Archives de la liste de discussion de Mélusine
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Avertissement, Avril 2006

Note technique :
La compilation des messages de sept années, expédiés par différentes machines sous différents systèmes, a produit des fichiers fort encombrants. Il n’était pas possible de garder la forme initiale des messages. Nous avons donc privilégié l’accessibilité en réduisant au maximum leur poids, en évitant les redondances, sans toucher au contenu, qui reste l’objet du présent document. Les coordonnées personnelles des abonnés ont volontairement été enlevées.

Signalons que les abonnés à la liste Mélusine peuvent retrouver les messages conservés depuis février 2006 sur le serveur Sympa dont ils ont les coordonnées. Il leur suffit d’insérer le mot de passe qui leur a été communiqué par la machine lors de leur inscription, et de consulter les Archives dans l’ordre chronologique, ou encore grâce au moteur de recherche du logiciel.


Lun. 03/04/2006 18:12

Brauner, Soupault

Chers Mélusins, Chères Mélusines,

voici deux comptes rendus publiés dans L'Humanité prolongeant les informations précédemment communiquées:

Brauner dans la bibliothèque de l’amateur d’art
Les Lettres françaises

Brauner dans la bibliothèque de l’amateur d’art

Victor Brauner, écrits et correspondances, 1938-1948.

Camille Morando et Sylvie Patry, Centre Georges-Pompidou/INHA, 416 pages, 59,90 euros.

Ce fort et riche volume a le mérite de nous ouvrir les archives de Victor Brauner, qui sont conservées au Centre Georges-Pompidou. On se délecte de ses écrits (Du fantastique ; Dessin à la bougie), de ses projets de ballets et d’expositions mais aussi de ses nombreux projets de tableaux qui sont rédigés (Dragon noir ; l’Animal manuel, Monsieur le 5, etc.), de ses carnets qui associent le texte et le dessin en couleurs. Mais c’est sa correspondance qui constitue le pezzo forte de cette édition. Il s’agit surtout de la période de son arrivée à Paris (1938), de la guerre et de l’immédiate après-guerre. L’artiste est parti pour le Midi, à Perpignan, et a tenté en vain de partir à Cuba grâce à Varian Fry, dont il devient l’ami. Il demeure bloqué en France et parvient à survivre grâce aux achats de Peggy Guggenheim et de Pierre Skira, ou grâce à l’aide de Picasso. Il correspond avec Breton, Yves Tanguy, René Char, Gherasim Luca, Marcel Duchamp, Oscar Dominguez (à cause duquel il a perdu son œil gauche), Paul Eluard, entre autres. En sorte que ce recueil est une vraie mine d’or où l’on découvre la personnalité de cet artiste somme toute assez peu connu, au-delà des quelques toiles qui figurent obligatoirement dans les expositions consacrées au surréalisme. On découvre à quel point Brauner était un grand dessinateur, inventif et incisif, alors que sa peinture se révèle un peu figée et froide.

Georges Férou, L’Humanité, 1er avril 2006

 Philippe Soupault, un homme de liberté

Les Lettres françaises


Philippe Soupault, un homme de liberté

Philippe Soupault n’a pas cherché à devenir un nom de la littérature. Imaginer Rimbaud à l’Académie le faisait ricaner. Il n’aimait pas plus la gloire qu’il ne supportait Dieu. Il préférait la vie, avec ses grands et ses petits côtés, sachant dévoiler ce qu’elle recèle d’exceptionnel. Sans doute cela est-il le fait d’un poète, et poète il l’était avant tout, ne se souciant pas trop de son oeuvre, se méfiant de la littérature et des littérateurs.

Sa vie est riche en événements qui sortent de l’ordinaire. Les plus connus sont l’épisode de l’écriture des Champs magnétiques avec Breton, l’emprisonnement en Tunisie en 1942 pour haute trahison, à la demande de Vichy, le suicide de sa compagne à Paris en 1965. Mais il y a aussi ses activités de gérant d’une flotte de dix pétroliers, celles d’éditeur, de journaliste, de voyageur, d’homme de radio, et en parallèle une incessante activité d’écriture. Tout ce qu’il a écrit, en particulier sa poésie, montre une certaine fluidité d’expression qui peut être considérée comme sa caractéristique.

Cette fluidité, augmentée d’une certaine bienveillance à l’endroit des personnes dont il nous entretient, se retrouve dans les volumes intitulés Mémoires de l’oubli*. Cela signifie-t-il que Soupault est aveugle et se refuse à prendre parti ? Certainement pas, mais il préfère mettre au jour les ressorts profonds de ceux dont il parle. La crainte de l’oubli nourrit un combat pour refouler la marée montante des mensonges qui défigureront tout et pour cerner au plus juste la vérité intime du mémorialiste. Elle met en jeu sa capacité de sincérité, qui est chez lui aussi résolue que tranquille. De ce point de vue, poésie et mémoires sont bien l’œuvre du même homme.

Les Mémoires que Soupault publie au tard de sa vie et qui débutent par l’Histoire d’un Blanc (écrit en 1927) sont le récit de ce qui restera comme la partie la plus prometteuse de son siècle : le dadaïsme, le surréalisme, et surtout les relations avec les intellectuels qui ont fait la grandeur de cette période. L’Histoire d’un Blanc peut être considérée comme les prolégomènes aux volumes qui suivront et vont jusqu’en 1933. On y trouve le récit de son enfance, de ses premiers pas dans la vie d’adulte et les partis pris qui resteront les siens. Avec d’entrée de jeu, ce rejet définitif de la bourgeoisie qui prétend s’appuyer sur la religion et les bonnes mœurs et ne respecte véritablement que l’argent. « Je puis dire, sans exagérer, que l’unique morale de la bourgeoisie au milieu de laquelle j’ai eu le malheur de naître réside dans ce principe élémentaire : " C’est une chose qui ne se fait pas… " Tuer ou voler ne se fait pas. Être pauvre ne se fait pas. Écrire ne se fait pas… »

Une deuxième constante de la vie de Soupault aura été un amour de la liberté que son milieu social ne fait que blesser, qu’il s’agisse de l’homme ordinaire ou du poète. Il s’en revendiquera toujours : « Liberté que je veux, liberté dont je suis malade et qui me torture et qui me tue comme la soif, je voudrais une fois au moins dans ma vie apercevoir ton visage. Une seule fois et je serais content. » Il se définit ainsi : « Je suis simplement un garçon de Liberté. »

Les trois volumes des Mémoires de l’oubli racontent ce qu’Aragon a nommé « un perpétuel printemps », sans méchanceté pour les uns et les autres malgré ce qui a pu les opposer. Parfois un jugement sévère se fait jour, par exemple sur Cocteau pour son goût des mondanités et des embrouilles, ou pour certaines décisions de Breton qui se laissait emporter par la colère et tentait ensuite d’arranger les choses. Mais les jugements sont sans excès. Ses amis sont Eluard, (« un homme dont le désespoir est beau comme la folie »), Aragon, (« Louis Aragon détient un record, un record magnifique, celui de l’insolence »), Tzara, (« Plus je le connaissais, plus je l’admirais »), Crevel, (« Avez-vous déjà lu un livre absolument sincère ? »), etc., sans oublier Apollinaire, « qui me prit par la main et qui me montra ce qu’étaient la poésie vivante et la pénitence du feu ». Sans oublier le fantôme de Lautréamont (« On ne juge pas M. de Lautréamont. On le reconnaît au passage et on le salue jusqu’à terre. Je donne ma vie à celui ou à celle qui me le fera oublier jamais »).

Soupault pensait que ses amis lui reprochaient cette fluidité d’expression qu’on retrouve dans tout ce qu’il écrit. Il le redit dans un texte relatant ses réflexions, en prison, en 1942, au moment d’un transfert qui pouvait être l’occasion de son exécution. Mes amis, ajoute-t-il « se souviendraient surtout de ce que de mon vivant j’avais déjà été un fantôme dont on ne comprenait pas les attitudes contradictoires et l’incapacité de se fixer ».

Loin d’être un homme aux attitudes contradictoires, Soupault aura été avant tout un poète que ses pas ont mêlé à ceux qui ont donné sa dimension au siècle. Ce qu’il en dit est un témoignage essentiel. Concernant des événements qui suivirent la Commune de Paris, il écrit : « Voici l’époque des trahisons, des compromissions, des conversions. […] J’apprends aujourd’hui à respecter ceux qui ont refusé de trahir. » Paroles d’une belle actualité, dont on ne peut que saluer Philippe Soupault de les avoir écrites et surtout de les avoir fait vivre.

(*) Philippe Soupault : Mémoires de l’oubli, (1914-1933)

4 volumes, éditions Lachenal et Ritter.

François Eychart, L’Humanité, 1er avril 2006

Bien cordialement,
L'administrateur:
Henri Béhar

Lun. 03/04/2006 23:13

La Lettre Avbqueneau (avril 2006)

La Lettre Avbqueneau

Avril 2006

(263 abonnés)

Chers Queniennes, chers Queniens,

Voici vos brûtalités printanières. Je vous en souhaite bonne réception !

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Parutions

Franca Zanelli Quarantini vient de faire paraître en italien un article intitulé “Le mythe mode d'emploi : Le Vol d'Icare de Raymond Queneau”.

In: Rivoluzioni dell'antico, édité par D. Gallingani, C. Leroy, A. Magnan, B. Saint Girons, Bologna, Bononia University Press, 2006, pp. 357-366.

Contact: Site internet : www.buponline.com

E-Mail : info@buponline.com

Tel. +39 051 29.18.056 — Fax. +39 051 22.10.19

Adresse : BononiaUniversity Press SpA,

Via Zamboni, 25 40126 — Bologna (BO).

*

Le n° 280 de la Revue des sciences humaines (4e numéro de 2005), dirigé par Yves Le Bozec, a pour titre : Le Vrai et le vraisemblable, rhétorique

et poétique. Il contient un article de Cécile de Bary consacré à Queneau : “L'intervention du vrai dans la fiction fantastique : les invraisemblances

de Raymond Queneau”. L’auteure s’y demande pourquoi Queneau, malgré certaines thématiques et certaines invraisemblances, n'est guère fantastique.

Adresse: Université Charles-de-Gaulle-Lille 3

D.U.L.J.V.A. BP 149

59653 Villeneuve-d'Ascq Cedex.

Evénements

A Paris

Pascal Sigoda nous informe qu’une vente de la bibliothèque Peillet est prévue à l’Hôtel Drouot (8, rue Drouot, 75009 Paris) en salle 12,

ce mardi 4 avril à partir de 14h15. Exposition publique à l’Hôtel Drouot le mardi 4 avril de 11h à 12h.

Téléphone pendant l’exposition et la vente à Drouot : 01-48-00-20-12.

Au catalogue, des éditions originales de Queneau, dont certaines avec envoi aux dénommés Latis et Sainmont…

et, bien sûr, de nombreuses publications du Collège de ’Pataphysique.

Expert : Maurice Imbert, 4, rue Flora Tristan, 77380 Combs-la-Ville.

*

Je profite enfin de ce message pour rappeler à tous les membres de l’Association des Amis de Valentin Brû que l’Assemblée Générale annuelle

aura lieu le mardi 25 avril 2006 à 18h, au Centre Universitaire Censier, 13, rue de Santeuil, 75005 Paris, 4e étage, salle 424.

La rédaction de la revue Les Amis de Valentin Brû maintient son appel à comptes rendus. Si vous assistez à l'une des manifestations annoncées dans cette lettre ou dans les suivantes, et si vous souhaitez écrire quelques lignes sur le sujet, vous êtes les très bienvenus. Suivant le nombre de comptes rendus reçus, la rédaction des AVB se réserve le choix de publier in extenso lesdits textes ou d'en faire paraître seulement un florilège… Merci d'avance à tous.

Amitiés brûtes,

Astrid Bouygues

Vice-Présidente de l’Association des AVB

69/71 rue d'Alleray

75015 Paris

01-45-33-23-35

jeu. 06/04/2006 19:44

Séminaire + Ernst

Chers Mélusins, Chères Mélusines,

tout d'abord Nathalie Limat-Letellier me confirme que le séminaire prévu à Paris III (centre Censier) le 7 avril à 16h aura bien lieu, salle 410, avec une intervention de Richard Spiteri sur "Michel Carrouges, l'au-delà du surréalisme".

Ensuite, 2 lieux consacrés à Max Ernst:

1. à Montpellier:

Max Ernst, œuvres graphiques Webcity — France:
Carré Sainte Anne

On présente dans l'exposition 196 gravures et lithographies et 26 livres de l'artiste Max Ernst, créateur de formes et l'un des grands inventeurs des techniques du XXe siècle (frottage, dripping, collage, grattage, décalcomanie…).
L'artiste peint "moins par amour de l'art que par paresse et tradition millénaire" (Max Ernst, Ecritures, Gallimard, 1970).

2. à Bruhl

Un lieu pour retrouver tout Max Ernst
Libre Belgique — Bruxelles:

Un lieu pour retrouver tout Max Ernst
GUY DUPLAT

Mis en ligne le 05/04/2006
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A Brühl, un tout nouveau musée est consacré à l'oeuvre de Max Ernst. Une belle occasion de redécouvrir une figure clef de l'art du XXe siècle.

ENVOYÉ SPÉCIAL À BRÜHL (COLOGNE)

De la gare de Cologne, une sorte de RER emmène plusieurs fois par heure, en quelques minutes à peine, les voyageurs jusqu'à Brühl. Ce faubourg est célèbre pour le château du prince électeur August, merveille de style rococo remise en état et qui servit souvent de résidence lors des visites de chefs d'Etat. Mais juste à côté du château et de la petite gare de campagne, un second motif de visite est né en septembre dernier lorsque la ville a ouvert un très riche musée consacré à son célèbre enfant, Max Ernst. Une vaste sélection de toute l'oeuvre de ce peintre, dessinateur, graveur et sculpteur, artiste clé du dadaïsme, du surréalisme et, plus globalement, des arts du XXe siècle est ici rassemblée. Une belle occasion de saisir la complexité d'un artiste qui avait cette belle définition de sa recherche: «Un peintre, disait-il, peut toujours savoir ce qu'il ne veut pas. Mais gare à lui s'il veut savoir ce qu'il veut! S'il se trouve, il est perdu. Je considère que mon «seul» mérite est de ne pas avoir réussi à me trouver». A une autre occasion, il expliquait: «Mon oeuvre est semblable à ma manière d'être: elle ne connaît pas l'harmonie des compositeurs classiques, ni même celle des révolutionnaires classiques. Rebelle, inégale, contradictoire, elle est inacceptable pour les spécialistes de l'art, de la culture du comportement, de la logique et de la morale.»

OEuvre hybride

Max Ernst a habité l'Allemagne, la France, les Etats-Unis et à nouveau la France, il se maria quatre fois, il adapta toutes les théories neuves, se plongera dans l'inconscient et l'écriture automatique: au total, une personnalité foisonnante et donc difficile à résumer, une oeuvre inégale et hybride.

Il était né à Brühl en 1891 d'un père peintre. Jeune, influencé par les Fauves, il visitait aussi souvent le grand château d'August. C'est en souvenir de ces jeunes années que la ville a ouvert ce musée qui bénéficie de multiples dons et prêts à longue durée, permettant au musée d'embrasser toute la carrière de l'artiste. Une grande exposition rétrospective de l'oeuvre de Max Ernst se poursuit depuis septembre 2005 et continuera jusqu'en septembre 2006. Ensuite l'exposition permanente devrait être réduite au profit d'expositions thématiques liées à Max Ernst. Le musée est installé dans un bâtiment néo-classique où Ernst jeune dansa la gigue et qui fut utilisé après-guerre par des religieuses: les petites servantes de Jésus. L'architecte Thomas van den Valentyn a réussi à parfaitement marier ce style avec une aile contemporaine tout en verre. Le bâtiment ancien, rénové et épuré à l'extrême accueille la collection permanente sur Max Ernst, tandis qu'au sous-sol, une exposition temporaire présente une «recréation» de l'oeuvre de Max Ernst.

Débuts dadaïstes

Les débuts du peintre à Cologne sont marqués par sa rencontre avec Hans Arp et la création d'une antenne de Dada. «La question qu'est-ce que Dada n'est pas dadaïste, disait-on. Dada ne peut être compris, Dada doit être vécu. Dada est immédiat et évident ; Dada fait une sorte de propagande anti-culturelle faite d'honnêteté, d'écoeurement, de profond dégoût devant l'affectation de sublimité de la bourgeoisie intellectuellement autorisée».

Max Ernst multiplie les collages, les dessins étranges et les constructions basées sur l'inconscient. Dans son autobiographie, il dit qu'à cette époque la femme était pour lui «un petit pain tartiné de marbre blanc». Il rencontre André Breton et part pour Paris en se tournant vers le surréalisme. Ses peintures et dessins évoquent des êtres hybrides mi-humains, mi-animaux, il multiplie les toiles avec des forêts et des oiseaux et crée sa figure mythologique de l'oiseau Loplop. Il invente l'équivalent de l'écriture automatique des surréalistes en frottant sa toile sur des bouts de bois. Les nervures du bois dessinent alors sur la toile des courbes fascinantes. Il se lance dans la sculpture en partant d'objets usuels comme des seaux et des pelles, des sortes de ready made à la Duchamp pour créer des personnages primitifs, ludiques, enfantins et religieux.

Pendant la guerre, il émigre à New York avec sa troisième épouse Peggy Guggenheim, la collectionneuse excentrique. Il invente la technique du «dripping» reprise par Pollock: la peinture est placée dans un pot percé. La méthode permet de peindre rapidement sans passer par l'entremise du cerveau et de la rationalité raisonnante. Aux Etats-Unis, il rencontre sa dernière épouse, l'artiste Dorothea Tanning avec qui il vivra d'abord quelques années à Sedona en Arizona près des Indiens qui le fascinent. Ses grandes et célèbres sculptures du couple de Capricorne datent de cette époque. Jusqu'à la fin de sa vie, il réalisera chaque année, un tableau pour Dorothea marqué d'un «D». A Brühl, parmi les dizaines de peintures, les 60 sculptures, les centaines de dessins, on retrouve la collection entière des 36 «D-paintings».

Il revient en 1949 en France pour finir ses jours à Seillans et à Paris où il meurt en 1976, à 85 ans. En 1954, il obtenait le grand prix de la biennale de Venise et dix ans plus tard, publiait un beau livre qu'on peut voir à Brühl, une somme de ses talents d'illustrateurs: le «maximiliana» dans lequel il invente une écriture, une mise en page et qu'il peuple de dessins étonnants. Le musée de Brühl rend hommage à toute cette vie. On y découvre aussi la grande oeuvre graphique d'Ernst à commencer par ses amusants collages qu'il réalisait à partir de gravures anciennes.

Max Ernst Museum à Brühl, ouvert tous les jours sauf lundi, de 12 à 18h.

Tél. 00.49.18.05.743.465.

Web www.maxernstmuseum.de

© La Libre Belgique 2006

Bien cordialement,
L'administrateur:
Henri Béhar

Dim. 09/04/2006 23:38

Sites: surréalisme, Apollinaire

Chers Mélusins, Chères Mélusines,

de nouvelles contributions apparaissent régulièrement sur notre site. La dernière en date, de Sarane Alexandrian, porte sur l'érotisme des surréalistes, dans la revue numérique Astu:

http://melusine.univ-paris3.fr/astu/Alexandrian.htm

et voici une recension par Simone Grahmann dans la rubrique LU:

http://melusine.univ-paris3.fr/Grahmann.htm

D'autre part, Catherine Moore CR-Moore1@wiu.edu m'écrit:

"Je vous envoie ce petit mot pour vous signaler que les quatre séries de Que Vlo-Ve? sont désormais disponibles sur le site, avec un moteur de recherche. Vous trouverez sans doute des erreurs dont nous vous prions de nous excuser.

Le site est comme l'auberge espagnole: on y trouve ce qu'on y apporte. Nous faisons donc appel a contributions. Si vous avez des informations intéressantes au sujet des études apollinariennes, faites-les partager!! Merci d'avance."

http://www.wiu.edu/Apollinaire/Sommaire_de_la_revue_Que_Vlo_Ve.htm

Bien cordialement,
L'administrateur:
Henri Béhar

mar. 11/04/2006 15:00

Aragon / Triolet, le blog

Chères Mélusiennes et chers Mélusiens,

Juste quelques lignes pour vous signaler que je viens de créer un blogERITA, dépendant ( mais distinct) du site ERITA ( Equipe de recherche interdisciplinaire sur Aragon et Elsa Triolet), chargé quant à lui d'accueillir des textes et des articles plus conséquents. Ce blogErita, d'utilisation facile, permet de "poster" des billets et des commentaires sur des aspects plus ponctuels, des détails de l'oeuvre, sur l'actualité etc. Il est ouvert à toute proposition d'article, sachant que tout visiteur peut laisser un commentaire.

Pour déposer un commentaire au sujet d' un article en ligne sur le blog (ou pour réagir à un article déposé sur le site Erita), il suffit de cliquer sur l'onglet "commentaires" situé sous l'article. Pour créer un article court ( pas plus de 2000 signes), me l'envoyer à avec un titre clair. Je modère bien évidemment les commentaires.

Les Mélusiennes et Mélusiens auront peut-être envie d'écrire de temps à autre un billet critique, de rappeler un événement lié à la période dada ou surréaliste ou de réagir à une parution liée à Aragon. Le blogErita leur est bien entendu ouvert. En fonction des commentaires postés ou des articles proposés, je peux créer des rubriques spécifiques.

Cordialement

Luc Vigier

ERITA

Voici l'adresse du blogErita!

http://www.robertalessi.net/vigier/ERITA/blogerita/

Cordialement

LV

Ven. 14/04/2006 11:43

Chers Mélusins, Chères Mélusines,

Une grande première: nous avons atteint le nombre de 300 abonnés! J'en profite pour vous rappeler que vous pouvez gérer vous-mêmes la manière dont vous recevez les messages et les conserver. Pour les nouveaux adhérents, vous pouvez télécharger les archives des mois précédents (sans toutefois, hélas, pouvoir remonter jusqu'aux origines de la liste, mais nous nous en préoccupons).

Vous pouvez aussi me signaler l'adresse des personnes qui ignorent encore ce merveilleux lien entre amateurs du surréalisme et de ses environs. Et surtout, il vous appartient de l'alimenter par vos messages, informations, requêtes…

Cette semaine, les informations sont rares, et plutôt redondantes. Voici deux commentaires sur des événements déjà signalés:

À propos de Littérature et le reste, 1919-1931, de Philippe ...
La Revue des Ressources — France

À propos de Littérature et le reste, 1919-1931, de Philippe Soupault

Le lundi 10 avril 2006, par Jean-Patrice Dupin

Sous le titre, emprunté à un manifeste Dada, de Littérature et le reste, les éditions Gallimard publient un recueil d’écrits de Philippe Soupault rédigés entre 1919 et 1931. Pas exactement des inédits, mais des textes jamais jusqu’à présent réunis en volume, et donc soit devenus introuvables ou quasiment, soit à rechercher dans quantité de livres différents, certains consacrés à leur auteur, d’autres plus génériquement dédiés à Dada ou au surréalisme, d’autres encore figurant ici ou là dans divers ouvrages rassemblant sous un mode thématique des écrits épars, d’autres enfin dans des livres dans lesquels on ne songerait pas forcément à les chercher — ainsi cette lettre à Marcel Proust que seule jusqu’alors rendait accessible la Correspondance de l’auteur du Temps retrouvé. Un petit nombre des textes proposés ici ne sont du reste pas de Soupault « en personne », mais par exemple d’Éluard ou de Breton écrivant à son sujet, donc bienvenus dans le contexte de ces années 1920, et ce d’autant qu’ils n’étaient plus consultables ailleurs que dans les œuvres de ces derniers. En résumé, le lecteur de Philippe Soupault se voyait obligé, avant la publication du présent livre, de remuer pour avoir accès aux textes ici rassemblés une bibliographie tellement considérable, sans même mentionner qu’elle est en partie indisponible, que la tâche en eût été probablement au-dessus de ses forces.

On imagine donc sans peine l’ampleur du travail éditorial que représente la publication d’un tel recueil. Il faut aussi en saluer la qualité. En notes sont scrupuleusement données pour chaque texte des références précises, lieux et dates de publication, accompagnées le cas échéant de compléments utiles et érudits, avec pour les détails un souci pointilleux au point, par exemple, de souligner le fait que la ponctuation donnée en 1926 par Soupault citant Lautréamont « diffère légèrement » de celle de la version qu’on connaît aujourd’hui. La préface, l’avant-propos et les « repères » historiques et biographiques placés en fin d’ouvrage redessinent avec application la personnalité de l’auteur, en lien constant avec le contexte littéraire et historique de son époque. Plusieurs index enfin permettent de localiser dans l’ouvrage n’importe quel texte à partir de n’importe quelle de ses références, et si l’absence de tout sommaire déconcerte au premier abord, elle n’en est pas moins justifiée par le fait que l’organisation générale du livre, privilégiant une approche chronologique plutôt que thématique, rendrait non pertinentes ici les informations généralement données par un sommaire

La publication de Littérature et le reste comble donc un manque indéniable, ne serait-ce que du fait qu’après tout l’auteur des présents textes n’est pas n’importe qui. Pilier de Dada en France, il s’illustra ensuite comme cofondateur du surréalisme, inventant au passage l’écriture automatique, avant de se détacher de toute école, de tout mouvement excepté le sien propre, en continuant d’écrire des livres plus qu’intéressants dans des domaines aussi divers que la poésie, le roman, l’essai, l’autobiographie, la critique littéraire, cinématographique ou picturale, sans se soucier une seule seconde du fait que l’histoire de la littérature ait perdu un peu hâtivement sa trace après des débuts dans l’avant-garde plus spectaculaires il est vrai. Mû par une sorte d’éclectisme prolifique davantage que par l’ambition de laisser ce qu’on appelle en général une œuvre, Philippe Soupault, si attentif à celles des autres, semble ne s’être jamais soucié du destin de ses propres productions, au point de ne pas même relever qu’en republiant certains de ses écrits dans l’édition complète et cosignée des Champs magnétiques en 1920, André Breton faisait de lui par le fait même le coauteur de textes dont il aurait pu légitimement revendiquer la seule paternité. Pendant la douzaine d’années couverte par ce livre, il avait d’autre chats à fouetter, en l’occurrence écrire sept recueils de poèmes, neuf romans, treize récits ou nouvelles, quatorze essais, quatre préfaces, une traduction et plus de trois cents articles pour plus de quarante revues différentes, pour ne mentionner que son activité d’écrivain. Des romans, des essais, furent édités sur le moment, mais ce ne fut pas avant 1937, à l’âge de 40 ans, que Philippe Soupault se préoccupa de rassembler ses textes poétiques en une unique anthologie, non sans lui donner le titre facétieux de Poésies complètes, plus ou moins irrégulièrement remise à jour jusqu’à l’ironique publication en 1981 d’un complet volume de Poèmes retrouvés. D’autres critiques ou chroniques reverront par la suite le jour au sein d’ouvrages conçus par thèmes sous les titres par exemple d’Écrits de cinéma et Écrits sur la peinture, mais pas avant 1979 et 1980 pour ces derniers. Quoi d’étonnant dans ces conditions à ce que nombre de textes de l’époque, critiques et portraits littéraires en particulier, soient restés inédits en volume et donc méconnus ? L’oubli est réparé : Littérature et le reste est à la fois une somme et une référence.

John Heartfield, collages au poing
Le Monde — Paris,France

Soixante-dix ans après, les trouvailles visuelles de John Heartfield, maître du photomontage des années 1920-1930, sont toujours aussi efficaces. En témoignent les deux vautours inquiétants qui ouvrent l'exposition au Musée d'art moderne et contemporain de Strasbourg : ces charognards, symboles du nazisme et du franquisme, surmontés du cri "No pasaran !", restent emblématiques de la guerre d'Espagne et de l'antifascisme.

L'Allemand John Heartfield voulait "utiliser la photographie comme une arme". Un programme qu'il a appliqué à la lettre dans les pages du magazine communiste AIZ (Arbeiter Illustreierte Zeitung, "Journal ouvrier illustré") de 1930 à 1938. L'exposition revient sur cette période, la plus connue d'Heartfield, en montrant une centaine des 250 couvertures réalisées pour AIZ. Beaucoup ont marqué l'inconscient collectif, mais peu ont été vues en France.

On ne sait pas au juste qui, de John Heartfield ou de Raul Haussmann, a inventé le photomontage. L'idée de superposer textes et images a en tout cas surgi des bouillonnements du club Dada berlinois, en pleine première guerre mondiale. Heartfield, né Helmut Herzfeld, a anglicisé son nom pour protester contre un slogan nationaliste. Il a rejoint le Parti communiste allemand avec son frère Wieland et le peintre George Grosz dès sa création, en 1918. Il restera fidèle au PC jusqu'à sa mort en RDA, en 1968.

Heartfield pressent le rôle que peut jouer cette nouvelle technique du photomontage, facile à diffuser, dans l'éducation des masses. "Les nouveaux problèmes politiques exigent de nouveaux moyens de propagande, dit-il. Pour cela, la photographie dispose du plus grand pouvoir de persuasion." A la caricature politique traditionnelle d'un Daumier, Heartfield va substituer le réalisme frappant de l'image fixe.

Classées par thèmes, les images évoquent les différentes cibles d'Heartfield : d'abord la République de Weimar corrompue, les sociaux-démocrates accusés de trahir le socialisme, la crise économique. Avec la montée du nazisme, qui force Heartfield à fuir à Prague en 1933, c'est le fascisme qui est visé, sous tous ses aspects : marche à la guerre, propagande, terreur… La figure du dictateur est omniprésente. L'artiste chante parfois les louanges de l'union des peuples ou l'éveil de la Chine, mais il n'est jamais meilleur que lorsqu'il persifle et raille. Contre le culte du corps parfait, Heartfield montre un nazi qui, à force de faire le salut hitlérien, est atteint de scoliose. Contre les théories racistes, il explique que les cors aux pieds — aryens, naturellement — permettent de lire l'avenir.

La puissance des compositions d'Heartfield tient à ses fulgurants raccourcis visuels, à l'articulation de slogans forts et d'images simples, frappantes. Avec le photomontage, l'artiste s'autorise toutes les hybridations, toutes les métamorphoses. Il use et abuse des animaux — vautour, léopard, serpent, crapaud -, il joue sur les échelles pour grandir ou rétrécir ses personnages.

IRONIE ET VIOLENCE

De son héritage dadaïste, Heartfield garde un humour subversif, une ironie mordante : Hitler, qui se prétend encerclé d'ennemis, est représenté en 1936 sous les traits d'un enfant boudeur qui crie au loup parmi ses soldats de plomb. Mais le rire, chez Heartfield, est toujours grinçant. Et nombre d'images font montre d'une grande violence, en écho aux discours de l'époque. "Vous n'avez plus de beurre ni de lard ?, demande Goebbels à la population. Vous pouvez bien manger vos juifs !" Et Heartfield, aussitôt, de lui faire une tartine.

A l'époque, les photomontages antifascistes d'Heartfield lui assurent un succès retentissant. Ils sont repris dans Picture Post en Grande-Bretagne ou, en France, dans le magazine du PCF Regards, tandis que le tirage d'AIZ atteint 500 000 exemplaires. En 1936, Heartfield est même honoré par une exposition à Prague. Les nazis ont tenté de riposter en montant un magazine concurrent, avec des photomontages, mais il n'a eu aucun succès. Et quand ils ont publié, pour les dénoncer, quelques oeuvres d'Heartfield dans la revue SS Das Schwarze Korps, l'effet a été catastrophique : le magazine a eu tant de succès qu'ils ont dû le retirer de la vente.

Mais l'étau finit par se refermer sur Heartfield. En 1938, un photomontage publié dans AIZ n'est plus qu'une grosse masse noire : il a été censuré par le gouvernement tchécoslovaque à la demande de l'Allemagne. Quelques mois plus tard, les nazis prennent le pouvoir en Tchécoslovaquie, et Heartfield s'enfuit à Londres.

"John Heartfield, photomontages politiques, 1930-1938". Musée d'art moderne et contemporain de Strasbourg, 1, place Hans-Jean-Arp, Strasbourg. Tél. : 03-88-23-31-31. Jusqu'au 23 juillet. Du mardi au samedi de 11 heures à 19 heures, nocturne le jeudi. Dimanche de 10 heures à 18 heures. 5 €.

Catalogue, éd. Musées de Strasbourg, 160 p., 32 €.

Claire Guillot

Article paru dans l'édition du 11.04.06

Bien cordialement,
L'administrateur:
Henri Béhar

mar. 18/04/2006 18:09

Bonjour,

ce message s'adresse exclusivement aux membres du GDR 2223 du CNRS "Recherches surréalistes".

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir assister à l'assemblée générale annuelle de notre formation, qui se tiendra le vendredi 5 mai 2006, de 16h à 18h, au Centre Censier, salle 410.

Ordre du jour:

1. Bilan des activités depuis la dernière AG.

2. Programme annuel et perspectives futures.

3. Questions diverses.

NB 1. Notre formation ayant été renouvelée pour 4 ans à compter du 1er janvier 2004, elle ira au moins jusqu'à son terme administratif, le 31 décembre 2007.

NB 2. Compte tenu des congés universitaires, il m'est impossible d'adresser une convocation postale.

NB 3. Les membres de l'équipe résidant administrativement en province sont priés de me contacter pour un ordre de mission.

Bien cordialement

Henri Béhar

Sam. 22/04/2006 19:21

Chers Mélusins, Chères Mélusines,

voici quelques recommandations de lectures glanées sur le réseau (pour ceux qui trouveraient ce message trop long, il suffit de cliquer sur les liens hypertextuels)

1. Tout commence avec Dada

l'Humanité – Paris

Tout commence avec Dada

À l’occasion de l’exposition sur Anna Halprin, à Lyon, sort Anna Halprin, à l’origine de la performance, un fort instructif catalogue de Jacqueline Caux, commissaire de la manifestation, par ailleurs réalisatrice de films d’art et psychanalyste de formation (1). Distribué en sept chapitres, l’ouvrage est nourri d’entretiens avec Anna Halprin, soumise aux questions précises de l’auteur. Elles passent au peigne fin une des périodes les plus exaltantes de l’art du XXe siècle aux États-Unis. Un glossaire accompagne cette déambulation riche en rebondissements et dûment illustrée de précieux documents. C’est avec un souci d’historienne que Jacqueline Caux fouille le passé de la performance américaine qui n’est pas née de rien. « Bien plus que le futurisme qui l’a précédé et le surréalisme qui l’a suivi, c’est de toute évidence Dada qui est la clé de ce qu’on nomme aujourd’hui performance. »

Les performances d’Anna Halprin sont en effet des fleurons du genre. Évoquons l’expérience de Watts. Peu de temps après les émeutes raciales du 13 au 18 août 1965, qui ont fait trente-deux morts, huit cents blessés, et entraîné trois mille arrestations, Anna Halprin est conviée à s’exprimer dans la ville blessée. Sur place, elle décide de créer un nouveau groupe de danseurs noirs, qu’elle rencontre une fois par semaine, pendant un an. Ceux-ci sont ensuite invités à rejoindre son groupe de danseurs blancs, à San Francisco. Cette fusion antiségrégationniste donne lieu à une performance intitulée Ceremony of US, présentée en 1969 à Los Angeles. Les conflits nés au sein des deux groupes ont servi de base à cette expérience politiquement extrême, sans nulle concession. Anna Halprin relance la donne en ouvrant son groupe aux Chicanos et autres Latinos, ainsi qu’à des Asiatiques et à des Amérindiens. L’administration Reagan sucre ses subventions. Ainsi sont interrompus douze ans de recherche intensive sur le brassage ethnique.

(1) Anna Halprin à l’origine de la performance, chez Panama, 168 pages, 29 euros.

2. Légendes de Mogador

Libération — Paris

Légendes de Mogador

Ébloui par la cité marocaine, le Mexicain Alberto Ruy-Sánchez en fait la métaphore de la femme et du désir.

par Philippe LANÇON

jeudi 20 avril 2006

Alberto Ruy-Sánchez

9 fois 9 choses que l'on dit de Mogador

Traduit de l'espagnol (Mexique) par Gabriel Iaculli. Les Allusifs, 68 pp., 10 €.

Quel rapport entre le désir et la lumière ? Des remparts, peut-être. Alberto Ruy-Sánchez découvre ceux d'Essaouira, l'ancienne Mogador, en 1975. C'est l'hiver. Il a 24 ans. «A cette époque, dit-il, être étranger était ici un passeport pour entrer chez les gens. On voyait tout naturellement, l'amour entre femmes, entre hommes. On ne pourrait plus vivre ça.» On ne pourrait donc plus l'écrire, ni devenir cet écrivain qui dit : «Je n'existe plus. Mogador m'a réinventé.» Ou plutôt, qui a réinventé Mogador livre après livre pour en faire la métaphore d'une «ville comme femme, interminable et horizontale», la métaphore du désir qui le fait vivre.

Il arrive là-bas par la mer, en barque motorisée, avec celle qui deviendra son épouse, Margarita de Orellana. Le jeune couple mexicain vit à Paris, sans argent, dans une chambre de la Cité universitaire. Ils y passeront huit ans. Alberto suit d'abord le séminaire de Roland Barthes. Margarita se souvient qu'il déguste alors les textes de Borges, Gide et Lezama Lima «avec obsession, comme un gamin jouant avec sa pelle et la prêtant aux autres sans complexe». Pour vivre, il garde des enfants, vend des poulets, colle des affiches. Parfois, il travaille un peu dans l'édition. Margarita sort d'un tableau de Mantegna, mais tropicalisé, avec un oeillet dans la main droite. «Nous étions deux jeunes dragons affamés, dit-elle de ces années-là, et nous voulions dévorer, avec nos langues de feu, tout ce qui passait à notre portée. Paris a donné une dimension esthétique à nos vies et nous a transformés physiquement : il a fait de nous des personnages amphibies et fiers de l'être.» Plus tard, devenue historienne, elle sera assistante du metteur en scène Nagisa Oshima (l'Empire des sens) et elle écrira des livres sur la révolution mexicaine au cinéma, les figures de Zapata et de Pancho Villa. Sa famille, d'origine cubaine, importe du vin au Mexique. On mettra quelque temps à y accepter l'étudiant fauché qui lui sert d'ami.

«Une esthétique de la stupeur»

Il est né à Sonora, dans le nord du pays. Son père aurait voulu être artiste et il illustrait des livres pour enfants : ils sont toujours dans la bibliothèque de l'écrivain. Quand il n'y avait pas de livres à illustrer, le père faisait n'importe quel boulot et la famille le suivait. Ensuite, il invente une machine à fabriquer les boîtes à oeufs, mais il ne fera jamais fortune. Alberto a 12 ans quand ils arrivent dans la banlieue de Mexico, où ils vont désormais passer six mois par an. Il n'oublie pas la lumière et les voix de Sonora. Il va les retrouver, transformées, au Maroc.

Plus tard, Alberto Ruy-Sánchez devient le rédacteur en chef de la revue d'Octavio Paz, Vuelta. Il en est assez proche pour se créer des ennemis : la figure du patriarche des lettres mexicaines est un enjeu de pouvoir. Il résume l'ambiance en deux phrases : «Au Mexique, nous sommes des baroques. Si quelqu'un écrit du mal de toi, tout le monde le lit.» Paz ? «Quand on était seul avec lui, il écoutait. En public, il aimait avoir raison. C'était un grand homme qui pensait par paragraphes.» Il demeure l'ami de la veuve.

Alberto Ruy-Sánchez et sa femme dirigent aujourd'hui la principale revue culturelle du Mexique, Artes de Mexico. L'un des numéros les plus beaux, en 2003, évoque la transplantation locale du surréalisme. Le surréalisme de Ruy-Sánchez est né dans les livres, mais le Maroc l'a révélé : un pays qu'il a rejoint pour échapper à l'hiver parisien et parce que le voyage maritime en quatrième classe ne coûtait presque rien. C'est cela, le hasard objectif. Alberto Ruy-Sánchez l'a écrit autrement : «Si écrire est une manière de mettre un miroir devant soi, il s'agit d'un miroir magique.»

Avant les remparts de Mogador, il y a un désert. Le jeune couple le traverse en camion. Un jour, au-delà des pierres blanches, ils voient un bosquet d'arganiers couverts de taches noires. «Il y a des vautours», dit le jeune homme. C'est ce qu'il y aurait au Mexique. «Quel aveugle ! lui répond un passager. Ce ne sont pas des oiseaux. Ils ont quatre pattes !» Des chèvres sont dans les arbres, elles mangent les feuilles, et le chevrier les surveille de bas en haut. Le miroir magique, le voilà : des chèvres au ciel, «épiphanie du quotidien, extraordinaire dans le normal».

Maintenant, les remparts de Mogador apparaissent au loin. Le pilote coupe le moteur de la barque. Le futur écrivain demande pourquoi. «Mogador est si belle, répond l'homme, que pour sentir le brillant de ses murailles, il faut se laisser guider vers elles par la lenteur du courant.» Aujourd'hui, Alberto Ruy-Sánchez explique : «En allant à Mogador, j'avais deux préoccupations. La question type du macho mexicain sur la nature du désir féminin, rencontrer ma propre voix narrative. Dans la barque, j'ai compris que, de même que Mogador, quand une femme approche, il faut couper les moteurs. Alors, tout commence à se convertir en rêve», et plus tard en livres.

Ces livres sont construits comme des miniatures artisanales arabes, selon des rituels maniaques et chiffrés : «J'ai été élevé par les jésuites, dit-il. Les jésuites enseignent les pièges de la foi ­ ou plutôt, de la raison qui prétend entrer dans la foi ­ et ils mènent au baroque : on n'arrive à la vérité que par la forme.» Celui qui parle a 55 ans, mais il n'a pas encore l'âge d'avoir vieilli : de phrase en phrase, les mains et les jambes s'agitent, la parole s'échauffe, et le grand personnage élégant fume peu à peu d'enfance, s'évapore en enthousiasme, comme pour mieux échapper par la transe à l'humidité pourrissante de l'informe et de la mélancolie. «En ces années-là, dit-il, j'allais nager tous les jours à Paris pour soigner ma mélancolie. Quand on sait respirer, on peut ne plus arrêter de nager. Je peux nager très longtemps, dans un bassin, en suivant une lumière.»

A Paris, Alberto Ruy-Sánchez avait son itinéraire mélancolique : il débutait près de Notre-Dame, où une Mexicaine fameuse s'était suicidée par amour, et finissait près de Saint-Merri, en hommage au musicien d'Apollinaire. Il existe, selon lui, une mélancolie propre au «macho hispanique brûlant : tu me quittes, mais je m'en fous, je suis le roi et tu ne sais pas ce que tu perds». Il la connaît bien, mais ce n'est évidemment pas la mélancolie qu'il préfère.

Le sel marin s'incruste dans les murailles de Mogador jusqu'à former des milliers de cristaux. Le soleil s'y reflète, mais on ne voit luire ces bijoux qu'en arrivant par la mer. Trente ans plus tard, lorsque l'écrivain évoque cette découverte, c'est toujours avec la même fascination excitée, le même enchantement dépressif : ici est né le rêve dont il a fait son oeuvre, dans laquelle Mogador réinventée ne cesse de revenir comme métaphore du désir ­ avant tout féminin.

Son premier roman, les Visages de l'air, date de 1987. Il débute par le portrait d'une jeune Marocaine, Fatma, immobile à son balcon. Que fait-elle ? Elle regarde «fixement la ligne que le ciel et la mer partagent pendant le jour». Chacun se demande autour d'elle dans quelle image, quel désir elle s'est perdue. On la suit à rebours au hammam, dans les rues de la ville. Elle y marche «comme si elle savait toujours où elle allait, mais en retardant toujours l'arrivée». Ruy-Sánchez précise que, pour s'orienter dans Mogador, un plan ne sert à rien.

Son sixième livre aujourd'hui traduit, 9 fois 9 choses que l'on dit de Mogador, résume les vertus de la ville fantasmée. Mogador est un labyrinthe de rues construites en spirales. Il fixe le cadre fantasmatique de ces spirales. L'auteur n'a cessé de les arpenter à travers les personnages évanescents, fondus dans l'ombre, la vapeur ou la lumière, de ses romans précédents : les Visages de l'air, les Lèvres de l'eau, Comment la mélancolie est arrivée à Mogador (1). Le chapitre central de 9 fois 9 choses… se décompose en 81 petits paragraphes (9 fois 9 ­ 9 est le nombre d'or et l'algorithme des sens chez cet écrivain). Paragraphe 16 : «La spirale règne aussi, bien entendu, sur toutes les formes de l'amour. On ne cherche pas l'orgasme, cet autre sommet discrédité, et on le trouve de la sorte plusieurs fois à chaque voyage. (…) On dit que les Mogadoriens font l'amour comme s'ils couraient les rues de leur ville.» Les romans d'Alberto Ruy-Sánchez enluminent une légende qu'il a créée et qui lui permet sans doute de vivre. Il parle, à propos de ce travail, d'une «esthétique de la stupeur».

Cette esthétique danse au bord de la mièvrerie ; elle n'y tombe que par nécessité : le désir a ses moments de grâce, d'infantilisme et de fadeur. L'écrivain prétend s'inspirer de la tradition mystico-érotique de Saint Jean de la Croix et d'Ibn Arabi : «Dans l'Islam traditionnel, on peut arriver à Dieu à travers le sexe. Dans le baroque, on peut arriver à Dieu à travers la forme.» Lui accède à la vie à travers le désir mis en forme.

Quand il parle de la lumière de Mogador, cela donne précipitamment, entre un vol de mains musicales : «Il arrive un moment où elle rend aveugle. Dans le crépuscule, les conteurs chantent le soleil comme un amoureux qui s'en va. A cause du niveau de la mer par rapport à celui de la ville, ce crépuscule semble anormalement long. On désire que la lumière ne s'en aille pas. Je n'ai vu cette lumière que dans le nord du Mexique, mais plus forte. Ici, elle définit le désir. Là-bas, elle définit l'espace.» On ne sait évidemment pas s'il dit vrai, ou s'il l'invente pour le croire, ou les deux ; l'enthousiasme fond tout.

Au séminaire de Barthes

Quand il écrit, cela donne à peu près la même chose ­ par exemple, le paragraphe 28 : «On dit qu'à Mogador les fenêtres dévorent l'air avec un appétit démesuré et qu'à l'intérieur des maisons tout ce ciel avalé se change jour et nuit en lumière ; que le plaisir même prend savamment sa source dans cette lumière créée du désir dévorant. Lumière qui se loge sous la peau avec une lenteur, une douceur et une profondeur sans pareilles. D'où l'expression "donner de l'air" pour dire "avoir une brillante idée". On dit aussi, quand une femme désire quelqu'un et que ce désir fait briller ses yeux, qu'elle a "de l'air dans le regard".»

Les jésuites ont donné à Alberto Ruy-Sánchez son idée de la forme, mais les écrivains ont aussi joué leur rôle. Certains, comme Roland Barthes, ont d'ailleurs écrit sur le père des jésuites, Ignace de Loyola. En 1975, le jeune Mexicain, étudiant à l'Université, lui écrit qu'il voudrait travailler sur la poétique de Pasolini. Une lettre de cet inconnu suffit : Barthes l'accepte. Dans le séminaire, il y a Nancy Huston, Antoine Compagnon, les frères Bogdanoff qui font une thèse sur la science-fiction, deux autres Mexicains. Barthes commence un travail sur le romantisme allemand, «mais il est tombé amoureux et le séminaire a entièrement changé, sa vie avait fait irruption dans les livres : cela donnera Fragments d'un discours amoureux. Il se souvient d'un homme généreux, qui «passait son temps à parler du désir d'écrire un roman. Il était très ordonné. Il écoutait beaucoup et posait des questions surprenantes, surprenantes parce qu'affectueuses». Il apprend au jeune Mexicain que Paris est une fiancée qui ne se donne pas, ou seulement des années plus tard. Quand il meurt, son élève renonce à présenter sa thèse sur Pasolini. On en retrouve un passage dans un livre ultérieur : la Littérature dans la peau (Con La Literatura en el Cuerpo). C'est un travail sur la mélancolie chez les écrivains. Le livre est dédié à Barthes. Le dernier chapitre, très bref, est consacré à l'accident qui l'emporta. Il se demande quel aurait pu être son dernier mot, «le mot qui modifie rétrospectivement le sens et la direction de l'oeuvre» ; mais nous ne le saurons jamais, car «un geste s'y est substitué : le transport accidentel, irréversible».

«Je pense toujours à ce jardin»

A Paris, Alberto Ruy-Sánchez suit également les cours de Jacques Rancière et de Gilles Deleuze à Vincennes. De Deleuze, outre le cours sur Spinoza, il retient «une attitude devant la vie» : «Chacun mettait ce qu'il avait sur la table et il intervenait. Il fonctionnait comme dans le jazz et la musique cubaine, par l'improvisation, pris d'une transe rationnelle, avec un côté performance. Il s'ouvrait à tout, il se chargeait, mais à travers des rites.» Alberto Ruy-Sánchez n'a pas aimé pour rien les années 70 : le formalisme joyeux de ses maîtres infuse ses livres. L'un de ses essais, non traduit, explore «quatre écrivains rituels» : les Mexicains Juan Rulfo et Juan Garcia Ponce, le Colombien Alvaro Mutis, le Cubain Severo Sarduy. Mais le rite, pour lui, c'est avant tout de raconter.

Dans les années 50, à Sonora, on racontait beaucoup d'histoires dans la famille Ruy-Sánchez. Ce goût du conte populaire et improvisé, il le retrouve en 1975 sur le bateau qui le mène au Maroc. En quatrième classe, il est avec les ouvriers marocains. Ils se regroupent autour des halaiquis, les conteurs. Les voix, les gestes, la lumière du sud : tout le rapproche du Mexique et de son enfance. Devenu écrivain, il essaie de retrouver cet enchantement. 9 fois 9 choses que l'on dit de Mogador semble récité par un halaiqui : «On dit que, on dit que.» Dans l'édition espagnole, des caractères arabes introduisent les 81 paragraphes centraux. L'écrivain ne parle pas arabe, mais ses livres ont été traduits dans cette langue ­ par une femme. Et ses lecteurs sont avant tout les femmes.

Alberto Ruy-Sánchez n'est retourné à Mogador qu'en 1988. Entre-temps, il avait publié et commençait à vivre des conférences données aux Etats-Unis. Il y va désormais régulièrement ; il a la chance d'être invité et accueilli «par des femmes, des femmes cultivées, qui ont donné un passeport à mes livres». Il ne se sent pas européen et ne s'identifie pas «aux étrangers qui viennent au Maroc». Les images qui le font vivre demeurent liées à son premier voyage, à ses images initiatiques. Un jour, sur une plage, un peloton de femmes voilées jaillit d'une limousine sous la surveillance d'un garde à mitraillette. «Pauvres femmes !» dit Margarita. Mais elles se dénudent entièrement, en souriant, et le couple peut observer leurs tatouages et leurs pubis épilés. Voilà encore une scène qui n'appartient plus qu'aux livres.

Le désir lui-même a tendance à disparaître : comment le réinventer ? Dans les Jardins secrets de Mogador, pas encore traduit, Alberto Ruy-Sánchez explore celui de la femme enceinte et les problèmes qu'il pose. Pour refaire l'amour avec lui, l'héroïne exige de son amant qu'elle lui conte chaque nuit un nouveau jardin de Mogador ; bref, qu'il fasse preuve d'imagination. Très vite, il doit trouver d'autres jardins à décrire, partout dans le monde, car ceux du lieu où ils vivent ne suffisent pas. L'écrivain lit des livres sur les jardins, profite de chaque voyage pour en visiter. L'un des jardins évoque, à travers un poème, la mort de son père : la ville mexicaine d'Oaxaca l'a reproduit dans un nouveau cimetière. Au Kansas, il va voir les jardins du sculpteur Henry Moore. Ils n'ont guère d'intérêt, mais, dans le musée, il découvre mille boîtes de grillons ayant appartenu à des empereurs de Chine : ainsi naît le «jardin des voix», jardin d'aveugle. «Je pense toujours à ce jardin, conclut l'amant, quand tu me touches les yeux fermés et quand ta respiration se trouble dans la mienne.» Pour l'empêcher de finir, Alberto Ruy-Sánchez crée la légende intime de son propre désir. Son nom est Mogador et ses remparts reflètent la lumière un peu plus longtemps qu'ailleurs.

photos Fernando etulain

(1) Tous aux éditions du Rocher.

3. Cartographie du rêve

Le Monde — Paris

Cartographie du rêve

C'est avec 73 universitaires que les coordinateurs de cette exploration d'une notion vouée à l'idéal et au possible remontent le temps et analysent les idées de ces théoriciens de la marge qui, de Thomas More à Guy Debord en passant par Walter Benjamin, semblent plus que jamais objets de méfiance, depuis que tant de rêves ont été dévoyés en totalitarismes ou terrorismes religieux. Qu'est-ce que l'utopie ? Les auteurs se refusent à donner une définition à ce dont ils ont voulu respecter la multiplicité d'interprétations, et qui est le domaine du non-lieu, dispersé dans une multitude de sites, "souvent à l'écart de l'ordre dominant", et généralement "en dissonance avec les idées majoritairement partagées".

"FILLE DE SON TEMPS"

Ils n'hésitent pas à consacrer plusieurs articles à la même entrée afin de préserver le pluralisme des approches, ainsi du féminisme, dont on nous invite à saisir les nuances selon qu'il est américain, anglais ou français.

Gilles Deleuze et son retour aux étymologies, sa micropolitique et sa perception du concept, Jacques Derrida et sa théorie de la déconstruction, Michel Foucault et sa certitude qu'il n'y a pas d'utopie qui ne soit "fille de son temps", pas de libérations sans remise en cause des rapports de pouvoir, pas de devenir ou de "dehors" qui ne passe par une nouvelle pratique de la liberté, sont de ces penseurs qui apparaissent dans cette troisième édition, rejoignant le communisme de Babeuf, la fusion des peuples rêvée par Las Casas, le messianisme de Lazaretti, la relation avec autrui prônée par Emmanuel Levinas, le "catéchisme national" préconisé par Saint-Simon, Campanella et sa Cité du soleil, Fourier et son phalanstère, Ernst Bloch et son "principe espérance". L'ouvrage rappelle logiquement qu'il n'y a pas d'exploration de l'utopie sans étude de ses grands penseurs.

Mais l'équipe mise en place par Michèle Riot-Sarcey ouvre son champ d'études au-delà de ces philosophes du pays de nulle part et du nulle part ailleurs. Elle se penche par exemple sur les sciences et techniques, mai 68, la contre-culture, internet et les arts, de l'architecture à l'opéra (avec cette fois une entrée "danse"). Elle intègre les romanciers, les contre-utopies d'Aldous Huxley et de George Orwell. S'intéressent à ce que l'utopie souhaite au corps (jouer de l'orgue avec les doigts de pieds, posséder un "archibras", sorte de queue longue de 144 vertèbres, selon Fourier).

On a l'exemple des excitantes perspectives ouvertes par ces approches dans l'entrée "cinéma", que Jean-Louis Comolli analyse comme une "machine à réduire l'altérité sans la congédier" (voir King Kong), un instrument de renaissance (projection de corps de fantômes), irruption du hors-champ, culte de la part d'ombre, besoin d'intégrer le leurre dans un réalisme artificiel. Pierre Vilar démontre, dans l'entrée "surréalisme", comment ce mouvement a voulu surmonter "l'idée déprimante du divorce irréparable de l'action et du rêve", et bouleversé la vie quotidienne, les contrôles du désir. Tout aussi pertinentes sont les approches du "voyage" comme naturalisation des explorations imaginaires d'un Cyrano de Bergerac, ou d'un Swift, du "somnambulisme" comme état accoucheur de projets de sociétés plus égalitaires et plus fraternelles. On apprend à ce propos que les discours de médiums sont largement créés par des femmes, et par conséquent attentifs aux problèmes du corps, de la famille, de l'éducation, de l'égalité entre les sexes. Une démarche que le souci d'équilibre entre les auteurs étudiés et entre les universitaires sollicités ne respecte pas. Preuve peut-être que la "parité" (qui n'est pas répertoriée) est une utopie elle aussi.

DICTIONNAIRE DES UTOPIES sous la direction de Michèle Riot-Sarcey, Thomas Bouchet et Antoine Picon. Larousse, 296 p., 20 €.

Jean-Luc Douin

Article paru dans l'édition du 21.04.06

4. Google fête Joan Miro !

Net-Actuality — France

5. Un spectacle Desnos à Marseille: Cabaret Surréaliste Desnos

Webcity

En passant de l'humour de l'aphorisme insolite et de la contrepèterie par les trouvailles de l'homonymie et des inversions syntaxiques, le langage de Robert Desnos provoque un jeu de réactions des mots les uns sur les autres comme les collages pratiqués avec les images par les dadaïstes, puis les surréalistes.

Cette écriture ludique guide dans le graphisme du spectacle et le parti pris de mise en scène.

La démarche n'est jamais banale, le surréalisme est toujours présent.

Auteurs : Robert Desnos.

Compositeurs : Joseph Racaille.

Comédiens : Cie Nini Cabarets.

Musiciens : Nini Dogskin (tuba), Marianne Fontaine (accordéon).

J'ai reçu le très beau catalogue de l'exposition Cartografia surrealista, Territorio Eugenio Granell, qui se tient du 1er avril au 2 juin 2006 à la Fondation Cupertino de Miranda (Portugal). Merci à son curateur, Perfecto Cuadrado. Dommage que le site ne nous donne que 2 illustrations, à l'adresse suivante: http://cultura.sapo.pt/detalhe_noticia.aspx?id=2274

Enfin, n'oubliez pas de consulter notre site (adresse ci-dessous), sur lequel vous trouverez chaque jour du nouveau!

Bien cordialement,

L'administrateur:

Henri Béhar

lun. 24/04/2006 18:09

Association

MODIFICATION DE CALENDRIER
La 2e rencontre surréaliste, consacrée à Joyce Mansour, qui était prévue le 6 mai est reportée à la rentrée. La date définitive sera précisée ultérieurement.
Myriam Felisaz-Debodard

Mar. 25/04/2006 09:58

Couverture Dachy, Archives Dada

Pour information, merci.

Mar. 25/04/2006 09:41

appel a contributions

bonjour,

vous trouverez ci-joint l'appel à contributions de la revue Marges (Université Paris8).

Pouvez-vous le diffuser autour de vous?

merci

cordialement

Maxence Alcalde (pour Marges)

Revue du département de recherche en arts plastiques EA 4010 et de l’association AMP 8, Université de Paris 8

Marges n° 7 – Appel à contribution : « Vie(s) d’artiste(s) »

Nous souhaitons solliciter les travaux des doctorants et chercheurs qui s’intéressent aux trajectoires ou récits de vie d’artistes. Ce qui est visé ici est le thème de la biographie artistique, ainsi que les différentes approches susceptibles de relier l’histoire de l’artiste, son parcours artistique et intellectuel, sa formation ou son insertion dans la communauté artistique, à la production plastique elle-même. Nous souhaiterions réunir dans ce numéro des approches de différents champs disciplinaires, par exemple des sciences sociales, économiques et politiques, de façon à étudier la contribution des déterminants externes au monde de l’art à la trajectoire de l’artiste. De même, le point de vue de la psychanalyse ou de la psychologie pourrait donner une explication plus subjectiviste sinon anthropologique du cheminement de celui-ci. Une approche plus interne aux formes artistiques permettrait également de comprendre de quelle façon une histoire de l’art et des styles peut aussi, à sa façon, orienter les parcours des créateurs. Ces différentes analyses, et d’autres encore, seront les bienvenues pour tenter de revisiter cette notion de biographie trop souvent abandonnée à la critique ou aux critiques d’art qui, en raison de leur proximité avec l’artiste étudié, échappent rarement à « l’illusion biographique ». C’est bien cette distance réflexive que nous voudrions mettre en avant dans ce numéro vis-à-vis de l’artiste entendu aussi bien comme acteur singulier que comme idéal-type d’un collectif.

Merci de veiller à ne pas dépasser 40 000 signes (notes comprises). Les manuscrits accompagnés d’une disquette sont à envoyer avant le 15 septembre 2006 à : Marges, c/o secrétariat Arts Plastiques, Université Paris 8, 2 rue de la Liberté, 93526 Saint-Denis cedex ; ou/et en version électronique : jerome.glicenstein@club-internet.fr.

Marges 04 est disponible dans les librairies spécialisées (Palais de Tokyo, Musée d’Art Moderne, Librairie Agnès B, etc.) ou par correspondance contre un chèque de 5 euros (port compris) à l’ordre de AMP 8 à envoyer à la même adresse ci-dessus.

mar. 25/04/2006 10:43

Chers Mélusins, Chères Mélusines,

quelques actualités matinales:

1. une annonce parue sur le site Fabula: L'hallucination artistique : un ailleurs du réalisme

2. un lien à rajouter à vos favoris. Voulez-vous l'évaluer et dire ce que vous en pensez?

http://www.madsci.org/~lynn/juju/surr/

3. le début d'un article partisan:

L’esprit des lieux

La Revue des Ressources

L’esprit des lieuxLe lundi 24 avril 2006, par Xavier Zimbardo

Il faut tordre le cou à une certaine dérive de l’art contemporain qui le conduit dans une impasse.

Quand le mouvement dada a levé l’étendard de la rébellion, quand Marcel Duchamp a exposé son « Urinoir », c’était en réaction à la gigantesque boucherie de la Grande Guerre. « La guerre mondiale dada et pas de fin. La révolution dada et pas de commencement. » Il s’agissait de s’attaquer à tout ce qui représentait le Capital fauteur de guerre et de malheur, d’abattre tout ce qui pouvait être considéré comme bourgeois. Le « beau » et le « décoratif » sont devenus suspects. L’art devait essentiellement faire réfléchir, il ne pouvait exister qu’en s’affirmant résolument critique. Nul souci alors de faire de l’argent, de briller : les meilleurs artistes étaient révoltés par ce qu’ils étaient en train de vivre, et cherchaient à ouvrir des issues, à abattre des murs, à bâtir des ponts pour un monde qui semblait au bord du vide. Le sentiment de l’horreur était au comble du tragique.

Tout ce qu’il y avait de révolutionnaire dans ce désir de bousculer par des provocations spectaculaires les idées dominantes s’est depuis érodé, ou plutôt a été galvaudé et récupéré. Sous prétexte de réflexion, l’œuvre est mise au rencard et le critique s’expose en lieu et place des artistes et de leurs œuvres. Il s’agit moins de faire descendre l’art dans la rue que de trouver le sésame pour pénétrer dans les salons friqués. Il s’agit moins de brûler ses vaisseaux que de s’ouvrir les portes des galeries et des musées en épatant le bourgeois, d’obtenir un passeport lucratif au pays du marché doll’art. En matière d’émotion visuelle, toutes ces galipettes se réduisent à peu près à … néant. […]

4. Le niveau monte:

Un tableau du surréaliste tchèque Jindrich Styrsky vendu pour un …

Radio Prague

Deux records ont été battus, ce dimanche, lors de la vente publique d'oeuvres d'art présenté par la Galerie Art Praha à l'hôtel Hilton de Prague. La toile du classique du surréalisme tchèque Jindrich Styrsky "Le Cirque Simonette" a été vendu pour 8,6 millions de couronnes, quelque 280 000 euros, et la somme totale pour les oeuvres vendues a atteint 25 796 900 couronnes, près de 860 000 euros. C'est un autre record jamais atteint en République tchèque, lors d'une vente publique.

Le Cirque Simonette

Avec les frais des enchères le nouveau propriétaire du tableau, un homme d'affaires tchèque anonyme, a payé finalement pour le tableau 9,46 millions de couronnes. Ce résultat braque les feux de l'actualité sur Jindrich Styrsky, peintre, photographe, poète et théoricien du surréalisme qui a vécu entre 1899 et 1942. Sa vie et son oeuvre ont été profondément marquées par l'amitié intime qui le liait avec le peintre Toyen, une autre grande figure du surréalisme tchèque. C'est avec elle que Styrsky a vécu en France de 1925 à 1928.

Son tableau "Le Cirque Simonette" est inspiré par l'art des clowns et de saltimbanques si cher aux surréalistes. Vladimir Neubert de la Galerie Art Praha voit cependant dans le tableau encore les influences de l'art cubiste:

Jindrich Styrsky

"Styrsky a peint ce tableau à l'âge de 24 ans encore sous l'influence du cubisme qui était à son déclin. C'était, cependant, un cubisme qu'on pourrait caractériser de lyrique. Il a peint une ballerine et un clown et pour souligner certaines parties du tableau, Styrsky n'a pas utilisé des additions à la peinture comme le font certains artistes, mais il a collé sur la peinture des grains de sables. Styrsky est un auteur hors du commun qu'on ne trouve qu'exceptionnellement sur le marché de l'art tchèque. Il se classe parmi les plus grands peintres surréalistes et ses oeuvres sont rares. En plus, le tableau Le Cirque Simonette est non seulement rare, mais c'est une toile qui donne une impression, comment dire, très aimable, très agréable. C'est un tableaux joyeux qui a marié d'une façon idéale le cubisme et le lyrisme."

Le sort des oeuvres d'art ressemblent parfois aux sort des humains, comme eux les oeuvres d'art souffrent des vicissitudes de l'histoire. Vladimir Neubert :

"Le sort de ce tableau a été très mouvementé. Il faisait partie de la collection du grand collectionneur tchèque, Jaroslav Borovicka, qui a été arrêté à cause de sa collection en 1959. La collection a été confisquée et le tableau est passé dans les fonds de la Galerie nationale. Il était à la Galerie nationale jusqu'en 1992, lorsqu'il a été restitué à son ancien propriétaire."

Selon Vladimir Neubert, les artistes surréalistes tchèques sont de plus en plus prisés en Tchéquie, mais aussi dans le contexte international. L'art de Toyen, de Sima, de Styrsky et d'autres peintres représente donc désormais, non seulement une valeur artistique, mais aussi un bon placement.

5. Retour sur l'exposition Magritte déjà signalée:

Magritte, la pensée subversive

metroFrance.com -

Magritte, la pensée subversive

Une exposition consacrée à René Magritte pourrait-elle être ratée ? A la vue de “Magritte tout en papier”, présenté actuellement au musée Maillol, ça semble difficile. (18/04/2006)

Quelle poésie, quelle intelligence dans l’œuvre de cet artiste qui a toujours su jouer du double sens des images et des mots, à travers, notamment, les indications que peuvent apporter la légende d’un tableau.

La visualisation des idées

Le maître du surréalisme cherchait par tous les moyens à offrir une visualisation de la pensée : des œuvres lourdes de sens dans lesquelles la littérature est profondément liée à la peinture, où le sujet n’a de valeur que grâce à sa signification. “Pour moi la conception d’un tableau, c’est une idée d’une chose ou de plusieurs choses qui peuvent devenir visibles par ma peinture”, expliquait l’artiste.

Ayant tout d’abord exercé son art pour la publicité, en tant qu’affichiste, Magritte s’est très vite orienté vers la peinture, en gardant un profond attachement au travail sur papier. C’était pour lui comme un terrain d’étude pour la gouache, des esquisses ou des dessins préparatoires, tout en restant, selon les thèmes abordés par le peintre, des œuvres à part entière.

C’est cette mine d’expériences picturales qui est aujourd’hui présentée au musée Maillol, à l’image d’un véritable laboratoire pour la pensée subversive de son auteur. L’exposition permet par ailleurs de valoriser certains traits du travail de Magritte encore peu connus, comme sa notion de la création à des fins commerciales. Réminiscences de ses débuts dans la publicité, l’artiste a su user de la copie et de la variation pour nombre de ses sujets.

C’est le cas, par exemple, pour Le Viol, œuvres sur papier représentant une femme au visage remplacé par son propre corps, réalisés en 1942 à la gouache, en 1946 à l’encre de Chine et en 1951 au crayon. “Les variantes que je pourrai faire de tableaux anciens, devront être non pas de simples copies, mais des créations qui corrigent ce que les tableaux anciens avaient d’imprécis et d’insuffisant.” On reconnaît, dans cette phrase de Magritte, l’importance de son œuvre sur papier, mais aussi le perfectionnisme qui le caractérisait.

Si le support est différent, “Magritte tout en papier” ne fait qu’accentuer la merveilleuse force du travail de l’artiste, riche de symboles tout en étant accessible et parfaitement maîtrisée. Des œuvres parmi les plus populaires de l’art du XXe siècle, probablement grâce à cette alliance parfaite entre l’image et son sujet, entre l’artiste et ses idées.

Anne-Sophie Caucheteux

Bien cordialement,

L'administrateur:

Henri Béhar

Jeu. 27/04/2006 00:22

avis de recherche: Nora Mitrani

Chers Mélusins, Chères Mélusines,

Dominique Rabourdin m'écrit: "je voudrais rééditer les écrits de Nora Mitrani que j'ai publiés en 1988 chez Losfeld sous le titre Rose au cœur violet.
Je recherche des textes inédits, manuscrits, correspondances, photographies,
éléments biographiques." Si vous possédez de tels documents, voulez-vous les lui communiquer

Bien cordialement,
L'administrateur:
Henri Béhar

6/2006

Chers Mélusins, Chères Mélusines,

vous voudrez bien trouver ci-joint un appel à contribution pour le séminaire du Centre l'an prochain. Soyez inspirés!

Bien cordialement,
L'administrateur:
Henri Béhar

Centre de recherches sur le surréalisme de Paris 3 GDR 2223 CNRS. (Directeur : Henri BEHAR)

APPEL A COMMUNICATIONS pour le séminaire 2006-2007

Thème : « Ralentir travaux » (la fabrique surréaliste)

Le prochain thème proposé est celui des surréalistes au travail ou « La fabrique surréaliste ». Ce thème centré sur le faire surréaliste et sur la pratique de l’échange permet d’explorer des pistes diverses, de croiser les approches poétiques et sociologiques et de réunir les Lettres et les Arts autour de trois grands axes : l’écriture et ses supports, les rapports entre les arts, l’écriture et ses avant-textes.

1. L’écriture et ses supports. Le travail collectif. Les surréalistes ont souvent travaillé ensemble : Dali et Bunuel, Breton et Soupault, Breton et Éluard, pour ne donner que ces seuls exemples. Le travail ludique implique plusieurs joueurs : cadavres exquis, jeu de tarots. Dans les pratiques collectives on inclut aussi des initiatives telles que création de revues, travail éditorial, séances collectives, tracts et manifestes dont les archives sont conservées et peuvent être étudiées.

2. Rapports entre les arts. Parmi les pratiques collectives, on privilégiera celles qui relèvent du rapport entre les arts : collaboration entre un écrivain et un artiste plasticien pour une œuvre commune (films, expositions thématiques, livres réalisés à deux ou à plusieurs, illustrations et mêmes illustrations tardives des œuvres par un peintre surréaliste)

3. L’écriture et ses avant-textes. La genèse des œuvres. En ce qui concerne l’œuvre de chaque artiste, on pourra explorer le « métier d’écrire » ou le « métier de peindre ». L’écriture automatique de ce point de vue semble au carrefour des questions : est-elle irréductible à cette notion de métier et à celle de travail ? Relève-t-elle d’autres mécanismes, en ce cas lesquels (n’oublions pas qu’on parle de « travail » du rêve ou du « travail » de l’inconscient) ? Comment se « fabrique » une œuvre surréaliste ? Cette dernière question sollicite une approche génétique : l’étude des manuscrits nous renseigne-t-elle sur le « work-in-progress » surréaliste et sur la nature réelle de l’écriture automatique ? Au-delà du travail déjà entrepris par Michael Riffaterre sur la métaphore surréaliste, nous sollicitons très vivement des interventions qui utiliseraient les méthodes de la critique génétique et les ressources de la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, partenaire privilégié de Paris 3.

Vos suggestions et propositions de communications seront les bienvenues. Si vous êtes intéressé par ce thème, veuillez adresser votre proposition pour la fin septembre 2006, par mail ou par courrier postal, à Maryse Vassevière ou à Françoise Py (Université Paris 8)

Maryse VASSEVIÈRE    ou   Françoise PY

Université Paris 3- Sorbonne Nouvelle         5 rue Fleury Pankouke

Institut de littérature française (salle 429B)         92190 MEUDON

13 rue de Santeuil F- 75231-PARIS Cedex 05       tel : 01 45 07 88 96

Ven. 28/04/2006 09:25

Chers Mélusins, Chères Mélusines,

Ne cherchez pas en ce moment à explorer les archives de l'INA, elles sont inaccessibles en raison de leur succès inattendu:

Radio-télé : les archives de l’INA en ligne

RFI — France

Mais en matière de mémoire, vous pouvez vous rabattre sur le Journal de Maurice Nadeau:

Il publie « Journal en public »

Les saintes colères de Maurice Nadeau

A l'occasion du 40e anniversaire de « la Quinzaine littéraire », journal qu'il a fondé et qu'il dirige toujours, le légendaire éditeur, essayiste et critique nous a raconté ses passions et ses coups de gueule

Il prévient : «On ne parle pas de mon âge, hein!» Nous n'étions pas venus pour cela. Mais pour l'entendre parler de « la Quinzaine littéraire », publication qu'il dirige depuis quarante ans. Des chroniques qu'il y signe sous le titre « Journal en public » et dont les meilleures ont été rassemblées dans un livre qui vient de paraître (1). Pour l'entendre parler aussi de son insatiable passion pour la littérature, pour les idées, pour son époque. Critique, essayiste, éditeur, Maurice Nadeau est un formidable passeur. Les faiseurs de bouquins ne l'ont jamais intéressé. La littérature qu'il défend, c'est celle qui révèle un style, un regard, une conviction. Nadeau n'aime pas les tricheurs. On ne s'étonnera donc pas de l'entendre défendre avec la même pertinence, mêlant l'anecdote au trait incisif, des auteurs aussi différents que La Bruyère, Flaubert, Beckett ou Vila-Matas. Au-delà des époques, au-delà des modes, Nadeau nous livre ses bonheurs. Si grands, si forts qu'ils deviennent aussitôt les nôtres.

Houellebecq

« J'ai longtemps hésité à publier son premier roman, «Extension du domaine de la lutte». Je le voyais tellement malheureux, ce type, tellement embêté par son bouquin que je me disais, bon, c'est pas possible, il faut faire quelque chose. Il faut dire que c'était pas un livre qu'il avait fait comme ça, c'était une suite de textes dont il avait réussi à faire une fiction. On voyait bien qu'il était emprunté, mal à l'aise. Quand je parlais avec lui de ce qu'il envisageait de faire par la suite, il avait de grandes ambitions. Il citait Dostoïevski et «la Montagne magique» de Thomas Mann. Il est ensuite tombé, avec «Plateforme» et après les «Particules», dans ces histoires de tourisme sexuel en Thaïlande, j'ai trouvé cela facile et grossier. Comment aurais-je réagi s'il me l'avait donné à lire ? Je lui aurais conseillé d'étoffer son histoire. Houellebecq, c'est quelqu'un qui a beaucoup de mal à écrire. J'ai imaginé le bagne qu'il a dû vivre pour «la Possibilité d'une île». Il avait son éditeur aux fesses, il devait rendre son manuscrit en juin pour qu'il paraisse à la fin de l'été. Il a fallu qu'il termine sur les chapeaux de roue. Au fond, j'ai eu un peu pitié de lui. Au début, il avait quelque chose d'authentique en lui, d'emmerdé mais d'authentique. Maintenant, il fait du commerce. Est-ce qu'il me fait signe de temps en temps ? Non jamais. Je lui fais parvenir les droits de ses traductions pour son bouquin, il doit y en avoir plus d'une vingtaine. Là-dessus, je prends ma part, ça permet de publier d'autres auteurs, qui ne se vendent pas. »

Trotskisme

« J'ai été trotskiste pendant quinze ans, c'était ma vie, je collais des affiches, j'allais dans les usines. A partir du moment où je ne le fais plus, je ne me sens plus le droit de dire que je le suis, ce n'est pas sérieux. J'ai vécu cette époque héroïque où nous étions une vingtaine à nous réunir au Café de la Mairie, place Saint-Sulpice : c'était la presque totalité de l'effectif de la région parisienne ! Cela ne nous empêchait pas d'être très actifs. Il suffisait parfois d'un seul ouvrier pour lancer une grève. Mon secteur, c'était le 13e arrondissement de Paris. Chez Gnome et Rhône Aviation, j'avais réussi à convaincre un ouvrier de nous rejoindre. Grâce aux informations qu'il nous donnait, nous pouvions faire une feuille d'usine que nous allions distribuer à la sortie de l'équipe de nuit. Nous sommes restés en contact, nous nous écrivions. Il avait mal tourné, si on peut dire, il militait au Parti socialiste dans une section où il regrettait qu'il ne se passe rien. Il s'appelait Daniel Godelle et il est mort au printemps 2004, à l'âge de 91 ans. Souvent, il me disait regretter le temps où on croyait encore à la révolution. Mais la lutte des classes, c'est fini ! Le capitalisme a gagné sur toute la ligne, en provoquant les dégâts immenses qu'on sait. »

Cynisme

« Avec ma génération, j'ai rêvé d'un monde nouveau, d'un monde fraternel. Aujourd'hui, nous vivons sous le règne de la marchandise et du fric. L'autre jour, dans une émission de télé, on annonçait le classement des grandes fortunes françaises, en disant que Machin était passé devant Truc. Et dans la foulée on enchaîne tranquillement en annonçant qu'il y a chez nous près de 3 millions de RMIstes. Quel cynisme ! On n'aurait pas osé faire ça il y a cinquante ans ! Aujourd'hui, on étale ! Lorsque j'ouvre « Livres Hebdo » et que je vois que les ventes en librairie progressent en 2005 grâce à Astérix et Harry Potter, ça me révolte. »

Erotisme

« J'ai toujours vu dans l'érotisme une certaine forme de beauté. J'ai publié des livres de Sade. La lecture de «l'Age d'homme», par Michel Leiris, publié en 1939, a été également un choc pour moi, parce qu'il est l'un des premiers livres dans lequel un écrivain ose aborder la question de l'intimité sexuelle et du rapport au corps. Alors quand j'ai lu « la Vie sexuelle de Catherine M. », j'ai plutôt été refroidi. Catherine Millet a beau diriger une revue intéressante, « Art Press », son bouquin m'a ennuyé. Contrairement à ce qu'on nous a laissé entendre, ces confessions intimes ne sont ni pornos ni érotiques. C'est un livre symptomatique de notre époque : il faut aller plus vite, plus loin, la performance est devenue une fin en soi. Réduire le sexe à une affaire de machinerie, je trouve ça plutôt triste. »

Bataille ou Breton

« Breton, c'était un grand monsieur, je l'estimais, mais je ne l'ai jamais pris pour un grand poète. Avec le temps, son étoile a un peu pâli. Alors que celle de Bataille n'a cessé de grandir. Tout ça est évidemment un peu subjectif, que l'un soit plus grand que l'autre, au fond je n'en sais rien. Cependant, je pense que l'influence de Bataille a été plus importante tout en étant plus souterraine. Contrairement au surréalisme, qui est resté dans un certain sillage, Bataille, lui, a rompu avec les courants de pensée de son époque. Quand j'ai lu son roman «le Bleu du ciel», j'avoue avoir été ébloui. La dernière fois que je l'ai revu, c'était chez Marguerite Duras, en 1961. Il somnolait dans un fauteuil. Il est mort l'année suivante. »

(1) « Journal en public », par Maurice Nadeau, « la Quinzaine littéraire »-Maurice Nadeau, 318 p., 20 euros.

Né en 1911 à Paris, Maurice Nadeau fait ses débuts d'éditeur en 1948, fonde « les Lettres nouvelles » en 1954 puis « la Quinzaine littéraire » en 1966. Editeur notamment de Perec, Coetzee, Houellebecq, il est également l'auteur d'une dizaine d'ouvrages.

Par Bernard Géniès

Nouvel Observateur — 27/04/2006

Ou bien sur le catalogue de l'exposition Bellmer:

http://www.paris-art.com/livre_detail-3243-collectif.html :

Collectif Hans Bellmer. Anatomie du désir

Une présentation du processus même de l’œuvre du créateur de La Poupée est proposée. Un va-et-vient serré entre fabrique d’objet, reportage photographique et, travail central, le dessin. Le questionnement inédit des principes d’identité et de transgression n’est pas sans faire écho aux préoccupations contemporaines.

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Sommaire

Auteurs : Agnés de la Beaumelle, Paul Ardenne, Pierre Dourthe, Alain Sayag — Éditeurs : éditions Gallimard/Centre Pompidou, Paris — Année : 2006 — Format : 20 x 24 cm — Illustrations : noir et blanc et couleur — Pages : 264 — Langues : français — ISBN : 2-07-011841-X — Prix : 39,90 €

Présentation

Créateur, en 1934-1935, de La Poupée, cette créature «artificielle aux multiples possibilités anatomiques, capable de rephysiologiser les vertiges de la passion jusqu’à inventer des désirs», Hans Bellmer a poussé toujours plus loin son investigation d’une «anatomie de l’inconscient physique». Entreprise ambitieuse, impérieuse: depuis la «prise de vue» par l’appareil photographique — «mise en scène» objective de combinatoires les plus improbables —, jusqu’à l’expression graphique obsessionnelle, qui va du dessin miniaturiste le plus confidentiel à l’épure agrandie quasi abstraite, sa démarche peut être comprise comme la quête vertigineuse, sans fin, d’une forme, d’une image, d’une «existence infiniment vivante et mobile», par où donner corps au désir, et, ce faisant, d’en déceler et d’en activer les fantasmes inconscients.

D’une précision d’anatomiste et d’un raffinement d’érotomane, ses dessins, à l’audace transgressive, prennent la forme d’une graphie digne des maîtres de la Renaissance et du maniérisme allemand, sont ainsi autant de pages d’un «monstrueux dictionnaire» des pulsions secrètes, des «transferts des sens», des ambivalences du corps érotique. En grand ordonnateur de jouissances, Bellmer montre les harmonies et la cruelle beauté des rouages de la mécanique du désir.

Au-delà de son appartenance bien connue à la poétique et à l’imaginaire du surréalisme, auquel l’artiste (qui quitte définitivement Berlin pour Paris en 1938) a donné peut-être ses feuilles d’imagination amoureuse les plus outrées, il s’agit d’analyser aujourd’hui la singularité de cette œuvre violente, éminemment subversive dans le contexte des années 1920-1930. Incandescente et froide, comme celles de Sade et de Bataille, elle semble en réalité échapper à son temps. Son questionnement des principes d’identité et de transgression la rend particulièrement proche de notre sensibilité contemporaine.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Gallimard/Centre Pompidou — Tous droits réservés)

Sommaire

— Avant-propos

— Bruno Racine

— Préface

— Alfred Pacquement

— Bellmer, pourquoi la photographie ?

— Alain Sayag

— Hans Bellmer : les jeux de la Poupée, les enjeux du dessin

— Agnès de la Beaumelle

— Transformation et maîtrise du corps

— Pierre Dourthe

— Bellmer, oui ou non ?

— Paul Ardenne

— Œuvres exposées

— Chronologie

— Agnès de la Beaumelle et Laure de Buzon-Vallet

— Liste des œuvres

Bien cordialement,

L'administrateur:

Henri Béhar

Dim. 30/04/2006 21:37

voici l'Allee André Breton juste devant l'Allée Louis Aragon (elles sont

parallèles!)

il n'existe rien de ce genre pour Antonin Artaud

 

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