Archives de la liste de discussion de Mélusine
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Avertissement, Avril 2007

Note technique :
La compilation des messages de sept années, expédiés par différentes machines sous différents systèmes, a produit des fichiers fort encombrants. Il n’était pas possible de garder la forme initiale des messages. Nous avons donc privilégié l’accessibilité en réduisant au maximum leur poids, en évitant les redondances, sans toucher au contenu, qui reste l’objet du présent document. Les coordonnées personnelles des abonnés ont volontairement été enlevées.

Signalons que les abonnés à la liste Mélusine peuvent retrouver les messages conservés depuis février 2006 sur le serveur Sympa dont ils ont les coordonnées. Il leur suffit d’insérer le mot de passe qui leur a été communiqué par la machine lors de leur inscription, et de consulter les Archives dans l’ordre chronologique, ou encore grâce au moteur de recherche du logiciel.


semaine_14 (2-8 avril 2007)  

Chères Mélusines, Chers Mélusins,

Ne l'ayant pas eu en mains, je ne pense pas vous avoir signalé l'ouvrage d'Elza Adamowicz, intitulé Surrealism, tout simplement, dont vous trouverez le descriptif dans le fichier ci-joint. Et par la même occasion, je ne saurais trop vous conseiller de consulter le site de la revue Avant-garde publiée principalement en anglais par les éditions Rodopi. Le dernier volume, intitulé « Avant-garde & criticism » est référencé à l'adresse suivante : http://www.rodopi.nl/senj.asp?BookId=AVANT+21

Cette semaine, les informations sont abondantes. Je n'ai pu réduire l'article de Philippe Sollers sur Aragon, que vous voudrez lire bien complet, avec le coup de pied de l'âne final!

Les surréalistes [Belges] au quotidien

Source : http://www.fabula.org:80/actualites/article18148.php

Christian BUSSY, ""Les surréalistes au quotidien"", (avec une préface d'Olivier Smolders)

Les Impressions Nouvelles, ISBN 978-2-87449-028-6, format 16 x 24 cm

Nombreuses illustrations N&B , 256 pages, ? 22

www.lesimpressionsnouvelles.com

Journaliste à la radio et à la télévision belge, Christian Bussy Christian Bussy a réalisé d'innombrables émissions radiophoniques et documentaires télévisés à la RTBF. Auteur de l'Anthologie du surréalisme en Belgique (Gallimard, 1971), il a surtout enregistré et filmé les écrivains les plus remarquables et souvent les plus rares, d'Aragon à Paulhan, de Queneau à Dali, de Mauriac à Leiris, de Julien Gracq à Nathalie Barney. Un autre de ses titres de gloire est d'avoir été le seul à filmer Cioran pour la télévision, en 1973.

Assez naturellement, il en vint à s'intéresser aux surréalistes, à les rencontrer, puis à les faire connaître à travers de nombreuses émissions de radio et de télévision. Subjugué par les personnalités fortes des écrivains et des artistes qu'il avait en face de lui (Magritte, Scutenaire et particulièrement Marcel Mariën), il devint ensuite pour plusieurs d'entre eux un ami généreux de son temps et de son talent, toujours prêt à mettre la main à la pâte, d'abord bien évidemment pour réaliser des entretiens filmés, mais aussi pour l'organisation d'expositions, les démarches auprès d'éditeurs pour défendre un manuscrit, la négociation de pièces rares auprès de collectionneurs. Bref, il fut partie prenante de mille événements liés à l'activité de ceux qui, de son propre avis, devaient ""changer sa vie"".

S'il ne prétend pas proposer une nouvelle histoire du surréalisme, ce livre s'attache aux «mille petits faits vrais » qui ont constitué la vie des surréalistes belges depuis la création des premiers groupes dans les années 20. Cependant, à travers l'évocation des surréalistes belges au quotidien, c'est un tout autre surréalisme que Christian Bussy fait émerger. Réduit à tort à la seule figure de Magritte, le surréalisme belge se distingue du surréalisme de Breton sur des points tout à fait essentiels, artistiques aussi bien que politiques. A la différence des auteurs français, les surréalistes belges ne poursuivaient nullement l'irruption de l'inconscient ou la surprise de l'objet trouvé. Construisant méticuleusement des objets qu'ils voulaient « bouleversants », ils aspiraient à une révolution tellement radicale qu'ils ne pouvaient la vivre qu'en marge de la société, loin de tout réformisme superficiel. Le surréalisme belge s'impose aussi comme une entreprise beaucoup plus collective qu'en France, où la collaboration entre auteurs reste relativement discrète. Le domaine où excelle le surréalisme belge est celui de l'invention collective (pour citer le titre d'une de leurs revues). Enfin, le surréalisme en Belgique ne s'est jamais embourgeoisé, il a su conserver jusqu'à nos jours un mordant et une inventivité que le surréalisme a vite perdus ailleurs. L'exemple des artistes-agitateurs que fait revivre Christian Bussy, montre qu'il est grand temps de récrire l'histoire du surréalisme même.

L'art de la récup emballe le Grand Palais

Source : http://www.20minutes.fr:80/article/149476/20070402-Culture-L-art-de-la-recup-emballe-le-Grand-Palais.php

Niki de Saint Phalle, Yves Klein, Jean Tinguely, Arman ou encore César… Ces artistes sont connus individuellement, mais on sait moins qu'emmenés par le critique d'art Pierre Restany, ils ont formé entre 1958 et 1969 un courant révolutionnaire : le Nouveau Réalisme. A travers 180 pièces, vives et colorées, l'exposition qui se tient jusqu'au 2 juillet au Grand Palais (Paris 8e) revient sur ce mouvement clé de l'histoire de l'art. Alors que le pop art triomphe à la même époque aux États-Unis, le Nouveau Réalisme donne un coup de vieux à l'abstraction qui domine alors la scène artistique française. Restes de repas pour Spoerri, compressions de voitures pour César, lacération d'affiches pour Hains et Villeglé, accumulation d'escarpins ou de cadrans de montres pour Arman… Ces descendants des dada ont intégré des objets symboles du quotidien, plébiscité les matériaux industriels et utilisé toutes les innovations offertes par la société de consommation (comme le néon ou le plastique), pour mieux la dénoncer et l'exorciser avec une certaine drôlerie. Daniel Spoerri reste sans doute le meilleur représentant de cette approche iconoclaste et loufoque. Sa collection de pièges à rats est intitulée Le Bonheur de ce monde (1960-1971) et sa poupée aux yeux crevés par des ciseaux : Ça crève les yeux que ça crève les yeux (1966). La provocation à tous crins qui caractérisait les nouveaux réalistes est peut-être aujourd'hui un peu dépassée, mais leur radicalité formelle a ouvert la voie aux installations et performances de nos artistes contemporains.

Jeanne DRÉAN

Sollers/Aragon : La folie d'Aragon

Source : http://livres.nouvelobs.com:80/parutions/p2213/a2213_037.html

Comment peut-on passer de l'extrême liberté surréaliste à l'académisme stalinien ? L'auteur de « Femmes » répond et se souvient du « Fou d'Elsa »

Il était une fois, au début du xxe siècle, en France, un jeune homme très beau, prodigieusement doué pour l'aventure métaphysique et le style. Écoutez ça : «Il m'arrive de perdre soudain tout le fil de ma vie : je me demande, assis dans quelque coin de l'univers, près d'un café fumant et noir, devant des morceaux polis de métal, au milieu des allées et venues de grandes femmes douces, par quel chemin de la folie j'échoue enfin sous cette arche, ce qu'est au vrai ce pont qu'ils ont nommé le ciel.»

Voilà, ça pourrait être écrit ce matin, ça s'appelle « Une vague de rêves », et nous sommes en 1924. Breton et le surréalisme sont là, tous les espoirs sont permis, une révolution est en marche, Lautréamont et Rimbaud sont les étoiles invisibles de ce nouveau jour. La boucherie de 1914-1918 a déclenché une crise générale de la pensée ; les idées, les systèmes, les vieilleries patriotiques et poétiques sont mortes, la vérité elle-même est mise en question par la mise en liberté des mots. «Il m'importe peu d'avoir raison. Je cherche le concret. C'est pourquoi je parle. Je n'admets pas qu'on discute les conditions de la parole, ou celles de l'expression. Le concret n'a d'autre expression que la poésie. Je n'admets pas qu'on discute les conditions de la poésie.»

Et vlan pour les philosophes, qui ont trop longtemps occupé la scène (ce n'est pas fini) ! Et vlan pour la société et ses mensonges ! Être ensemble ? Oui, peut-être, très vite, à quelques-uns, et toujours sur une ligne de risque. Ces déserteurs du social, que voulez-vous, viennent d'éprouver un surgissement inattendu de l'espace et du temps, un violent sentiment de la nature excluant toute sentimentalité : «Laissez toute sentimentalité. Le sentiment n'est pas affaire de parole, escrocs de toutes sortes. Envisagez le monde en dehors du sentiment. Quel beau temps.» Vous êtes ici dans « le Paysan de Paris », un des grands livres d'Aragon, avec « la Défense de l'infini », qui rappelle la fin d'« Une vague de rêves » : «Qui est là? Ah très bien : faites entrer l'infini.» L'infini implique une «science du particulier», et ne connaît qu'un seul dieu : le hasard. «Je vivais au hasard, à la poursuite du hasard, qui seul parmi les divinités avait su garder son prestige.» Mais qui veut vraiment laisser entrer l'infini et le hasard ? La police veille, la sécurité prépare sa vengeance.

Vérifiez donc, dans « Le passage de l'Opéra », ou dans « Le sentiment de la nature aux Buttes-Chaumont », comment une nouvelle «métaphysique des lieux» est possible. Vous ouvrez les yeux, et les affiches, la publicité, les vitrines, les plaques, les rues commencent à vous parler autrement. Vous voyez à travers les visages et les murs, vous entendez à travers les voix ce qu'elles ne veulent pas dire. Aragon n'a pas froid aux yeux. «Le monde moderne, écrit-il, est celui qui épouse mes manières d'être.» Ou encore : «On vient d'ouvrir le couvercle de la boîte. Je ne suis plus mon maître tellement j'éprouve ma liberté.»

Aragon a-t-il eu peur de devenir fou ? C'est évident. On n'a pas encore tout dit sur son virage stalinien, son amour surjoué et obsessionnel d'Elsa, son trip soviétique, sa rééducation par Moscou, sa conversion à un monde prétendument réel, son lyrisme académique, son retour à l'alexandrin, son néo-hugolisme forcé. Quoi qu'il en soit, le voici d'un coup monothéiste, Dieu étant brutalement remplacé par une monogamie hallucinée. Masochisme profond ? Sans doute. Expiation ? Culpabilité ? Rédemption ? Quelque chose comme ça. Sa poésie, dès lors, devient intarissable et nostalgique, la mélancolie est partout, la complainte domine : «Il n'y a pas d'amour heureux»; «Toute fleur d'être nue est semblable aux captives»;«Le temps s'arrête en moi comme un sang qui fait grève, et je deviens pour moi comme un mot qui me fuit»; «Je me tiens sur le seuil de la vie et de la mort les yeux baissés, les mains vides»; «Cette vie aura passé comme un grand château triste que tous les vents traversent»; «Heureux celui qui meurt d'aimer », etc., etc. Le retour mécanique à la rime fait qu'il se brime et se grime, qu'il frime, trime, comme pour s'étourdir et oublier un crime, à moins de le transformer en prime. Il condamne «l'individualisme formel», et voilà resurgi le mot « national », qui, décidément, de gauche à droite, a encore de beaux jours devant lui. Voici, par exemple, une déclaration ahurissante de 1954 : «Passera à nouveau le grand tracteur français de l'alexandrin, le chant royal, comme on disait, le chant républicain.» Sous le long règne de l'épouvantable Staline, la poésie est donc devenue un tracteur. On comprend que des auteurs comme Miller ou Genet soient traités alors de «littérature de merde». Ce qui arrive à Aragon ? Il ne voit pas que la poésie n'est pas seulement une question de forme mais aussi de pensée. Sa poésie ne pense pas, elle rabâche. D'où la plainte, la ritournelle, la chanson navrée, l'increvable narcissisme apeuré, l'idéalisation, la réitération intoxiquée du « je t'aime », l'idolâtrie, l'autolâtrie, l'angoisse de vieillir et de mourir, bref, toute la gamme.

Et ça n'en finit pas : «J'ai peur de cette chose en moi qui parle»; «Une science en moi brûle sans flammes, je guette l'univers en moi qui se détruit, le temps passe à regret sa main sur mon visage», etc. Finalement, c'est toujours la même histoire : «Les sanglots longs des violons de l'automne blessent mon cour d'une langueur monotone.» Communisme plus matriarcat, quel dégât ! Les commentateurs d'Aragon n'ont pas tort de dire que son passage tardif à une homosexualité affichée n'aura été que la continuation d'une même fidélité. A quoi ? A la femme considérée comme LA. Dans Elsa, il faut entendre « elle s'a ». C'est toujours lui, et ce n'est pas elle. Impressionnante énergie d'Aragon à maintenir ce LA. «La femme est l'avenir de l'homme»? Voilà une religion où les femmes, au pluriel irréductible, pourraient enfin disparaître, et la liberté avec. On ne doit pas s'étonner si, dans « le Fou d'Elsa », Aragon esquisse un dérapage coranique. Il y a des beautés par-ci par-là, mais on s'endort vite.

Elsa Triolet, en 1929, décrivait Aragon comme «un joli garçon, une prima donna, né pour le jeu de l'amour». Ce jeu de l'amour, réfrigéré au Kremlin, s'est vite transformé en messes et en litanies d'un nouveau genre, et les enchantements de Paris en séances soporifiques au comité central. Aragon, quand je l'ai connu, se mettait aussitôt à déclamer ses vers sans se préoccuper de l'ennui de son auditeur otage. C'était cocasse et poignant, de même que cette dédicace écrite par Elsa pour un de ses livres : «A Ph. S., maternellement». Mauvais théâtre, mauvais roman. Il n'empêche : Aragon, qui n'était pas idiot, a rapidement perçu mon peu d'intérêt pour ces séances d'hypnose. Je lui sais gré d'avoir tracé ces mots sur un tirage à part, hors commerce, d'« Une vague de rêves » (pas de nom d'éditeur, pas de date, mais l'exemplaire, à couverture orange, est bien de 1924, à Paris) : «A Philippe Sollers, ce petit livre d'un de ses cadets, affectueusement, Aragon.» Il se trompait, puisque à 60 ans il venait soudain d'en avoir 27, alors que je n'en avais que 22. Mais quoi, la vérité anarchiste n'a pas d'âge.

«Ouvres poétiques complètes», par Aragon, la Pléiade/Gallimard, tome 1 et 2, 1 776 p. et 1 744 p., 62 euros et 63 euros, le coffret 125 euros (en librairie le 20 avril).

Philippe SOLLERS

Honoré le fantastique

Source : http://www.lefigaro.fr/litteraire/20070405.FIG000000268_honore_le_fantastique.html

UNE CERTAINE tradition a volontiers réduit l'auteur de La Comédie humaine au statut de grand-père du réalisme et du naturalisme, jugeant ses embardées vers le fantastique, des toquades momentanées, des séquelles du romantisme ou le délassement d'un esprit aussi surchauffé que sa célèbre cafetière. Pourtant Baudelaire jugeait Balzac « visionnaire » et Hugo apercevait dans son ouvre « on ne sait quoi d'effaré et de terrible mêlé au réel ».

[.] On peut ne pas être passionné par Le Centenaire, qui ouvre le volume. C'est l'ouvrage d'un jeune Balzac qui signe d'un pseudonyme et semble surtout désireux d'exploiter la vogue commerciale du roman noir, liée aux noms de Radcliffe, Maturin et Walpole. Mais le reste de ce millier de pages révèle un Balzac étincelant, à l'imagination débridée, aux portes du surréalisme, et aussi, c'est à souligner, maître de la nouvelle. Voir L'Élixir de longue vie, saisissante incarnation de Don Juan, digne de Mérimée ; Les Deux Rêves, sombre et incorrecte méditation politique qui, sous l'égide de Cagliostro, met en présence Catherine de Médicis, Robespierre et Marat ; Jésus-Christ en Flandres, conte naïf et beau comme une légende belge (Ghelderode tout entier a dû sortir de là) ; Le Réquisitionnaire ou L'Auberge rouge, faits divers historiques traversés de télépathie ; Adieu, une histoire de folie amoureuse qu'on aurait aimé voir filmée par Kubrick avec Nicholson, comme Shining.

Entre cet univers proche de Hoffmann ou de Charles Nodier et le « monde réel » de La Comédie humaine, deux ouvres font ici la synthèse : La Peaude chagrin — un de ses grands succès — où l'on ne s'étonne pas de rencontrer, dans le Paris des banquiers, des lorettes et des lions, un marchand de talismans qui se vante d'avoir vécu plusieurs siècles. Et, moins connu, Melmoth réconcilié, où le mythe du Juif errant trouve une conclusion imprévue… à la Bourse. Car il y a aussi de l'ironie, voire de la parodie. Ouvre ultraromantique, La Peau de chagrin se place discrètement sous l'égide de Sterne et de Rabelais. Et quand il se veut sérieux ou édifiant (comme dans Ursule Mirouet, où des communications d'outre-tombe font convertir un médecin rationaliste), c'est là qu'on commence à ne plus y croire[.]

La Comédie des ténèbres : Balzac fantastique Romans et nouvelles choisis d'Honoré de Balzac et présentés par Francis Lacassin Omnibus, 1126 p., 28 ?.

Bien cordialement,

L'administrateur toujours provisoire

Henri Béhar

La Lettre Avbqueneau (avril 2007)

>> La Lettre Avbqueneau

>> Avril 2007

>> (301 abonnés)

>> Chers Queniennes, chers Queniens,

L’actualité quenienne de ce mois d’avril étant

particulièrement pauvre, j’avais résolu de garder

pour le mois suivant les quelques nouvelles sans date de

péremption que j’avais pu recueillir. J’ai

reçu ce matin une annonce de lecture qui m’a incitée à reprendre

la souris.

Spectacles

— Simone Hérault*, de l'association “Lire Autrement”, fera le

mardi 17 avril à 19h15, dans la

Galerie de l'Entrepôt, une lecture de textes de Raymond Queneau,

sous le titre : ""C'est en lisant

qu'on devient liseron"".

Libre participation.

*la voix de Fip, celle de la Sncf qui vous dit que votre train a

du retard et qui vous accompagne

depuis vingt ans…

L'entrepôt

7 rue Francis de Pressensé

75014 PARIS

Métro Pernety

Tél: 01 45 40 64 75

http://www.lentrepot.fr/

Parutions

— Le n°156 de La Bibliothèque Oulipienne, paru en janvier 2007,

est intitulé Oulipolets. Il s’agit

de l’édition de sonnets irrationnels inédits de Jacques Bens

retrouvés dans les papiers de Madeleine

Bens. Sur ces quinze poèmes inédits, trois sont dédiés à Raymond

Queneau. L’un d’entre eux raconte

comment Jacques Bens a “Découvert Chêne et chien, comme on fait

l’Amérique”, un autre comment

Raymond Queneau lui a ouvert les portes de Paris. La quatrième

de couverture, enfin, reproduit une

carte postale envoyée par Queneau à François Le Lionnais en

1964. L’un des deux fondateurs de

l’Oulipo y suggère à l’autre de porter les sonnets irrationnels

de Bens, qu’il juge “dignes d’intérêt”,

à l’ordre du jour de la prochaine séance de l’Ouvroir.

— Quoique l’ouvrage fonctionnât davantage sur le modèle de la

tirade du nez de Cyrano que

sur celui des Exercices de style, la quatrième de couverture de

Comment lui dire adieu de

Cécile Slanka (paru en janvier aux éditions Liana Levi, 112

pages, 12 €) fait appel à Raymond

Queneau :

“La rupture amoureuse peut être parée de longues explications

ou expédiée en quelques mots,

empreinte de cruauté ou de tendresse, de regrets ou de

soulagement… Faisant preuve d’un sens

de l’observation redoutable, Cécile Slanka met en scène la

séparation amoureuse, selon différents

points de vue. Un exercice de style à la Queneau dans lequel

chaque lettre – parfois un simple mot

comme griffonné sur un coin de table – est précédée d’un titre

donnant une indication sur la

personnalité du signataire. Un recueil de textes cruels ou

tendres, mais toujours drôles. Un livre-

cadeau tout trouvé pour la Saint-Valentin… et nécessaire tout

le reste de l’année.”

Editions Liana Levi

1, place Paul Painlevé – 75005 Paris

Tél.: 01 44 32 19 34

a.guerand@lianalevi.fr

Amitiés brûtes,

Astrid Bouygues

Vice-Présidente de l’Association des AVB

69/71 rue d’Alleray

75015 Paris

01-45-33-23-35

 

"Complément à la lettre d'avril "   "

Chères Queniennes, chers Queniens

Franca Zanelli nous fait savoir que dans le n°995 du 13 avril 2007 de

Venerdì, Stefano Bartezzaghi

annonce la parution de Gli Ultimi giorni, première traduction italienne des

Derniers jours, effectuée par

Francesco Bergamasco. (Coll. Grandi Tascabili Economici n°546, avec une

introduction d’Arnaldo

Colasanti, Newton Compton, 224 p., 6 €)

Newton Compton Editori

Via Portuense 1415,

00050 Roma, Italia

Tel. +39 06 65002553

Fax +39 06 65002892

info@newtoncompton.com

uff.stampa@newtoncompton.com

http://www.newtoncompton.com/

Brûtalement vôtre,

Astrid Bouygues

Vice-Présidente de l’Association des AVB

69/71 rue d’Alleray

75015 Paris

01-45-33-23-35

--

Melusinegr

Le Centre national du livre en collaboration avec le Ministère grec de la

culture organise un nombre important de manifestations à l’occasion du

centenaire de la naissance de Nikos Engonopoulos (1907- 1985), écrivain et

peintre surréaliste, un des pionniers du surréalisme grec (avec Embiricos et

Elytis notamment).

Nous signalons en particulier la publication de l’album …l’amour est la

seule voie (responsable de l’édition : Frangiski Abatzopoulou, professeur à

l’université Aristote de Thessalonique), mais aussi l’exposition «

Engonopoulos 2007 : beau comme un Grec » (20 février – 20 avril) à

l’aéroport Vénizélos, une représentation théâtrale en l’honneur du poète

(Mégaron, 16 mars), un congrès international au musée Benaki (23 – 24

novembre) intitulé « Engonopoulos 2007 : le poète et le peintre » et l’

exposition au nouveau musée Benaki (avenue Pireos) du 13 novembre 2007 au 6

janvier 2008.

Les Athéniens pourront également entrer en contact avec des vers du poète

affichés sur les bus et métros de la capitale à l’occasion notamment de la

semaine internationale de la poésie (19 mars- 21 avril).

Des manifestations culturelles auront lieu aussi à Thessalonique pour

honorer ce grand artiste à propos de qui le poète Miltos Sachtouris avait

dit : « … son œuvre poétique et picturale est grand et immortel ; les gens

le comprendront de plus en plus au fil du temps ».

Pour de plus amples informations, les intéressés pourront se reporter au

site du Centre national du livre : <http://www.culture.gr/> www.culture.gr

.

Voir aussi le site officiel du poète : <http://www.engonopoulos.gr/>

www.engonopoulos.gr

"   IOANNA PAPASPIRIDOU

semaine_15 (9-15 avril 2007)

"Chères Mélusines, Chers Mélusins,

avec un léger retard, dont je vous prie de m'excuser, voici les informations parvenues durant la quinzième semaine de l'année. Je reproduis les articles sans commentaires, ce qui ne signifie pas, loin de là, qu'ils aient tous mon approbation!

Avec le Facteur Cheval

http://www.rfi.fr/actufr/articles/088/article_50872.asp

Bernard Rancillac — Le facteur Cheval, 2006.

Nombreux ont été les artistes à faire le détour par le Palais Idéal d'Hauterives, dans le sud de la France, aussitôt après que son auteur, Ferdinand Cheval, facteur de son état, en eut achevé la construction, en 1912. Et l'attrait, la fascination pour le monument, édifié pierre à pierre en trente ans par celui qui serait désormais connu comme le Facteur Cheval, ne se dément pas. Des surréalistes, à la fin des années 1920, à des artistes contemporains, toutes formes d'expression confondues, nombreuses sont les ouvres qui se réfèrent explicitement ou portent l'empreinte de celui qui a bâti un palais sur ses rêves. Les pièces rassemblées au musée de la Poste en témoignent.

«J'avais dépassé depuis trois ans ce grand équinoxe de la vie qu'on appelle quarantaine. Cet âge n'est plus celui des folles entreprises et des châteaux en Espagne. Or au moment où mon Rêve sombrait peu à peu dans les brouillards de l'oubli, un incident le raviva soudain, mon pied heurta une pierre qui faillit me faire tomber. Je voulus voir de près ma pierre d'achoppement. ». Tel est le récit que Ferdinand Cheval fait en décembre 1911 de l'événement survenu en avril 1879 et qui va transformer son existence. Car cette pierre «à la forme bizarre» qu'il enveloppe dans son mouchoir n'est pas seule de son espèce et, «à partir de ce moment, écrit-il, je n'eus plus de repos matin et soir. Je partais en chercher; quelquefois je faisais 5 à 6 kilomètres et quand ma charge était faite je la portais sur mon dos .». Des kilomètres qui viennent s'ajouter à la trentaine de sa tournée quotidienne de facteur.

De la tournée quotidienne au Palais Idéal

Né en 1836, fils de paysans, Cheval est d'abord ouvrier agricole, puis ouvrier boulanger à Lyon. «Une étape sans doute importante dans sa vie, fait remarquer Christophe Bonin, le directeur du Palais idéal, puisqu'il commence à façonner des formes avec ses mains, comme il le fera avec le Palais Idéal, façonné, pétri avec des mains qui seront brûlées par la chaux, et peut-être commence-t-il à rêver en pétrissant la pâte ?». Ce qui n'est pas exclu puisqu'il aura, paraît-il, laissé plus d'une fois brûler le pain dans le four. Comme il sait lire et écrire, il devient facteur, il y a exactement 140 ans. De quoi poursuivre sa rêverie. En effet, «que faire en marchant perpétuellement dans le même décor, à moins que l'on ne songe? Pour distraire mes pensées, je construisais en rêve un palais féerique.» Un rêve que son «obstination invincible», comme il dit lui-même, va ancrer dans la réalité après la fameuse rencontre avec la «pierre d'achoppement», au terme d'une entreprise insensée, obsessionnelle qui va remplir plus de trente années de la vie du facteur et aboutir à «une ouvre d'art inclassable, exceptionnelle. Quelque chose de tellement singulier que ça fait de Cheval un très grand artiste», déclare Josette Rasle, la commissaire de l'exposition. Quelque chose de singulier dont Cheval a lui-même parfaitement conscience puisqu'il intitule la première relation écrite de son entreprise, en 1897, Un monument Seul au Monde. Une ouvre qu'en 1969 André Malraux, alors ministre de la Culture, décidera de classer «monument historique», considérant le Palais Idéal comme seul exemple d'architecture naïve.

Les poulains du Facteur Cheval

Les quelque deux cents ouvres rassemblées par Josette Rasle au musée de la Poste témoignent du retentissement de l'ouvre de Cheval, qu'elles lui rendent explicitement hommage, s'en inspirent où s'inscrivent dans une filiation implicite. Un retentissement qui a commencé très tôt, comme en témoigne le registre des visiteurs du Palais Idéal qu'on peut voir dans l'exposition et dans lequel, dès 1909 — les visites ont commencé avant l'achèvement du Palais -, on note les signatures de visiteurs étrangers venus d'Asie, d'Europe, d'Amérique, d'Australie, d'Egypte… Une dimension internationale qui ne se dément pas, comme en témoigne le travail actuel du photographe japonais Hideiko Nageshi qui a planté son appareil pendant des heures au Palais Idéal «pour guetter le nuage qui va passer dans le ciel, la couleur du ciel, sa vibration (.) donnant une impression de calme qui invite à la méditation, à la contemplation», commente Josette Rasle. «De plus, ajoute Christophe Bonin, Nageshi offre d'autres perspectives sur le Palais Idéal, donnant à voir dans ses photos le sens architectural de cette ouvre».

Moins explicite, mais flagrante, la relation qu'entretiennent les constructions en fil de coton durci au sucre et à la résine de Marie-Rose Lortet, avec la minutie et l'ambition architecturale de Cheval. Ou la relation qu'entretient l'accumulation de coquillages émaillés de couleurs vives, qui constitue le Roi Imaginaire de Paul Amar, avec la surcharge décorative du Palais Idéal. Un Roi aussi Kitsch qu'un Palais où coexistent un temple Hindou, une grotte de la vierge Marie, une «Tour de Barbarie», un monument égyptien, etc., bref «tout ce que le génie d'un humble peut concevoir (.) cherchant à faire renaître toutes les anciennes architectures des temps primitifs», comme l'écrivait le Facteur Cheval.

Rien d'étonnant à ce que les Surréalistes voient dans ce lieu la traduction parfaite de l'expression spontanée de l'inconscient qu'ils veulent privilégier dans la création artistique. C'est en 1931, six ans après la mort de Ferdinand Cheval, qu'André Breton se rend à Hauterives, entraînant à sa suite d'autres surréalistes et personnalités du monde de l'art et de la littérature, dont Picasso et Max Ernst. L'un et l'autre dédieront une ouvre au Facteur Cheval. Lequel sera présent à la grande exposition sur les mouvements Dada et surréaliste, qui se tient en 1936 à New York. Les plus grands photographes, comme Doisneau, immortaliseront le Palais Idéal. Avant que le photographe-voyageur Manset parte, lui, sur les traces (ou les origines ?) du facteur Cheval en Asie, pour en rapporter des photos saisissantes de proximité, accompagnées de textes décalés qu'on peut voir au musée de la Poste.

Le blues du Facteur

Une autre rencontre artistique, plus inattendue, est évoquée dans cette exposition : celle du blues et de la musique de Jazz avec l'ouvre de Cheval. «Ferdinand Cheval promenait son blues sans doute sans en faire», dit Christophe Bonin, le directeur du Palais Idéal. Il ajoute: «Comme dans le blues, Ferdinand cheval, homme de la terre, échappe à sa condition sociale par son art (.) il gagne une forme de liberté».

Disque, fruit de la rencontre de musiciens de jazz et le Palais idéal du Facteur Cheval.Rhoda Scott, l'organiste afro-américaine, s'est produite au Palais Idéal en 2006, dans le cadre des manifestations Jazz au Palais, comme Harrison Kennedy, le chanteur afro-américain de blues et de musique soul, avec une ouvre composée spécialement, One Stone on the road (Une pierre sur la route), qu'on peut entendre dans l'exposition. Tandis que les musiciens de jazz Edouard Bineau et Sébastien Texier viennent d'unir leurs talents au piano et à la clarinette dans un CD, l'Obsessioniste, un hommage au Palais Idéal du Facteur Cheval.[1] Pour composer cette musique, en harmonie avec le lieu, Édouard Bineau dit avoir «eu du mal à dissocier l'auteur de l'ouvre» et s'être «attaché autant à l'individu qu'à ce qu'il avait fait». Treize titres, qui tous ont à voir avec la vie ou l'ouvre de Cheval.

Ferdinand Cheval aurait aimé être enterré avec les siens (il en avait vu disparaître beaucoup : deux épouses et trois enfants) dans son Palais Idéal. Ce ne fut pas possible. Il mit huit ans à bâtir le Tombeau du Silence et du Repos sans Fin dans le cimetière d'Hauterives où il fut inhumé, le 19 août 1924.

par Danielle BIRCK

[1] CD produit par la ville d'Hauterives et Le chant du Monde

Une vidéo dada-expressionniste,

http://www.orient-extreme.net:80/index.php?menu=mangas_animation&sub=actu&article=306

hommage au maître du manga-gore

On trouve parfois de véritables OVNIs sur les sites de partage de vidéos comme YouTube ou encore DailyMotion. Cette fois-ci, c'est une oeuvre unique mettant en scène la bande dessinée japonaise Vampyre (éd. Le Lézard Noir, 2 volumes) de Suehiro MARUO, LE maître du gore !

Entre la présentation d'un film de Fritz Lang, et le côté collage inattendu du mouvement dada, cette vidéo, en français !, présente dans l'univers de Maruo une intrigue mettant en scène le maître lui-même, sur un air musical pour le moins bien senti.

Y a-t-il une vie après le surréalisme ?

Les LETTRES françaises

http://www.humanite.presse.fr:80/journal/2007-04-07/2007-04-07-849245

Le musée du Montparnasse a présenté du 2 au 18 mars les éditions originales ou rares, autographes, manuscrits et autres documents que Lydie Lachenal et Ken Ritter ont pu réunir. Toutes ces pièces ont été vendues au terme de cette brève présentation publique ainsi que de nombreuses photographies et quelques ouvres (surtout des estampes) des artistes qui ont accompagné la vie du poète : Giorgio de Chirico, Max Ernst, Félix Labisse, Georges Rouault, Jacques Lipchitz, Sergio Ceccotti, qui a illustré certaines de ses rééditions, et surtout André Masson. Les Éditions Lachenal & Ritter qui ont vu le jour en 1976 ont entrepris de rééditer l'essentiel des écrits de l'un des pères fondateurs du groupe surréaliste. Pas moins de 24 ouvrages sont sortis des presses, en particulier le Roi de la vie, En joue !, les Mémoires de l'oubli et le manuscrit des Champs magnétiques, poème rédigé à quatre mains avec André Breton, miraculeusement retrouvé dans des circonstances extraordinaires.

Parmi toutes les pièces réunies dans les vitrines installées dans ce beau musée créé par le grand photographe Roger Pic, on a pu avoir la surprise de découvrir une lettre adressée à Louis Aragon par Suzanne Muzard le 20 novembre 1971. Cette dernière protestait contre des propos qu'il était censé avoir tenu dans les pages de France Soir, où il aurait insinué qu'elle saurait soutirer des choses offertes par son mari pour les revendre afin de subvenir aux besoins d'André Breton. Aragon lui avait répondu trois jours plus tard pour lui affirmer qu'il n'avait jamais tenu de tels propos. L'intérêt de cette correspondance réside dans le fait que Suzanne Muzard n'était autre que la Nadja de la fiction éponyme de Breton. Celle-ci avait rencontré l'homme de lettres en compagnie d'Emmanuel Berl au café Cyrano, fief des surréalistes à la fin des années vingt. Breton s'était aussitôt épris de la jeune femme et l'avait « enlevée » peu après. Mais leur passion n'était pas exempte de complexité, puisque la véritable Nadja rejoignit Berl pour l'épouser. Ce qui ne l'avait pas empêchée de prolonger sa relation avec l'écrivain. Aragon lui apprit alors qu'il craignait que, désespéré de voir partir l'amour de sa vie, Breton ait songé à mettre fin à ses jours.

Parmi les curiosités que peut révéler ce genre d'événement, il y a les cartes et billets d'Ezra Pound, de Joyce et de T. S. Eliot, qui nous obligent à nous souvenir que Soupault a été un bon connaisseur de la littérature anglo-saxonne, des pages de son manuscrit sur Lautréamont, auteur qui l'a fasciné et aussi des dessins automatiques, qui ne datent de l'époque de la Centrale surréaliste, mais de 1948, qui ont été reproduits pour le tirage de tête de ses livres de souvenirs. En définitive, chaque fois qu'une collection est sur le point d'être dispersée, se met en marche la terrible machine de l'histoire et de la nostalgie.

Londres, Victoria and Albert Museum

Ceci n'est pas une exposition sur le design surréaliste

Par Sean James ROSE

http://www.liberation.fr/culture/247514.FR.php

Surreal Things : Surrealism and Design. Victoria and Albert Museum, Cromwell road, London SW7 2RL. Tél. : +44 (0) 20 7942 2000. www.vam.ac.uk Entrée : 9 £ ; réduit : 7 £, 5 £ . Catalogue, 364 p., 40 £. Jusqu'au 22 juillet.

Paris 1926, les Ballets russes donnent Roméo et Juliette. La direction artistique est signée Serge Diaghilev, les décors, Max Ernst et Joan Miró. Armé de sifflets, un groupe d'intervention artistique distribue des tracts : «Il n'est pas admissible que la pensée soit aux ordres de l'argent.» La Protestation orchestrée par André Breton et Louis Aragon rappelle qu'un artiste se réclamant du surréalisme (le premier Manifeste date de 1924) ne se compromet pas avec la vénalité du commerce, fût-ce pour la création d'un décor. Car les forces de la poésie et de l'imaginaire ne sauraient être livrées aux mains des marchands.

Érotisme. La grande exposition de printemps du Victoria and Albert (V & A) Museum de Londres démontre tout le contraire. La récupération de l'esthétique surréaliste, mêlant rêve, érotisme et sens de l'absurde, n'a pas attendu la société du spectacle et de la consommation de masse. Les «collusions» furent quasi immédiates et souvent fructueuses. Si les malheureux Ernst et Miró eurent droit à l'excommunication, ce ne fut pas le cas de Man Ray qui, dès le début, utilisa le médium photographique à des fins publicitaires. La distribution des anathèmes était quelque peu arbitraire, voire de mauvaise foi. Malgré une critique sociale d'inspiration marxiste sous-tendant le projet, le pontife du surréalisme, Breton, était conseiller du collectionneur Jacques Doucet et avait collaboré avec Marie Cuttoli pour sa production de tapis.

Aussi l'ironie n'est-elle pas des moindres lorsque la commissaire Ghislaine Wood (à qui l'on doit dans le musée londonien l'exposition «Art Deco») fait commencer le parcours de «Surreal Things» («Objets surréalistes») par le spectacle. Théâtre des illusions de pureté artistique. Le visiteur assiste à une véritable levée de rideau sur les amours du design et du surréalisme. D'emblée, une scène reconstituée avec décor et costumes de De Chirico réalisés pour une pièce à Monte-Carlo en 1929. Le héraut de la pittura metafisica, naguère admiré, est taxé de forfaiture par Breton dès 1928 (le Surréalisme et la Peinture). Ouvres et esquisses de ceux par qui le scandale arriva : Ernst, Miró… Dans le ballet incriminé de Diaghilev, l'abstraction en noir et blanc de la Nuit d'Ernst suspend le spectateur en une apesanteur mélancolique ; quant au rideau peint par Miró, avec ses formes tubulaires et vaginales, il déploie un symbolisme sexuel ludique.

L'intérêt de l'exposition du V & A (tout est dans le titre) réside surtout dans l'objet, pas tant l'objet d'art surréaliste mâtiné de dérision dada que la chose, usuelle, pratique oserait-on dire, dessinée dans l'esprit du mouvement.

Bien sûr, on admirera sourire en coin l'Énigme d'Isidore Ducasse, alias comte de Lautréamont : une machine à coudre emballée dans une couverture de laine avec la pancarte «Ne pas déranger» (un hommage de Man Ray à l'auteur des Chants de Maldoror, où l'on trouve la comparaison «beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie» ). Mais on sera plus intrigué encore de voir à quel point le surréalisme a agi sur l'espace et le corps. La partie dédiée à «l'Intérieur imaginaire» est fort réussie. Maison moderne-fantastique du mécène Edward James à Monkton, dans le Sussex, ou appartement à ciel ouvert sur les Champs-Elysées pour Carlos de Beistegui, c'est la courbe rêveuse surréaliste qui s'oppose à l'angle rationnel du modernisme.

Le mobilier devient foire fantastique ou onirique : Table à pattes d'oiseau de Meret Oppenheim (celle qui exposa, à l'«Exposition surréaliste d'objets» à la galerie Charles-Ratton, en 1936, sa tasse et cuillère tout en poils, le Déjeuner en fourrure), meubles biomorphiques du Nippon-Américain Isamu Noguchi, ou tête de lit de Calder pour Peggy Guggenheim, une rêverie d'argent où flottent parmi les volutes végétales poissons et insectes.

Monty Python. Avec Dalí et Edward James (dont les archives prouvent une collaboration effective dans la réalisation), l'objet oscille entre fantasme outré et fantaisie kitsch. Pour preuve : la chaise anthropomorphique avec deux bras dressés en dossier ; le canapé Mae West à la forme de la bouche pulpeuse de l'égérie dalinienne, ou le Téléphone-homard digne de figurer dans un sketch des Monty Python.

Non moins emblématique, cette Brouette d'Oscar Domínguez, à l'intérieur molletonné de satin rouge, exposée à la galerie Gradiva ouverte par Breton. A la fois ouvre d'art et meuble chic, elle est bientôt photographiée dans la salle de bains de Marie-Laure de Noailles pour le Harper's Bazaar d'avril 1938. Le véhicule a bien transporté le surréalisme de la galerie à la boutique.

a.. Frédérique Joseph-Lowery signale à ce propos l'émission de France Culture : http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/peinture/

Marcel Duchamp

La vie à crédit

Conférences — débats — rencontres

http://www.cnac-gp.fr/Pompidou/Manifs.nsf/0/C661B7D280E2326EC125729000340DFF?OpenDocument&sessionM=2.6.2&L=1

Cycle : Acquérir, Préserver, Montrer

19 avril 2007 , 19h30

Petite salle entrée libre

Bernard Marcadé publie une nouvelle biographie de Marcel Duchamp (éd. Flammarion 2007), dont nous citons les premières lignes : « Le 31 janvier 1977, le Centre Pompidou est inauguré en grande pompe avec la première rétrospective de Marcel Duchamp organisée par Pontus Hulten et Jean Clair. Depuis sa mort en 1968, l'oeuvre et l'influence de celui qu'André Breton qualifiait d'""homme le plus intelligent du 20e siècle"" n'ont cessé de s'imposer dans le paysage de l'art contemporain occidental. La contribution de l'oeuvre de Marcel Duchamp à l'art du 20e est décisive. Du futurisme au cubisme, de Dada au surréalisme, l'art de Duchamp accompagne les grandes aventures esthétiques du 20e siècle. Jamais pourtant, l'artiste ne sera un suiveur. Sa contribution est à chaque fois profondément originale et singulière. Si Picasso perpétue dans ce siècle la figure démiurgique de l'artiste, inaugurée à la Renaissance, il revient à Duchamp de constituer l'emblème par excellence de l'artiste contemporain. »

On a beaucoup écrit sur Marcel Duchamp, on a beaucoup glosé sur ses oeuvres, on s'est très peu intéressé à sa vie. Henri-Pierre Roché a écrit que « la plus belle oeuvre de M .D. (était) l'emploi de son temps ». Cette biographie veut développer cette hypothèse, avec la forte conviction que l'examen circonstancié de la vie de Marcel Duchamp fournit un accès privilégié à son ouvre.

La soirée organisée autour de cette magistrale biographie offrira également l'occasion de mieux connaître la revue « Étant donné Marcel Duchamp ».

Avec Bernard Marcadé, Paul B. Franklin , Herbert Molderings

Le Jeudi 19 avril, à 19 h 30, Petite salle, niveau -1

Entrée libre dans la limite des places disponibles

Renseignements :

Christine Bolron,

 

Christian d'Orgeix

à la Galerie Christian ARNOUX 42 rue de Seine à Paris 75006. Vernissage le jeudi 26 avril 2007 de 18h à 21 heures ; l'exposition durera jusqu'au 13 mai 2007, de 14h30 à 19 heures.

Christian d'Orgeix, né en 1927 à Foix d'une vieille famille de la noblesse locale, est un peintre français rattaché au surréalisme. D'abord proche du post- cubisme, il s'inspire d'Albert Gleizes. Monté à Paris à la fin des années 40, il y travaille avec Hans Bellmer et l'assiste dans la création de sa seconde ""Poupée"" (1949). Cette rencontre sera décisive car elle permet à Christian d'Orgeix de fréquenter les surréalistes à Paris. Il côtoie en outre la vicomtesse de Noailles et Henri-Pierre Roché. Exposé en Allemagne avant de l'être en France (dès 1955) il découvre à Berlin la peinture de Friedrich Schröder Sonnenstern et de Richard Oelze. Plus tard, il se lie d'amitié avec Wols, Sam Francis et devient le mentor de Konrad Klapheck. Il était également proche de Roberto Matta et de Simon Hantaï, son ancien camarade de chambre. Dans le contexte d'après-guerre, d'Orgeix ne choisit ni vraiment l'appartenance au surréalisme ni vraiment l'engagement auprès des artistes de l'informel. Ce non-choix laissera la peinture de Christian d'Orgeix un peu en dehors d'une histoire de l'art attendue mais elle incarne au mieux les enjeux picturaux qui s'élaborent dans le Paris des années 50-60. Christian d'Orgeix a participé à la documenta II ( 1959) et à la documenta III (1964) de Kassel. Il participe également au groupe ""Phases"".

Clovis Trouille

au musée de Picardie à Amiens (48 rue de la République, tel: 03 22 97 14 00). Exposition du 14 avril au 26 août 2007 de 10h00 à 18h00 sauf le lundi.

L'exposition regroupe, outre sa bibliothèque, une quarantaine de toiles et dessins ainsi que de nombreux documents écrits, correspondances avec André Breton, René Crevel, Paul Eluard…

[ces 2 dernières informations procurées par Fabrice Flahutez, que je remercie]

Bien cordialement,

L'administrateur toujours provisoire

Henri Béhar

Semaine_16 (16-22 avril 2007)  

"Chères Mélusines, Chers Mélusins,

Cette semaine, une seule information nouvelle, les autres articles parlant d'expositions déjà signalées. J'en profite pour rappeler la constitution, sur notre site, d'une BNS (Bibliothèque Numérique Surréaliste) contenant les textes en mode image et en mode texte. Je vous invite à consulter l'édition originale de Locus Solus à l'adresse ci-dessous :

http://melusine.univ-paris3.fr/RousselMenuTextes.htm

Il s'agit du microfilm de la BNF (Gallica) travaillé de telle sorte qu'on peut effectuer des recherches de mots, voire en recopier des pages entières en mode texte. Il n'est pas question d'annexer Roussel au surréalisme, mais de fournir un ouvrage de base dans la bibliothèque de l'amateur. Je serais heureux d'avoir votre sentiment sur ce genre de productions.

La poursuite du vent

Théâtre — Tragi-comédie

http://www.fra.webcity.fr/theatre_clichy-sur-seine/la-poursuite-du-vent_186099/Profil-Eve

Par Jan Lauwers

Dans ses mémoires ""La Poursuite du vent"", l'épouse du poète Yvan Goll raconte sa vie entre fresque historique et commérages vindicatifs. Le style direct, incisif et abrupt de l'auteur décrit la naissance et l'évolution du mouvement dada auquel elle a participé au quotidien et ses nombreuses rencontres ou liaisons avec les plus grands artistes de son temps, Joyce, Rilke, Breton, Picasso, Satie, Dali, Cocteau, Chagall et bien d'autres. Largement controversée à sa sortie, du fait de ses appréciations et commentaires très personnels, la publication du livre de Claire Goll, muse amoureuse, orgueilleuse et destructrice, a déclenché de nombreux débats.

Comédien : Cie Needcompany.

Metteur en Scène : Jan Lauwers (scénographie).

Auteur : Claire Goll.

Acteur : Viviane De Muynck.

Théâtre aux Abbesses

31, Rue des Abbesses - 75018 Paris Plan d'accès

Tel : 01 48 87 54 42 - Fax : 01 48 87 61 11

Réservations : 01 42 74 22 77

Dates et heures :

Du 03/05/2007 au 05/05/2007 à 20:30 : Jeudi, Vendredi, Samedi

Entrée :

03/05/2007 — 05/05/2007 : Plein tarif : 16.50 ? — 23.00 ?

03/05/2007 — 05/05/2007 : Tarif Jeune (-26 ans) : 12.00 ?

Ceci n'est pas une exposition sur le design surréaliste

Par Sean James ROSE

QUOTIDIEN : samedi 14 avril 2007

Surreal Things : Surrealism and Design. Victoria and Albert Museum, Cromwell road, London SW7 2RL. Tél. : +44 (0) 20 7942 2000. www.vam.ac.uk Entrée : 9 £ ; réduit : 7 £, 5 £ . Catalogue, 364 p., 40 £. Jusqu'au 22 juillet.

Paris 1926, les Ballets russes donnent Roméo et Juliette. La direction artistique est signée Serge Diaghilev, les décors, Max Ernst et Joan Miró. Armé de sifflets, un groupe d'intervention artistique distribue des tracts : «Il n'est pas admissible que la pensée soit aux ordres de l'argent.» La Protestation orchestrée par André Breton et Louis Aragon rappelle qu'un artiste se réclamant du surréalisme (le premier Manifeste date de 1924) ne se compromet pas avec la vénalité du commerce, fût-ce pour la création d'un décor. Car les forces de la poésie et de l'imaginaire ne sauraient être livrées aux mains des marchands.

Érotisme. La grande exposition de printemps du Victoria and Albert (V & A) Museum de Londres démontre tout le contraire. La récupération de l'esthétique surréaliste, mêlant rêve, érotisme et sens de l'absurde, n'a pas attendu la société du spectacle et de la consommation de masse. Les «collusions» furent quasi immédiates et souvent fructueuses. Si les malheureux Ernst et Miró eurent droit à l'excommunication, ce ne fut pas le cas de Man Ray qui, dès le début, utilisa le médium photographique à des fins publicitaires. La distribution des anathèmes était quelque peu arbitraire, voire de mauvaise foi. Malgré une critique sociale d'inspiration marxiste sous-tendant le projet, le pontife du surréalisme, Breton, était conseiller du collectionneur Jacques Doucet et avait collaboré avec Marie Cuttoli pour sa production de tapis.

Aussi l'ironie n'est-elle pas des moindres lorsque la commissaire Ghislaine Wood (à qui l'on doit dans le musée londonien l'exposition «Art Deco») fait commencer le parcours de «Surreal Things» («Objets surréalistes») par le spectacle. Théâtre des illusions de pureté artistique. Le visiteur assiste à une véritable levée de rideau sur les amours du design et du surréalisme. D'emblée, une scène reconstituée avec décor et costumes de De Chirico réalisés pour une pièce à Monte-Carlo en 1929. Le héraut de la pittura metafisica, naguère admiré, est taxé de forfaiture par Breton dès 1928 (le Surréalisme et la Peinture). Ouvres et esquisses de ceux par qui le scandale arriva : Ernst, Miró… Dans le ballet incriminé de Diaghilev, l'abstraction en noir et blanc de la Nuit d'Ernst suspend le spectateur en une apesanteur mélancolique ; quant au rideau peint par Miró, avec ses formes tubulaires et vaginales, il déploie un symbolisme sexuel ludique.

L'intérêt de l'exposition du V & A (tout est dans le titre) réside surtout dans l'objet, pas tant l'objet d'art surréaliste mâtiné de dérision dada que la chose, usuelle, pratique oserait-on dire, dessinée dans l'esprit du mouvement.

Bien sûr, on admirera sourire en coin l'Énigme d'Isidore Ducasse, alias comte de Lautréamont : une machine à coudre emballée dans une couverture de laine avec la pancarte «Ne pas déranger» (un hommage de Man Ray à l'auteur des Chants de Maldoror, où l'on trouve la comparaison «beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie» ). Mais on sera plus intrigué encore de voir à quel point le surréalisme a agi sur l'espace et le corps. La partie dédiée à «l'Intérieur imaginaire» est fort réussie. Maison moderne-fantastique du mécène Edward James à Monkton, dans le Sussex, ou appartement à ciel ouvert sur les Champs-Elysées pour Carlos de Beistegui, c'est la courbe rêveuse surréaliste qui s'oppose à l'angle rationnel du modernisme.

Le mobilier devient foire fantastique ou onirique : Table à pattes d'oiseau de Meret Oppenheim (celle qui exposa, à l'«Exposition surréaliste d'objets» à la galerie Charles-Ratton, en 1936, sa tasse et cuillère tout en poils, le Déjeuner en fourrure), meubles biomorphiques du Nippon-Américain Isamu Noguchi, ou tête de lit de Calder pour Peggy Guggenheim, une rêverie d'argent où flottent parmi les volutes végétales poissons et insectes.

Monty Python. Avec Dalí et Edward James (dont les archives prouvent une collaboration effective dans la réalisation), l'objet oscille entre fantasme outré et fantaisie kitsch. Pour preuve : la chaise anthropomorphique avec deux bras dressés en dossier ; le canapé Mae West à la forme de la bouche pulpeuse de l'égérie dalinienne, ou le Téléphone-homard digne de figurer dans un sketch des Monty Python.

Non moins emblématique, cette Brouette d'Oscar Domínguez, à l'intérieur molletonné de satin rouge, exposée à la galerie Gradiva ouverte par Breton. A la fois ouvre d'art et meuble chic, elle est bientôt photographiée dans la salle de bains de Marie-Laure de Noailles pour le Harper's Bazaar d'avril 1938. Le véhicule a bien transporté le surréalisme de la galerie à la boutique.

Le nouveau réalisme en manque de mouvement

Par Henri-François DEBAILLEUX

Source : http://www.liberation.fr/culture/248771.FR.php

Le nouveau réalisme Galeries nationales du Grand Palais, entrée square Jean-Perrin, 75008. Rens. : 01 44 13 17 30, jusqu'au 2 juillet. Catalogue, 352 pp., 45 euros.

«L e jeudi 27 octobre 1960, les nouveaux réalistes ont pris conscience de leur singularité collective. Nouveau réalisme = nouvelles approches perspectives du réel.» Cette «déclaration constitutive du nouveau réalisme» est signée, au domicile d'Yves Klein, 14, rue Campagne-Première, à Paris (XIVe), par huit artistes : Arman, Dufrêne, Hains, Klein, Raysse, Spoerri, Tinguely, Villeglé et Pierre Restany, critique d'art, historien et théoricien du mouvement. César et Rotella sont absents, mais vont très vite se joindre au groupe dont feront également partie Niki de Saint Phalle et Gérard Deschamps en 1961, puis Christo en 1963.

Paradoxe. Le manifeste est signé à neuf exemplaires ­ sept sur papier bleu, un sur papier rose et un sur papier doré, les trois couleurs emblématiques de Klein. L'un de ces papiers bleus I.K.B. (International Klein Blue), encadré, est accroché dans la troisième salle de l'exposition «Le nouveau réalisme», organisée par la Réunion des musées nationaux, le centre Pompidou et le Sprengel Museum Hannover, à Hanovre (où elle sera présentée de septembre à janvier). Parmi tous les signataires, seuls Raysse, Spoerri et Villeglé sont encore en vie. Restany et Tinguely doivent, eux, se retourner dans leur tombe. Parmi les plus virulents, ils se seraient certainement ennuyés ici. Non que l'ensemble soit raté, ou de mauvaise qualité. Mais il est triste et anesthésiant. Ce qui constitue un sacré paradoxe pour un mouvement artistique (le plus important en France depuis la Seconde Guerre) qui, festif voire déconnant, a toujours mis en avant la vie et le mouvement, justement.

Cela fait plus de vingt ans qu'il n'y avait eu d'expo consacrée au nouveau réalisme, depuis celle de 1986 au musée d'Art moderne de la ville de Paris. A l'époque, Restany (1930-2003) avait veillé au grain. Le commissariat général de la manifestation a cette fois été confié à Cécile Debray. Elle a pris le parti d'un parcours à la fois thématique et historique, regroupant 180 oeuvres articulées selon trois grands axes : «Après l'abstraction», «Néo-dada ?» et «Hygiène de la vision».

Rupture radicale. Avec des affiches lacérées de François Dufrêne, Mimmo Rotella, Raymond Hains, Jacques Villeglé, la première salle donne le ton : celui d'une rupture radicale avec l'abstraction qui régnait alors et l'utilisation d'un nouveau vocabulaire plastique, de la ville et des objets de consommation, qui voit les artistes non plus représenter le réel mais le présenter directement. Juste après, une petite salle consacrée à Yves Klein et la suivante, «Le geste et l'empreinte» , montrent comment les artistes remettent en cause le geste pictural pour en inventer de nouveaux. Notamment les «actions spectacles» (équivalent du happening conçu par Kaprow aux Etats-Unis), comme le rappelle la quatrième salle avec films et photos. Plus loin, l'évocation de la filiation à dada et Marcel Duchamp (père du ready made ) ­ qui accueille différents membres du groupe à New York, assiste aux repas piégés de Spoerri, joue aux échecs avec Arman ­ permet d'évoquer la mélancolie de certaines oeuvres, à l'exemple de la salle «Pompéi mental» (selon les mots d'Alain Jouffroy), et de montrer les amitiés et parentés plastiques que les nouveaux réalistes ont entretenues avec d'autres artistes, tels les Américains Jasper Johns ou Robert Rauschenberg, dont certaines oeuvres sont ici accrochées, mais aussi Daniel Pommereulle, Jean-Pierre Raynaud, Robert Malaval, Wolf Vostell…

Passage en revue. On les retrouve dans la troisième partie, qui passe en revue la «grammaire de l'objet» et la découpe en moult sous-parties, «l'analyse», «l'assemblage», «la trouvaille». Le tout d'une façon sérieuse, institutionnelle, statique, que même les Eléments du Raysse Beach, joyeuse installation de Martial Raysse présentée non loin, échouent à égayer. Certes, l'expo rassemble des pièces de qualité, donne des axes d'interprétation et résume bien le mouvement, mais jamais n'en rend l'état d'esprit. On aurait envie d'entendre les machines de Tinguely grincer.

Bien cordialement,

L'administrateur toujours provisoire

Henri Béhar

 

Jacques Prévert   "Chères Mélusiennes, Chers Mélusiens,

Je me permets de vous signaler ces deux ouvrages consacrés à Jacques Prévert, à l'occasion des trente ans de sa disparition.

Prévert, l'humour de l'art Préface de Jacqueline Duhême Légendes de Carole Aurouet Editions Naïve 39 euros

IVème de couverture : ""De 'clope' à 'silence on tourne' de 'feuilles mortes' à 'graffiti', Jacques Prévert l'humour de l'art dresse ul'inventaire-abécédaire farfelu des facettes parfois méconnues de l'artiste Prévert. Tout à la fois scénariste de cinéma, paroliers de chansons et poète, écrivain 'rouge' engagé, antimilitariste et anticlérical, créateur d'aphorismes calligraphiés, comédien à l'occasion et modèle pour ses amis photographes, Jacques Prévert compose aussi des collages surprenants, assemblages d'images détournées et surréalistes. Au fil des pages de sa vie, nourrissant sa création d'expériences, de rencontres et de jeux, Prévert travaille et s'amuse toujours. Et c'est toute une époque que l'on voit ressurgir, une époque où Prévert déjeune avec Chaplin, Braque ou Miro à la Colombe d'or, où l'on chante sur la guitare de l'ami Crolla, où Simone Signoret, complice, sourit à sa manière inimitable… - une époque où il fait bon créer ensemble, partager, croire en l'homme.""

Prévert, portrait d'une vie Préface de Bernard Chardère Carole Aurouet Editions Ramsay 45 euros

IVème de couverture : ""Le 11 avril 2007 marque le trentième anniversaire de la mort de Jacques Prévert. Eugénie Bachelot Prévert, sa petite fille, a ouvert l'ensemble de ses archives à l'auteur, qui lui consacre cet album richement documenté. Collages, manuscrits, correspondances, tableaux et photographies — dont de nombreux inédits — illustrent ce livre qui lui confèrent son caractère exceptionnel. Premier album biographique en grand format consacré à Jacques Prévert, cet ouvrage rend compte de sa vie et de son oeuvre multiforme : les créations théâtrales, cinématographiques, graphiques et poétiques, sont tratiées suivant un prcours chronologique et thématique où la personnalité et l'oeuvre de mêlent intimement. De son enfance buissonnière à ses rencontres avec les surréalistes, de ses premières expériences théâtrales au sein du groupe Octobre à sa grande aventure dans le cinéma avec son frère Pierre, avec Marcel Carné, pour qui il écrit les dialogues de films devenus des chefs-d'oeuvre (Drôle de drame, Le Quai des brumes, Les Enfants du paradis…°, jusuq'à l'écriture poétique avec Paroles, à la chanson et aux collages, c'est toujours la plume qui guide ses créations et l'amitié qui guide ses pas : Brassaï, Izis, Willy Ronis, Joan Miro, Pablo Picasso, Max Ernst, Marc Chagall, Georges Braque, Boris Vian, Alexandre Trauner, Joseph Kosma, Paul Grimault, Marcel Carné, Pierre Brasseur, Jean Gabin… telles sont les personnalités qui concourent à ce tableau exhaustif à travers des photographies, des témoignages et des correspondances indéits. Ce livre hommage fait redécouvrir l'extraordinaire palette d'expressions de cet artisan du langage. En lutte contre les icônes et la morale établie, Jacques Prévert nous parle encore avec ses mots souvent crus, toujours naturels, d'une saine et nécessaire révolte poétique.""

Le premier se trouve dans toutes les bonnes librairies, comme on dit ; quant au second, il sera disponible à partir du 28 avril prochain.

Bien cordialement,

Carole Aurouet

Maître de conférences

Université de Marne-la-Vallée

Rendez-vous   "Chères Mélusines, Chers Mélusins,

1. ce vendredi 27 avril à 16h30, salle 410 au Centre Censier (13 rue Santeuil, 75005 Paris) , le séminaire ""Recherches surréalistes"" recevra M. Paolo Scopelliti qui traitera des avant-textes de L'Immaculée Conception.

2. le samedi 28 avril, à 15h, Emmanuel Rubio nous entraine ""Sur les pas d'André Breton"". Rendez-vous à la sortie du métro Blanche.

3.La revue numérique Astu publie un article de Renée Mabin sur la Galerie à l'étoile scellée: http://melusine.univ-paris3.fr/astu/Mabin.htm

Bien cordialement,

L'administrateur toujours provisoire

Henri Béhar

Pour envoyer un message à tous:

melusine@mbox.univ-paris3.fr

Site du Centre de Recherches sur le Surréalisme de Paris III/Sorbonne Nouvelle

Re: Jacques Prévert   "Juste une petite rectification concernant la quatrième de couverture de

Prévert, portrait d'une vie : il ne s'agit pas ""du premier album

biographique en grand format consacré à Jacques Prévert"" . Les éditions

Ramsay devraient le savoir puisqu'elles ont elles-mêmes fait paraître en

1981 un album intitulé Jacques Prévert, Drôle de vie, signé Michel Rachline

( très contestable et contesté). J'ai publié moi-même en 1986 chez Séguier

une biographie de Prévert sous la forme d'un album grand format (22,5 x 30,

5 cm) abondamment illustré. Cet album biographique a ensuite été repris en

moins grand format dans une version revue et augmentée en 1994 sous le titre

Jacques Prévert, ""celui qui rouge de coeur"". Comme dirait Prévert, le temps

nous trépasse… Mais je suppose que cette erreur est due à l'éditeur — les

éditeurs faisant souvent, comme on le sait, les quatrièmes de couverture -

et pas à l'auteur.

Cordiales salutations à Carole ainsi qu'aux Mélusiennes et Mélusiens,

Danièle Gasiglia-Laster

----- Original Message -----

"   Danièle Gasiglia-Laster        

"Invitation à visiter le site Fabula, portail de la recherche en littérature,!"   "

Bonjour !

PAPASPYRIDOU IOANNA vous a convié à visiter le site Fabula, portail de la recherche en littérature, et en particulier la page ""Picasso surréaliste"" située à l'adresse :

http://www.fabula.org/actualites/article18182.php

_____________________________________________________________________________

Fabula est le portail pour la communauté des chercheurs en littérature, visant à la mise en commun des ressources intellectuelles et à la diffusion de l'information scientifique.

Le site Fabula diffuse une lettre d'information gratuite et propose des informations actualisées plusieurs fois par semaine :

nouvelles parutions, colloques, appels à contribution, etc.

Notre adresse : http://www.fabula.org

_____________________________________________________________________________

"   PAPASPYRIDOU IOANNA  

Promenade André Breton   "Bonjour,

Merci pour cette belle promenade avec Andre Breton et Nadja.

Nadja ou le fantôme de Nadja. La relecture des premières pages de Nadja n'en prend que plus de sens. Qui est-elle? (L?). Léona ou Nadjedja, ""parce que en russe c'est le commencement du mot espérance et que ce n'en est que le commencement"". (Régis Debray disait la même chose du mot rêve-olution).

A bientôt, donc, le 1er Mai avec Hans Bellmer et Unica Zürn, et la lettre d'André Breton, de 1936, à Bellmer, sur la figure de la Poupée.

Je vous joins cette invitation pour mon séminaire sur La Gradiva, autre figure du double énigmatique pour Freud, Jensen et Norbert Hanold.

Bien à vous.

Jean-François Rabain.

semaine_17 (23-29 avril 2007)  

"Chères Mélusines, Chers Mélusins,

Outre la sortie des 2 livres de Carole Aurouet sur Jacques Prévert, mentionnés dans les courriers précédents, l'événement, cette semaine, est la publication des Ouvres poétiques complètes d'Aragon. Pour ne pas me faire accuser sottement de partialité (il est vrai que je n'aime pas le ton donneur de leçons de ce pauvre Lançon qui n'atteint pas la cheville de son illustre homonyme), je reproduis à la suite, intégralement, les articles de Libération et de L'Humanité.

Suivent quelques références utiles à tous, je l'espère.

1. Aragon, OPC

Le royaume d'Aragon

Autobiographie poétique sans étiquette. Louis Aragon et ses vers, en deux tomes de Pléiade.

Par LANÇON Philippe

http://www.liberation.fr/culture/livre/250094.FR.php

jeudi 26 avril 2007

Louis Aragon ouvres poétiques complètes Préface de Jean Ristat. Edition établie sous la direction d'Olivier Barbarant. Gallimard, «la Pléiade», deux volumes, 1 639 pp., 62 ?, et 1 700 pp., 63 ? (70 ? chaque après le 31 décembre).

Il y a des vies qui ne riment à rien. Celle d'Aragon rime à presque tout. On trouve dans ses poèmes beaucoup de fleurs, de chevilles, d'enjambements, de grands maux, de plus grands remèdes, de virtuosité spontanée et de piano mécanique. La beauté est rarement l'absente du bouquet. C'est elle plutôt qui le fait fleurir, accrochée «comme les fleurs des champs à des fleurs de serre», dans la tristesse, l'ostentation ­ et avec rage.

Aragon, c'est d'abord ça : une colère vive, splendide, intacte, surréaliste, de lévrier dans un jeu de quilles. Début de «Faiblement dit» : «Je n'aime pas les gens qui crachent dans la soupe/Je n'aime pas les gens qu'un rien fait parler/Ou sourire/Je n'aime pas les gens qui lèchent les pages des livres/Sous le prétexte de les tourner/Je n'aime pas les gens qui me demandent/Où j'ai l'intention de passer la soirée/Je n'aime pas les gens.» Le poème est tiré de la Grande Gaîté . Le recueil, peu connu, date de 1929. L'année précédente, son auteur a tenté de se tuer, rompu avec Nancy Cunard, brûlé une partie du manuscrit de Défense de l'infini . Il a aussi rencontré Elsa Triolet, elle-même désespérée. Voilà son état : «Plus rien ne m'est cher pas même/La douceur étrange de l'été/Pas même/La colère et sa soeur la brebis/Je ne veux plus rêver je déteste/Le sommeil je ne veux plus/Rêver.» C'est chez lui un état fréquent.

La vie du neurasthénique au travail, comme il l'écrira dans les Poètes en 1960, est «un grand château triste que tous les vents traversent» ­ les vents et les phrases. Autrement dit : «Quand il faudra fermer le livre/Ce sera sans regretter rien/J'ai vu tant de gens si mal vivre/Et tant de gens mourir si bien.» (le Nouveau Crève-coeur, 1948). On peut citer Aragon dans le désordre, mélanger les poèmes et les dates : les thèmes de l'enchantement et de la désillusion reviennent sans cesse, sans fin, en variations plus ou moins abouties, ouverts par des clés de fureur ou de mélancolie, comme si la langue pouvait seule démentir le poids d'un homme et du monde ­ et l'odeur qui s'en dégage : «Sur le sépulcre un rossignol fait l'intérim.»

La Grande Gaîté ne manque pas de tristesse : «Comme il allait de con en con/Il devint terriblement triste/Comme il allait de con en con/ Terriblement triste.» Ni de gaîté : «Quand il vint la chercher/Que de paille devant la porte/Où est où est où est/Pas un mot de plus elle est morte.» Ni d'aveu probable : «Il y a ceux qui bandent/Il y a ceux qui ne bandent pas/Généralement je me range/Dans la seconde catégorie.» (Le poème s'appelle «Cinéma»). La tension du surréaliste est encore là : lyrisme et contre-lyrisme se nourrissent et s'étranglent.

La Grande gaîté est l'une des surprises des OEuvres poétiques complètes publiées en deux tomes dans «La Pléiade». Trois volumes d'oeuvres romanesques avaient déjà paru. Les poésies rejoignent enfin dans la collection les oeuvres d'Apollinaire, qu'Aragon admire et parfois détourne, mais aussi d'André Breton, son ennemi le plus intime. D'autres surréalistes mériteraient de l'y suivre, à commencer par Robert Desnos et Benjamin Péret.

Mais la Grande Gaîté n'est pas une surprise gratuite. C'est une charnière, la feuille de température d'un bouleversement. Après lui, Aragon entre en communisme et en Elsa, «Celle sans qui pour moi tout n'est que sable aride» ( Le Fou d'Elsa , 1963). Les recueils suivants chantent le Guépéou, Staline, les usines, le prolétariat et la valeur travail. «Front Rouge» : «La pioche fait une trouée au coeur des docilités anciennes» , et trois vers plus bas : «L'éclat des fusillades ajoute au paysage/Une gaîté jusqu'alors inconnue/Ce sont des ingénieurs des médecins qu'on exécute/Mort à ceux qui mettent en danger la propagande.» La même violence, presque le même grain, mais dégradés par ce qu'ils chantent ­ le prestige des bourreaux : le génie d'un homme prend des tunnels comme pour s'y venger de lui-même. «J'ai la méchanceté d'un homme qui se noie» écrira-t-il en 1956, dans le Roman inachevé . Il se noie depuis l'enfance et les tranchées. Ensuite, après l'épouvantable Hourra L'Oural (1934), viennent six ans de silence poétique : Aragon écrit des articles et les romans du cycle le Monde réel .

Le Crève-coeur affiche en 1940 le renouveau lyrique par la cadence et la rime. Naissance du troubadour de la Résistance et de la Femme, chanté par Ferré, Ferrat et tant d'autres : «J'élève la voix et je dis qu'il n'est pas vrai qu'il n'est point de rimes nouvelles, quand il est un monde nouveau.» Cette rime «est le chaînon qui lie les choses à la chanson, et qui fait que les choses chantent.» Il tisse les mots et les choses dans «cette tapisserie à verdures banales/Où dorment la licorne et le chardonneret» ; où «Ma mémoire est un chant sans appogiatures/Un manège qui tourne avec ses chevaliers/Et le refrain qu'il moud vient du cycle d'Arthur.» Elsa est une créature-prétexte. La femme pousse les mots qui semblent la dire vers autre chose qu'elle-même : vers les mots, justement. «Je ferai de ces mots notre trésor unique/Les bouquets joyeux qu'on dépose au pied des saintes.» Le poète entre sous eux en cathédrale : vitraux, encens, pompe et statues. Il ne cessera plus de refaire la vieille langue qu'à vingt ans il voulait détruire, de sonnets en versets. Elle est son miroir déformant et poli. Il y réinvente de très anciens poètes.

Le Musset des Nuits et de Namouna , dont toute la modernité rejette le sentimentalisme et la facilité, est, pour quelques vers parfaits «comme le tintement du cristal» , mis au panthéon : «Si un jeune homme a le vague à l'âme d'écrire, écrit Aragon devenu vieux (1), et se trouve dans les miroirs les cheveux d'un poète, venait me demander comment, avait la naïveté de venir me demander comment il peut apprendre ce qu'il ignore, ce qui lui manque, ce qui peut lui donner le la de lui-même, je ne lui dirais jamais : ""Lisez donc 'la Grande Carabagne'de M. Henri Michaux, ou 'Comment ça s'appelle-t-il donc ?' de M. René Char.» Je ne lui donnerais ni les Illuminations ni la Légende des siècles. Je le mènerais sur la montagne et je lui dirais : ""Regarde !"", et je lui ferais lire Namouna .» L'éloge s'amuse de sa provocation. Il a sa coquetterie et ses préciosités. Quand Aragon écrit : «Vise un peu cette folle et ses souliers montants» , c'est de lui qu'il parle. Il pénètre dans la poésie en talons hauts. Mais la sincérité est à l'ombre des pas : Aragon est une pop-star. Il donne de sa personne, il ment comme il s'inspire, et tout finit du pire au meilleur en chantant. Après tout, «Le mois d'avril est le mois des chansons.»

La Grande Gaîté annonce ces changements : on lit l'agitation d'un homme qui s'éloigne peu à peu du surréalisme et des couteaux de sa jeunesse. Rien n'est plus imparfait ni plus intense. L'insolence fouette le poète ­ elle qui semble n'avoir été inventée que par et pour l'auteur du Traité du style . Le deuil éclatant de l'amour jaillit sur la fin, dans «Poème à crier dans les ruines» : «Crachons sur l'amour/Sur nos lits défaits/Sur notre silence et sur les mots balbutiés/Sur les étoiles fussent-elles/Tes yeux/Sur le soleil fût-il/tes dents/Sur l'éternité fût-elle/Ta bouche/Et sur notre amour/Fût-il/TON amour/Crachons veux-tu bien.»

Plus tard, la beauté d'Aragon a ses refrains, ses rengaines, ses redoublements. Dix vers sont de trop, mais le onzième les fait oublier. Il y a quelque chose d'héroïque dans ce flux à contre-courant du siècle. Au moment où la poésie française entre en pudeur et en austérité, se refait par le silence et dans la honte des mots, Monsieur Louis, désespéré perpétuel, affirme qu'il «ne faut pas désespérer du langage» . Il déploie donc son ciel, ses larmes, son orchestre, ses heaumes et ses redingotes. Le Crève-coeur , toujours : «Ce refrain peut paraître un tradéridéra […] C'est que sans croire même au printemps dès l'automne/J'aurai dit tradéridéra comme personne.»

«J'aurai dit tradéridéra comme personne» : pourquoi Aragon serait-il modeste ? Les mots ne viennent-ils pas «manger le pain sur son épaule» ? Ses instruments sont tellement au point qu'il en tire n'importe quoi, de l'amour, de la chevalerie, de la description, de la propagande, de l'insolence, de la soumission, le plus grand courage et la plus profonde lâcheté. Une existence entière dépose ainsi, dans ces deux tomes, les splendeurs et les bassesses d'un écrivain plus doué que les autres ­ et dont la facilité n'a cessé de déranger ceux qui en avaient moins, soit parce qu'il s'en servait trop bien, soit parce qu'il s'en servait si mal.

Pourquoi Aragon est-il antipathique à tant de gens ? Parce qu'il perturbe les idées de grandeur, de modestie et de mérite : beaucoup auraient aimé que l'homme soit à la hauteur de son génie ; qu'il ne le place pas sous l'oeil de Moscou et d'un Parti qui, par ailleurs, le maltraitait volontiers ; qu'il ne fasse pas si grand spectacle de ses angoisses et de sa misère. L'introduction d'Olivier Barbarant est, sur ce point, assez comique. Pour défendre le héros contre des ennemis désormais imaginaires ou sans importance, elle cherche à l'améliorer, à compenser ceci par cela. Mais la faiblesse d'Aragon n'est qu'un scandale de plus, et une raison supplémentaire d'aimer l'écrivain : sa lecture échappe à toute tentation morale, même quand lui ne cesse d'en faire. Il est l'antidote à son propre poison. Le rendre à la littérature, comme le suggère Barbarant ? Mais il n'a jamais cessé de lui appartenir.

L'introduction s'obstine à l'enfermer pour le défendre. On lit des choses comme : «Il se pourrait qu'Aragon se caractérise d'abord, plus que par le mélange de la politique et de la poésie à quoi on a fini par le réduire, par l'intensité de son lyrisme.» Ce charabia rappelle que certains universitaires, comme tant de critiques, demeurent obsédés par les étiquettes qu'ils prétendent dénoncer. Quant aux rengaines staliniennes et thoréziennes du maître, voilà le genre d'euphémismes qu'elles inspirent : «L'heure n'est peut-être plus au décompte des nombreux courages et des quelques imprudences de l'auteur, de ses choix et silences, de ses justes combats dans une époque particulièrement intense ou de ses possibles aveuglements.»

«Quelques imprudences» , «possibles aveuglements» ? En voici, au hasard, tirés de Hourra l'Oural ­ au moment où Staline ouvre ses camps de travail : «Ce qu'il y a de merveilleux/Ouvrez braves gens les oreilles/Ce qu'il y a de merveilleux/Ouvrez braves gens vos grands yeux/C'est que le travail ne soit plus/dans le monde socialiste/C'est que le travail ne soit plus/Une honte un poids comme il fut.» Sur ce thème, on lui préférera, publié en 1925, le surréaliste «Fantôme de l'honnête» : «Quand on a peiné tout le jour/Fait son devoir gagné son pain/Tour à tour/On est bien heureux de trouver son coin/Pour dormir jusqu'au lendemain/Afin de peiner son pain tout le jour/Gagner son devoir et perdre son tour/Coin-coin/Qui n'a pas son petit canard/Son petit pain/Son petit lupanar/Son petit bonheur son petit soleil/Son petit sommeil/Coin-coin.» Il est vrai que le Mouvement perpétuel , dont ce poème est tiré, n'est dédié ni au Parti, ni à Elsa, ni aux héros, ni à personne, mais «à la poésie, et merde à ceux qui la liront.» C'était quand même le bon temps.

On trouve bien sûr dans ces deux tomes les recueils qui firent la gloire de l'écrivain : le Crève-Coeur, la Diane française, le Nouveau Crève-Coeur, les Yeux d'Elsa, etc. Cet Aragon-là est le dernier pont entre vers écrits et chanson populaire. Il cède souvent aux réflexes métronomiques que son aisance lui donne. Sa relecture demeure patrimoniale ; son amour pour Elsa, d'une beauté rhétorique, un peu ennuyeuse. Puis vient le poète contemplant ses illusions, ses erreurs, sa vieillesse, directement ou par morts interposés, dans des oeuvres allongeant la cadence ( le Roman inachevé , le Fou d'Elsa , les Poètes , les Adieux ). Les vers s'étendent comme sous l'effet d'un crépuscule. La mélancolie et l'autocritique règnent : «J'entends ma propre chanson qui se fatigue de se plaindre/Je compte tout bas sur mes doigts les jours les mois les années.» On s'y perd dans la longueur. Il y a toujours un vers, une strophe, pour clouer un sentiment qu'on vient d'éprouver : «Rien n'est tout à fait ce qu'il/Semble à raison/La vie est une maison/Sombre et tranquille […] / Chaque bruit m'est comme un trouble/Qui vient de toi/Il n'est de plus terrible loi/Qu'à vivre double.»

Des dizaines de curiosités enchantent cette édition. Achevons la lecture par le Paysan de Paris, chef-d'ouvre surréaliste de théorie concrète, et sur un poème méconnu, «Madame Colette». Il fut écrit en 1954 à la mort de la Bourguignonne. Aragon aimait sa puissance, sa délicatesse. La Fin de Chéri était l'un de ses romans préférés. Le poème est trop long, comme presque toujours. Mais on lit ceci. Il observe les jardins du Palais-Royal, sur lesquels donnait l'appartement de Colette : «L'allée est solitaire où Colette passait/Dans le vent retombé toute poussière est cendre/Une aile va manquer au murmure français.» Il relit quelques phrases : «La morsure s'oublie et reste le frisson.» Il se souvient d'elle, blessée par des mots inutiles lors d'une représentation à la Comédie-Française : «La pudeur du langage est un dernier orgueil.» Et ça sonne brusquement comme un regret.

(1) dans Écrits sur la poésie, 1957.

Aragon l'irrécupérable

La Pléiade publie les ouvres poétiques complètes de Louis Aragon en une nouvelle édition qui fera référence.

http://www.humanite.fr/journal/2007-04-26/2007-04-26-850280

« Quel est celui qu'on prend pour moi ? » La question d'Aragon devant la tombe d'un inconnu, qui, en 1918, porte une plaque à son nom résonne étrangement devant les deux volumes de la Pléiade qui rassemblent tout le chant du poète. Il n'a jamais cessé de la poser, lui dont l'identité ne fut, dès la naissance, que mensonge, lui qui répondait dans le questionnaire de Proust à la question : « Qui auriez-vous aimé être ? — N'importe qui d'autre. » Vingt-cinq ans après sa mort, les trois mille cinq cents pages de son oeuvre poétique nous obligent à y revenir. Que savons-nous du poète Aragon, aujourd'hui ? Ou plutôt que croyons-nous savoir ? Poser la question ainsi, c'est admettre que l'on se perdra d'emblée dans la forêt des mythes et des masques. Amis et ennemis, et l'auteur lui-même, en ont produit à foison, et parler d'Aragon tient du défi. Pourtant, celui qui disait : « Pesez mes mots, analysez mes phrases », celui qui saluait la naissance « d'un grand art nouveau, la recherche », méritait mieux qu'un culte, idolâtre ou de détestation. Peut-on dire qu'un quart de siècle après sa mort l'édition actuelle offre une chance de lire autrement Aragon ?

LE TEXTE ARAGONIEN, DENSE ET MASSIF

Le pari peut en être pris. D'abord parce qu'Aragon n'a cessé de passionner critiques et chercheurs, qui ont fait la clarté sur nombre de « contes et légendes » aragoniens, qui ont démêlé sources et influences, reconstruit le réseau des allusions, des correspondances internes à l'oeuvre, porté un regard nouveau sur les choix esthétiques, les rapports de l'auteur à la littérature de son époque et des temps passés. Ensuite parce qu'Aragon, après un très bref purgatoire, est entré très vite parmi les classiques du XXe siècle. Un statut redoutable, mais qui, pour un auteur du calibre d'Aragon, oblige à ne pas se contenter de lieux communs. Enfin parce que la vision d'Aragon, saturée par la politique, a évolué au fur et à mesure que s'émoussaient les plus aigus de ses conflits. Aussi peut-on aborder la lecture (ou relecture) d'Aragon avec un peu de la sérénité de l'historien ou de la lucidité du critique. Que nous apprennent ces milliers de pages de textes, solidement étayées de notes et de notices ?

D'abord, elles restituent le caractère massif et dense du texte aragonien. Si « l'oeuvre poétique complet » impressionne par le nombre et la taille de ses volumes, si on y sent l'intervention de l'auteur lui-même et de Jean Ristat à qui il a confié l'achèvement de la tâche, le rapprochement physique de textes qui s'étendent sur plus de soixante ans nous oblige à reconsidérer bien des acquis supposés, à commencer par la fameuse division en trois périodes de l'activité poétique d'Aragon (lire l'entretien avec Olivier Barbarant dans les pages suivantes). Si elle s'appuie sur une incontestable réalité, elle est cependant minée par une lecture plus attentive. Ainsi les premiers recueils, Feu de joie ou le Mouvement perpétuel comptent nombre de poèmes rimés et mesurés, tandis qu'on retrouve parfois dans le Roman inachevé ou les Poètes la violence ou l'amertume de la Grande Gaîté. Même les textes en apparence les moins habités par le doute des années cinquante laissent transparaître une inquiétude quant aux destinées de sa poésie.

Mais cette commode périodisation, à l'évidence surdéterminée par une lecture politique, vise à faire apparaître la mobilité d'Aragon comme une suite de reniements personnels et politiques. 1927-1930 : rupture avec le surréalisme, alignement moscoutaire, refuge dans le couple fusionnel, abandon de la poésie pour la tradition du roman réaliste. Retour à l'ordre sur toute la ligne, et quand il s'agira de poésie, elle sera hyperclassique, pseudo- hugolienne, nationaliste, militante, conjugale. 1956-1960 : échec du stalinisme, autobiographie autocritique, réincorporation libre des formes classiques dans une poésie éclectique et baroque. Bref, Aragon ne cesse de brûler ce qu'il a adoré, versatile au minimum, opportuniste à coup sûr.

LA MOBILITÉ DE L'ÉCRITURE, FRUIT D'UN REFUS DE L'ACQUIS

Le travail d'Olivier Barbarant et de son équipe est, s'il en était besoin, le meilleur des plaidoyers contre cette vision tenace du poète. Il montre d'abord que cette mobilité de l'écriture d'Aragon est le fruit d'un refus de l'acquis. Aragon n'est pas de ceux qui trouvent leur territoire et l'exploitent au-delà de l'épuisement. Il invente et passe à autre chose. Il ne sera jamais le rentier du surréalisme, l'académicien du vers libre ou du poème en prose. Toujours inquiet, même au sommet de sa gloire, il reste conscient du risque de l'immobilisme, et ne sera pas, ou pas longtemps, le tâcheron du tract en alexandrins. Ce mouvement le portera à s'approprier toute la poésie, de la plus décriée en son temps, l'alexandrin hugolien, le « traderidera », comme il le nomme lui-même, à la plus rare, le tercet d'onzains de Dante ou le « zadjal » andalou, qu'il trafique d'ailleurs sans scrupules pour les besoins du Fou d'Elsa.

Comment s'y retrouver, dès lors ? Qu'est-ce qui fonde l'intuition qu'Aragon fait partie des plus grands poètes de son siècle ? Peut-être le fait que très tôt il a eu le sentiment que l'innovation ne se situait pas au niveau minimal de la phrase ou du vers, mais à celui de la composition à l'aide de l'ensemble des matériaux offerts par l'histoire de la poésie du monde entier. De la génération des grands créateurs de formes du XXe, il est le seul à avoir eu cette posture qui oblige à recomposer à chaque fois toute la poésie d'Homère à Desnos. Tout cela en ne renonçant à rien, en refusant, intempestif, les diktats proscrivant la présence du subjectif dans le poème, la musique, le lyrisme. Attitude risquée, qui le conduit parfois au bord de l'abîme. Son génie est de ne pas y sombrer, et de nous proposer ce texte infini dont chacun peut se croire le centre.

Alain NICOLAS

Consulter aussi la chronologie d'Aragon, à l'adresse suivante :

http://www.humanite.fr/journal/2007-04-26/2007-04-26-850282

2. Archives TXT :

À signaler la totalité des archives de la revue TXT mise en ligne à l'adresse suivante :

http://www.le-terrier.net/TxT/

3. «L'Affaire Makropoulos»

Le seul opéra dada

JACQUELINE THUILLEUX (mercredi 25 avril 2007)

Source : http://www.figaroscope.fr:80/opera_danse/2007042300024021.html

Une bien drôle d'affaire que Vec Makropulos, avant-dernier opéra de Janacek, et à ce titre à peu près débarrassé des relents romantiques. On a depuis plusieurs années dépassé la crainte qu'inspirait sa prosodie si intimement tissée dans sa musique qu'on pensait que seuls les Tchèques pouvaient en percevoir l'intérêt. Jenufa, Katia Kabanova, abordables avec leurs grands drames humains, ont envahi les scènes. Puis la Petite Renarde rusée. Et voici aujourd'hui ce chef-d'ouvre, pur et dur, avec une palette sonore qui racle, des rythmes stressants, presque suffocants dans leur précipitation : le tout au service d'une histoire folle, qui en fait probablement le seul opéra dada de l'histoire lyrique. Surprenant chez le naturaliste Janacek, peu sophistiqué dans des choix qu'il voulait issus de la terre. La diva Makropoulos a plus de 300 ans, approche de son terme et cherche désespérément à récupérer la formule magique qui lui a donné cette longévité. Elle la trouvera, et la brûlera, au bout d'une route d'angoisses et d'un procès kafkaïen. À la clef : la vieille maxime philosophique qui dit que la vie n'a de prix qu'à cause de la mort.

Opéra Bastille : place de la Bastille (XIIe) Dates : 27 avril au 18 mai à 20 heures Loc. : 08 92 89 90 90 Places : 5 à 130 ?

[Lire la suite : INTERVIEW de Krysztof Warlikowski : «Un opéra sur la tragédie de l'artiste»]

4. Les surréalistes aujourd'hui

Ioanna Papaspyridou nous signale un article intéressant dans le dernier numéro du Magazine littéraire (avril 2007). Intitulé « Les surréalistes aujourd'hui », il s'interroge sur le destin du groupe après la mort de Breton en insistant surtout sur le rôle joué en l'occurrence par Alain Joubert, Michel Zimbacca et la revue Surr (rédigé par Serge Sanchez, p. 22- 25).

Bien cordialement,

L'administrateur toujours provisoire

Henri Béhar

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