsky on a manifesto for the unconditional freedom of a perpetually revolutionary arts. A movement that brought forward some of the most exciting filmmakers, artists and writers of the twentieth century.

A movement without which de Sade, Lautréamont, and Rimbaud would not be as well known as they are today. The importance of dreams, the revelation of capitalism’s humanistic emptiness, the constant battle against a mechanized world, the possibility of the romantic, of obsessions, of true feelings even today : All this was Surrealism, ever exploring the unconscious, staging the earliest exhibition against colonialism, with Breton warning both of Hitler and Stalin when others would not listen. The word 'surreal' is in frequent use today due to its founding father’s willpower to put it on the map.

Surrealism’s heart was still beating wildly until recently. It can still be found pulsating restlessly within the texts, the movies and the arts. But its geographic epicenter will be lost forever if the auction isn’t stopped now. protests at : www.remue.net and www.geocities.com/surrealisme_in_nederland/

Un J’accuse ! venu de New York

Thomas Girst est l’éditeur du site Tout-Fait : The Marcel Duchamp Studies Online Journal (www.toutfait.com). Nous vous transmettons un article qu’il a écrit, paru en mars sur

http ://www.nyartsmagazine.com/74/french.htm

ainsi qu’en édition papier, et à paraître prochainement dans un journal allemand.

Merci à lui.

J’Accuse the French Government ! :

Why Surrealism’s Clearance Sale Must Be Stopped

Thomas Girst

One stereotype will have to go : That the French are masters in taking care of their own cultural heritage. In one long barbaric act between April 7 and April 18 this year, quite the opposite will become apparent. The auction house Calmels Cohen will sell all artworks, photographs, books, and objects that Surrealism’s founding father André Breton amassed in his studio on Rue Fontaine 42, Paris. Between 1922, two years before his first surrealist manifesto until his death in 1966 the address was the home of the Surrealist headquarters, a worldwide organization and the major art movement of the twentieth century. The over 5, 000 lots are expected to bring in about forty million dollars.

Yes, Breton’s space was an incredible mess that no more than five people could possibly enter at the same time, impossible as a public place. To be sure, the French have preserved the house of Victor Hugo, Gustave Moureau’s tiny museum is still intact (a shrine for the Surrealists), Brancusi’s studio was recently rebuilt in front of the Centres Pomidou and the house of Proust’s aunt outside of Paris has become a site of continuous pilgrimage. Not so Breton’s place. From an economic point of view it could not be maintained through entrance fees alone. Breton’s wife Elisa knew this yet kept the place in perfect disorder until her death in 2000. Breton himself never mentioned anything in regard to the future of his cramped 'wunderkammer’-appartment and now his daughter Aube, lacking public funding for a Surrealist Foundation, has decided to give it all away after trying for years to establish the place.

The anger today is not so much directed towards her as towards the French government. An online petition for the preservation of Breton’s studio reads in part : “We find the very idea of this event to be to the shame of the French Government, and contrary to the best accounting of the History of the Twentieth Century. Together, the manuscripts, books, objects, and art within Andre Breton’s studio at 42 Rue Fontaine are very different from other 'great collections.' Together, they represent a global Idea the likes of which has never before been seen in Europe or elsewhere. Together, and only together they create a Marvelous Site with more historic significance than many in Paris.”

Breton always refused to accept any prices or monetary aid from his own country, living modestly and in rigorous self-imposed independence surrounded by artworks of Picasso, Ernst, Duchamp, and de Chirico. The auction house produces a five-volume catalogue and a CD-Rom listing all of his belongings but"as Bill Wilson recently remarked"a problem of making archives is that any rearrangement of papers destroys information.

Early last year, “Surrealism : Desire Unbound” came to the Metropolitan Museum via London’s Tate Modern, which had organized the show. The press reviewed Surrealism’s obsession with the female body and its use of the occasional pornographic image as a joke that had finally gone stale. It was unbelievable ! Here is a movement that aimed at major upheavals not only in the arts but also of society as a whole. Whose founding father André Breton worked together with Trotsky on a manifesto for the unconditional freedom of a perpetually revolutionary arts. A movement that brought forward some of the most exciting filmmakers, artists and writers of the twentieth century. A movement without which de Sade, Lautréamont, and Rimbaud would not be as well known as they are today. The importance of dreams, the revelation of capitalism’s humanistic emptiness, the constant battle against a mechanized world, the possibility of the romantic, of obsessions, of true feelings even today : All this was Surrealism, ever exploring the unconscious, staging the earliest exhibition against colonialism, with Breton warning both of Hitler and Stalin when others would not listen. The word 'surreal' is in frequent use today due to its founding father’s willpower to put it on the map. Surrealism’s heart was still beating wildly until recently. It can still be found pulsating restlessly within the texts, the movies and the arts. But its geographic epicenter will be lost forever if the auction isn’t stopped now.

protests at : www.remue.net and

www.geocities.com/surrealisme_in_nederland/

Date : Wed, 02 Apr 2003 19:58:19

Subject : [Melusine] [appel Breton] Question écrite à la Commission européenne ?

Nous vous transmettons la question parlementaire concernant la création d’une fondation capable d’accueillir la collection historique d’André Breton posée par Stavros Xarchakos à la Commission européenne.

Questions parlementaires

QUESTION ÉCRITE E-0416/03 posée par Stavros Xarchakos (PPE-DE) à la Commission

(06 février 2003)

Objet : Collection historique d’André Breton

Selon la presse grecque, la famille d’André Breton, de ce grand poète qui a publié le premier "Manifeste du surréalisme", a décidé de mettre aux enchères ses objets personnels, qui se trouvent dans l’appartement où il a vécu jusqu’à sa mort. Cette décision de la famille n’est que la conséquence des tentatives infructueuses qu’elle a faites auprès du gouvernement français pour obtenir que cet appartement soit transformé en musée.

La collection de Breton comporte des livres, dont bon nombre sont signés par Trotski et Freud, de la correspondance, des tableaux de peintres surréalistes, comme Miró et Magritte, des photographies innombrables, considérées par les experts comme des documents uniques de l’histoire du surréalisme, ainsi que des centaines d’autres objets. Il s’agirait en tout de quelque 5500 objets, dont la valeur oscillerait entre 30 et 40 millions d’euros. C’est André Breton qui a donné une nouvelle dimension à la culture européenne commune. Par son oeuvre, qui constitue une référence très importante non seulement dans la culture française mais également dans la culture européenne, il a bousculé l’ordre établi qui prévalait dans l’ensemble des arts.

Quelles initiatives la Commission entend-elle prendre pour protéger un patrimoine aussi précieux que celui de cette grande figure du surréalisme européen ? Que pense-t-elle de l’idée de l’acquérir pour le placer dans un endroit particulier ou de promouvoir la création d’un musée qui l’abriterait, et de venir enrichir encore de la sorte l’identité culturelle européenne commune ?

Date : Thu, 03 Apr 2003 13:29:43

Subject : [Melusine] [appel Breton] Aillagon parle… et ne dit rien

Pour info, les déclarations de J-J Aillagon à Michèle Champenois, dans Le monde qui paraît à l’instant. Le ministre de la Culture nous aura donc ignorés jusqu’au bout. Raison de plus de faire de notre rassemblement de lundi 7, au moment de l’ouverture de la vente, une vraie et puissante déclaration de notre honte devant ce gâchis absurde.

Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture "La vente Breton ne dispersera pas sa mémoire. Elle la propagera"

LE MONDE | 03.04.03 | 12h52

L’Etat interviendra dans les enchères, mais se refuse à "momifier" le surréalisme et les collections de son meneur de jeu.

Les collections d’André Breton conservées dans l’atelier du 42 rue Fontaine seront vendues aux enchères à l’hôtel Drouot, du 7 au 17 avril. De nombreuses voix se sont élevées contre la dispersion d’un ensemble unique par la stature de l’écrivain, âme du mouvement surréaliste, et par l’agencement des œuvres où se côtoyaient le rare et le banal selon des correspondances secrètes voulues par le poète. Le ministre de la cultureJean-Jacques Aillagon, répond à nos questions.

Aux demandes d’interdiction de la vente, formulées par une association qui a recueilli plusieurs milliers de signatures, vous avez répondu en rappelant la liste des œuvres entrées dans les collections nationales par achat, donation ou dation, mais vous n’avez pas pris parti sur la dispersion elle-même. Pourquoi ?

Le simple rappel de cette liste et de sa chronologie indique bien que la dispersion de la collection constituée par André Breton a commencé il y a fort longtemps. Elle a commencé quand Breton lui-même a fait don de sa correspondance à la bibliothèque Jacques-Doucet.

Dans le prolongement et dans l’esprit de ce geste, sa veuve, Elisa, puis sa fille, Aube, ont manifesté le constant souci de mettre à l’abri des collections nationales les parts essentielles de cette collection, par des dons ou des ventes à l’Etat. En témoigne avec éclat la dation du célèbre "mur" et les dons majeurs qui l’accompagnent.

On peut regretter que, dans les années 1970 et les années 1980, l’Etat n’ait fait aboutir aucune proposition globale pour l’acquisition du fonds, mais je ne peux pas laisser dire que rien n’a été fait, que rien ne s’est passé.

Elisa, puis Aube Elléouët-Breton ont su tisser avec l’Etat et ses institutions culturelles une relation extraordinairement profonde, où priment la confiance et la générosité.

La vente ne remet pas en cause cet acquis. Puisse-t-elle même nous permettre d’aller plus loin, car comme je l’ai dit à plusieurs reprises, l’Etat compte bien être présent lors de cette vente. Je ne vois pas, quoi qu’il en soit, au nom de quoi il aurait été légitime de s’opposer à la volonté de la fille d’André Breton de rendre à la passion des collectionneurs, à la "passion privée", pour reprendre la belle expression de Suzanne Pagé, ce que la passion de collectionneur de Breton avait rassemblé. Je ne redoute pas les effets de cette vente. Elle ne dispersera pas la mémoire d’André Breton.

Elle la propagera.

Quelle est la politique du ministre de la culture vis-à-vis des "lieux de mémoire" ?

Dans le cas de Victor Hugo, c’est la volonté de la famille qui a constitué les lieux de mémoire que sont la place des Vosges et la maison de Guernesey.

Il en est de même pour le Musée Bourdelle, le Musée Zadkine, le Musée Maurice-Denis, ou tant d’autres. Mais la réussite n’est pas toujours au rendez-vous, spécialement lorsqu’il faut réimplanter un ensemble d’œuvres et d’objets dans un nouveau cadre. Malgré le talent de Renzo Piano, l’atelier Brancusi reste un "objet culturel" ambigu. Le lieu de mémoire devient trop souvent un lieu d’oubli. Ces pieux cénotaphes sont, de façon touchante mais un peu puérile, une périlleuse protestation contre le temps, contre la mort.

Le temps finit toujours par tout rattraper.

Je crois que notre culture nous a fourni deux formidables "machines" à assumer et continuer l’histoire, à digérer et gérer le temps : ce sont les bibliothèques et les musées. Ils permettent au particulier de devenir général, au privé de devenir public, à l’éphémère de braver le temps.

Contrairement aux lieux monographiques, à la multiplication desquels je ne suis pas favorable, ils maintiennent vivante la relation d’échange et de confrontation avec d’autres pensées et d’autres œuvres dans laquelle s’élabore toujours toute pensée et toute œuvre.

Confier Breton à ces lieux de la mémoire active d’une part, et à la passion des amateurs d’autre part, c’est bien œuvrer pour sa postérité, comme cela aura été fait pour Picasso.

Même si l’on admet que la conservation sur place n’était pas envisageable, est-ce qu’une action comparable à celle qui a abouti à la dation d’un élément essentiel, le "mur", entré dans les collections du Musée national d’art moderne, n’aurait pas dû être engagée avec des bibliothèques pour la conservation du fonds littéraire et notamment les manuscrits du groupe surréaliste ?

Il est incontestable que, dans l’ensemble des catalogues de la vente, le fonds des archives et des manuscrits forme une sorte de cœur spirituel et intellectuel. Au-delà du collectionneur génial et artiste, c’est le Breton créateur, écrivain, poète et théoricien qui s’affirme là. Aube Elléouët-Breton a du reste pris l’initiative judicieuse et généreuse de faire numériser la totalité de cet ensemble. La gestion de la base ainsi constituée pourrait être confiée au Centre Pompidou. Je tiens à vous assurer que chacun est bien conscient de l’importance particulière du fonds littéraire. L’Etat le manifestera lors de la vente.

Comment se fait-il que l’on attende la vente et l’exercice du droit de préemption là où des négociations étaient sans doute envisageables avec la famille ?

Nous sommes appelés à conserver et transmettre la mémoire d’André Breton et celle du surréalisme. Il nous est défendu de les momifier. Certains nous reprochent aujourd’hui de ne pas avoir conservé dans le moindre détail le 42 rue Fontaine. Lorsque ont été organisées l’exposition "Breton, la beauté convulsive" en 1991, puis "La Révolution surréaliste" en 2002, d’autres — mais à la vérité ce sont souvent les mêmes — n'ont pas manqué de nous reprocher de faire entrer Breton au musée.

Cette ambiguïté, cette contradiction, est en vérité au cœur de notre relation avec l’héritage spirituel et matériel d’André Breton. Elle est l’explication de fond des hésitations et des atermoiements qu’a rencontrés sans cesse l’idée d’une conservation globale. Après les acquisitions par dons, achats ou dation, qui se sont succédé depuis presque quarante ans, il y aura — c'est un secret de Polichinelle — les préemptions de l’Etat pendant la vente, pour son compte ou celui d’autres collectivités publiques.

De ce point de vue, le fait que la vente ait lieu à Paris facilite notre action. Au reste, dans la mesure où le Conseil de Paris avait formé un vœu à ce sujet, j’ai indiqué à la Ville que j’étais disposé à préempter pour son compte. C’est à la sortie de la vente qu’on pourra faire le bilan. Ce bilan sera largement positif. En définitive, nous parviendrons à donner à l’histoire du surréalisme la chance de se poursuivre et de s’écrire dans des institutions ouvertes au public, aux artistes et aux chercheurs. Pour moi, l’essentiel est là.

Propos recueillis par Michèle Champenois €ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 04.04.03

--B_3132221384_104265

Aillagon parle… et ne dit rien

Date : Thu, 03 Apr 2003 12:05:02

Subject : [Melusine] [appel Breton] Premier jour d’ouverture à Drouot

Chères et chers amisDu monde il y avait hier 1er avril, dès 10h30, puis le flot a enflé, à Drouot pour l’ouverture et l’exposition du corps disséqué, écartelé de l’appartement d’André BRETON.

Nous d’abord, presque les premiers : merci aux intransigeants — l'intransigeance est peut-être l’essence du surréalisme, elle se fait rare en ces temps — Martine Guerchon, Marie Anne Portier, Gabrielle MichelDominique Hasselmann qui étaient là, et à tous ceux qui auraient voulu être là, qui l’ont été et qui le seront.

Sont arrivés alors les journalistes : FR3, Canal +, l’émission Campus, La Croix !, … attirés par l’événement, mais lequel : la vente d’art du siècle, ou la mobilisation de ceux qui s’y opposent ? Toujours est — il que nous n’avons pas hésité à leur dire :

"Nous dénonçons cette vente, cette dispersion sur le marché de l’art. On est là justement en train de muséifier Breton. On ira voir ici ou là, quand elles ne seront pas enfermées sous coffre fort, telle ou telle pièce, dont la seule valeur désormais — essentiellement boursière ou iconographique, sera attachée à l’étiquette aposée : provenance atelier d’André BRETON !

Nous en appelons à travers cette action à ceux qui sont attachés à l’esprit libre. Nous distribuons au dos de ce tract, un texte d’André BRETON — tellement d’actualité — Lumière Noire. Ne voyez vous pas qu’en ces temps de crise économique et guerrière, alors que les valeurs boursières industrielles ou financières fléchissent, on est, là, en train de d’offrir aux spéculteurs une valeur refuge — les galets, les bénitiers, les masques et poupées, les manuscrits … d'André Breton !"

Savez vous que devant l’affluence, pour pouvoir participer aux enchères, il faut apparemment s’inscrire à l’avance et que les places seraient tirées au sort ! Cela signifie clairement que les ventes seront principalement le fait d’acheteurs pris au téléphones — autrement dit sélectionnés pour leur portefeuille.

Et puis ont défilé, certes des boursicoteurs de l’art, mais sont aussi venus et passés beaucoup de simples visiteurs, attristés et solidaires de notre action — quelques signatures ont d’ailleurs été enregistrées sur place.

Nous continuerons ! Sachez le !

Yves VEYRIER

Date : Thu, 3 Apr 2003 08:21:45

Subject : [Melusine] [appel Breton] A bon entendeur…

A BON ENTENDEUR !

A l’occasion de l’ouverture des portes de Drouot sur les trésors de Breton, on sort les (souvent prétendus) survivants surréalistes de leurs boîtes, on les dépoussière un peu et on les met devant la caméra : "Monsieur X, qui avez bien connu Breton et fréquentiez le 42, rue Fontaine, que pensez-vous de cette vente fabuleuse ? ". Et c’est alors une suite de lieux communs, de clichés sur le surréalisme et Breton qui n’aurait jamais voulu d’un musée et qui, oui, n’en doutez pas, aurait voulu qu’on bazarde tout cela au plus offrant !

Il y en a même eu pour dire qu’en manifestant contre cette braderie nous faisions monter les enchères ! Dans le genre n’importe quoi, allez-y franchement.

Enfin, disons-le en quelques mots : voir ces pitres médiatiques bénir ce spectacle et cette dispersion mercantile, ça fait pitié…

On se dit que ces pauvres gens auront bonne mine, demain, dans les musées et les expositions d’art moderne, car pourquoi séparer un certain discours ambiant sur Breton et son prétendu dégoût des musées de tout ce qui se fait actuellement ?

On leur donne rendez-vous aux prochaines ventes aux enchères d’autres oeuvres surréalistes, pour qu’ils vantent les mérites d’un marché de l’art qui n’en demande pas tant.

On s’attend à les voir jeter leur Pléiade de Breton, qui participe, avec tous ses documents inédits et ses scories littéraires, de l’abjecte "muséification" d’un homme qui, vraiment, du moins c’est ce qu’ils disent, n’en aurait pas voulu.

On attend aussi qu’ils nous expliquent qui, des surréalistes, aura le droit d’être exposé et "muséifié". Picabia est-il trop surréaliste pour cela ? Duchamp, Arp, Miro ont-ils leur place dans un musée ?

On voudrait aussi qu’ils nous expliquent : que faisaient les surréalistes avec leurs propres expositions publiques ? Et que serait la muséographie moderne sans l’histoire de l’art du vingtième siècle et sans le surréalisme ? Peut-on vraiment penser l’un sans l’autre ?

Mais quel verbe, penser, et quelle idée, en l’occurrence, de vouloir penser en commun, lorsqu’il s’agit pour beaucoup de gesticuler et de se déplacer mentalement dans un vieux mètre-carré d’histoire littéraire mal entretenu.

Sans même considérer la question de Breton, voir des intellectuels et des artistes — et parmi eux de prétendus esprits libertaires ! — applaudir à un phénomène marchand de cette ampleur est, en vérité, affligeant, et constitue l’un des nombreux mauvais signes de l’époque. Entre le marché, coalition d’intérêts privés, et la puissance publique, représentant idéalement la communauté des citoyens, nous avons choisi. Avec d’autres qui, dans le même temps, cherchent à préserver l’existence de musées que l’Etat semble vouloir également disperser. L’Etat, dans le cadre de ces luttes, doit être sévèrement critiqué, et certainement pas ménagé — ce que nous n’avons certainement pas fait ces derniers mois ! -, car il a conclu une alliance avec les intérêts privés.

L’idée d’un musée Breton engageait pour nous tous une réflexion sur la place d’une conservation publique des œuvres d’art modernes. Nous ne nous sommes jamais montrés satisfaits des phénomènes de loisir culturel qui se manifestent ça et là, mais nous n’avons jamais pu accepter, et n’accepterons jamais la dispersion de ces œuvres sous prétexte qu’une ouverture au public de celles-ci serait fatalement condamnée à la dénaturation de l’art moderne et à la « trahison « de leurs créateurs. Ou alors il faudrait renoncer à toute transmission des aventures artistiques de la modernité, position indéfendable.

A ce sujet, de très bonnes questions ont été posées par Hervé Le Crosnier, questions qui nous engagent tous :

- comment penser la "propriété" intellectuelle ? Les travaux de créations sont ils soumis au même régime que les biens matériels ?

- comment penser la mémoire culturelle, comme une succession d’objets individualisés ayant été "soustraits" par la préemption à l’emprise du marché, ou comme la nécessité de préserver le chaudron de la création pour y inviter les apprentis-sorciers qui feront la culture de demain ?

- comment penser que la culture puisse, par delà la mort d’un auteur ou d’une auteure, avoir un "héritier" comme seul gardien, sans que la "puissance publique" (seul outil actuellement pour exprimer dans ce domaine les intérêts collectifs des générations à venir) ait un mot à dire.

- comment enfin croire qu’un Ministère de la Culture qui laisse faire une telle vente puisse ultérieurement avoir quelque crédibilité quand il parlera de patrimoine ?

Il se trouvera toujours des gens pour expliquer que le patrimoine sera d’autant mieux conservé qu’il permettra la richesse de propriétaires privés…

Ces questions, nous nous les sommes posés pendant ces derniers mois, et elles nous occupaient déjà auparavant, mais nous nous les posons désormais d’une façon plus aiguë.

Dans ce domaine comme dans d’autres, l’Etat n’a pas seulement renoncé devant le marché, il a accompagné le marché, le ministre de la Culture promouvant une association étroite entre la culture et l’économie. Il sauvera sans doute quelques morceaux d’un ensemble unique et cohérent, mais, en effet, sa légitimité est sérieusement entamée. Nous l’attendons au tournant, comme certains des défenseurs du marché de l’art qui ont tenté d’associer l’esprit de Breton à cette sinistre cérémonie funèbre du mois d’avril 2003.

Laurent Margantin

Date : Fri, 04 Apr 2003 10:31:51

Subject : [Melusine] [Fwd : appel à contributions]

Appel à contribution(s)

Chers Amis,

Vous avez dû recevoir le catalogue des publications du Centre de recherches sur le surréalisme. Il vous annonçait que la revue Mélusine adoptait désormais le principe de l’abonnement, adressé directement aux éditions L’Age d’Homme France.

J’ai le plaisir de vous informer que le volume XXIII de Mélusine, « Dedans-Dehors », sorti des presses en février, et je ne saurais trop vous recommander de vous le procurer en raison de la richesse des contributions, par abonnement ou bien chez votre libraire habituel.

Il convient de préparer le volume suivant, qui, à l’initiative de Myriam Boucharenc, sera consacré à « L’Universel reportage ». Vous voudrez bien trouver (voir au dos) les lignes directrices qu’elle compte donner à ce volume. Voulez-vous lui indiquer, pour le 15 juin 2003, au plus tard, si vous avez l’intention d’y apporter votre contribution, et en quels termes, afin que le comité de rédaction puisse construire un numéro cohérent, évitant les redondances. L’article lui-même, ne dépassant pas 25 000 signes, devant lui parvenir avant le 15 avril 2004.

Ses coordonnées :

Myriam Boucharenc

En outre, ce volume contiendra les rubriques habituelles (Variété, Réflexions critiques, Documents et documentation) pour lesquelles vous pouvez annoncer vos intentions, de telle sorte que nous puissions constituer nos dossiers de subventions.

Recevez, Chers Amis, mes cordiales salutations.

Henri BÉHAR

L’universel reportage

C'est en plein essor de la presse à grand tirage, deux ans à peine après le lancement du Matin, que Mallarmé opère la distinction dédaigneuse entre « littérature « et « universel reportage », dont se souviendront les surréalistes. « Dévorante », « crétinisante », « confusionnelle », au dire de Breton, l’activité journalistique n’a jamais eu bonne presse parmi le groupe, qui a violemment fustigé le « mercenariat de l’opinion « (Desnos) et la « canaille « écrivante (Aragon) à une époque qui voit par ailleurs s’affirmer le triomphe de l’écrivain journaliste. Si le traditionnel journalisme d’idées, de critique et de chronique littéraire ou artistique a bénéficié d’une plus large tolérance (dans des conditions et selon des critères qui restent toutefois à préciser) il n’en fut pas de même de toute une frange d’écrits dans — ou pour — la grande presse politique ou d’information, avec lesquels on touche aux limites-frontières du surréalisme selon le dogme. Une position diversement partagée et d’autant plus intrigante, qu’en pratique, le rapport — poétique ou polémique — avec le journal est très présent dans l’activité surréaliste. Sans doute ce dialogue avec le journal et ses acteurs nécessite-t-il, d’ailleurs, que l’on considère aussi la réception du surréalisme dans la presse.

Entérinant pour une large part l’anathème, les études surréalistes ont eu tendance à conforter la coupure entre « ouvres vives « et écrits de journalisme, d’une manière qui en appelle aujourd’hui à un élargissement de la perspective. Trajectoires parallèles, véritables carrières professionnelles ou simples incursions — la tentation du journalisme a revêtu des formes diverses et touché plus d’un surréaliste : Vitrac, Crevel, Desnos à Paris-Soir, Aragon à Ce Soir, Péret à L’Humanité, Soupault pour Le Petit Parisien ou Excelsior, Georges Henein. — le recensement reste à faire. Redécouvrir ces trajectoires dissidentes, ces articles dispersés et pour beaucoup d’entre eux méconnus, ouvre, en premier lieu, d’importantes perspectives de recherche documentaire : par auteur, par organe de presse — à l’exclusion des revues, mais non des hebdomadaires — (Paris-Journal, Les Nouvelles littéraires, L’Humanité, Vu.), par thèmes d’actualité politique, sociale ou culturelle, par « genres « (fait divers, reportage, interview, chronique.) et par périodes aussi dans la mesure où la nature des contributions évolue d’une phase l’autre du mouvement.

Sans doute le portrait du surréaliste en journaliste n’est-il pas un mais divers : il conviendra aussi de s’interroger sur le rôle — trop hâtivement réduit à la seule raison alimentaire — du journalisme au sein comme en marge du surréalisme, de réexaminer les fondements et la validité des antinomies rituelles. Surréalisme et journalisme doivent-ils nécessairement être perçus contradictoirement ? Ne peut-on être surréaliste dans la pratique du journal ? Et réciproquement, passe-t-il quelque chose de l’article à l’ouvre ? N’en serait-il rien, que l’activité journalistique ne saurait être tenue pour « nulle », dans la mesure où elle touche à la notion d’engagement, aux liens du rêve et de l’action, comme à la question du réalisme, aux réseaux de sociabilité hors le groupe, bref, à la vie réelle des acteurs du mouvement : autant d’incidences essentielles quand il s’agit de « situer « le surréalisme sur l’échiquier de la modernité littéraire et médiatique.

Date : Fri, 4 Apr 2003 07:18:21

Subject : [Melusine] [appel Breton] Aillagon au service des marchands

Aillagon parle… et ne dit rienQuelques remarques personnelles sur l’entretien avec Aillagon paru dans le Monde hier, avant d’aller manifester devant Drouot le 7.

Plusieurs choses y sont affligeantes : — d'abord, de la part d’un ministre de la Culture, parler de "momification" lorsqu’il s’agit de préservation du patrimoine, sa mission principale, et de préservation d’une oeuvre cruciale. Cela témoigne d’un beau mépris pour sa tâche. On reste confondus d’apprendre qu’un musée Gainsbourg est en projet, financé par la Ville de Paris, lorsqu’on sait que celle-ci n’a rien su faire pour Breton. Mais sans doute Gainsbourg est-il plus "populaire" ! — Déclarer comme le fait Aillagon que l’Etat aurait été actif pendant ces trente ans n’est qu’une manoeuvre de basse politique, servant à tenter d’acheter le silence des responsables socialistes qui n’ont, en réalité, rien fait quand ils étaient au pouvoir. — Sous-entendre que c’est en fait la mauvaise volonté de la famille Breton qui, à la différence de celle de Hugo et d’autres, aurait empêché l’Etat de protéger ce patrimoine, est singulièrement bas. — et, enfin, dans le même temps, ce qui est un symbole assez fort du cynisme auquel nous avons affaire, prétendre qu'"Elisa, puis Aube Elléouët-Breton ont su tisser avec l’Etat et ses institutions culturelles une relation extraordinairement profonde, où priment la confiance et la générosité" est une offense supplémentaire, lorsqu’on sait que la fille de Breton a dû se résoudre à cette vente faute de réel soutien de l’Etat, qui s’est mis le mur de Breton "dans la poche" sans frais aucun !

Bref, avec ces déclarations, Aillagon atteint le sommet d’un Himalaya d’hypocrisie et de mensonge jamais égalé de la part d’un ministre de la Culture ces dernières années ! On lui souhaite bien du plaisir dans ses prochaines entreprises de "momification", s’il y en a !

Laurent Margantin

Bonjour,

je suis de tout coeur avec vous, et j’étais de vos signataires à la pétition dès le début de vos actions publiques.Je reste de votre côté.

Cependant, si je m’efforce de prendre le recul possible pour un non spécialiste (j’espère que le surréalisme ne sera jamais une spécialité ni une affaire de spécialistes), je vois bien que les paroles d’Aillagon ne sont pas un ramassis de conneries. Encore faudrait-il que cela ne soit pas qu’une manifestation politicienne de mauvaise foi… Nous verrons les actes, -mais alors, il sera peut-être bien tard-. Ce qui en tous cas paraît évident, vu de l’extérieur, c’est l' incroyable arrogance de son attitude (silence organisé) vis-à-vis de citoyens intéressés passionément à ce que vive l’esprit romantique et subversif du surréalisme. 'Comme si' il y avait là-dessous des intérêts inavouables ? L’absence de transparence toujours sèmera le doute…

Merci de l’énergie et du temps que vous avez mis dans cette défense contre la braderie marchande universelle (universelle à l’échelle de nos petites sociétés bourgeoises néolibérale bien entendu !). Cela aura probablement un effet positif sur la suite des évènements, et bien plus encore, cela aura ravivé ou même révélé une flamme, celle de la poésie sauvage en acte et en amour qui était celle de Breton.

Alain Van den Broeck

Date : Sat, 05 Apr 2003 12:03:39

Subject : [Melusine] [appel Breton] Nous avons rendez-vous le 7 avril

Bonjour à tous.

Nous vous donnons rendez-vous le lundi 7 avril à 13 heures devant la salle Drouot, 9 rue Drouot, Paris IXe, afin de saluer André Breton et de rendre un hommage collectif à sa collection et à son œuvre avant dispersion.

Parlez-en ce week-end autour de vous et venez nombreux, avec vos familles de cœur et d’esprit, avec vos amis et vos amies, avec tous les lecteurs d’André Breton que vous connaissez, y compris les lecteurs à venir. Nous souhaitons votre présence afin que nous partagions ensemble l’émotion qui nous habite et nous anime depuis des mois.

A lundi.

Ci-après un beau texte d’Azadée Nichapour « Breton et les galeries du hasard « paru au Courrier de Libération du 5/6 avril et une dépêche AFP en date du 3 avril concernant l’acquisition par la ville de Nantes d’une centaine de pièces de cette collection.

Breton et les galeries du hasard samedi 05 avril 2003 « Perspective dispersée. » Lorsqu’il y a deux ans, je publiais, sous ce titre, quelques poésies dans la revue surréaliste Supérieur Inconnu, j’ignorais que cette expression portait en elle le destin de l’oeuvre d’André Breton.

Il s’agissait alors pour moi de rendre « conte » de mon identité d’Iranienne exilée (dans « dispersée », j’entendais « Perse »), à cause de la guerre entre l’Iran et l’Irak.

Avec cette vente aux enchères, c’est bien à l’identité d’une oeuvre que l’on s’attaque, en la jetant en pâture tel un butin de guerre dont compte seulement la valeur en or pour le vainqueur insolent.

« Je cherche l’or du temps » a fait écrire Breton sur sa tombe et nous sommes tant dans le monde entier à avoir été touchés par l’éclat fulgurant de sa découverte, dans le désert épuisant de notre existence. Pour ce qui me concerne, aux heures les plus sombres de mon exil à Paris, la rencontre de l’oeuvre d’André Breton et de ses amis surréalistes a réenchanté pour moi la « capitale de la douleur ». « C’est vraiment comme si je m’étais perdu (e) et qu’on vînt tout à coup me donner de mes nouvelles. » Et si j’ai choisi de vivre dans le IXe arrondissement, c’est qu’il est à mes yeux le quartier parisien le plus « habité » par le poète : rue Fontaine bien sûr où il vécut durant trente ans, mais aussi place Banche où il réunissait ses amis, et surtout le carrefour du Châteaudun où il rencontra Nadja. Ironie du sort, c’est aussi dans le IXe arrondissement, à l’hôtel Drouot, que l’on met aujourd’hui aux enchères l’oeuvre exceptionnelle d’une vie exceptionnelle.

Oh, bien sûr, on aura tout entendu, y compris ces rares voix qui, sans doute pour se consoler plus que pour nous convaincre, osent affirmer que Breton lui-même aurait trouvé objectivement plus amusant de finir dans les galeries du hasard plutôt que dans un musée d’Etat. Je veux bien que le manuscrit de Nadja soit donné au plus aimant, pas au plus offrant. A qui fera-t-on croire qu’avec un peu de chance le plus offrant sera le plus aimant, lorsque le simple catalogue de vente en plusieurs volumes que j’ai feuilleté, en retenant mes larmes, à Drouot coûte plusieurs centaines d’euros ? A la rigueur, vendus pour trois fois rien au marché aux puces où le poète lui-même chinait souvent, ces manuscrits, statuettes et tableaux auraient connu un destin plus surréaliste !

Lorsque j’étais petite fille en Iran, mon père découragea mon rêve précoce de devenir peintre, arguant que dans un pays où règne la dictature on ne reconnaît pas l’art et les artistes. Que dire d’un grand pays démocratique où ses poètes et philosophes les plus importants ne trouvent d’autre solution que d’adresser une « supplique » au président de la République, grand défenseur de « l’exception culturelle », pour « sauver » une oeuvre dont la valeur artistique et l’influence universelle ne sont plus à démontrer à personne ( le Monde du 26 mars). Et qu’apprend-on, que le ministre de la Culture ne daigne pas répondre à Jacques Derrida ? A Michel Butor ? A Michel Deguy ? A André Velter ? A Kenneth White ? … On croit rêver ! Qu’apprend-on encore, qu’il signe par contre nuitamment des autorisations de sortie du territoire pour des pièces qui sont déjà sur le chemin de la spéculation financière ? « Qui veut gagner des millions ? » Un ami américain, grand lecteur des surréalistes, qui m’avait demandé des poèmes le soir du 11 septembre ( « ça m’aidera à vivre » ), me dit aujourd’hui : « Honte à vous ! »

Azadée Nichapour

Vente Breton : Nantes veut acquérir une centaine de pièces

[jeudi 03 avril 2003 — 16h21 heure de Paris]

- AFP Daniel JaninNANTES (AFP) -

La ville de Nantes, considérée comme l’un des berceaux du surréalisme, a l’intention d’acquérir une centaine de pièces de la collection d’André Breton, à l’occasion de leur vente aux enchères du 7 au 17 avril à Drouot Richelieu, a annoncé jeudi la municipalité.

"La ville a envoyé une liste au ministère de la Culture pour qu’il préempte ces pièces, et le ministre (Jean-Jacques Aillagon) a accepté de le faire", a indiqué à l’AFP Yannick Guin, maire-adjoint chargé de la culture.

La somme engagée pour ces objets ayant appartenu à André Breton (1896-1966) devrait être d’environ 180.000 euros, un "ordre de grandeur" qui pourra évoluer en fonction du déroulement des enchères, a-t-il précisé.

"Il s’est passé ici quelque chose, au début du siècle dernier, qui revêt une importance patrimoniale majeure" pour la ville, selon Yannick Guin.

Nantes juge "absolument prioritaire" l’acquisition de l’exemplaire n°1 des "Lettres de guerre" du poète dadaïste Jacques Vaché (1895-1919), dont Breton disait qu’il lui avait révélé le surréalisme.

La ville vise également, entre autres, un dossier de travail de l’écrivain sur le peintre Max Ernst (1891-1976), des documents autographes (lettres, préfaces) et des éditions originales des écrivains Julien Gracq (né en 1910) et Benjamin Péret (1899-1959) et de la photographe Claude Cahun (1894-1954).

Tous sont liés à Nantes ou sa région, et ont entretenu des liens fructueux avec Breton.

Le maître lui-même décrira la ville, dans "Nadja" en 1928, comme "peut-être avec Paris la seule ville de France où j’ai l’impression que peut m’arriver quelque chose qui vaut la peine… où un esprit d’aventure au-delà de toutes les aventures habite les êtres".

Date : Sat, 5 Apr 2003 11:46:45

Subject : [Melusine] A c t u E r i t a

Bonjour,

Vous trouverez sur le site ERITA le résumé des communications de Corinne Grenouillet sur le personnage de M. Kolstov dans La Mise à mort (1965) et de Bernard Leuilliot sur son édition de la première partie des Communistes dans le volume III de la Pléiade ( aspects techniques, liste d’errata, remarques diverses).

Bonne lecture,

Date : Sat, 05 Apr 2003 23:09:46

Subject : [Melusine] [appel Breton] Aube Ell éouët : « Un lieu totalement magique » ?

Nous recevons depuis quelques jours de nombreux messages de personnes qui visitent les salles de ventes de Drouot et nous expriment leur écœurement et leur tristesse, sentiments que nous partageons.

Nous vous transmettons l’entretien qu’Aube Elléouët, la fille d’André Breton, a accordé à Pierre Imbert, de La Nouvelle République.

Le crève-coeur d’Aube Elléouët

Vivant en Touraine, c’est dans la Nouvelle République, le quotidien local, qu’Aube Elléouët a accepté de s’exprimer cet ultime jour… (nous soulignons) :

“ Je reviens de Drouot, l’exposition est absolument magnifique. C’est un crève-coeur pour moi ! Mais il n’y avait pas d’autre solution.”

Aube Elléouët, fille unique d’André breton (l'”Escusette de L’Amour fou) est évidemment aux premières loges dans l’affaire de la vente de la collection de son père. Le 42 rue Fontaine, elle en garde un souvenir ému : “J'y ai vécu douze ans avec André, avant et après la guerre, jusqu’à ce que je rencontre Yves Ellouët. C’était un lieu totalement magique, où se mêlaient tableaux des plus grands peintres et objets les plus modestes…”

[...] J'ai lu dans des articles qu’Elisa (la troisième épouse du grand poète) n’aurait jamais laissé faire ça. Mais à sa mort, en 2000, je devais à l’État, en droits de succession, 60% de la moitié de toute la collection de mon père. Comment payer ça ? J’ai réussi à faire entrer à Beaubourg le mur de son atelier, que le public n’avait jamais eu l’occasion de voir. Ce mur, je voulais en faire une dation, ça vient d’être accepté. J’ai proposé la vente de l’atelier de papa. Le propriétaire a fracturé la porte pour faire un constat de non-occupation des lieux, sans me téléphoner ni m’écrire. Et pendant ce temps-là, je continuai à payer le loyer. J’ai pris un avocat, et j’ai obtenu un délai de cinq ans pour quitter l’endroit…”

[...] “Avec Élisa, on espérait que l’État nous aiderait à monter une fondation. Mais celle-ci ne marche pas en France comme c’est le cas aux États-Unis. Maeght vit grâce à l’apport du privé. Il y a une vingtaine d’années, Daniel Filipacchi, un passionné du surréalisme, nous avait contactées. Il se disait prêt à acheter un hôtel particulier à Paris où il aurait abrité la collection de mon père et d’autres aussi. Mais on ne pouvait financer une telle opération, à moins de vendre les 3/4 de la collection de la rue Fontaine.”

[...] J'avais un rêve impossible : celui d’un lieu où la collection d’André serait préservée et accessible à tous. Mais on ne peut pas garder la rue Fontaine. C’est vrai que papa n’aurait jamais voulu être muséifié, même s’il adorait fréquenter les musées...”

La vente à Drouot ? “Je n’y mettrai pas les pieds, c’est douloureux pour moi, je trouve ça indécent. La rue Fontaine, c’est toute une partie de ma vie et de celle de milliers de gens aimant le surréalisme. Mon désir est que le maximum d’objets reste en France, pas par chauvinisme mais parce que le surréalisme est né à Paris. On m’a proposé de tout transposer en Amérique, mais ça ne m’intéresse pas…”

Et si Aube devait emporter un seul objet de la rue Fontaine ? “J'ai gardé L’Homme Baleine, un masque esquimau. Sinon, je choisirais un cadre en coquillage fabriqué à Guérande. Un de ces objets sans valeur mais chargés de poésie que mon père affectionnait. La tendresse même…”

Propos recueillis par Pierre Imbert, — La Nouvelle République, 5 avril 2003.

Date : Tue, 08 Apr 2003 10:26:54

Chères Mélusiennes, Chers Mélusiens,

Appel à contribution

Représenter le XXe siècle. Colloque international

Date limite : 1 août 2003

"Notre colloque prend pour objet le "court XXe siècle", 1914-1991, les soixante-quinze années de cet Âge des extrêmes (Eric Hobsbawm), qui va du coup de feu de Sarajevo à la chute du Mur de Berlin, préludant à l’implosion de l’URSS — ou plutôt, le colloque se donne pour but d’interroger la manière dont ce siècle trouve, dans la conjoncture présente et en remontant dans le passé récent, à se représenter.

Le XXe siècle révolu reste, à l’évidence, plein de taches aveugles, d’amnésies inculquées, de "refoulés", d’enchaînements incompris ou déniés, de censures tenaces. Il est plein d’épisodes que les lettres, le cinéma, les arts de la représentation semblent avoir grand peine à regarder en face. Nous voudrions mettre en valeur les œuvres et les pensées qui livrent une image perspicace et forte du court XXe siècle en même temps qu’interroger les silences, les visions unilatérales, les indicibles, les interdits, les figures actuelles du divertissement face à un passé qui "ne passe pas" (Ernst Nolte).

Nous proposons de poser, face au siècle révolu, la question du dicible, du narrable, du représentable — dès lors celle de l’indicible, de l’irreprésentable, de l’innommable et du non-dit —, de la mémoire et de l’oubli, de la commémoration, de la légitimation ou de la dévaluation de choses du passé, des souvenirs-écrans, des divers "manteaux de Noé" chargés de dissimuler l’obscénité du cours du monde.

Nous invitons les chercheurs à présenter des études de cas autour des "mémoires" nationales, des passés mal réglés des diverses nations et cultures, des épreuves et des avancées de la démocratie, des guerres coloniales, des fascismes, de la Shoah, des génocides, à analyser le reflet du siècle dans quelques grandes œuvres, à proposer des analyses des querelles d’historiens, du dit et non-dit des discours publics ou savants, de la représentation du siècle dans le roman, au cinéma, en peinture…, ou encore à étudier des monuments et des musées aux prises avec le passé.

Reconnaissant l’ampleur de ce questionnement ambitieux, nous pensons qu’il faut aborder la question de la représentation du siècle en bloc et dans la diversité des problèmes et des secteurs pour que des débats fructueux puissent s’ouvrir et des programmes de recherches futures se dégager."

Le colloque se déroulera les vendredi et samedi 5 et 6 septembre 2003 au pavillon Peterson de l’Université McGill à Montréal (adresse ci-dessous) ; il développera ses débats autour d’une quinzaine de communications.

Vous pouvez envoyer votre proposition de communication (une page au plus), avant le 1er août 2003, à l’adresse suivante :

Réseau d’analyse des idéologies et des cultures contemporaines

Bureau 216, Pavillon Peterson,

3460, rue McTavish

Montréal, Québec

Canada H3A 1X9

Pour toute information complémentaire, vous pouvez contacter :

Régine Robin-Maire (Université du Québec à Montréal) :

Robin-maire

Marc Angenot (Université McGill) 

Cordialement,

Carole Aurouet

Date : Wed, 09 Apr 2003 08:56:59

Chères Mélusiennes, Chers Mélusiens,

Récital poétique de Claude Brosset

D’après des textes de Daudet, Rimbaud, Verlaine, Hugo, Rostand, VianCros, La Fontaine, Rutebeuf, Marot, Prévert, Baudelaire, ApollinairePichette, Desnos, Fort, Pol, Tardieu, Frédérique

Théâtre Molière

Maison de la Poésie

Passage Molière 157, rue saint-Martin

75003 Paris

Métro Rambuteau

Tél : 01 44 54 53 00

Du lundi 9 au vendredi 13 juin 2003

Du lundi 16 au dimanche 22 juin 2003

Du mardi 24 au mercredi 25 juin 2003

Renseignement : http ://www.maisondelapoesie-moliere.com/index.htm

Cordialement,

Carole Aurouet

Date : Wed, 09 Apr 2003 13:51:11

Chères Mélusiennes, Chers Mélusiens,

Certain(e)s membres de la liste me disent que l’appel à contibutions, transmis par Henri Béhar, pour le numéro XXV de Mélusine n’est pas bien passé.

Je le renvoie donc à nouveau.

Cordialement,

Carole Aurouet

Date : Tue, 22 Apr 2003 21:54:50

Chères Mélusiennes, Chers Mélusiens,

Dans le cadre du séminaire commun du Centre de recherches sur le surréalisme (dir. Henri Béhar) et du Groupe de recherches sur la poésie contemporaine (dir. Michel Collot) — FRE 2332 "Ecritures de la modernité" — sur Les paysages intérieurs du surréalisme :

25 avril. Françoise Py. L’héritage hugolien et le paysage pictural surréaliste

La séance aura lieu (exposé suivi de discussions) aura lieu de 16 h. à 18 h, en salle 410 (Université Paris III, 4ème étage).

Pour tout renseignement, contacter Rubio Emmanuel,

Cordialement,

Carole Aurouet

Date : Tue, 22 Apr 2003 21:54:15

Bonjour à toutes et à tous,

Pas moi

Le 4 juin 2003 à 15h00

Le Parvis

Tarbes

Cie Robinson

Chorégraphie Claude Magne

Sur des poèmes de Jacques Prévert

De 3 à 8 ans

"J’ai envie de faire un spectacle pour les moyens-petits. Ils ne comprendront rien mais ils entendront et ils verront. Ils écouteront Monsieur Prévert. Des mots pas raisonnables, si proches du corps, si près de ce qui remue le danseur-poète lorsqu’il écrit ses pas, ses contredanses et ses ondulations. (…) Nous allons faire bouillir nos âmes et tressauter le couvercle de nos plantes de pied. Envie de parler, de jubiler et que le poète nous transporte, avec ses ressorts, ses poulies, ses mécaniques à vapeur, ses tours de passe-passe et ses absurdités. Voilà qui ne servira de rien. Mais dites, Monsieur Prévert, à quoi sert la poésie ? "

Claude Magne

Renseignement : http ://www.parvis.net/

Cordialement,

Carole Aurouet

Date : Mon, 21 Apr 2003 16:28:54

Chères Queniennes, chers Queniens,

Le spectacle "François Cotinaud fait son Raymond QUENEAU" passera également le

Mercredi 30 avril 2003 à 20h30 entrée : 14 et 10 euros. à La Maroquinerie 23 rue Boyer 75020 Paris Tel : 01 40 33 30 60

Par l’ensemble TEXT’UP :

Pascale Labbé voix

François Cotinaud saxophone-ténor, clarinette, voix, compositions

François Choiselat trombone, voix et accessoires

Jérôme Lefebvre guitare, voix et effets

Sylvain Lemêtre percussions (vibraphone, zarb), voix

Textes de Raymond Queneau, mais aussi André Velter, Dominique Pagnier, F. Cotinaud.

Autres informations sur http ://www.jazzbank.com/

Amitiés brûtes de votre secrète hère,

Astrid Bouygues

Secrétaire de rédaction des AVB

69/71 rue d’Alleray

75015 Paris

01-45-33-23-35

Date : Sun, 20 Apr 2003 14:01:39

Subject : [Melusine] La Lettre Avbqueneau (20 avril — 4 mai)

La Lettre Avbqueneau

Quinzaine du 20 avril au 4 mai

(148 abonnés)

Chères Queniennes, chers Queniens,

Après une interruption pour cause de vacances pasquales, voici à nouveau la lettre Avbqueneau, qui entre-temps a gagné un certain nombre d’adhérents.

En rentrant, je trouvai dans ma boîte électronique une triste nouvelle, celle du décès de Noël Arnaud, survenu le 1er avril à Montauban.

François Caradec m’avait écrit pour que je puisse signaler le jour (8 avril) et le lieu (cimetière Saint-Vergondin à Penne-du-Tarn) des obsèques à ceux et celles qui auraient souhaité y assister. Je regrette vivement de ne pas avoir été là pour vous en faire part.

Evénements :

Á Paris :

- Du 24 avril au 7 mai (du mardi au vendredi de 14h à 19h, le samedi de 10h à 13h et de 14h à 18h, le matin sur rendez-vous), aura lieu à la librairie Nicaise (145, bd Saint-Germain, 75006 Paris, 01-43-26-62-38) une exposition de Bulletins d’Associations d’Amis d’Auteurs, à l’occasion de la présentation de la deuxième édition du Guide des Associations d’Amis d’Auteurs et des Maisons d’écrivains de Jean-Etienne Huret. Vernissage le jeudi 24 avril de 10 h à 19 h. Les Associations "Les Amis de Valentin Brû" et "Queneau aime Le Havre aime Queneau" participeront à cette exposition.

- Le samedi 26 avril, à la Bibliothèque de la Place des Fêtes (18 rue Janssen 75020 Paris), "François Cotinaud fait son Raymond Queneau", spectacle musical (en trio Labbé/Lemêtre/Cotinaud), à 17h.

Contact : Tél. +33 (0)1.48.44.84.97, jazz@service-public.org Pour plus d’informations sur ce spectacle, sur le saxophoniste et compositeur François Cotinaud, sur L’ensemble TEXT’UP ou encore sur le CD "François Cotinaud fait son Raymond Queneau" : http ://www.jazzbank.com/

Á Châtellerault :

- Café littéraire "Queneau à la carte" les mardis 29 avril à 18h30 à la bibliothèque du Lac de Châtellerault et mercredi 30 avril à 18h30 à la bibliothèque de Bonneuil-Matours, près de Châtellerault. Descriptif de l’événement et programme complet en pièce jointe à ce message.

Parutions :

- Le n° spécial Queneau de la revue Europe (avril 2003, n° 888), dirigé par Claude Debon, est en librairie depuis le début du mois. Etudes et textes de Claude Debon, Jean-Pierre Martin, Henri Godard, Thomas Aron, Anne Marie Jaton, Daniel Delbreil, Claude Mouchard, Astrid Bouygues, Jérôme Roger, Marcel Bourdette-Donon, Paul Gayot, Jacques Neefs, Paul Braffort, Paul Fournel, Noël Arnaud, Bertrand Tassou, Gerhard Dörr.

Internet :

- Makiko Nakazato, une étudiante japonaise abonnée à la lettre Avbqueneau, nous invite à visiter son site internet. Vous pourrez y lire, entre autres, son mémoire de D.E.A., intitulé "Zone frontière du réél et de l’irréel — Etude de Zazie dans le métro de Queneau", son projet de thèse sur « L’analyse stylistique et philosophique des romans d’après-guerre de Raymond Queneau », tous deux rédigés en français, ainsi que plusieurs articles sur Zazie dans le métro, Les Fleurs bleues ou Le Dimanche de la vie. Mais attention : pour ces derniers il vous faudra parfois commencer par apprendre le japonais. http ://www010.upp.so-net.ne.jp/east-end-talk/

Rappel des manifestations en cours

Au Havre

- depuis le vendredi 21 février et jusqu’au samedi 3 mai à la Bibliothèque Armand Salacrou (17, rue Jules Lecesne, 76600 Le Havre, 02-32-74-07-40, Biblio@ville-lehavre.fr), l’exposition "Raymond Queneau et Le Havre".

- de février à juin, "Á la manière de Queneau", concours de nouvelles. Un jury sélectionnera une douzaine de textes qui seront publiés en septembre par les éditions Gallimard dans la collection Folio. Renseignements : direction de la Culture de la Ville du Havre, 02-35-19-48-24.

- jusqu’en juin, "C’est en écrivant qu’on devient écriveron" : atelier d’écriture sous l’égide de l’Oulipien Jacques Roubaud. Les travaux seront édités dans une plaquette. Ecole d’Art, 65, rue Demidoff, 76600 Le Havre, 02-35-53-30-31.

Vous trouverez des précisions sur ces événements, ainsi que la liste complète des manifestations havraises du centenaire, à l’adresse http ://www.haute-normandie.culture.gouv.fr ; dans Queskifon ?, le bulletin distribué par l’Association "Queneau aime Le Havre aime Queneau" (5, rue Marcel-Ginouvier, 76600 Le Havre, 06-14-22-73-87) ; ou encore dans la brochure éditée par la ville du Havre, service des Affaires culturelles (département de la communication : 02-35-19-49-34).

Á Paris :

- Prolongation jusqu’à fin mai du spectacle "Y’a du Queneau dans l’air" de Jocelyne Auclair (avec la voix de Patrice Ricci). Tous les lundis à 20 h 30, Théâtre "Les Caves St Jean", 71 rue de la Folie Régnault 75011 Paris, Réservations : +33 (0)1.44.84.01.67,

Á Bruxelles

- Depuis le 1er mars et jusqu’à mi-juin, à la Bibliothèque adultes de l’espace Delvaux (3, rue Grates, 1170 Bruxelles 0032-2-6638561) une exposition intitulée "Fous du langage, langages de fous" organisée par Florence Géhéniau, qui rend hommage à Raymond Queneau et à André Blavier (entre autres). Les mardis de 15 h à 19 h, mercredis de 14 h à 18 h, jeudis de 10 à 16 h, vendredis de 15 à 19 h, samedis de 10 h 30 à 12 h 30.

Pour information, les quelques événements qui se sont déroulés pendant les vacances :

- A Cournon, le 14 avril, le théâtre de l’Epi d’or a présenté "Zazie dans le métro", une adaptation créée en 2000 pour le festival d’Avignon. Contact : 30, Hameau des feuilles mortes, 95150 Taverny, tél. : 01-39-60-38-23,

- Signalée par Hervé Moriz, une conférence de l’Ami de Valentin Brû Patrick Brunel a eu lieu le mercredi 9 avril au Palais des Congrès de Royan, sur le thème "Raymond Queneau romancier de l’inquiétude".

La rédaction de la revue Les Amis de Valentin Brû maintient son appel à comptes rendus. Si vous assistez à l’une des manifestations annoncées dans cette lettre ou dans les suivantes, et si vous souhaitez écrire quelques lignes sur le sujet, vous êtes les très bienvenus. Suivant le nombre de comptes rendus reçus, la rédaction des AVB se réserve le choix de publier in extenso lesdits textes ou d’en faire paraître seulement un florilège…

Merci d’avance à tous.

Amitiés brûtes de votre secrète hère,

Astrid Bouygues

Secrétaire de rédaction des AVB

69/71 rue d’Alleray

75015 Paris

01-45-33-23-35

Date : Sat, 19 Apr 2003 16:21:28

Subject : [Melusine] [appel Breton] Breton, suites

Ce tout dernier bulletin de la liste remue.net pour vous informer que nous continuerons à suivre le dossier Breton de près dans les prochaines semaines et les prochains mois, dans le droit fil des questions posées sur cette liste pendant trois mois. La vente a eu lieu, le 42 rue Fontaine est hélas dispersé, mais un débat s’engage sur la possibilité et la volonté des pouvoirs publics de créer un musée Breton. Il faut que ce débat continue à vivre librement, hors de tous les cadres institués. Si la voie est libre pour une telle éventualité, c’est bien parce que nous avons mis la pression.

Relayées par remue.net, les informations et dicussions seront mises en ligne sur le site D’autres espaces, à la page Breton, http ://people.freenet.de/autres-espaces/breton.htm. Il est possible de s’abonner à un nouveau bulletin, au rythme moins intense qu’auparavant, hebdomadaire, en m’adressant un simple mail.

On trouvera plus bas une réaction à la dépêche AFP du 18 avril qui fait le bilan de la vente à sa manière, et un article important d’Edgar Morin dans le Monde du 17 avril qui relance la discussion sur la volonté publique de reconnaître enfin l’importance du surréalisme dans l’histoire du vingtième siècle.

De l’esprit du surréalisme

Au lendemain de la vente Breton, marchands et pouvoirs publics, bras dessus, bras dessous, se félicitent ensemble : « L’esprit d’André Breton est toujours là ». Sous-entendu : la dispersion et les préemptions de l’Etat ont permis la survie de cet esprit. Sous-entendu encore : sans cette vente à Drouot, sans cet événement commercial de grande ampleur, l’esprit du surréalisme serait mort et enterré. « C’est à nous, marchands et Etat, que vous devez de voir l’esprit d’insurrection artistique du vingtième siècle plus vivant que jamais ».

Rappelons quelques vérités, quelques vérités « bonnes à dire ». Si le mot « esprit « peut être utilisé au sujet de cette vente, il faut le mettre au compte de ceux qui ont su lancer le débat public sur la légitimation officielle d’une telle dispersion, qui ont su pointer du doigt ce que cette défaite de l’esprit, justement, représentait pour une communauté de citoyens. Les marchands n’ont pas assez de l’argent, et l’Etat pas assez de l’autorité publique, il leur faut encore l’esprit ! Tout s’achète, n’est-ce pas ? Et quelques journalistes sont là pour leur faire crédit.

L’Etat a préempté comme jamais, nous dit-on. Pour près de 12 millions d’euros. Pensons un instant à ce qu’il aurait pu faire de cette somme si les prix des lots avaient été diminués par dix suite à une interdiction de sortie du territoire. Bien d’autres œuvres d’égale importance auraient pu être sauvées.

L’Etat a surtout légitimé cette dispersion, trois mois durant. Il voulait un événement international, il l’a eu. Mais voyons le résultat : les deux tiers de la collection partis dans des collections privées, dispersés pour la plupart à l’étranger ; un tiers conservé en France, mais disséminé un peu partout. Bilan : un ensemble unique de l’héritage surréaliste a tout simplement disparu.

Que l’Etat entende justement l’esprit de Breton, c’est ce que nous demandons aujourd’hui. Qu’il engage, avec les collectivités territoriales, des discussions, pour qu’un haut lieu du surréalisme soit créé, où pourraient être rassemblées des œuvres du 42, rue Fontaine et du fonds surréaliste déjà existant. Que ces objets, œuvres, manuscrits, livres témoignent de l’esprit du surréalisme, subversif, sauvage, libre !

Laurent Margantin

Point de vue

Pour un Palais du surréalisme, par Edgar Morin

Mercredi 16 avril 2003 (LE MONDE)

Jean Schuster, principal héritier spirituel d’André Breton, eut, dans les années 1980, l’idée d’un Palais du surréalisme. Non musée où se conservent les choses mortes, mais palais où rayonne une majesté vivante. Elisa Breton était disposée à offrir pour ce palais les archives, les textes et notamment la collection de Breton. Schuster avait déjà en vue un bâtiment qui conviendrait. Il m’incita à solliciter le président de la République, alors François Mitterrand, pour la réalisation de ce projet. J’étais enthousiasmé à cette idée. Malheureusement, François Mitterrand ne fut pas sensible à la beauté de l’entreprise.

Nous aurions pu, dû, repartir à l’assaut, mais cela n’était pas dans la nature de Schuster de solliciter, et moi-même, guère quémandeur, n’eus pas l’énergie de repartir à la charge. L’émotion suscitée ces derniers temps par la vente et la dispersion de la collection d’André Breton m’incite à croire que, bien que tard pour la collection elle-même, il y a peut-être un climat favorable pour reprendre l’idée d’un Palais du surréalisme.

Il est lamentable qu’aucun lieu ne rassemble les témoignages, œuvres et chefs-d’œuvre de ce qui fut l’événement le plus important du XXe siècle dans l’ordre de l’esprit. Qu’aucun site ne restitue la présence vivante de ce qui fut l’admirable et féconde aventure intellectuelle de notre temps. Le surréalisme ne fut pas seulement un mouvement littéraire qui porta ses pionniers à l’engagement révolutionnaire. Le surréalisme fut multidimensionnel dans sa nature même, à la fois poétique, politique et existentiel.

Développant pleinement un message de Hölderlin ("poétiquement, l’homme habite la terre") et la recherche de Rimbaud, il considéra la poésie, non seulement comme chose écrite et récitée, mais comme ce qui devait être vécu. La poésie est conçue non comme une variété de littérature, mais comme le mode où l’humain doit à la fois se perdre et se retrouver, comme son devoir-vivre.

Il faut concevoir aussi que le surréalisme fait confluer en lui ce qui, dans notre civilisation, est disjoint entre le public et le privé, le politique et le subjectif. Ainsi le jeune surréalisme a uni Marx et Freud, concevant que l’infrastructure de la psyché humaine est aussi importante que l’infrastructure économique, et a lié la révolution poétique — changer la vie — à la révolution pratique — transformer le monde. Il a conçu notre réalité "normale" comme une bande moyenne entre l’imaginaire, apparemment sous-réel, dont il reconnaît la réalité profonde, et le surréel, qui est le domaine de l’expérience poétique.

Iconoclaste en toutes choses, sauf en amour, le surréalisme instaura une religion de l’amour, véritable absolu de l’être humain, et suscita une adoration à la fois de l’amour courtois, de l’amour fou et de l’érotisme (déchaîné ou enchaîné). L’amour du couple est assez "fou" pour prendre forme de communion cosmique. Ainsi, si on ne se fixe pas uniquement sur les aspects polémiques, provocateurs et désintégrants, le surréalisme est profondément intégrateur de ce qui était jusqu’alors disjoint et il réintègre en lui toutes les dimensions essentielles de l’humain.

Comme nous vivons toujours sous le règne de la connaissance compartimentée, on ne voit dans le surréalisme qu’un mouvement littéraire, esthétique, artistique. On reconnaît certes la richesse, mais on ne voit pas son importance historique et je dirais même anthropologique, qui concerne l’être humain dans sa nature et son existence.

Quel beau palais que celui où l’on pourrait contempler peintures et sculptures, où l’on pourrait consulter revues, poèmes et livres, où l’on pourrait voir et revoir des films, où se régénérerait pour chaque visiteur l’ardent message, où l’on pourrait puiser l’encouragement à ne pas subir le déferlement de prose que produit notre civilisation, dont le surréalisme est le meilleur antidote. Et puisque c’est la France qui fut la source première et principale du surréalisme, lequel s’est ensuite répandu en Europe et dans la planète, ne serait-ce pas un devoir, un honneur que de réaliser le Palais du surréalisme ?

Le président de la République, le premier ministre, le ministre de la culture, auront-ils à cœur de susciter l’accomplissement de cette belle œuvre, à la fois française et universelle ?

Edgar Morin est sociologue.

Date : Wed, 9 Apr 2003 09:48:18

Décidément, et pour deux semaines, Libé est à la noce avec la vente Breton. Voir un grand journal national, créé à la suite des événements de 1968, traiter cet événement de cette manière, sans en mesurer aucunement la gravité, est plus que pénible… Rappelons que Vincent Noce écrit normalement pour la rubrique culinaire, d’où le sentiment de honte qu’inspirent de telles "trouvailles"…

Vente de la collection Andre Breton (7-17 avril)

Amateurs de truffes

Poursuite de la dispersion de la bibliothèque.

Par Vincent NOCE

mercredi 09 avril 2003

Dans le monde de la bibliophilie, les truffes ne sont pas celles qui sont prisées par les gastronomes, même si parfois elles s’en approchent par leur délicieuse rareté. Un ouvrage « truffé » est un livre où sont insérés des documents (coupures de presse, lettres…). Ainsi, dans la bibliothèque d’André Breton, dont la dispersion s’est poursuivie hier, le catalogue de l’exposition Art of the Century à New York en 1942, qui révéla l’avant-garde française au grand public américain. Catalogue dédidacé à Breton par l’organisatrice, Peggy Guggenheim, riche collectionneuse et compagne éphémère de Max Ernst. Breton y avait inséré une carte postale de l’artiste Leonora Carrington, autre madame Ernst.

Succès. Ce sont ces dossiers que cherchent les marchands et les conservateurs, auxquels ont pu se mêler quelques amateurs anonymes et moins argentés. La salle s’étant clairsemée, l’agitation du premier jour éteinte (938 000 euros de résultat, soit 40 % de mieux qu’escompté), l’un d’eux a pu emporter pour 150 euros un lot de quatre éditions originales sur « l’art fantastique » ou « dément », dont l’un dédidacé à Breton. En revanche, un dessin de Dali, « truffant » sa Femme visible (1930), faisait monter les enchères à 45 000 euros. Les catalogues de ventes, annotés par Breton, avaient aussi leur succès, comme ceux de la collection du marchand de Picasso et des cubistes, Henry Kahnweiller (1921). Au frontispice : « Vente de biens allemands ayant fait l’objet d’une mesure de séquestre de guerre ». Idem, la même année, pour la collection de Wilhelm Uhde, défenseur du Douanier Rousseau et des cubistes, mais pas moins « boche » pour autant. Le premier numéro du magazine américain View (1945), consacré à Marcel Duchamp, signé de Duchamp, Breton, Ernst ou Tanguy, atteignait 13 500 euros. Glissée dedans, une carte-dessin autographe de Duchamp a été subtilisée durant l’exposition.

Dithyrambe. Cette bibliothèque est ainsi un magnifique témoignage du foisonnement artistique de la France de la première moitié du siècle, mais aussi du basculement vers les Etats-Unis dès les années 40. Un jeune homme tout heureux emportait un dithyrambe des exploits du général Gaston de Sonis (1825-1887). Au-dessus du titre, Breton avait écrit au crayon : « Une saloperie exemplaire. ».

Date : Wed, 9 Apr 2003 09:27:49

Subject : [Melusine] [appel Breton] Honte à la France !

Pendant que les journaux étrangers parlent de honte au sujet de la vente Breton, exprimant leur stupéfaction que celle-ci puisse avoir lieu, les journaux et médias francais sortent leurs feuilletons de printemps avec leurs chiffres des enchères de la journée (pour la première journée 937 796 euros selon Le Monde), se permettant d’insulter les 3400 signataires de l’appel Breton (voir plus bas notre réaction à ce sujet).

Au troisième jour de la vente Breton, et après notre manifestation du 7 avril (voir les photographies sur www.remue.net, on envoie encore un compte-rendu), nous ne pouvons que reprendre les propos de nombreux amis de France et de l’étranger qui disent

Honte à un pays qui ne sait pas préserver ses trésors et autorise leur dispersion à l’étranger, entre les mains d’intérêts privés !

Honte à un ministre de la Culture, ancien directeur du centre Beaubourg, qui défend la boutique des commissaires-priseurs en parlant comme eux, avec le même vocabulaire et la même morgue, de "momification" au sujet de la conservation d’oeuvres d’art uniques, incapable de mesurer la gravité de la situation !

Honte à un ex-ministre de la Culture, Jack Lang pour ne pas le nommer, qui devant les caméras d’Arte ose affirmer que si rien n’a été fait c’est parce que la famille de Breton ne l’a pas voulu, alors qu’il sait parfaitement qu’elle a tout tenté !

Honte aux piètres "héritiers" du surréalisme, dont la médiocrité littéraire et intellectuelle aurait fait rager Breton, qui préfèrent cracher sur des écrivains et des poètes qui les valent cent fois, en utilisant les mêmes arguments, les mêmes raisonnements que les commissaires-priseurs et le ministre de la Culture actuel !

Honte aux écrivains et intellectuels qui se taisent aujourd’hui, cyniquement, en attendant que ça se passe !

Honte à une presse nationale qui ne fait pas son travail, et va (Libération) jusqu’à faire couvrir la vente Breton par un spécialiste la rubrique culinaire, tellement elle n’a aucune idée de ce que le surréalisme signifie, sur le plan culturel ! Honte à la petite cuisine journalistique, qui se pâme devant les millions de dollars des collectionneurs !

Honte à ce pays qui laisse grossir toute cette vulgarité culturelle, jour après jour, et se détache d’une collection unique en ricanant de plaisir !

Nous lançons ce dernier appel : les services de sécurité ne peuvent empêcher personne de rentrer dans la salle des enchères et de perturber la vente, comme nous avons pu le constater lundi 7, grâce à l’action des signataires de Limoges : on ne doit pas s’en priver, pour que cette honte soit exposée à la face du pays jusqu’au dernier jour de la vente, et qu’une tache indélébile demeure sur ces journées d’un scandale culturel sans précédent. Ne vous gênez pas pour entrer dans Drouot (il y a des nocturnes), par petits groupes, et pour interrompre le cours des choses le plus pacifiquement possible ! Si nous n’avons pas pu bloquer la vente, nous pouvons troubler le bon déroulement des enchères jusqu’à la dernière minute !

Nous redonnons ici le calendrier de la vente :

Ventes de Livres et Manuscrits :

Lundi 07 avril 2003 à 14h30

Mardi 08 avril 2003 à 10h30

Mardi 08 avril 2003 à 14h30

Mercredi 09 avril 2003 à 10h30

Mercredi 09 avril 2003 à 14h30

Jeudi 10 avril 2003 à 10h30

Jeudi 10 avril 2003 à 14h30

Vendredi 11 avril 2003 à 10h30

Vendredi 11 avril 2003 à 14h30

Samedi 12 avril 2003 à 14h30

Ventes d’Arts Populaires et Numismatique :

Lundi 14 avril 2003 à 10h30

Lundi 14 avril 2003 à 14h30

Ventes de Tableaux modernes :

Lundi 14 avril 2003 à 19h30

Mardi 15 avril 2003 à 10h30

Mardi 15 avril 2003 à 14h30

Ventes de Photographies :

Mardi 15 avril 2003 à 19h30

Mercredi 16 avril 2003 à 14h30

Mercredi 16 avril 2003 à 19h30

Jeudi 17 avril 2003 à 14h30

Ventes d’Arts Primitifs :

Jeudi 17 avril 2003 à 10h30

Jeudi 17 avril 2003 à 19h30

07/04 un article miteux et minable de M. Harry Bellet dans Le Monde

dans le Monde du 8, voici comment M. Harry Bellet décrit les 3400 signataires de notre appel : "Après l’annonce de la vente en décembre 2002, une pétition est lancée qui regroupe très vite plusieurs milliers de signatures, modestes quidams ou plumes prestigieuses. Qu’un des auteurs du texte ait jadis été chassé avec pertes et fracas par Breton, qui le soupçonnait de tenter une réconciliation avec Aragon, ajoute du sel à la chose. Tous, amis et ennemis déclarés, traîtres démasqués, crapules staliniennes ou hyènes dactylographes, amoureux authentiques et sincères, se sont unis pour protester, et, comme le constatent les pétitionnaires eux-mêmes, "peu à peu le surréalisme et l’oeuvre d’André Breton se révèlent être le dénominateur commun de plusieurs artistes et courants de pensée". Eh oui, jusqu’à la Société des gens de lettres…"

Je n’ai pas idée de ce que nous avons fait pour mériter autant de mépris, et qu’on parle de nous avec une telle arrogance. "Quidams", "traitres", "hyènes", "staliniens", dans l’ordre, nos signataires apprécieront. Ce monsieur nous fait regretter les 4147 euros envoyés il y a 2 semaines au Monde pour publication de notre appel… Et bien sûr, le même journal se garde bien de faire part de notre réponse aux déclarations de J-J Aillagon jeudi dernier (ci-dessous) — FB

post-scriptum : dans le Monde daté 9 avril, voici comment le même M. Bellet termine son article :

"A 243 000 euros (276 021 euros avec les frais), le commissaire-priseur céda, avec un "C’est à vous", sous les applaudissements de la salle. L’oeuvre est en réalité destinée à l’un de ses clients. Un collectionneur français qui souhaite conserver l’anonymat. Mais ceux qui connaissent son intérieur savent qu’à côté, l’appartement de Breton semblait zen. Comme le poète, il y a accumulé les trésors d’une vie, et là aussi, comme rue Fontaine, l’objet le plus banal voisine souvent avec le chef-d’oeuvre. L’édition originale n’y sera pas dépaysée."

On se croirait dans la chronique mondaine du journal "Le Gaulois", qu’aimait citer Marcel Proust, au début du siècle. On voit où sont les fréquentations de ceux que Le Monde choisit pour collaborateurs. On comprend mieux que l’appel signé par 3400 enseignants, universitaires, chercheurs et tant d’écrivains et d’artistes ça énerve le bourgeois. Et Libération ne fait pas mieux avec la chronique tout aussi mondaine de M. Noce, avec M. Noce on se croirait aux courses hippiques… ça donne rudement confiance, tout ça… FB

le style Noce, cette perle dans Libération d’hier : "il y aura ainsi dans le monde entier des objets qui sont le meilleur ambassadeur que la France puisse avoir à San Diego ou dans le Missouri où ces objets vont être mis en valeur. Des écoliers américains incultes vont découvrir le nom de Breton et, par conséquent, éventuellement s’intéresser à la culture française, et ça, c’est important." — à supposer qu’au Missouri inculte les écoliers en manque soient les fils de milliardaires ?

Réaction personnelle de François Bon transmise à la page Débat du Monde

De l’or du temps, réponse à M. Aillagon

Ce prochain lundi, le 7 avril, la collection Breton va être dispersée, lot par lots, manuscrits, tableaux, livres, photographies, objets. « La vente Breton ne dispersera pas sa mémoire, déclare M. Aillagon, elle la propagera » : bluff, ou opium ? Depuis l’annonce dans le Monde, le 20 décembre, de cette vente, 3 400 personnes ont tenu à dire leur tristesse d’être mis devant ce fait accompli. Ce sont des écrivains, des artistes, des enseignants et chercheurs, et des centaines de bibliothécaires ou conservateurs. Nous n’avons jamais souhaité une simple muséification, phénomène à la mode, pour cette collection unique. Nous avons simplement dit qu’aujourd’hui, dans la dynamique actuelle des musées, bibliothèques, lieux d’art, cette collection tenait évidemment de notre patrimoine collectif, répondait parfaitement à la notion de « trésor national « récemment doté d’un statut juridique. Nous savons que « l’or du temps », que cherchait André Breton, c’est dans les mots, dans l’œuvre. Comme nous le savons pour Lautréamont et Rimbaud, que Breton, plus qu’aucun autre, a contribué à mettre au premier rang de notre héritage littéraire. Mais cette collection, l’œuvre de toute une vie, pendant quatre décennies reclassée rue Fontaine, c’est le visage matériel d’un mouvement décisif pour notre siècle, pour la pensée contemporaine de la littérature. En vendant par morceaux, en nocturne pour correspondre aux heures de bureau à New York, la petite cuillère en bois de L’Amour fou, trouvée un jour avec Giacometti au marché aux puces, ou bien cette photographie comme pacifiée du dernier Artaud (qui prouve bien qu’on a affaire à la mémoire de tout le surréalisme, et pas seulement à Breton), ou ces portraits de Desnos mort en camp de concentration, on prive notre pays d’un pan essentiel de sa mémoire, ou ce qui deviendra tel pour ceux qui viennent. Même la boule de voyante, même le galet du Lot que les habitants de Saint-Cirq voudraient voir restitué à sa rivière, tout fera monnaie, et plus rien de ces bribes, dans les vitrines, les coffre-forts, ou voyageant de main à main, n’aura sens. Pas un site d’enchères américain, allemand ou japonais qui ne présente cette vente comme l’aubaine de l’année, voire « la vente du siècle ». Pourtant, combien de messages avons-nous reçus d’écrivains ou artistes étrangers, nous disant combien pour eux le surréalisme c’est Paris, et qu’à Paris devaient rester des objets d’une telle charge. Jamais les 3 400 signataires de cet appel lancé par Mathieu Bénézet le 7 janvier n’ont demandé à ce que cette vente soit « interdite », et nous aimerions que Le Monde en prenne acte. Des dizaines de chercheurs, de conservateurs, ont tenu à dire que des solutions techniques étaient possibles pour maintenir cette collection dans son ensemble, pour peu qu’on procède à la décision symbolique de la garder telle. L’inaction des pouvoirs publics du vivant d’Élisa Breton, certainement, n’a rien facilité. Ce n’est pas une raison, M. le ministre, pour cautionner comme vous le faites le désastre. Jacques Chirac déclarait récemment à l’Unesco que « la culture ne doit pas plier devant le commerce », là elle l’invite avec tapis rouge. M. le ministre affirme que « l’État sera présent », il l’aurait encore mieux été, ou plus efficacement, en publiant une liste d’œuvres interdites de sortie du territoire, qui aurait permis aux collections publiques de ne pas préempter au prix fort. Non, on a signé ces autorisations par milliers, une pour chaque œuvre mise en vente, dans la stupéfaction de tous les milieux concernés. Je parle ici en mon nom personnel : pour une des rares fois de notre histoire littéraire, un mouvement esthétique de toute première importance avait laissé son « musée imaginaire », notre pays laisse passer cette chance. Quand 3400 personnes, dont la plus grande partie représentatifs d’associations d’auteurs, de maisons d’écrivains, de bibliothécaires, expriment leur désarroi, et leur souhait d’un rendez-vous avec le ministre de la Culture, on ne leur répond même pas. Triste conception du pouvoir. Le résultat en sera à l’aune : renoncement. Demain on s’occupera des choses sérieuses, édification d’un musée Gainsbourg, allègement d’impôts pour les mécènes privés ! Nous, ce sont nos premiers cahiers d’écriture, nos premières expériences de littérature, qui seront bradées avec le reste. Tout ce qu’avait rassemblé Breton avait à voir avec le rêve, et avec une conception de la littérature comme agissant le monde. Une littérature de subversion. On ne peut pas s’empêcher de penser que dans le renoncement de l’État à s’opposer au commerce, c’est cette idée de la subversion qui gêne. D’où notre volonté d’être, ce lundi 7 avril, à 14h, devant Drouot pour dire notre protestation, au moment même où s’ouvrira la vente. François Bon.

« La vente Breton ne dispersera pas sa mémoire, elle la propagera »

Prétendre, comme le fait un ministre benoîtement cynique, et chargé de la gestion des affaires dites culturelles dans un gouvernement de faquins aux ordres des nantis pour qui le soupçon même de la culture engendre invariablement la disposition des contre-feux de la fatuité et du mensonge, — prétendre que la vente de la vie de Breton revient à en disséminer l’esprit, et lui donner une chance d’ensemencer des territoires vierges de l’ailleurs (je poétise ici énormément ce que la bouche ministérielle est bien incapable d’exprimer, étant simple porte-voix de l’affairisme), c’est évidemment prendre par le mépris ce qui reste d’intelligence et de conscience dans ce pays.

C’est se montrer soucieux du rapport des choses, et non de leur valeur. C’est mettre en balance l’existence de la beauté, et le prix qu’elle peut atteindre, dans l’optique des gens vulgaires, qui entassent au lieu de choisir, car ils ne savent évidemment pas ce que c’est que de voir porter son désir sur un objet, le voir se condenser à la surface de la chose élue, mais ils ne connaissent que le plaisir puant de l’acquisition par caprice.

C’est n’avoir en tête que la puissance fiscale de l’Etat, à qui toute cette foire rapporte en effet le bénéfice énorme de la bonne conscience avec celui des droits de timbre, et le pouvoir de l’argent, qui permet tout aux pauvres hères, dépourvus d’autre goût que celui que leur accorde le ventre de leur bourse.

C’est au bout du compte de ces charognards béats, auxquels on obéit parce qu’on a été choisi pour ça dans une bêtifiante élite composée de fantoches démagogues à breloques institutionnelles et à certitudes en sautoir, se dire qu’on est en train de prendre une revanche sur tout ce qui pense et aime en ce monde.

Bien sûr, Breton n’a pas véritablement donné d’ordre lui-même concernant sa collection, et on expose déjà le fameux Mur (présenté comme un comptoir d’épicier dans un musée officiel !), et on a déjà fait toutes les tractations possibles avec la veuve et la fille du poète, et toutes les démonstrations de la légalité sont magnifiques et glorieuses, et même, certains ont beau jeu de clamer que cette vente est dans la ligne : ce serait le destin des objets, même frappés du sceau du génie que leur aura conféré un être d’exception, que de se disperser (on nous fera grâce ici de l’argument ministériel et faux-cul, de la propagation de l’esprit qui a présidé à leur collection) après la disparition de cet homme au regard précis et au cœur vivant.

Foutaises !

La vente Breton n’est jamais que l’affaire du siècle pour tous les abrutis à portefeuille garni de foin et tous les ratés de la vie, ils l’avouent très tranquillement, et c’est bien ce qui est misérable au possible ! Il n’y a rien d’autre à voir que cette misère-là, et celles des « héritiers « spirituels qui laissent faire, quand ils ne bénissent pas, parce que le conglomérat des protestataires n’a pas l’heur de leur plaire.

J’avoue que je m’interroge peu, dans les circonstances présentes, sur les déterminations individuelles exactes et la qualification intellectuelle réelle ou supposée au regard de ce qui fut le surréalisme et son représentant le plus illustre, de tous ceux qui protestent contre cette vente, où se concentre tout ce que cette société engendre de vautours, d’ignares et de malins.

Ils me suffit que ces protestataires mettent le doigt sur l’ignominie entretenue depuis des lustres autour de cet héritage à seule fin de permettre cette braderie claironnée comme une victoire de la raison marchande, déguisée in extremis en don de spiritualité au monde.

Il me suffit de lire une bouffonne déclaration comme celle de ce petit marquis, qui sert de gestionnaire idéologique à cette dilapidation heureuse, pour savoir que la seule réponse à cette indigence et à ce mépris est l’expression d’une vigoureuse désapprobation.

Auxeméry

Date : Wed, 9 Apr 2003 16:56:06

Subject : [Melusine] [appel Breton] La révolte des humbles objets surréalistes ?

La révolte des humbles objets surréalistesLa révolte des humbles objets surréalistes

Tout récemment, Aube, la fille d’André Breton confiait quels étaient ses pièces préférées parmi les milliers d’objets de la collection de son père, qui sera dispersée ces jours-ci à Drouot. Ni manuscrit autographe à 100 000 US dollars, ni tableau de maître coté : Seulement un masque esquimau d' « homme-baleine” « (ce qui nous emporte loin de Paris), mais aussi un « cadre 1900 en coquillages », provenant de Guérande (ce qui nous rapproche près de Nantes).

Dans une autre histoire, il était question de cailloux essentiels que Breton aurait prélevés dans une rivière occitane, et aussi de moules à gaufres, et encore de bénitiers.

Soit dit en passant, cette inclination d’André Breton pour les humbles objets croisés à la fortune du hasard objectif, voilà qui réhabilite ce monde singulier des estampes à deux francs des marchés aux puces, des poupées de coquillages, des galets peints, des pneus cache-pot, des boules-à-neige, et autres nains de jardin, tous ces arts premiers à leur manière, dont la virtuosité populaire a été trop vite snobée et humiliée par le conformisme de ces dernières décennies. (Mais ces objets atypiques, si importants pour le surréalisme, auront-ils été repérés par les conservateurs de musées et de bibliothèques publiques allant préempter leur butin à la vente Breton ? )

De Guérande, justement, il vient un autre souvenir rapporté par Julien Gracq, l’un des écrivains toujours vivants de nos jours (et c’est beaucoup) : « Au mois d’août 1939, à Nantes, je rencontrais pour la première fois André Breton. Presque dès les premiers mots, j’étais amené je ne sais pourquoi à faire allusion à Béatrix [roman de Balzac se déroulant à Guérande], que Breton n’avait pas lu. Assez intrigué, il tira de sa poche un anneau de clé qu’il avait quelques jours auparavant ramassé sur une plage, tout frais abandonné par la mer. Un nom s’y lisait, à demi rongé : Béatrice ou Béatrix. Il attache une particulière importance à la collecte de ces menues et énigmatiques épaves. »

Où est aujourd’hui cet anneau de clef. Á l’hôtel Drouot ? Combien d’humbles objets recelait ainsi l’appartement d’André Breton, conservé intact depuis 1966, comme le château de la Belle au bois dormant ? Durant une vie sans faiblesse (d’ailleurs ni pour Pétain, ni pour Staline, ni pour soi-même), l’artiste avait rassemblé ces éléments épars, mêlés chez lui aux œuvres d’artistes, en cette collection unique au monde qui va être irrémédiablement dispersée au plus offrant sur le marché de l’art.

Par une singulière ironie, les traces matérielles de l’Amour fou et de la Révolution surréaliste iront enrichir les patrimoines improbables de quelque spéculateur privé. Qui les vengera de cette ignominie ?

On songe à ces contes de fées où les choses inanimées, apparemment les plus anodines, jettent précipitamment ent leur magie noire ou blanche : bénéfique pour les enfants et les amoureux, maléfique pour les autres.

Et si les objets de Breton devaient se venger de leurs nouveaux propriétaires ? Frappés par un sort mystérieux, tous les acquéreurs de la vente Breton seraient soudainement paralysés, touchés par une grâce inexplicable.

- Á Houston, depuis l’obscur coffre fort d’un milliardaire du pétrole et des industries pharmaceutiquesS — Á Londres, dans l’élégant bureau directorial d’une agence de notation financièreS — Á Naples ou à Moscou, au siège luxueux d’une triade spéculant à la baisse sur la cocaïne et le plutonium volé — Á Taiwan ou au Qatar, chez quelque acheteur d’armes made in FranceS — Á Kinshasa, dans une bourse locale du diamant, butin des guérillas léninistesS — Dans n’importe quel paradis fiscal, chez un honorable intermédiaire, féru d’art moderne, par ailleurs commissionné à la fois par Al-Caïda et la CIAS — Á Paris ou ailleurs, chez un entrepreneur en divertissements télévisés par satellite, conseiller en communication de plusieurs dictateurs francophiles

Humbles objets inanimés, joyaux surréalistes, achetés à prix d’or par les puissants de ce monde où que vous soyez désormais, révoltez-vous !

Luc DOUILLARD (Nantes)

Date : Wed, 23 Apr 2003 18:28:31

Subject : [Melusine] Actes et Articles

Bonjour

De nouveaux articles signalés en page d’accueil de notre site www.louisaragon-elsatriolet.com et le sommaire des actes du colloque de Reims sur Le Paysan de Paris (à paraîte en mai 2003)

Bien à vous,

LV

 

Téléchargez les messages de l'année (2 fichiers):

SUITE


©2007 Mélusine Accueil Consectetur
Cahiers MélusineBibliothèque Numérique SurréalisteLes CollaborateursL'Association