MÉLUSINE

Gisèle Prassinos ou la Révolution surréaliste de l’« écolière ambiguë »

7 mai 2016

Gisèle Prassinos ou la Révolution surréaliste de l’« écolière ambiguë »

Gisèle Prassinos s’est éteinte le 15 novembre 2015 : cet exposé en ces journées d’étude consacrées aux « Rebelles du surréalisme » tient de l’hommage ou du tombeau dans le double sens de monument littéraire et d’éloge.

Ce sont les vers de Mallarmé à propos d’Edgar Poe qui me sont venus spontanément à l’esprit : « Tel qu’en lui même enfin l’éternité le change… », « la change », en l’occurrence, pour Gisèle Prassinos.

Avec Poe, Mallarmé, nous sommes évidemment sur le chemin du surréalisme et tout autant, sur le chemin d’une quête de dévoilement d’une œuvre mal comprise.

1– Rébellion de l’œuvre au mouvement surréaliste.

« Rebelle du surréalisme », Gisèle Prassinos l’est dans un premier sens : celui d’une rébellion de l’œuvre au mouvement surréaliste tel qu’il est constitué autour d’André Breton en 1934 quand la jeune Gisèle de 14 ans est reconnue poète par le groupe, d’une manière proprement officielle soit, selon la définition du Robert, « dont le caractère authentique est publiquement reconnu par une autorité qui en a la garantie, la caution ».

En effet, il s’agit pour les textes de Gisèle Prassinos d’un mode exceptionnel d’accueil.

Les circonstances de la rencontre ont été maintes fois évoquées : le frère de Gisèle, le peintre Mario, de 4 ans son aîné, transmet à André Breton, par l’intermédiaire de son ami Henri Parisot, les textes que sa jeune sœur écrit pour « s’amuser »[1]. Elle est alors « convoquée »[2] chez Man Ray :

« Oui, André Breton voulait s’assurer que ce n’était pas une supercherie. Avec Mario et Henri Parisot, nous sommes allés chez Man Ray et j’ai écrit devant eux avec la facilité que j’avais à cette époque. Et ils ont été satisfaits. »

On connaît la suite : Man Ray fixe l’événement par une photographie célèbre illustrant la publication de la plaquette parue chez GLM en 1935, La Sauterelle arthritique. Sont présents sur la photo, outre Mario et Henri Parisot, André Breton, Paul Éluard, Benjamin Péret et René Char. Suivront les publications dans les revues et chez les éditeurs prestigieux, qui font de Gisèle Prassinos un auteur choisi du cercle restreint des bibliophiles.[3]

Moment solennel s’il en fut, propre à impressionner « la petite fille » :

« Ils m’écoutaient tous d’un air recueilli, sans un mot, sans un geste. Ils m’impressionnaient… »[4]

La signification de ce moment dans le mouvement surréaliste est bien connue : le médium de la photo est privilégié à cause de la technicité de l’enregistrement similaire à l’automatisme recherché dans l’écriture[5]. La rencontre est de l’ordre du merveilleux[6].

La photo-preuve, photo-document témoigne de l’existence de l’écriture automatique au moment où ses productions s’avèrent quelque peu décevantes. Ce qui conforte l’hypothèse de son existence est une corrélation de taille : entre l’écriture automatique telle qu’elle apparaît sous le regard de voyants et cette toute jeune fille, Gisèle, dont l’image renvoie à la figuration de l’écriture automatique, l’allégorie de la couverture de la Révolution Surréaliste du 1er octobre 1927, celle de « l’écolière ambiguë[7] ». Man Ray fait d’ailleurs une autre photo de Gisèle avec le regard en coulisse[8], rappelant l’attitude de « l’écolière » écrivant sur un pupitre, non pas penchée sur sa feuille, mais de face et les yeux tournés vers un ailleurs d’où lui vient sans doute ce courant de l’écriture qui la traverse. Voici confirmé le lien privilégié, « naturel », entre ce mode qui échappe à la raison et l’éternel féminin qui ne peut mieux s’exprimer que du côté de la « femme-enfant », nouveau mythologème dans la tradition de la très jeune et innocente perverse, maintes fois illustrée par les symbolistes notamment Gustave Moreau apprécié par André Breton, sous les traits de Salomé[9].

Mais loin de satisfaire l’adéquation rêvée par les surréalistes de suppression par la prise immédiate, des filtres entre l’objet et le sujet, la photo est toujours une « parole d’un ou plusieurs sujets et donc amorce de fiction »[10]. Celle-ci illustre « une surenchère du masculin » comme la photo célèbre des « sérieux messieurs soigneusement costumés » autour de Simone Breton à la machine à écrire[11]. C’est visiblement ici une parole de groupe comme imaginaire spécifique d’un moment clef, fondateur qui pointe l’ambition ontologique du surréalisme visant dans les manifestes un au-delà du champ littéraire et artistique

Que signifie « entrer en surréalisme » dans ces conditions ?[12] Sous ces auspices, « entrer » » se charge d’une dimension existentielle : même pour un simple passage, limité, voire involontaire, dans la mouvance surréaliste, le rattachement au groupe fait figure de moment décisif et sans retour. Ce moment est explicitement gravé dans le marbre, en l’occurrence, « le monument impérial à la femme-enfant » selon Salvador Dali évoqué par André Breton dans la notice consacrée à Gisèle Prassinos dans Anthologie l’Humour Noir.[13]

L’épreuve de Man Ray collaborateur du groupe participe de l’élaboration de l’histoire du surréalisme : la présence de la photo dans la plaquette de consécration La Sauterelle arthritique, associée à un réseau de textes, à commencer par la préface de Paul Eluard puis la notice d’André Breton consacrée à Gisèle Prassinos dans Le Feu maniaque,[14] reprise dans Anthologie de l’Humour Noir, contribue pour une grande part à construire la réception de l’œuvre. Loin de mettre sur la voie de l’identité singulière du « qui suis-je ? », on est dans « les femmes-fantômes du surréalisme »[15] : il s’agit d’un processus habituel de pensée typologique des surréalistes à propos du féminin,[16] mais l’œuvre de Gisèle Prassinos porte un poids particulier dans le grand récit du mouvement surréaliste, associée à l’écriture automatique, au mythe de la femme-enfant et d’Alice II[17]. J’ai pu mesurer en tant que critique, l’efficacité de ce contrôle durable de la réception de l’œuvre : ainsi de la présentation du film de Fabrice Maze, « André Breton, malgré tout », illustrée par la photo célèbre de Man Ray dont la légende énumère le nom des hommes sans mentionner celui de Gisèle Prassinos devenue « accessoire, transparente, sans nom[18] ».

L’attitude des surréalistes est à l’avenant, d’une écrasante logique : quand Gisèle Prassinos revient à l’écriture par le récit d’enfance, on pourrait attendre du groupe la vindicte coutumière qui stigmatise les trahisons, pourquoi pas celle du péché majeur d’écrire des romans ? Rien cependant, aucun rappel du nom ne mentionne celle à qui « ils avaient interdit de lire pour éviter les influences[19] ». Dans une stratégie de contrôle de la réception, seul le silence a le pouvoir d’effacer la maturité d’Alice, d’éterniser la femme-enfant « cette variété si particulière qui a toujours subjugué les poètes parce que sur elle le temps n’a pas de prise[20] ». Le passage à la maturité pour tout enfant prodige est certes un seuil difficile à franchir, mais le cas de Gisèle Prassinos est « unique » pour parler en écho de la grande voix d’André Breton : « le ton de Gisèle Prassinos est unique, tous les poètes en sont jaloux… »[21]

La prise de conscience par l’artiste de l’épaisseur de discours dans laquelle l’œuvre est prise, comprise, définie et éternisée est la première étape de la rébellion, rébellion concrète, vécue avant d’être conceptualisée sous forme d’un récit de la séance de pose[22] :

« Le moment de poser pour la photographie. Il fallut prendre des attitudes très naturelles, ce qui était difficile. »

L’analyse viendra a posteriori, sous forme de jugements égrenés au cours d’entretiens[23] qui constituent en quelque sorte un contre récit historique de son rattachement « officiel » au surréalisme :

« Je n’étais pas encore lucide, mais je sentais que j’illustrais leur théorie : ils m’étaient tout à fait étrangers. C’étaient des messieurs savants qui ne s’adressaient pas vraiment à moi » (Lunes).

Se fait jour en même temps la reconnaissance d’un esprit surréaliste qui l’anime et prend source dans sa vie : « Je suis née surréaliste », « les surréalistes ne m’ont rien inculqué » (Europe).

Le surréalisme est associé à l’enfance, au compagnonnage de création avec le frère Mario dans leur famille de réfugiés grecs que domine la figure du père, érudit, peintre, ancien directeur de la revue Logos à Istanbul, avec ses tantes, sa grand-mère, sa mère morte quand elle a 7 ans :

« Famille d’exilés malheureux qui devaient travailler très dur. J’ai l’impression que nous avons voulu tous deux nous échapper de cette famille que nous adorions, mais qui parlait trop de sacrifices ». (Lunes)

L’écriture automatique ? « Je n’écrivais pas n’importe quoi… ». (Europe)

Femme-enfant ? « Je n’ai jamais compris cela, femme-enfant, ils voulaient dire « femelle-enfant, enfant de sexe féminin. Or moi, j’étais une petite fille… ». (Lunes)

La rébellion chez Gisèle Prassinos est identitaire sous le signe du clivage, entre la Gisèle Prassinos reconnue légitimement, intemporellement surréaliste et l’artiste surréaliste en devenir. Il faut ainsi considérer comme un acte de rébellion, le texte qu’elle écrit spécialement pour la rétrospective de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris : « Passage à l’acte conscient d’écrire. »[24]

C’est à ce prix sans doute que son retour à l’écriture renoue avec l’esprit surréaliste : Le Rêve[25], les nouvelles du recueil Le Cavalier[26] sont sous le signe de l’étrange, Le grand Repas est un roman surréaliste[27] dont la qualité poétique résulte d’une tension ou, dans le langage de la musique, très présente dans le roman, un mode tenu entre conscient et inconscient, entre réalité et rêve. Continuer dans la voie surréaliste, dans l’esprit surréaliste, sans être partie prenante du mouvement, ne la rapproche qu’en apparence d’autres dissidents tel André Masson qui gagne, avec la rupture, la liberté : la gageure est tout autre de trouver sa voie propre sous l’égide maintenue du mouvement constitué qui la fige à une place choisie et immuable.

Exister en tant qu’artiste exige donc dès le départ une transgression vitale, dont la portée dépasse le champ littéraire et artistique : s’engager dans la voie d’une maturité d’Alice II, c’est se situer d’emblée dans l’espace symbolique du Masculin/Féminin[28]. La rébellion soulève une question de clivage identitaire entre image reçue et individualité créatrice qui vaut certes pour toutes les femmes surréalistes engluées dans une typologie féminine, mais Gisèle Prassinos se situe à un extrême de ce clivage où la quête existentielle n’a d’autre voie de sortie, à son corps défendant, que la subversion genrée.

L’enjeu majeur du genre dans le mouvement surréaliste, avec la centralité de l’écriture automatique associée à l’éternel féminin de la femme-enfant renvoie à l’enjeu majeur du grand récit culturel qui l’englobe, où Gisèle Prassinos doit conquérir sa place d’artiste.

Cela contribue à donner, nous le verrons, une coloration très particulière, peu attendue, à cette subversion, qui pourrait être qualifiée de subversion tendre, ce qui n’empêche pas, bien au contraire, une ampleur, une portée que nous essaierons, dans un dernier temps, d’apprécier.

2– La subversion genrée.

La reconnaissance de poète en tant que femme-enfant s’inscrit dans le grand récit culturel de partition du masculin et du féminin, telle une loi « naturelle » consentie qui conditionne l’harmonie familiale. Les surréalistes qui l’ont accueillie « les messieurs savants » renvoient au prestige du père tel qu’il est évoqué dans le récit d’enfance Le Temps n’est rien par lequel elle revient à l’écriture en 1958. La partition sexuée familiale de tradition orientale, dont les traces transcendent les époques et les civilisations[29], place les hommes du côté de l’esprit tandis que les femmes se vouent au bien-être domestique, complètement investies en l’occurrence, à cause de leur situation de réfugiés, dans les tâches matérielles et notamment la couture. Le père Lysandre contribue au travail alimentaire collectif, mais il garde sa « chambre sanctuaire »[30] lieu de l’esprit et transmet naturellement l’héritage intellectuel et artistique à son fils[31].

Dès cette époque cependant, Gisèle est rebelle « sans chercher »[32] en transcendant les limites des rôles sexués qui s’évanouissent comme par enchantement dans le temps des jeux créatifs principalement avec son frère – « j’étais garçon-fille et lui, fille-garçon[33] » et aussi avec son père : monde intermédiaire dont la tonalité ne peut être aussi qu’intermédiaire, entre ferveur sans briser l’harmonie primordiale et lucidité sans perdre La vie, la Voix[34], ce qui donne à sa rébellion une coloration inattendue, en fait une subversion tendre. Elle connaît le sésame de ces espaces, l’humour, ce ton de l’intenable, rire actuel qui traite de sujets graves : au récit sacré d’enfance Le Temps n’est rien, répond presque vingt ans plus tard, le récit familial burlesque de Brelin le Frou ou le Portrait de Famille[35], illustré d’une série de 12 dessins et tentures[36].

C’est cette création qui, selon les propos mêmes de Gisèle Prassinos, donne l’impulsion nécessaire à la continuation de l’œuvre, au-delà de la vague romanesque et poétique qui suit Le Temps n’est rien[37]. Viennent alors vingt années d’écriture de poèmes et d’« artisanat », selon sa propre appellation : œuvre à deux faces, une poétique, grave, de recherche du temps perdu[38] et une ludique, jouissive, de tentures-tableaux en feutrine et bonshommes en bois. Elle reviendra ensuite à la nouvelle[39] et finalement au dessin. C’est le geste créatif qui transforme les choses, trouve un chemin de rébellion, continuer à créer dans sa maturité en restant fidèle à son surréalisme d’enfance : l’œuvre en effet donne, à voir et à lire, l’élaboration de l’artiste « idéal »[40] depuis le surréalisme originaire des plaquettes et notamment de Calamités des origines, livre d’artiste fait avec Mario jusqu’au surréalisme original de Brelin le frou, l’artiste tel qu’elle l’écrit, le dessine et le coud à la fin du livre[41], artiste affranchi des limites identitaires génériques au double sens de genre littéraire et gender. L’artiste idéal est à lui-même son propre tableau, enfoui dans une de ces robes évocatrices du Moyen-Orient de coupe sobre aux manches en « ailes d’oiseaux » aux motifs ornementaux géométriques lisibles comme une autobiographie tel que tout peintre le cherche derrière le miroir : au-delà des déterminismes sociaux et psychiques de « son montage constitutionnel [42]». les signes arborent les associations rêvées, « idéales », tels les emblèmes sexuels mâles coexistant avec les symboles féminins du triangle pubien peut-être en guise de barbe et la corne de bovidé des déesses antiques, symbole de fertilité.

Or Brelin, artiste des « tentures-tableaux » – en abyme de l’artiste Gisèle Prassinos, qui signe GP les tentures de Brelin – est manifestement rebelle du surréalisme, dans un double sens : rebelle d’abord contre le silence du mouvement officiel, en restant fidèle à la source des jeux insolents de l’enfance du surréalisme de l’œuvre ; rebelle ensuite du surréalisme même, au niveau de « l’essor de la pensée »[43] dans le déploiement des tentures-tableaux, notamment ceux que j’ai rassemblés dans La Bible surréaliste de Gisèle Prassinos[44].

Brelin le Frou correspond à ce premier temps de la rébellion que l’on peut appeler paradoxalement, de continuité, avec l’esprit surréaliste de son histoire propre d’artiste, son histoire familiale. Brelin rebelle, mais sans guerre, sans bellum, soucieux-soucieuse du lien, allergique à la rupture, inspire une recomposition du Portrait de famille, sous-titre de Brelin le Frou.

Au départ, il y a une image automatique, comme le premier vers du poème que Gisèle Prassinos trouve en marchant : dans cette image, elle découvre un savant et entreprend de raconter sa vie. La narratrice se présente dans la préface comme en « voyage d’études » en « Frubie Ost situé entre la Bronze septentrionale et l’Hure orientale[45] » elle découvre à l’illustre Bersky, le savant, un frère aîné, artiste, le frou « vieillard entre 90 et 95 ans[46] » qui va consacrer sa vie à fixer l’histoire familiale en fabriquant des tentures-tableaux dont la signature GP fait écho à la signature de la narratrice ethnologue et au nom de l’autrice du livre Gisèle Prassinos : jeu de masques posés sur le visage à deux faces de Gisèle Prassinos, du côté de l’image et du côté du texte, association qu’elle pratique depuis ses débuts.[47] Dans Brelin le Frou, la symbiose baroque fondée sur le déguisement et la métamorphose, produit la recomposition en images et en mots du portrait familial[48]. L humour appuyé par la note[49] en souligne globalement l’aspect soudé et sexué à partir de la disproportion de la stature du père et celle de la mère toute petite.

L’exécution des tentures est accomplie en réalité, en surréalité par l’artiste idéal au-delà des clivages. Le livre ouvre un chemin d’hybridation que seul l’humour peut maintenir grâce à la parodie : tableaux promus chef d’œuvres effectivement inscrits dans leur facture dans la grande tradition picturale, depuis le dessin préalable reproduit par l’éditeur dont les proportions traduisent un souci manifeste de composition jusqu’au choix des couleurs et des matières, fusion du peintre et du tapissier, bien distincts dans la carrière de Mario qui a si continûment peint des cartons destinés à la reproduction en tapisserie. La transgression majeure est l’audace d’allier ce genre éminemment pictural au cousu vestimentaire, sans égard pour la frontière entre art et artisanat : en effet les formes découpées dans un tissu coloré, feutrine choisie pour sa qualité de couleur et assemblées, voire rebrodées, l’aiguille à la main, évoquent les patrons utilisés pour la confection des robes dont les femmes ont toujours fait un lieu d’expression personnelle et de créativité[50] et qui fournira le style de vêtement, source de l’unité de l’ensemble des tableaux cousus. Monde suspendu au propre et au figuré entre travail de peintre et travail de la couturière, entre le monde des hommes et le monde des femmes de son enfance. La surface de l’œuvre, le matériau même du tissu est en soi une véritable interrogation identitaire qui porte sur la dialectique du visible et de l’invisible, de la surface de l’œuvre et du moi profond, sorte de « peau du tableau »[51] comme métonymie du moi de l’artiste rompant avec la solution institutionnalisée de la matière comme peinture et couleur.

La liberté transgressive de Brelin peut désormais déboucher sur la Révolution surréaliste, celle de la fameuse « écolière » plus « ambiguë » que jamais, Gisèle Prassinos.

3– De la rébellion à la révolution

Au terme de ce parcours s’impose à nouveau la couverture de « La Révolution surréaliste » avec la figure de l’écolière en tablier noir, assise devant un pupitre, munie d’un porte-plume et prête à écrire sur un cahier ouvert, effrontément maquillée et coiffée à la garçonne, le point sur la hanche et les genoux relevés le plus haut possible en appui sur un tabouret. En palimpseste apparaît l’image photographique de la petite fille à l’allure modeste, Gisèle Prassinos, devant le groupe initiateur de cette « révolution surréaliste », les yeux baissés sur son texte et dont le point commun avec l’« écolière » est le col Claudine dont elle habillait encore ses poupées au moment de la photo, décliné par les tantes en ce large col blanc ornant la robe confectionnée pour l’occasion. Une nouvelle métamorphose s’opère, inattendue, avec toute la charge énigmatique de l’autoportrait, celle du « Portrait idéal de l’artiste », Brelin.

Au terme de ce chemin transgressif, nous trouvons, associée à l’image de « l’écolière ambiguë » alias Gisèle Prassinos, alias Brelin, non pas l’écriture automatique, vision réductrice d’ailleurs a posteriori du mouvement surréaliste, mais bel et bien la Révolution surréaliste, titre principal désormais lié à la révolution silencieuse, individuelle de l’artiste. Passer de la rébellion à la révolution, n’est-ce pas, non pas casser, détruire, selon l’acception d’ordre émotionnel qui lui est habituellement attachée, mais avant tout poser des questions fondamentales au sens propre, à savoir sur les fondements mêmes de l’ordre, en l’occurrence de l’ordre sexué, au niveau symbolique ? En parodiant Duchamp, ce que nous allons examiner pourrait s’intituler la « Mise à nu par l’écolière ambiguë du surréalisme, même » : par le franchissement en Brelin du cloisonnement identitaire le plus ancré, celui du genre, l’« écolière » en devenir peut dorénavant recomposer le substrat culturel et sacré des grandes figures parentales ressassées de la peinture d’histoire et opérer ainsi la mutation de notre espace symbolique. Quand on demandait à Gisèle Prassinos de quand datait la période des tentures-tableaux, elle disait spontanément, en dépit de l’exacte chronologie, « de Brelin ».[52]

Il suffit pour faire apparaître la transfiguration de notre imaginaire dans la production de vingt années, de regrouper dans les tentures d’inspiration biblique qui en constituent plus de la moitié[53], les Pères, Patriarches, Prophètes, la Mère et son antonyme, la Prostituée. Le Fils et le Saint-Esprit, ainsi que les Frères et Sœurs qui témoignent (sens propre du mot « martyr ») de la famille divine, la légende dorée des saints.[54]

Un climat de tendresse moqueuse marque ces images saintes respectueuses des Écritures ou de la Légende Dorée. Les titres y renvoient expressément : « Noë ivre et nu surpris par son fils Cham [55]», « Abraham conduisant Isaac au sacrifice [56]», « Le petit Isaac entre Abraham et Sarah âgée de 100 ans [57]»… Pourtant sous des dehors inoffensifs, c’est d’une réécriture de la Bible, procédé en faveur chez les surréalistes, qu’il s’agit. Brelin est bel et bien là dans la facture des tentures. Il était censé recopier dans Brelin le Frou pour confectionner le « Portrait de famille », une image existante, celle de l’album de famille. Ici il recopie les images saintes. « Imitation » est d’ailleurs le titre d’un des Rois[58]. Il le fait avec le même souci affiché de fidélité et le même résultat : un gauchissement subtil du modèle. Le pastiche procède d’une autocritique : il porte sur le mouvement même de la sacralisation, sur l’attitude hagiographique qui est celle au même moment du poète Gisèle Prassinos célébrant au fil de ses recueils de poèmes, l’épiphanie de son monde originel, la légende dorée familiale qui met le frère et le père sur un piédestal. Peut-être est-ce la raison de la similitude du bras démesuré du premier père en date des tentures « Saint François d’Assise », et du Père du « Portrait de Famille » dans Brelin le Frou.

L’effet perturbateur sur la stature du Père est tout de suite sensible : Noë, Abraham, Moïse, David, sont des figures écrasantes dont le poids dans la famille sacrée soudain s’allège. Il est impossible ici d’analyser chaque image : celle de « Moïse attendant d’être sauvé des eaux[59] » en bébé fessu, mais cornu, au regard sévère, donne la mesure de la dérision amusée de l’autorité infligée à tous.

Choisir la lettre avant l’esprit, c’est sans doute là qu’est l’hérésie la plus manifeste. Les titres jouent de cette littéralité, se contentant de détailler ou de suspendre, sans jamais les contester, des séquences immuables : « le petit Isaac entre Abraham et Sarah âgés de 100 ans » « Le vieux roi David, couvert d’habits pour se réchauffer. La Vierge Abisag assise sur ses genoux est aussi chargée de le réchauffer[60]. » Dans « Noë ivre et nu surpris par son fils Cham[61] », l’humour s’empare de la terreur sacrée devant la nudité du Père découverte par Cham : Noë n’est pas endormi, contrairement à la tradition iconographique, il n’en est que plus manifestement et surtout plus comiquement ivre, dansant, tel Bacchus, dans les feuilles de vigne, sous le regard effaré du fils.

Certes, l’automatisme est loin, l’artiste ne renie pas son retour « à l’acte conscient », mais le hasard n’a pas perdu ses droits : ni dans « le mot-pion » ni dans « l’objet pion, forme ou couleur » que Gisèle Prassinos associe librement, comme elle l’écrit dans une lettre de l’époque à son ami de jeunesse Jean Jacques. Au départ, c’est toujours la « phrase qui cogne à la vitre » d’André Breton : le premier vers du poème qu’elle trouve en se promenant, les crochets découverts au rayon bricolage du BHV qui constitueront la barbe de « Hueïd »[62] ou un passage de l’Écriture, source d’une tenture.

Les mots sont respectés comme les objets avec une existence propre : on les accueille comme tels au lieu de les dissoudre dans leur signification. Bien au contraire, ils vont générer des rapports nouveaux. La réécriture de la Bible par les tentures assemble mots et images en une syntaxe inattendue – la composition est primordiale pour G.P. – en un texte nouveau à déchiffrer. Les tentures paraissent innocentes jusqu’au moment où le sourire amusé se mue en enquête : il y a bien une épée dans l’histoire de Salomé, mais l’épée de Judith la justicière mise en exergue dans un cartouche perturbe « le regardeur »[63]. Le pouvoir de captation des images est bien en fait pouvoir d’associations insolites. Les signes reconnaissables, orthodoxes, voisinent avec d’autres qui puisent à des sources diverses plus ou moins identifiables : source de l’art médiéval des images pieuses, des sculptures et peintures d’églises certes, mais aussi source byzantine des icônes aux yeux immenses, aux traits stylisés, aux longues robes rigides brodées de galons ; sources africaines totémiques, amérindiennes des Kachina… Le spectateur est libre de ses analogies dans cet accueil universaliste de formes de spiritualité. D’autres sources plus lointaines émergent du mouvement ainsi amorcé de la réminiscence. Une observation de l’ensemble dégage des constantes d’une cohésion troublante : il y a d’abord le recours fréquent pour les fonds aux montagnes, collines, tertres aux formes arrondies, couvertes d’arbres et de fleurs, parsemées de maisons enfantines, sillonnées de chemins ou de cultures : la rotondité — fertilité de la terre est bien là dessinée de façon naïve, un pôle féminin de la Création qui entre visiblement en écho d’Elizabeth et Marie dans la scène de leur rencontre, parturientes comme le paysage derrière elles. La présence fréquente de l’eau depuis le « Saint François d’Assise[64] » où la mer apparaît contre toute attente derrière la colline, tout un bestiaire, les motifs ornementaux des tuniques, chevrons, losanges, traits parallèles, sont autant de symboles occultés, mais non oubliés, particulièrement à travers la culture grecque, d’une cosmogonie archaïque surgie des découvertes de la paléoanthropologie comme du regain d’intérêt dont elle a bénéficié dans les années d’effervescence féministe, celle de La Déesse-Mère ou plutôt Mère-Ancêtre[65].

GP retrouve sans peine cette mémoire dans la culture dont elle est imprégnée et qui rejaillit si nettement du fond de son passé. L’association la plus subtile consiste à utiliser les motifs ornementaux récurrents des tuniques à la manière byzantine. Deux catégories de formes associées à la Déesse Ancêtre se répètent : les traits parallèles, chevrons, dessins labyrinthiques, losanges, esses significatifs de l’eau et le croissant, la croix, la corne, l’œuf en rapport avec la naissance et la croissance. Ils ornent impunément la robe des patriarches et des saints. Le processus d’association bouleverse les relations fondamentales entre les membres de la Sainte Famille. Les tentures, les unes après les autres, jouent de cet éventail symbolique où un bestiaire familier retrouve son ambiguïté : non seulement l’oiseau et notamment la colombe, mais aussi le poisson, le lion, autant de figures attachées à la divinité féminine qui ont survécu dans la mythologie grecque. Ces symboles ambivalents, non exclusifs, signifiant le féminin et son contraire vont à rebours de la loi symbolique de séparation et de hiérarchie qui commande de tout temps les relations du Portrait de Famille. Force ambivalente ignorante de la Différence des Sexes et conforme à la cosmogonie de l’enfance.

Pour rire, la Bible dans les tentures raconte en images une histoire étonnante.

Notre Père a beau étaler les marques de sa puissance, il n’est plus seul à imposer sa Loi. Une force venue du fond des temps, temps personnel, temps collectif, surgit à ses côtés : force de Vie terrestre et maternelle à rebours de la transcendance et de la hiérarchie des sexes. Les deux principes existent côte à côte dans les tentures, souvent ambigus. La complémentarité et la réversibilité suppriment toute hiérarchie. Les tentures surtout jettent le doute sur la guerre gravée dans les scènes fondatrices de l’identité sexuelle. Le dialogue muet de Salomé et de saint Jean qui se regardent contre toute tradition iconographique, le geste suspendu de Dalila mettent à distance leur culpabilité éternelle.

Dissemblances et ressemblances entre le masculin et le féminin désormais peuvent se nouer et se dénouer dans le jeu éternel du Désir et de la Loi. Loin de substituer la Déesse au Dieu triomphant, propos d’un féministe réducteur absolument étranger à l’artiste, une cosmologie des origines recompose l’harmonie de notre paysage humain, animal, végétal. L’image, dans sa vocation traditionnelle de traduction et commentaire de l’Écriture, transforme le récit biblique. Brelin, peintre pastiche, a retrouvé en somme le chemin de l’imaginaire de l’enfance où il prend naissance, dans le dépassement masculin — féminin du « désaccord » intérieur.

« Le désaccord existe entre moi et moi seul », murmurait le personnage fantôme du Grand Repas, double d’un narrateur d’âge et de sexe indéterminé.

S’il y a une vocation du surréalisme, c’est bien celle de faire bouger les frontières des catégories essentielles de la pensée. Il est bien de l’ordre du hasard objectif que ce soit l’écolière ambiguë de « La Révolution surréaliste » alias Alice II alias Brelin qui trouve le moyen le plus radical et le plus ludique d’accomplir jusqu’au bout la révolution surréaliste en touchant à l’ordre symbolique de clivage et de hiérarchie masculin/féminin. « Le point sublime » est bien ce point de vue où la réalité subjective de l’artiste, l’évidence vécue, vitale, merveilleuse du double à la fois semblable et différent, le frère Mario, rejoint l’universel. L’harmonie du paradis d’enfance n’est pas régression, mais corrige symboliquement la valence différentielle, pour reprendre le mot de Françoise Héritier, qui sépare les sexes, en remontant à leur source, le modèle sacré.

Dès lors le regard de « l’écolière » redevenue sujet nous amène à interroger, avec si possible plus d’acuité, ce point aveugle du Second Manifeste du Surréalisme sur le couple manquant des « vieilles antinomies » à dépasser : celui des contraires Masculin/Féminin. Certes, bousculer explicitement la pensée de la dichotomie du genre à l’époque du Second Manifeste, c’était aller à l’encontre de la psychanalyse naissante et de sa vision de la construction psychique hiérarchisée de la sexuation, prolongeant toute une tradition philosophique et religieuse où la femme a une place spécifique et seconde. Aujourd’hui, la problématique du genre permet de voir le décalage épistémologique entre l’objectif recherché du surréalisme, « l’essor de la pensée » et le mode de découverte que révèle la reconnaissance de Gisèle Prassinos : il se fait jour une contradiction majeure dans la démarche conceptuelle affichée du Second manifeste.

De l’allégorie à la photo de Gisèle Prassinos, c’est tout le passage de l’idée à la réalité extérieure : la photo entre dans la stratégie d’André Breton[66] pour réconcilier l’idéalisme des débuts et le matérialisme des années 30. C’est le temps de la production théorique de l’objectivation quand la science est désormais appelée à remplir le rôle d’une légitimation des théories surréalistes. André Breton accordait un grand prix à l’ouvrage de Bachelard Le Nouvel esprit scientifique (1934), et à celui d’Henri Poincaré La valeur de la science (1906) qu’il recommande à Jacques Doucet pour son projet de bibliothèque. L’objectif photographique capte le surgissement de l’être dans la ligne des photos spirites qui tentent à la fin du XIXe de fixer sur la plaque « les émanations de la pensée, les rêves, les images mentales »[67]. La photo est le processus même de l’éclair de la pensée consciente que Breton déplace avec la psychanalyse à la pensée inconsciente dans un « surrationalisme », terme de Bachelard utilisé par André Breton[68] C’est dans cet esprit d’accès à l’objectivité que s’inscrit la photo de la rencontre de Gisèle Prassinos et du groupe surréaliste en 1934 : l’introduction du regard observateur collectif, qui est la grande différence par rapport à la photo allégorique de 1927, et sa mise en scène entre la première et la deuxième prise, relèvent d’une ontologie naturaliste, voire surnaturaliste. La photo est le médium privilégié du « monde objectif[69] » qui naît sur la pulsion de la science moderne aux alentours du XVIIe siècle en Europe, monde matériel qui inclut par ses caractères physiques l’être qui le contemple, mais s’en différencie par l’intériorité exclusivement humaine de la conscience. Le Centre de Recherches sur le surréalisme[70] s’est interrogé sur les rapports du surréalisme et du baroque concomitant à l’émergence de l’astronomie : selon Jean-Claude Vuillemin, la lunette astronomique pointée vers le monde depuis Copernic ruine la dichotomie entre un monde engendré intelligible et un monde sublunaire hors d’atteinte qui formait un univers clos et ordonné gouverné par les analogies. Le regard libéré scrute désormais les lois mystérieuses et invisibles qui régissent une réalité à décrypter, sujette à l’illusion d’optique, invitant l’œil à se décentrer pour saisir le caché comme dans l’anamorphose ou la recherche de l’ambiguïté des formes si fréquente dans la peinture surréaliste[71].

La « Femme-enfant » s’insère parfaitement dans ce puzzle épistémologique comme notion issue du discours scientifique freudien dans la ligne d’un savoir médical constitué à partir des études sur l’hystérie de Charcot[72]. Fritz Wittels, psychanalyste né à Vienne contemporain et disciple de Freud, redécouvert par Edward Timms[73] est un des membres de la société psychanalytique de Vienne et le premier biographe de Freud. Ses mémoires personnels écrits à New York dans les années 40 relégués dans l’ombre « révèlent que durant la première décennie du XXe siècle, les recherches de la Société psychanalytiques de Vienne portèrent directement sur le demi-monde viennois dont, celle, et non la moindre, relatives aux cultes érotiques discutables qui entouraient la « femme-enfant », Irma Karczewska [74]». « La femme-enfant » est le titre d’un article de Wittels lu à Freud en privé et présenté à la Société psychanalytique puis publié dans le magazine de Karl Kraus « Le Flambeau » : Wittels dit utiliser le cadre freudien de l’enfance « perverse et polymorphe » développé dans Trois essais sur la théorie sexuelle (1905). « Elle avait été “perverse polymorphe” comme l’est un petit enfant et n’avait jamais développé d’inhibitions culturelles d’aucune sorte[75] ».

Quid dans ces conditions de la « surréalité » avant-gardiste de la photo ? Elle est évidemment du côté de ce que suggère le regard enchanté des témoins : une dimension inconnue et vertigineuse de la réalité. Mais si les sujets masculins peuvent à travers un être féminin de chair et d’os contempler l’entité de l’écriture automatique auquel il est censé renvoyer, c’est qu’ils le perçoivent sur un mode analogique, antinomique de celui qu’ils recherchent, le mode scientifique : que la femme soit dans le surréalisme le médium sacré, non individualisé, de l’univers, contrairement à l’homme, sujet agissant et autonome, correspond à une cosmologie traditionnelle inséparable de pratiques sociales, le tandem nature/culture associé au rapport féminin/masculin. Il est aisé de superposer à l’image de la rencontre de la jeune Gisèle Prassinos, celle du célèbre tableau d’André Brouillet « Une leçon clinique à La Salpêtrière[76]». La psychanalyse prend le relais de cette approche analogique avec la notion de « continent noir », de développement psychique du sujet féminin qui reste en deçà du symbolique, aboutissant au fameux « la femme n’existe pas » de Lacan : la « femme-enfant » procède d’un des grands récits, en l’occurrence la construction culturelle philosophique, religieuse et artistique, du genre féminin du côté de l’absence de maîtrise et de la nature par opposition au masculin porteur de la civilisation[77]. La vision analogiste en fait le paradigme d’épiphanies réelles et imaginaires égrenées par André Breton dans sa notice de l’Anthologie de l’Humour noir – la Reine Mab, la « jeune chimère » de Max Ernst, « l’écolière ambiguë » – et Gérard Legrand à sa suite[78] : Bettina Von Arnim, Violette Nozières, la Juliette de Shakespeare célébrée par les romantiques allemands, la Poupée de Bellmer et la Melusine d’Arcane 17.

Tout se passe finalement comme si le lien entre le principe de pensée subversif de l’avant-garde surréaliste, capable de satisfaire à la grande ambition surréaliste de redonner à l’esprit « l’accès aux choses », l’écriture automatique, et le genre essentialisé – la femme-enfant – tenait lieu de verrou à la structure cognitive archaïque issue, selon Françoise Héritier de « l’observation liminaire de l’étonnante et fondamentale différence sexuée [79]».

Mais que signifierait faire sauter ce verrou ? Quel « essor de la pensée » laisserait entrevoir le dépassement des contraires sexués dans la forme-sens de l’œuvre de l’artiste ? Il ne s’agirait plus d’opposer l’attitude d’André Breton attaché à l’éternel féminin à d’autres « qui auraient défendu un concept du genre ouvert, fluctuant, non-essentialiste. »[80] mais bien de remettre en cause l’implication du « masculin » et « féminin » dans les traits de la « machine individu [81]». Ce que « l’écolière ambiguë » alias Gisèle Prassinos, alias GP, alias Brelin mettrait finalement en cause, c’est la sexuation du monisme surréaliste. « L’écolière ambiguë » nous mènerait aux confins de notre monde, soulèverait le voile sur un paysage inconnu et surtout sur le non-dit dans le symbolique par excellence qu’est le langage.

Mise à nu par l’écolière ambiguë du monisme surréaliste, même ?

La démarche hégélienne du surréalisme vise à dépasser les aspects contradictoires de la réalité en un résultat synthétique jusqu’à ce que l’Esprit souverain mette fin à l’errance philosophique. Le concept de genre éclaire l’ordre symbolique sexué qui sous-tend ce parcours considéré comme civilisateur : le « point sublime » visé consacre l’aboutissement d’une tradition humaniste de la primauté de l’esprit, des pouvoirs de la pensée qui recoupe la distinction masculin/féminin, arrogeant aux hommes de façon exclusive, en philosophie comme en religion, les plus hautes capacités spirituelles. Le monisme, en d’autres termes, est sexué. Masculin/féminin sont les piliers symboliques de la tradition humaniste comme de la théorie freudienne : la logique dialectique du surréalisme reste dans cette tradition en prônant conformément à l’Éros platonicien, le mythe de l’Androgyne, de l’ordre de la réversibilité complémentaire masculin/féminin,

Le surréalisme est particulièrement significatif du point aveugle du sublime hégélien, bien loin de remettre en cause les catégories symboliques en matière de sexe, comme si la pensée en mouvement avait besoin de réassurer sa base axiomatique. Le hasard objectif a voulu que ce soit l’incarnation du féminin éternellement immature, « l’écolière ambiguë » en chair et en os, Gisèle Prassinos, qui s’attaque à la source symbolique de ces « éternités différentes de l’homme et de la femme [82]» à travers les représentations qui les perpétuent. Le point culminant en est sa version des Trinités, Père/Fils/Saint/Esprit où se joue le monopole masculin de l’esprit à l’œuvre dans le monisme surréaliste hégélien.

C’est à l’Esprit qu’aboutit le Verbe sacré, c’est à l’Esprit qu’aboutit Hegel comme achèvement du mouvement de la philosophie, c’est la « victoire de la vie de l’esprit sur la vie sensorielle »[83] corroborée par l’instauration de la prééminence du père sur la mère, que prône l’enseignement freudien puis lacanien dans la marche civilisatrice.

C’est à ce fondement culturel imaginaire de sexuation que se trouvent les deux Trinités de Gisèle Prassinos, « Grande » et « Petite Trinité »[84] selon le respect parodique des codes de la peinture en rapport avec la dimension des tableaux.

Dans la « Grande Trinité », Fils et Père côte à côte sont surmontés et liés par l’Esprit saint, dans la « Petite », le Fils est sur les épaules du Père, l’un procédant de l’autre, selon les deux représentations canoniques, occidentale et orientale. Les trois personnes sont reconnaissables, carrées pour le Père et le Fils, soudées ô combien, inséparables ? Pourtant… Les surmontant, le Saint-Esprit certes oiseau, est une colombe bien curieuse, tenant du pélican avec un bec démesuré, un plumage semblable aux pétales fleurs de la branche fertile sur laquelle elle est installée, branche perpendiculaire aux deux branches rigides et nues qui sortent chacune de la tête du Père et du Fils. Dans la « Petite Trinité », le même oiseau coiffe un totem Père-Fils déguisé en Indien évoquant ce qui a été confirmé par les dessins faits par GP pour l’édition de luxe de la Bible surréaliste[85], l’engouement du frère et de la sœur pour le jeu des Peaux-Rouges au temps de l’enfance. Voilà que l’orthodoxie affichée devient énigme : le cocasse volatile surmonte l’entité père-fils d’un accent différent aux connotations problématiques qui rejaillissent sur le dogme de la filiation sacrée affranchie du maternel originaire à savoir que la chair procède du saint–esprit dont les deux volets sont la virginité de Marie et l’identité Père-Fils. Ici Père et Fils paraissent finalement le support du symbole le plus ambigu de la chrétienté, l’oiseau représenté en lien avec la fertilité, une des principales épiphanies de la Déesse archaïque, porteur de l’œuf cosmique consacré à Vénus dans la mythologie antique.

Il ne s’agit pas d’affirmation tranchée, surtout pas idéologique, mais de jeter le doute sur la transmission canoniquement masculine du pneuma ou du phallus. Gisèle Prassinos trouble ainsi avec humour le fondement symbolique du clivage entre les sexes. Si le même n’était pas si résolument sexué, l’autre n’apparaîtrait pas dans sa différence irréductible. Qu’il y ait du même dans l’autre, c’est la leçon de sa « Salomé et la tête de Saint-Jean » et de bien d’autres réécritures de la Bible[86]. L’évidence vécue de Gisèle Prassinos, du phénomène du double à la fois semblable et différent, son frère peintre Mario, n’inspire pas dans ses tentures, un retour enfantin à l’indétermination originelle, mais à l’opposé une démarche d’artiste d’accès à l’esprit d’enfance selon Jean François Lyotard[87], non pas infantile, mais authentiquement enfantin, état qui persiste chez l’adulte, fait d’interrogation face au monde opaque où on est jeté à la naissance et où alors, les réponses, les significations ne peuvent être données que par l’autre, mère, père, personnes de l’entourage, dans une situation de foncière dépendance et de dette. Avant tout les tentures bibliques questionnent le monde sexué en suscitant l’étonnement.

En dernier lieu, quelle question muette poseraient-elles à la pensée, au « Point sublime » du dépassement des catégories sexuées ? Selon Slavoj Zizek[88], menée à son terme, la dialectique dépouillerait de contenu les antinomies, faisant apparaître l’essence du fonctionnement symbolique humain au-delà du genre, fondé sur le manque, l’absence de l’objet que le mouvement dialectique repousse sans fin, objet de quête qui échappera toujours, comme dans le paradoxe de Zénon concernant Achille et la tortue. Hegel consacre le mouvement de l’esprit qui constitue son objet, ainsi de l’humanité fondée sur la dialectique de la différence sexuelle qui confère à l’altérité, un contenu féminin alors que l’altérité pure a pour corrélatif le vide et non plus « quelque — chose — d’autre »[89]. L’altérité pure n’est plus la femme saisie comme « relation de l’Un et du vide sous la forme d’une coexistence extérieure »[90] en tant que signifié du manque, « môme néant » [91]éloignée de la maîtrise, sujet non dans le sens moderne d’agent, mais sujet assujetti au manque inhérent au langage, éternellement castré sauf à chercher à être comblé : la fameuse envie du pénis en est une formulation désuète qui fait sourire et dont pourtant le principe est toujours en vigueur. La Bible surréaliste de Gisèle Prassinos débouche sur une question vertigineuse, celle qui fait si peur dans les discussions sur le genre, humour noir sous humour rose : la marche de la pensée ne s’arc-boute plus sur la différence absolue masculin/féminin, mais sur le vide, dans un dépassement créatif sans fin de l’humain au-delà de la bisexualité psychique, au-delà du « bi » de la différence des sexes.

La conclusion à laquelle aboutit cette réflexion[92] aurait suscité l’humour de Gisèle si elle avait pu l’entendre et témoignerait de la force parodique transmise par son œuvre : au sujet de la question si prégnante du Masculin/Féminin aujourd’hui, disons, en écho de Malraux, que « le 21e siècle sera surréaliste ou ne sera pas », en redonnant à « surréalisme », comme l’a fait « l’écolière ambiguë », tout son sens libérateur : celui d’une bonne nouvelle, jouissive, du côté de la vie et de la couleur, à l’image d’une œuvre impensée par le groupe d’André Breton, l’œuvre de maturité d’Alice II, quand le devenir artiste exige la rébellion genrée à la fois contre le mouvement surréaliste qui la fige dans l’éternité et contre l’ordre culturel sexué familial où la légitimité de créer revient au frère.

Cette rébellion cependant d’une tonalité inusitée, tendre, ne confond pas les êtres avec les idées qui les meuvent malgré eux, qu’elle définit en « imitant » le discours savant, ethnologique et psychanalytique, comme conditionnement par « les stimuli objectifs familiaux et culturels infusés » dont « dépendront les réactions spéciales intégrées de la machine individu[93]. » La démarche révolutionnaire proprement surréaliste de « l’écolière ambiguë », une fois sortie de son cadre, est, dans l’esprit d’enfance retrouvé, de débusquer le « stimulus » majeur du conditionnement, la différence sexuée. L’œuvre va, sur le mode ludique, au-delà ou en deçà de la question d’échanges, de pluralités ou d’ambiguïté d’identités sexuelles, jusqu’à sa source, l’ordre symbolique sacré de partition Masculin/Féminin, de clivage et hiérarchie, socle du monisme hégélien de marche civilisatrice vers l’esprit du côté de l’Homme, capable de s’arracher au féminin de la matière et de la nature au profit de la culture.

Le « point sublime », qui remettrait en cause dans la pensée les antinomies sexuées, ouvrirait sans doute un bouleversement de l’espace symbolique qui exigerait de modifier l’espace symbolique par excellence qu’est le langage : notamment les mots masculin et féminin qui attachent les traits partagés par les humains – passivité/activité, nature/culture, esprit/corps – au seul caractère biologique. Affaire de symbolique qui doit aboutir à dissocier masculin et féminin d’invariants et ainsi de substituer à la différence des sexes le « différend des sexes[94] », dans un rapport mouvant de ressemblances et différences. Après tout puisque le surréalisme ne désavouait pas l’essor scientifique, nous sommes bien à l’ère quantique.


[1] Lettre de Mario à Henri Parisot du 26 sept. 1934 exposée à la BHVP pour la rétrospective « Le monde suspendu de Gisèle Prassinos », 13 mars-3mai 1998, d’après le livre du même titre (Annie Richard, H.B. éditions, 1997).

[2] Entretien Gisèle Prassinos – Annie Richard, Lunes n° 5, octobre 1998.

[3] En témoignent les nombreuses reliures d’art présentes dans l‘exposition « Le monde suspendu de Gisèle Prassinos » citée note 1.

[4] Ibid. note 2.

[5] L’écriture automatique est définie en 1921, à l’occasion de l’exposition « Dada Max Ernst » au Sans Pareil, 37 avenue Kleber, Paris, comme « véritable photographie de la pensée ».

[6] Voir déf. D’Henri Behar in « Merveilleux et surréalisme », Mélusine n°XX, actes décade Cerisy la Salle (2-12 août 1999), p. 15-29.

[7] André Breton, Anthologie de l’Humour Noir, Ed.Sagittaire 1939, censuré et republié par Pauvert, 1966.

[8] Photo exposée à la BHVP pour « Le monde suspendu de Gisèle Prassinos » cit. note 1.

[9] « Salomé ou les avatars de la femme-enfant », La Femme s’entête. Paris, Lachenal et Ritter, coll. « Pleine Marge », 1998, p. 187-200. Actes colloque « La part du Féminin dans le surréalisme », Centre international de Cerisy La Salle, août 1997.

[10] Régis Durand, Pour la photographie, actes colloque de Venise 1983, Université Paris VIII, Ed. Germs.

[11] Présentation de Elza Adamowicz, Henri Behar et Virginie Pouzer-Duser de Mélusine XXXVI, « Masculin/Féminin. Le surréalisme au Japon », 2016, p. 14 et note1.

[12] Séminaire du Centre de Recherches sur le surréalisme, 2004, Nathalie Limat-Letellier, Emmanuel Rubio, Maryse Vassevieyre. Annie Richard « L’entrée en surréalisme à l’épreuve de la photographie : Gisèle Prassinos », L’entrée en surréalisme, Paris, Phénix Éditions, 2004, p.173-186.

[13] Tableaux de Salvador Dali : « Le Monument impérial de la femme-enfant, Gala, (fantaisie utopique) », 1929 et « Mémoire de la Femme-Enfant », 1932.

[14] Aux dépens de Robert Godet, 1939.

[15] Georgiana Colvile in L « entrée en surréalisme, op.cit. p. 155.

[16] Voir notamment “La femme surréaliste”, Obliques 1977 et Leonora Carrington homologuée comme sorcière dans la deuxième édition de l’Anthologie de l’Humour noir.

[17] Dictionnaire abrégé du surréalisme. (Exposition de la Galerie des Beaux-arts à Paris, 1938) : Prassinos (Gisèle) née e 1920, “Alice II” poète surréaliste.

[18] Annie Richard, « Pour Gisèle Prassinos », Courrier des lecteurs paru dans Le Monde, 19-04-03.

[19] « Rencontre avec Gisèle Prassinos », Europe, Paris, janv.-février 1994, p. 159-163.

[20] Citation de Gérard Legrand avec la mention « souligné par A.B », « À propos de la femme-enfant : contribution à une typologie de la femme surréaliste », Obliques, 14-15, 1977, p. 11.

[21] Notice Anthologie de l’Humour noir. Op.cit.

[22]Avant Propos du Rêve, éditions de la revue Fontaine, 1947.

[23] Europe numéro consacré à Pierre Reverdy, janv.-févr. 1994, op. cit.

et “Gisèle Prassinos. Une artiste au-delà du clivage entre masculin et féminin”, propos recueillis par Annie Richard », Lunes, Paris, n° 5, octobre 1998, p. 42-49.

[24] Manuscrit relié par Annie Boige. Texte inaugurant le retour à l’écriture en 1958.

[25] Éditions de la Revue Fontaine, 1947.

[26] Plon, 1961.

[27] Grasset, 1966, Annie Richard « Le Grand Repas, roman surréaliste », Mélusine, Lausanne, Éditions L’Âge d’Homme, n° XVI, 1997, p.353- 363.

[28] Mélusine XXXVI, op.cit.

[29] Cette question de la place des femmes du côté du corps, de la matière et des hommes du côté de l’esprit, est l’objet de mon dernier livre M (m) ère. Auto-essai, (L’Harmattan, 2015) tant la fréquentation de l’œuvre de Gisèle Prassinos a été pour moi une source de réflexion continue.

[30] Le Temps n’est rien, op. cit.

[31] Annie Richard : « Père-Fils, le monopole spirituel en héritage chez les Prassinos », Bahitat, Lebanese Association of women researchers, Volume XII, 2006-2007.

[32] Titre du recueil de textes, « L’âge d’Or », dirigé par Henri Parisot, Flammarion, 1976.

[33] Propos recueilli lors de la préparation de l’exposition « Le Monde suspendu de Gisèle Prassinos ».

[34] Recueil de poèmes, Flammarion, 1971, prix Louise Labé, 72.

[35] Belfond, 1975.

[36] Imprimé et tentures, fond Prassinos de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, accessible désormais en ligne au CCfr.

[37] La Voyageuse, Plon, 1959, Le Cavalier, Plon, 1961, La Confidente, Grasset 1962, L’Homme au Chagrin, GLM 1962, Le Visage effleuré de peine, Grasset 1964, Le grand Repas, Grasset, 1966, Les mots endormis, Flammarion, 1967.

[38] La Vie, la Voix, Flammarion, 1971, prix Louise Labé, 1972, Comptines pour Fillottes et Garcelons, L’École des loisirs, 1978, Le Ciel et la Terre se marient, Les Éditions ouvrières, 1979, Pour l’arrière-saison, Belfond, 1979, Mon cœur les écoute, Liasse à l’Imprimerie quotidienne, 1982, L’instant qui va, Folle Avoine 1985, La Fièvre du labour, Motus, 1989.

[39] Le Verrou, 1987, La Lucarne, 1990, La Table de famille, 1993, chez Flammarion.

[40] Annie Richard, « Le livre surréaliste, lieu d’élaboration de l’artiste “idéal” : de Calamités des origines à Brelin le Frou de Gisèle Prassinos » in « A belles mains. Livre surréaliste-Livre d’artiste », Mélusine n° XXXII, 2012.

[41] « Portrait idéal de l’artiste », dernière tenture de Brelin le Frou et couverture de Mélusine n° XXXIII.

[42] Brelin le Frou, op.cit. p. 149.

[43] André Breton, Les vases communicants, Gallimard, 1955, « Folio » p. 121.

[44] Belgique, Éditions Mols, 2004.

[45] Berlin le Frou, p. 12.

[46] Ibid., p. 11.

[47] Les dessins accompagnent les tout premiers textes. Mon cœur les écoute, op. cit., est publié avec des illustrations de l’auteure.

[48] « Le Portrait de famille », 1975, 75 par 104 cm, fond Prassinos, Bibliothèque Historique de la Ville de Paris.

[49] Note de l’auteur. Que nul ne soit offensé à la vue des sexes nombreux qui ornent les tableaux du frou. Ils sont factices. C’est l’usage en Frubie de porter sur sa robe l’emblème de son genre afin d’être distingué comme mâle et femelle.

[50] « L’orient des femmes » Musée du quai Branly 2011, 8 fev.-15 mai 2011.

[51] Annie Richard, « La peau des tableaux chez Gisèle Prassinos, Bona et Dorotea Tanning », Mélusine, N° XXXIII, « Autoreprésentation féminine », Lausanne, L’Âge d’Homme, 2013.

[52] La première tenture est de 1967, « Saint-François-d’Assise » et les tentures de Brelin le Frou sont confectionnées dans les années 70.

[53] Sur 132 grandes tentures, 70 sont d’inspiration religieuse.

[54] C’est ce que j’ai fait dans La Bible surréaliste, op. cit., en dialogue avec l’artiste et l’amie. Exposition « La Légende dorée de Gisèle Prassinos » à l’abbaye de Hambye, à l’occasion du colloque « Merveilleux et surréalisme » note 6.

[55] 1975, coll. particulière.

[56] 1974, 94 par 57 cm, coll. particulière.

[57] 1977, 74 par 51 cm, coll. particulière.

[58] « Charles VII », imitation du tableau de Fouquet, 75 par 62 cm. Coll. particulière.

[59] 1978, 53 par 95 cm, coll. particulière.

[60] 1981, 78 par 57 cm. Coll. particulière.

[61] 1975, coll. particulière.

[62] « Hueïd » ou « Dieu à l’envers », statue faite d’éléments hétéroclites figurant un dieu « terrible ».

[63] Annie Richard « Salomé ou les avatars de la femme-enfant », La Femme s’entête, op. cit. note 9, Tenture 1985, 85 par 64 cm ; coll. particulière.

[64] Première tenture sur toile de jute, 1967, 120 par 150 cm. Coll. particulière

[65] Agnès Échène, « Demeter ou la voie de la mère » Mediterraneans/Méditerrénéennes, n°15, éditions de la MSH, 2011.

[66] Michel Poivert, « Politique de l’éclair : AB et la photographie », Études photographiques, n 7, mai 2000.

[67] Savine Faupin, « Dessin animé. Spiritisme, automatisme, métamorphoses », Hypnos, image et inconscient en Europe, catalogue de l’exposition, Lille, Musée d’Art moderne, 14 mars-12 juillet 2009, p. 50. Ainsi le 27 mai 1896, à l’époque de la découverte des rayons X en 1895 par Wilhlem Conrad Rôntgen, le commandant Louis Darget fait « la photographie fluidique de la pensée » en posant la main sur son front, main en contact avec une plaque photo, puis dans la même série « photo fluidique de la pensée », il place une plaque sur le front de sa femme endormie et obtient la « photographie du rêve, 25 juin 1896 ».

[68] Gaston Bachelard, « Le surrationalisme », Inquisitions, n 1, juin 1936 repris dans L’Engagement rationaliste, Paris, PUF, 1972, p. 7-8 et André Breton, « Crise de l’objet », Cahiers d’Art, n 1-2, 1936., p. 21-26.

[69] Selon la classification des visions du monde de l’anthropologue Philippe Descola, « La Fabrique des images, visions du monde et formes de la représentation », catalogue de l’exposition Musée du Quai Branly, 16 févr. 2010 – 11 juillet 2011.

[70] Centre de Recherches sur le surréalisme dirigé par Henri Béhar, Paris III, Sorbonne nouvelle. Séminaire 2010-2011 : « Surréalisme et Baroque » séance du 5 novembre 2010 : « Baroque : un concept surréaliste ? ».

[71] Exposition « Une image peut en cacher une autre », Grand Palais, Galeries nationales, 8 avril 2009-6 juillet 2009, avec notamment le tableau de Man Ray au titre significatif « Le Rébus » (1938).

[72] Jean-Martin Charcot, illustre médecin français de la fin du XIXe, professeur réputé à l’hôpital de La Salpêtrière à Paris dont Freud vient suivre les cours en 1885.

[73] Freud et la femme-enfant, Mémoires de Fritz Wittels, traduction de l’américain par Andrée May, Paris, PUF, « Bibliothèque de la psychanalyse », 1999.

[74] Ibid., préface du directeur de publication, p. IX.

[75] Ibid., chapitre « La femme-enfant », p. 70.

[76] Le tableau, exposé au Salon des Indépendants de 1887, montre, lors d’une leçon de Charcot, la patiente hystérique Blanche Wittmann à un public exclusivement masculin principalement d’étudiants et de médecins.

[77] Voir Monique Schneider, Généalogie du masculin, Paris, Aubier, « Psychanalyse », 2000 et Le Paradigme féminin, Paris, Aubier, « Psychanalyse », Flammarion, 2004.

[78] Obliques, op.cit.

[79] Françoise Héritier, Féminin-Masculin I, La pensée de la différence, Éd. Odile Jacob, 1996, p.19.

[80] Présentation de Mélusine n° XXXVI « Masculin/féminin », 2016, Elza Adamowicz, Henri Béhar, Virginie Pouzet-Duzer, présentation p.13.

[81] Gisèle Prassinos, Brelin le Frou, op.cit. p. 149.

[82] Annie Richard « La bible surréaliste de Gisèle Prassinos ou “le point sublime de la différence masculin/féminin” in Mélusine XXXVI, op.cit., p. 140.

[83] Patrick Mérot, « Dieu, la mère. Traces du maternel dans le religieux » PUF, 2014. Patrick Mérot donne une justification « naturelle » à la prééminence du père dans cette marche civilisatrice : c’est que « la maternité est attestée par le témoignage des sens tandis que la paternité n’est qu’une conjecture » (p. 99).

[84] Grande trinité, 1975, coll. particulière. Petite Trinité, 1977, coll. Particulière.

[85] 60 exemplaires de tête et 6 exemplaires d’artiste accompagnés d’une suite de 7 gravures originales de Gisèle Prassinos gravées par Didier Mutel.

[86] Annie Richard « Salomé ou les avatars de la femme-enfant », La Femme s’entête, op. cit.

[87] Lectures d’enfance, Galilée 1991.

[88] Philosophe et psychanalyste slovène de dimension internationale, Le plus sublime des hystériques avec Lacan, PUF, 2001.

[89] Ibid. p. 102.

[90] Ibid. p. 102.

[91] Annie Richard, M (è) re auto-essai, L’Harmattan, 2015 p. 125.

[92] Mélusine XXXVI, op. cit., p. 146.

[93] Brelin le Frou ou le portrait de famille, op.cit. p. 149.

[94] Françoise Collin, Le Différend des sexes, Pleins feux, 1999.