MÉLUSINE

Tracts surréalistes, Tome I, 1937


1937

[DISCOURS D'ANDRÉ BRETON À PROPOS DU SECOND PROCÉS DE MOSCOU]

Paris, le 16 janvier 1937

CAMARADES,

Plus de lumière ! « Mehr Licht », tel a été le dernier cri de Goethe ; « plus de conscience ! » tel a été le grand mot d'ordre de Marx. En fait de lumière, avec Staline nous pouvons compter sur celle des procès en sorcellerie du Moyen Age : il faut entrer dans le détail de ces procès - et le prolétariat n'en a pas le loisir - pour trouver un équivalent de l'atmosphère de celui qui s'est déroulé en août dernier, de celui qui se déroule actuellement à Moscou. Et on nous laisse bien entendre que ce n'est pas fini ! En fait de lumière, celle d'un escalier de prison qu'on vous fera descendre à quatre heures du matin, d'un escalier bordé de rigoles comme une table d'amphitéâtre, où, à telle marche, vous recevrez une balle dans la nuque. Les rigoles, c'est pour la cervelle, pour la conscience mais rien ne pourra faire que les vieux compagnons de Lénine n'aient représenté un haut degré de conscience que seront impuissantes à emporter les chasses d'eau modèles des prisons de la Guépéou. Ces hommes qui ont donné mainte et mainte preuve de leur lucidité, de leur désintéressement, de leur dévouement à une cause qui est celle de l'humanité tout entière, l'histoire se refusera à voir en eux des « possédés » au vieux sens religieux du mot comme, à plus forte raison, elle se refusera à tenir Léon Trotsky pour une incarnation du diable au XXe siècle. Le malheur, hier, de Smirnov, de Zinoviev, de Kamenev, aujourd'hui de Radek, de Piatakov, de Sokolnikov, de Serebriakov, demain de Boukharine, de Rakovsky aura cependant été, sur ce point, de faire trop grande confiance à l'histoire, de croire que l'énormité, que l'invraisemblance même des forfaits qu'on leur demandait de reconnaître entraînerait nécessairement l'incrédulité totale, tournerait à la confusion de leur accusateur. Il semble que ce soit de l'excès même de la honte dont ils se couvrent qu'ils attendent qu'un doute radical surgisse à leur profit dans l'opinion. Kamenev ne cessait de surenchérir sur les appréciations du procureur général à son sujet. On nous contait hier que Radek, tout en s'accusant de terrorisme, d'espionnage, de sabotage - que sais-je encore ! - trouvait encore moyen de faire de l'esprit. Mais voyons, camarades, est-ce là l'attitude d'un homme qui sait qu'il va mourir demain déshonoré ? Non, les accusés du second procès comme ceux du premier sont persuadés qu'ils participent à une mise en scène : il suffit pour cela qu'ils aient été mis au secret le jour du premier verdict. Tout le monde s'accorde à admettre - les staliniens eux-mêmes n'y contredisent pas - qu'ils ne doutent pas plus que les précédents d'avoir la vie sauve, c'est-à-dire d'être en mesure de se justifier un jour. Ils ne s'attendent pas à être abattus un à un dans l'escalier de ciment. Un romancier français a précisément imaginé, en supplément à ceux de l'Inquisition, ce supplice plus cruel, plus odieux que tous les autres ; il l'a appelé « la torture par l'espérance ».

Et cette action rocambolesque, où le puéril le dispute à l'atroce, ne peut même passer pour avoir son épilogue dans l'enceinte du tribunal militaire de Moscou. Elle abonde constamment en péripéties nouvelles dont le déroulement déborde un peu plus chaque jour le cadre de l'U.R.S.S. : c'est le vol de la rue Michelet, c'est l'assassinat de Navachine. Il est clair qu'on ne recule devant rien pour faire disparaître les pièces comme les hommes, et avec eux tout ce qui pourrait contribuer à rendre manifeste le plus formidable déni de justice de tous les temps, tout ce qui pourrait démasquer le terrorisme et l'impérialisme de Staline. Camarades, c'est là un climat mortel pour la pensée socialiste elle-même, pour toute l'action révolutionnaire dans le monde. Rien ne doit nous trouver moins indifférents, moins désarmés même devant l'énigme terrible des prétendus aveux. La pensée socialiste ne serait plus rien du jour où elle accepterait de faire bon marché de la dignité humaine, du jour où on l'amènerait à convenir qu'elle est appelée généralement à se trahir et à se nier chez les hommes qui l'ont portée le plus haut. N'oublions pas que Marat, qui vécut si pauvre, fut accusé longtemps de s'être vendu ; qu'on s'ingénia à faire passer Marx pour un agent de Bismark ; que le wagon plombé de Lénine fait encore prendre des airs entendus aux ennemis de la grande révolution d'Octobre. Et Liebknecht, et Rosa Luxembourg ! N'oublions pas et ne faisons pas à Léon Trotsky l'injure de le défendre, à Léon Trotsky puisque c'est essentiellement lui, toujours lui qui est visé et qu'il suffit qu'il soit mis hors de cause pour que toute l'accusation contre d'autres se retourne contre celui qui l'a formulée. Souvenons-nous, camarades. Qui disait : « Peut-on croire un seul instant au bien-fondé de l'accusation selon laquelle Trotsky, ancien président du Soviet des députés de Pétersbourg en 1905, révolutionnaire qui a servi pendant des dizaines d'années la révolution avec désintéressement, aurait quelque rapport avec un plan financé par le gouvernement allemand ? C'est une calomnie manifeste, inouïe, malhonnête lancée contre un révolutionnaire » ? C'est Lénine qui parle ainsi en 1917. Qui a dit : « Tout le travail pratique de l'insurrection [d'octobre] fut mené sous la direction immédiate de Trotsky, président du Soviet de Petrograd. On peut dire avec certitude que le rapide passage de la garnison au Soviet et l'habile organisation du travail du Comité militaire révolutionnaire, le parti en est avant tout redevable au camarade Trotsky » ? Qui délivre, le 6 novembre 1918, à Trotsky, ce certificat qui vaut aujourd'hui tous les autres ? Staline.

Puisque, comme l'écrivent les camarades Louis de Brouckère et Friedrich Adler, président et secrétaire de l'Internationale ouvrière socialiste, le secret de l'instruction préalable et la hâte avec laquelle on est passé de l'achèvement de l'instruction à l'ouverture du procès rendent « matériellement impossible d'envoyer en temps utile des observateurs à Moscou », force nous est une seconde fois de renoncer à savoir sous le poids de quelle contrainte monstrueuse, par le fait de quelle duperie effroyable les accusés s'y conduisent si follement. L'urgence seule doit, en pareil cas, nous dicter notre propre conduite. Pour ne pas tout perdre, elle exige de nous que nous limitions nos objectifs. Ce à quoi nous devons borner nos efforts, c'est à obtenir que ces hommes ne soient pas exécutés, tout en exigeant que des avocats indépendants du gouvernement soviétique soient mis dès maintenant en rapport avec les accusés du troisième procès, puisque nous savons qu'il y aura un troisième procès. En raison de la conclusion très prochaine des débats de celui-ci, nous devons, camarades, à tout le moins faire nôtre la résolution du groupe des avocats socialistes demandant « à la Russie révolutionnaire, qui n'a plus rien à craindre de ses ennemis, de renoncer à la peine de mort en matière politique », mais nous devons aussi la sommer d'y renoncer tout de suite, sous peine de convaincre le monde qu'elle n'est plus la Russie révolutionnaire, d'en convaincre le monde révolutionnaire qui, hélas, n'en est pas encore convaincu.

Telle est la seule tâche concrète à laquelle nous puissions, avec une chance même très minime de résultat, nous consacrer. Mais il y a autre chose en quoi nous ne devons sous aucun prétexte nous laisser dépasser par les événements. Ne nous hypnotisons pas sur le mystère des « aveux ». Concentrons notre attention non pas sur les moyens par lesquels ils ont été arrachés, mais sur les fins pour lesquelles ils ont été arrachés. La solution ne peut être trouvée seulement en U.R.S.S. ; elle doit être cherchée à la fois en U.R.S.S. et en Espagne. En U.R.S.S., il est bien entendu que, pour peu qu'on s'avise de poursuivre une analogie historique, Thermidor est déjà loin en arrière. « Le régime politique actuel de l'U.R.S.S., a dit Trotsky - et on le lui fait bien voir - est un régime de bonapartisme « soviétique » (ou antisoviétique) plus proche par son type de l'Empire que du Consulat. » En 1805, camarades, songez que la partie la plus éclairée de l'opinion allemande, l'élite des philosophes, Fichte en tête, s'est abusée jusqu'à saluer Napoléon comme le libérateur, comme l'envoyé et le porte-parole de la Révolution française. Nous en sommes au même point avec Staline. Les procès actuels sont, d'une part, le produit des contradictions qui existent entre le régime politique du bonapartisme et les exigences du développement d'un pays comme l'U.R.S.S., qui, envers et contre Staline et la bureaucratie, reste un Etat ouvrier. Mais ces procès sont, d'autre part, la conséquence immédiate de la lutte telle qu'elle est engagée en Espagne : on s'efforce à tout prix d'empêcher une nouvelle vague révolutionnaire de déferler sur le monde ; il s'agit de faire avorter la révolution espagnole comme on a fait avorter la révolution allemande, comme on a fait avorter la révolution chinoise. On fournit des armes, des avions ? oui, d'abord parce qu'il est indispensable de sauver la face, ensuite parce que ces armes, à double tranchant, sont appelées à briser tout ce qui travaille, en Espagne, non pas à la restauration de la république bourgeoise, mais à l'établissement d'un monde meilleur, de tout ce qui lutte pour le triomphe de la révolution prolétarienne. Ne nous y trompons pas : les balles de l'escalier de Moscou, en janvier 1937, sont dirigées aussi contre nos camarades du P.O.U.M. C'est dans la mesure même où ils se sont défendus d'être trotskystes qu'on recourt contre eux, dans le dessein de les atteindre par ricochet, on ne s'en cache plus, à l'affreux barbarisme jésuite du « centre parallèle ». Après eux, c'est à nos camarades de la C.N.T. et de la F.A.I. qu'on tentera de s'en prendre, avec l'espoir d'en finir avec tout ce qu'il y a de vivant, avec tout ce qui comporte une promesse de devenir dans la lutte antifasciste espagnole.

Camarades, vous direz avec nous que les hommmes qu'on produit méconnaissables sur les tréteaux branlants des tribunaux de Moscou ont gagné par leur passé le droit de continuer à vivre et que vous faites toute confiance à l'avant-garde révolutionnaire catalane et espagnole pour ne pas se déchirer elle-même et sauver, malgré Staline comme malgré Mussolini et Hitler, l'honneur et l'espoir de ce temps.

André Breton


Lettre ouverte à Monsieur Camille Chautemps,
Président du Conseil des Ministres,
Monsieur Jean Zay,
Ministre de l'Education Nationale et des Beaux-Arts,
Monsieur Georges Huisman,
Directeur Général des Beaux-Arts

Paris, le 7 août 1937.

Une Exposition d'Art International indépendant vient d'être organisée au Musée du Jeu de Paume, ayant pour but de montrer les origines et le développement de cet art.

Les organisateurs ont adopté pour principe de donner plus d'importance aux artistes étrangers, étant donné le statut du Musée du Jeu de Paume consacré aux expositions d'art étranger. Aussi, est-ce exceptionnellement et pour marquer les origines de l'Art International indépendant que les artistes français qui ont contribué à la création et au développement de cet art devaient avoir une participation restreinte et éducative à cette Exposition.

Nous avons constaté que de nombreux artistes étrangers, dont l'importance et l'apport sont indiscutables et universellement connus, ont été négligés.

Parmi ces artistes, nous pouvons déjà signaler :

Russie .... ARCHIPENKO, TATLINE, RODCHENKO, MALEWITCH, LISSITZKY.
Pologne .... STAZEWSKI, STRZEMINSKI, KOBRO.
Hongrie .... MOHOLY-NAGY.
Tchécoslovaquie ... SIMA.
Hollande .... VAN DER LECK, VAN DOESBURG.
Allemagne .... ALBERS, VORDEMBERGE-GILDEWART, RICHTER, SCHWITTERS, MARC, NOLDE, SCHMIDT-ROTTLUF, SEIWERT.
Suisse .... MEYER-AMDEN.
Italie .... BOCCIONI, RUSSOLO, CARRA, BALLA, SOFFICI.
Roumanie .... JANCO, BRAUNER.
Suède .... EGGELING.
Angleterre .... MOORE, NASH.
Espagne .... GARGALLO.

Parmi les artistes français, quelques-uns ont été exposés conformément au principe adopté et sont représentés par une oeuvre, cependant que tous les visiteurs pourront constater que certains autres ont une représentation trop importante, sans respect pour le principe adopté à l'origine et appliqué aux autres Français.

Par contre, un certain nombre d'artistes français, dont l'oeuvre est indiscutablement significative pour l'origine et le développement de l'Art International indépendant, ont été exclus injustement de cette Exposition.

Le but des organisateurs était également de faire de cette Exposition une manifestation didactique. Nous considérons que, par les moyens et la présentation adoptés, ce but ne peut être atteint et le résultat présente de graves dangers quant à l'éducation du public et ses rapports avec les artistes.

Nous nous élevons contre la rédaction de l'avant-propos et du texte explicatif du Catalogue qui sont faux.

Pour tous ces motifs, les soussignés demandent la réorganisation équitable de cette exposition.

ANDRÉ BRETON, BRANCUSI, LOUIS DE GONZAGUE-FRICK, PIERRE COURTHION, A. HERBIN, TRISTAN TZARA, KUPKA, R. DELAUNAY, SONIA DELAUNAY, H. ARP, TAEUBER-ARP, GEORGES HUGNET, ALBERT GLEIZES, BENJAMIN PÉRET, SURVAGE, PAUL VIENNEY, K. SÉLIGMANN, ARTHUR SAMBON, E. BÉOTHY, J. BUCHER, VAN DOESBURG, PAULE VÉZELAY, G. VANTONGERLOO, VICENTE HUIDOBRO, OTTO FREUNDLICH, YVES TANGUY, (POUR WOLFGANG PAALEN : GEORGES HUGNET, POUR G. VALMIER, DÉCÉDÉ : A. HERBIN, A. GLEIZES), ROUBILLOTTE, MAX RAPHAËL, LAURE GARCIN, JULIETTE ROCHE, ROSSINÉ, LAJOS TIHANIY, RETH, T. OKAMOTO, LOUIS CATTIAUX, FERNAND MARC, MISZTRICK DE MONDA, PRINNER, GABRIELLE BUFFET-PICABIA, WESCHER, WAHL, ALBERTO MAGNELLI, POLA HANSER, REICHEL, KOSNICK-KLOSS, ANDRÉ THIRION, IRÈNE HAMOIR, MESENS, MOUTON, L. SCUTENAIRE, MARCEL JEAN, GARNIER, SENECH.

[UBU ENCHAÎNÉ]

ÉCLOSION ET PROLIFERATION SOCIALE D'UBU

Etant admis que l'humour représente une revanche du principe du plaisir attaché au surmoi sur le principe de réalité attaché au moi, on n'aura aucune peine à découvrir dans le personnage d'Ubu l'incarnation magistrale du soi nietzschéen-freudien qui désigne l'ensemble des puissances inconnues, inconscientes, refoulées dont le moi n'est que l'émanation permise toute subordonnée à la prudence : « Le moi, dit Freud, ne recouvre le soi que par sa surface formée par le système P (perception) par opposition à C (conscience) à peu près comme le disque germinal recouvre l'oeuf. » En l'occurrence, l'oeuf c'est bien M. Ubu, triomphe de l'instinct et de l'impulsion instinctive, comme il le proclame lui-même : « Semblable à un oeuf, une citrouille ou un fulgurant météore, je roule sur cette terre où je ferai ce qu'il me plaira. D'où naissent ces trois animaux (les palotins) aux oreilles imperturbablement dirigées vers le Nord et leurs nez vierges semblables à des trompes qui n'ont pas encore sonné. » Le soi s'arroge, sous le nom d'Ubu, le droit de corriger, de châtier qui n'appartient de fait qu'au surmoi, dernière instance psychique. Le soi promu à la suprême puissance procède immédiatement, comme on sait, à la liquidation de tous les sentiments nobles (« Allez, passez les Nobles dans la trappe »), du sentiment de culpabilité (« A la trappe les magistrats ») et du sentiment de dépendance sociale (« Dans la trappe les financiers »). L'agressivité du surmoi hypermoral envers le moi passe ainsi au soi totalement amoral et donne toute licence à ses tendances destructives. L'humour, comme processus permettant d'écarter la réalité en ce qu'elle a de trop affligeant, ne s'exerce plus guère ici qu'aux dépens d'autrui. On n'en est pas moins, sans contredit, à la source même de cet humour, ainsi qu'en témoigne son jaillissement continuel.

Telle est, selon nous, la signification profonde du caractère d'Ubu, telle est en même temps la raison pour laquelle il excède toute interprétation symbolique particulière. Comme a pris soin de le déclarer Jarry, « ce n'est pas exactement Monsieur Thiers, ni le bourgeois, ni le mufle. Ce sera plutôt l'anarchiste parfait avec ceci qui empêche que nous devenions l'anarchiste parfait que c'est un homme, d'où couardise, saleté, etc. » Mais le propre même de cette création est de se soumettre les formes les plus variées de l'activité humaine, à commencer par les formes collectives. Partant de là, le même Ubu sera prêt à renoncer à l'avantage personnel qui constituait dans Ubu roi son unique mobile pour rentrer dans la masse humaine dont il tendra à personnifier les émotions d'autant plus contagieuses qu'elles sont plus grossières. A la volonté de domination à toute épreuve d'Ubu roi, Ubu enchaîné donne pour pendant une volonté de servilité à toute épreuve. Le surmoi ne s'est dégagé de l'aventure que pour reparaître sous un aspect stéréotypé, consternant, dont vont participer au même degré le fasciste et le stalinien. On reconnaîtra que les événements de ces vingt dernières années confèrent au second Ubu une valeur prophétique inappréciable, qu'on évoque la manoeuvre des « hommes libres » au Champ-de-Mars prolongée jusqu'à nous par tous les écrans du monde d'un plus que jamais enthousiasme et unanime « Vive l'armerdre » ou l'attitude du Père Ubu devant ses juges qui prépare si bien l'atmosphère des « procès de Moscou » : « Père Ubu (à son défenseur). - Monsieur, pardon ! Taisez-vous ! Vous dites des menteries et empêchez que l'on écoute le récit de nos exploits. Oui, Messieurs, tâchez d'ouvrir vos oneilles et de ne point faire de tapage... nous avons massacré une infinité de personnes... nous ne rêvons que de saigner, écorcher, assassiner ; nous décervelons tous les dimanches publiquement, sur un tertre, dans la banlieue, avec des chevaux de bois et des marchands de coco autour... ces vieilles affaires sont classées, parce que nous avons beaucoup d'ordre... c'est pourquoi nous ordonnons à messieurs nos juges de nous condamner à la plus grande peine qu'ils soient capables d'imaginer, afin qu'elle nous soit proportionnée ; non point à mort cependant... Nous nous verrions volontiers forçat, avec un beau bonnet vert, repu aux frais de l'Etat et occupant nos loisirs à de menus travaux. »

ANDRÉ BRETON

LE FEU AU THEATRE

Il ne s'agit pas d'un de ces Etats tout couverts d'opprobre et de dettes. Ce soir nous allons respirer l'air d'une Barbarie hyperromantique dans laquelle Ubu s'était rendu comme prisonnier. L'endroit tient, vous le verrez, le milieu entre l'Eldorado et le Pérou. Et parce qu'il se cache gracieusement au sein d'un volcan sans autre prétention que d'inspirer beaucoup de curiosité et un peu de terreur, c'est un lieu d'exil, en somme sur mesures, pour l'exercice de nos plus pressantes libertés. Rien donc n'est moins cruel à l'horizon, surtout aux yeux d'Ubu, maître-despote et despote-esclave jusque dans les petits préparatifs de la mort. Un enfer, vous dis-je, pareil à tous les enfers, rouge comme le moindre mal dans toute sa splendeur.

La vie courante serait extraordinaire si on y apportait plus de cynisme qu'il n'en faut pour soutenir notre entière sincérité. L'oser et le tolérer en même temps sont des façons purement poétiques. Le mot à mot de l'existence ne s'en accommode pas ; il exige, au contraire, un pragmatisme de mauvais aloi en accord avec le désaveu que le moi donne au non-moi dans la nature. Chaque individu en impose à la Société dont il dépend et celle-ci lui en impose, en retour, avec usure. Mais se voulant toujours sublime, le critère de la liberté reste toujours anarchique. Dès lors, les écarts de comportement qui nous sollicitent sous le manteau constellé d'adorables psychoses méritent un tout autre examen. C'est là que voulait en venir Jarry. Il y est arrivé en courant, aussi vite que possible, sur le chemin de la liberté.

GUI ROSEY

APPARITION EXTREMISTE DE LA TATANE

L'extra-maçon planté sur l'Himalaya
Installait le téléphone au manoir féodal.
Lune, tunnel, potence à guillotine,
Le chien de Merdressé sur ses pattes arithmétiques,
Te regarde, ô oeil de boeuf, pendule de marbre.
La belle Landaisire pour les besoins de la chose
Changeait son corps en enseigne lumineuse.
Dans la prison le blason savourait toute sa nuit
De cornemuse appendue aux poings cardinaux
Tels de gros fantômes en toiles de tarentule.
Là-bas, la maison se livre aux expériences d'optique :
Elle recule pour voir comme au front d'une malle
L'ostensoir aux cuisses écartées,
La chouette d'ivoire dans sa lumière d'aquarium,
Une plume, c'est tout l'oiseau.
Les noirs sorciers frémissent à leur bout de table
Et c'est l'aube qui monte dans l'odeur d'été.
Le peintre, le poète, tenant leur cocagne de mât,
Enfouissent leur orgueil dans le grand sable mouvant
Où le donjon pour marquer l'heure
Brûle une fanfare prosternée.
La paillasse de la cathèdre demeurait imprimée
Aux fesses pâles et rousses de la lectrice du processionnaire.
Et déjà, immensément éprise, elle naît plus loin.
Tant il est vrai que le réel ne s'oublie pas.
Les castors refermant leur triptyque de miroir
En entraient comme au déclin d'un jour
Le chant du chercheur d'or, de chasseur de chevelure,
Toute la couleur des mortes
Et de la sorte toutes les paroles des esclaves,
La robe de soufre aux ratures de poignard
Et, voyez-vous bien, la tatane au carrefour des mages.

GEORGES HUGNET
25 février 1936.

UBU DIEU

Roi par ici
Esclave par là
Aujourd'hui je me suis fait ange
Et je décervelle en toute saison
Comme un ouvreur d'huîtres
Ici pour la civilisation
Chrétienne ou aryenne qu'importe
Ailleurs pour le bien des futurs décervelés
Les pharmaciens ont mis mon ventre lumineux à leur vitrine
Et ma digne femelle écoute aux portes des voisins
Pour les dénoncer à la police

Donc je suis ange
Voyez comme on me vénère dans tous les pays
Mais sotte bête que je suis
Ange je reste esclave d'un dieu
Vite que je lui crève la bouzine
Ainsi je serai dieu à mon tour
Et je pourrai tordre le nez des rois
Et me baigner les pieds dans le sang
Comme un véritable dieu

BENJAMIN PÉRET

ORAGES

Orages de la tragédie, ferveur des indignations, cuivres tumultueux de l'héroïsme, ce sont encore des blessures et des frissons de la peau. A la fontaine rouge des profondeurs, la vie bondit avec son grand rire prophétique.

La voix du guignol émerge toujours des grondements du canon. La justice des hommes se dessine au charbon sur les murailles extérieures des palais. Et ceux-ci ne peuvent résister longtemps à l'assaut des traits magiques qui délient la puissance du feu.

Les vivants et les morts sont également jugés en fin d'exercice suivant <?>échelle du cocasse. Un rire comme un cyclone anéantit les formes desséchées. Un rire plus fort qu'un tremblement de terre pour faire éclater les têtes froides. Alors la porte s'ouvre sur l'inconnu dont on parlait.

PIERRE MABILLE

LE CROYEZ-MOI JE SUIS LA LOI

Oressé sur ses sandales
Mais ses jambes sont des serpents
Haut comme une cave
L'arbitre
Sa bouche fait des tours
Se plaint
Il voulait les bijoux
Le trésor
Il a eu le poison

Qu'il prenne donc le deuil
De lui-même
Cet incurable
Toutes ses cordes sont cassées
Qu'il tombe ce crépuscule
Dans la rivière sourde
De ce temps noir

Il n'y comprend plus rien
Il connaissait pourtant
Ce qui doit être connu
Et la pratique
Il parle à son tour d'injustice
De vulgaire convoitise
De tyrannie de barbarie
Mais les mots sont désarmés

Ce modèle a fait
Son temps parmi nous
Ce souverain négatif
Couple manchot curieux corps
Se répète une dernière fois
Il diminue
Sa face sacrée s'étale
Plus bas que terre

Dans nos yeux un seul frisson
Un sourire éteint l'arbitre
Celui qui voulait unir
Tout en laissant à sa place
Chaque partie de ce tout

Dans nos yeux un seul frisson
Et tout a pris toute la place

PAUL ELUARD

INTERVENTION A PROPOS DE JARRY

Il ne saurait être mis en doute, au cours de cette intervention, la très chrétienne sainteté de Judas qui a poussé l'abnégation jusqu'à revêtir aux yeux du monde croyant le masque du traître, du pécheur parmi les pécheurs, dans le but unique et préalablement déterminé de permettre que s'accomplissent les écritures. Ainsi se charge de toutes les laideurs, de toutes les monstruosités du monde vivant le personnage parfaitement rond et poli d'être de toutes parts rugueux de Monsieur Ubu, les pieds plantés dans toutes les Polognes.

Au travers de cette énorme lentille, Jarry se plaît d'être une perpétuelle hallucination, c'est-à-dire une perception faible et c'est pourquoi nous acceptons qu'Ubu estompe à nos regards Jarry qui l'a enfanté.

Monsieur Ubu est comte du Pape, bien entendu. Monsieur Ubu ne conçoit pas les chemins de fer dans leur possible utilité. Monsieur Ubu grignote ses ennemis. Monsieur Ubu pèse lourd sur l'empire colonial et l'oppresse, c'est-à-dire l'opprime. Monsieur Ubu est féroce sans subtilité ; il n'est pas vraiment cruel ; sa méchanceté est plutôt de la violence. Monsieur Ubu est une géniale intelligence intestinale. Il gouverne comme on nous gouverne. Comme le dirait Jarry, il gouverne avec ses « instintestincts ». Pour nous aujourd'hui, il ne s'agit pas de révéler Jarry, en présentant ses oeuvres les moins connues ou les moins inconnues. Cela est bien indifférent à Jarry et à nous-mêmes : il est mort et nous sommes vivants. C'est tout simplement une déclaration de guerre, un acte de rupture que nous voudrions le plus décisif possible, et une promesse d'agression à brève échéance.

Ubu enchaîné est un ferment de révolte permanente, mais la ligne constante de la philosophie du père Ubu nous inciterait au désespoir si, par ailleurs, Jarry n'affirmait une volonté consciente de passer outre, si l'épigraphe même de la pièce ne nous laissait entrevoir un devenir nécessaire, enfin si nous ne voulions pas utiliser la force destructive systématique, la dynamite Ubu, à briser durablement une trop complaisante sérénité. J'insiste sur le fait qu'Ubu enchaîné, qui n'apporte aucune conclusion ou solution concrète, et dans lequel triomphent unilatéralement les puissances inférieures, ruine les choses établies et, de ce fait, doit servir de départ à notre action et non d'aliment à notre scepticisme.

Il y est vertement critiqué une démocratie réduite à des formules mystiques, une république simplement formelle, les actes de foi aveugle que sont devenus les anciens droits de l'homme et du citoyen, enfin tout un aspect dérisoire et figé de ce qui est notre existence même, mais cette critique doit avoir pour effet de susciter en nous « l'exaltation morale, sans laquelle la vie ne sera pas rendue à la véritable liberté », de faire revivre dans toute leur violente apothéose les principes mêmes d'une révolution humaine, souillés, pourris, par plusieurs lustres de stagnation et de réaction.

Et pour qu'aucune équivoque ne soit possible, et parce que l'accent d'Ubu enchaîné porte particulièrement sur le régime existant, n'attaquant que fragmentairement - avec tout le mépris suffisant mais sans insistance - l'étroite sottise du royalisme, l'abcès purulent de la phynance, le gâtisme de la justice bourgeoise, c'est-à-dire toute la merdre, le contenu le plus volontaire de cette déclaration sera qu'aucune abjection n'est de loin comparable pour nous à l'à-droite-droite militaire que voudrait nous imposer la bouffonnerie tragique des Césars délirants !

En ce moment particulièrement saisissant de la destinée humaine, il est nécessaire d'avoir devant les yeux la gidouille pleine de nauséabonde gloire de ce père Ubu qu'il nous faudra bien un jour assassiner dans la lumière.

Ubu combat sans courage mais avec insolence et succès tous les mythes du monde bourgeois et avant tout celui de la liberté conçue dans la nécessité sociale. Mais c'est parce qu'il possède au plus haut degré les qualités de la bourgeoisie dirigeante qu'il gagne : il est plus avare que ses pairs, plus égoïste, plus brutal, plus envieux, plus obscène, plus têtu, plus coléreux, plus impérieux.

Devant lui ne se trouvent que ses disciples, ses zélateurs et la foule des imbéciles, badauds et jobards qui viennent voir décerveler avec un secret désir d'être décervelés à leur tour « pour voir ». - Ubu triomphant n'a plus d'autre royaume à protéger que sa giborgne, plus d'autre maître que son ventre grossissant. - « Je m'aperçois, dit-il, que ma gidouille est plus grosse que toute la terre et plus digne que je m'occupe d'elle - c'est elle que je servirai désormais ». - Chemin faisant, il nous apprend l'histoire contemporaine, parce qu'avant tout il est franc, il est sans psychologie, et c'est pourquoi il est Ubu le magnifique, Ubumagnus, Ubu l'homme de gouvernement. Belle leçon de choses !

SYLVAIN ITKINE

(Fragment d'un Essai à paraître.)

DOME DE VAUTOURS

Belle comme la clinique de Charcot
Trésor des nouveau-nés des sorcières en fuite

Le conciliabule des oiseaux assassins
L'appareil ancien de ces mines
J'avais prévenu cette jeune bête aux oreilles de soufre
Tous les oiseaux ensemble ne suffiront pas au supplice

Hermaphrodite
Se fécondant soi-même
Ubu-Dieu
Les arches de l'aube le soutiennent
Les chevreuils le saluent d'une aile
Les pieds magiques de la femme se ramifient dans l'ombre

Troisième et définitif démembrement de la Pologne

Tous mourront par un soleil vert
Dans les cheveux du bord crépusculaire de l'objet aimé.

GILBERT LÉLY

VIVE L'ARMERDRE

Si tant est que l'oeuvre de Jarry soit métaphysique au premier chef, dialectique en ce qu'elle entraîne l'esprit à la découverte de sens multiples, rares, divers, contradictoires et cachés, il apparaît que sa signification la plus immédiatement accessible, sans doute pas la plus merveilleuse, mais à mon goût la plus méritoire, est une subversion d'une remarquable valeur objective :

Vive l'armerdre !

Encore que l'action d'Ubu enchaîné ne se passe nulle part, c'est-à-dire partout et toujours, c'est-à-dire jamais, ce hourrah à l'accent rimbaldien le plus authentique, est situé dans l'espace et le temps d'une façon singulièrement précise :

Quand paraît Ubu enchaîné, en avril 1900, toute actuelle est encore la scène ridicule du 23 février 1899 : Déroulède s'élançant à la bride du cheval : « Suivez-nous, mon Général, c'est pour la France ! », tandis que la foule des patriotes hurle « Vive l'Armée ! » à perdre l'âme.

HENRY PASTOUREAU

LE MOT DE PASSE

A l'instant précis où le bandit-à-idées extrait de sa poche-à-cul le fusilmitrailleur aux bandes momificatrices et qu'il appuie son instrument sur la bouzine du garçon de recettes, disparaît à l'horizon l'as de Faustroll emportant à son bord les chaînes de la liberté et les joies de l'esclavage. Et lorsque l'employé de banque fait sang de toutes parts, le hardi criminel exprime sa satisfaction par : « merdre ! ».

Ce mot, c'est à tort qu'on a voulu en faire une exclamation désappointée, alors que l'homme n'atteint au plus haut développement de sa personnalité que lorsqu'il est capable de le faire sonner clairement aux oreilles terrifiées des pères et des chefs. Au heurt prolongé des lettres qui le composent, tombent les chaînes, s'écroulent les barrières, fondent les bâillons et le P. U. le sait qui se refuse lorsqu'il veut être esclave à l'employer une seule fois.

Et comme les postures passionnelles se comptent par 32, il y a différentes façons de prononcer le mot tout de révolte et de défi, mais la plus remarquable me paraît être celle constituée par la pessimiste histoire gaie suivante :

Un homme entre dans un café, choisit une table faisant face à un grand miroir, s'assied et commande une consommation qu'il ne touche pas. Les doigts entrelacés, il fait de ses mains un coussin à son menton et contemple avec un vif intérêt le miroir jusqu'au moment où il juge avoir suffisamment attiré l'attention. Il appelle alors le garçon et s'enquiert du prix d'une pareille glace. A la réponse du garçon, il place quelques billets de banque sur le marbre, sort un revolver de sa poche et détruit le miroir à coups de feu. Puis, se tournant vers le comptoir, il jauge le gros homme qui s'y tient et articule : « Et un patron comme celui-ci, COMBIEN ? »

Les balbutiements et les mots étouffés des déclarations d'amour, le « Ah ! Ah ! » de Bosse de Nage, quintessence de culture, « Merdre » pour les relations humaines, voilà le seul vocabulaire valable, lorsque sombrent sous les éclairs les notions pestilentielles et maudites d'obéissance et d'autorité.

LÉO MALET

ACTUALITÉ DE JARRY

Il sied, en évoquant Alfred Jarry, Henry Monnier ou quelques autres, de disserter sur le mythe et la nature anthropophagique de cette création qui se nourrit de son auteur. Tout cela est bel et bon mais n'implique pas nécessairement la vitalité du mythe envisagé. Or - et c'est ce qui nous importe - la pièce qu'il composait, âgé de quinze ans, pour une scène de marionnettes, Jarry l'eût pu voir, à soixante, tenir sans relâche la scène du monde.

Car Ubu n'est pas un mythe périmé, mais le prototype moderne du Dictateur : et voici de toutes parts, entre deux guerres, les dictateurs éclore d'une prodigieuse génération spontanée. Le personnage d'Ubu roi scandalisa Paris, dit-on, en 1896. Quarante ans plus tard, d'autres Ubus, en chair et en bottes, asservissent impudemment les peuples. Sans effort, calquées l'une sur l'autre, Leurs Excellences prennent la pose. Au moral : appétits, férocité, cynisme. Au physique : carrure, vulgarité, mâchoires. Un masque à gaz là-dessus, et la ressemblance avec le Père Ubu devient criante : tel père, tels fils. Mais pareil don de prévision ne consacre-t-il pas, en Jarry, le poète ?

Il n'en est pas moins vrai que son imagination, si inventive soit-elle, le cède à la présente réalité. Pauvre petite machine à décerveler de la rue de l'Echaudé !

Voyez, voyez la machin' tourner,
Voyez, voyez la cervell' sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler...

Aimables jeux de quartier ! Plaisantes récréations dominicales ! Idyllique spectacle d'un âge sans cinéma ! Pour aller voir ça, qui se dérangerait aujourd'hui ? Aujourd'hui où sont offerts, aux populations émerveillées, les exploits des tanks en licence de rues... Tanks, femelles aptères, encore mal dégagées de la chenille et dont le mâle ne saurait être que ce monstrueux bombyx, l'avion de bombardement... Et cette faune d'acier, au sang d'huile lourde circulant dans un coeur motorisé, cette ménagerie apocalyptique obéit docilement aux Ubus déchaînés.

Désormais Ubu, ayant trop beau jeu, ne s'enchaînera plus lui-même. En rébellion permanente contre l'humanité, il déclare rebelle quiconque lui résiste. Sadique meurtrier, il condamne à mort quiconque respecte la vie. Cannibale par tempérament, il engrosse tous les ventres ; et une puériculture appropriée, suivie d'un dressage rationnel, lui assure une réserve inépuisable de chair humaine, méthodiquement décérébrée. Cet état de choses peut se prolonger, comme, au contraire, la catastrophe terminale se précipiter... Le sort du monde dépend en somme de l'insanité - physique ou mentale - d'un tyran.

En attendant l'incertain dénouement, il est satisfaisant pour l'esprit qu'Ubu enchaîné soit représenté en un temps si profondément contradictoire. Comme jadis d'Ubu roi, vont donc en émaner une irrévérence totale, une dérision parfaite, qui souffletteront, avec toute l'inopportunité désirable, les hideuses « Personnalités de respect » que les troupeaux humains vénèrent.

MAURICE HEINE

[22 septembre 1937]