Fernando Arrabal, du Transcendant Corps des Satrapes du Collège de Pataphysique
par François Naudin
12 mars 2022
Contribution de François Naudin, R., à la fête arrabalesque du 12 mars 2022 de la Halle-Saint-Pierre (Paris)
Votre Transcendance,
Mesdames,
Messieux,
Fernando Arrabal, à qui l’on fait sa fête ici et aujourd’hui, est titulaire d’une gloire parmi les plus spécieuses et rares au monde, gloire dont il peut se montrer particulièrement fier : il est investi, par le Collège de ‘Pataphysique, de la dignité de Transcendant Satrape.
Nombreux parmi vous sont les dames et messieux qui n’ont du Collège que des notions partielles, éparses et souvent erronées. Les organisateurs des Arrabalesques ont souhaité qu’un membre du Collège apporte trois sept éclaircissements sur l’institution, en particulier sur le rôle dévolu à Sa Transcendance Fernando Arrabal. C’est à moi que fut confié ce soin, en ma qualité de Régent de Métaphrasie Angélique & Théorique.
Le Collège de ‘Pataphysique est une société savante. Elle fut fondée en 1948 par un certain nombre de philosophes, de chercheurs, de zigotos, d’animaux (notamment un crocodile femelle du lac Victoria et une tortue) et même de jojotes inspirés par Alfred Jarry. Par la suite, ce petit groupe sera connu des membres du Collège sous l’appellation de Satrapes de Fondation. Lorsque régnaient les Acheménides – Cyrus, Darius, Xercès, Artaxerxès et autres numéros – les satrapes étaient gouverneurs administrateurs de provinces et y prélevaient les impôts. Si leur renommée nous est parvenue, c’est à cause de leurs fastes, leurs frasques et leurs excès, de pouvoir notamment.
Antonin Artaud, Epicure, Raymond Roussel, François Rabelais, Bonaventure des Perriers, René Daumal, Lucrèce, Dietrich Grabbe, Julien Torma et maints autres ‘Patacesseurs ont été invoqués pour infuser au Collège l’esprit d’impavidité nécessaire à sa mission d’absolue inutilité publique.
Chacun comprend que dans de pareilles conditions, le Collège de ‘Pataphysique était lancé sur une trajectoire subrepticement triomphale. Le recrutement par cooptation de dames, de drôles de pistolets, d’institutions (la IVᵉ République), de personnalités exceptionnelles (le Khan des Tartares Ouïghours, le président du Syndicat libre des Sociétés Anonymes de vidange), de bêtes (Ergé, la chienne de Jacques Prévert) a étoffé le Transcendant Corps des Satrapes et plus généralement, par paiement de la phynance, le nombre des membres du Collège. Satrapes et membres de rangs inférieurs ont pour unique projet d’inventorier et collationner, reconnaître et détailler, manifester et théoriser la ‘Pataphysique.
Celle-ci se définit comme suit :
La ‘Pataphysique est la science des solutions imaginaires qui accorde symboliquement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité.
Plus simplement et couramment, La ‘Pataphysique est la science des solutions imaginaires ; ou, plus compendieusement encore : La ‘Pataphysique est La Science, avec une capitale à chacun des deux derniers mots.
L’inénarrable ambition du Collège consiste donc à administrer La Science, celle des solutions imaginaires, aux deux sens du verbe : administrer une municipalité ou les derniers sacrements. Une charpente robuste est indispensable à pareille entreprise. Le Collège a pour Curateur Inamovible le Docteur Faustroll. L’immanence de la Suprème Curatelle est matérialisée en ce bas monde par les Vices Curateurs. Depuis la fondation, se sont succédés à cette charge Leurs Magnificences Irénée-Louis Sandomir, Jean baron Mollet, Opach, la dame crocodile Lutembi, ces deux derniers Satrape et Satrapesse de Fondation. C’est de nos jours à Sa Magnificence Tanya Peixoto que revient la tâche d’assumer la Vice-Curatelle. Qu’Elle trouve ici l’expression de ma profonde révérence.
Immédiatement subséquent à Sa Magnificence la Vice-Curatrice vient le Transcendant Corps des Satrapes. Vous connaissez une bonne portion de ces illustres personnages : Jacques Prévert, Raymond Queneau, Eugène Ionesco, Marcel Duchamp, Max Ernst, Benoît Mandelbrot, trois cinquièmes des frères Marx, Paul-Emile Victor, Boris Vian et quantité d’autres. L’éminence de ces personnalités leur vaut de n’exercer aucune charge au sein du Collège. Ils propagent les vertus de la science des solutions imaginaires par leur rayonnement irradiant, par leur prestige panaché, par leur ascendant transcendant. Le Corps des Satrapes est indépendant des instances administratives du Collège : Auditeurs, Correspondants, Emphytéotes, Dataires, Régents et Provéditeurs qui font le boulot.
Pétitionnons le principe en demandant s’il est besoin de souligner combien le TS Arrabal emplit, jusqu’à en excéder le comble, son rôle au sein du Collège. Il fut même désigné par le Conventicule Quaternaire comme Unique Electeur, honneur ineffable, chargé d’élire SM Tanya Peixoto pour succéder à feue SM Lutembi.
Quelques mots d’Arrabal sur la ‘Pataphysique :
« Je ne crois pas que la ’Pataphysique n’ait pas de sens. Ou qu’elle soit hermétique. Nous-mêmes, la petite demi-douzaine de satrapes en vie, en donnons un à nos œuvres. Ou nous nous arrangeons pour qu’elles en acquièrent un. De préférence confus comme l’existence. Pour effectuer ce que le docteur Sandomir connaît sous le nom de « bon bond ».
« La ’Pataphysique, je l’accueille comme un éternel présent. Comme un perpétuel cadeau. Comme le pain (et le cirque) quotidien. Mais je pèche peut-être par optimisme. Est-elle inébranlable dans le changement sans fin ? »
Le TS Arrabal se montre très actif au sein du Collège, alors que rien ne l’y contraint. Il écrit dans les publications, notamment la revue trimestrielle Viridis Candela, et ses annexes et connexes suppléments et compléments. Il est souvent présent aux fgh’cérémonies et aux manifestations. Le plus important, le plus précieux en outre, est l’amitié qui l’unit à un grand nombre de membres du Collège.
Gloire à Faustroll notre Curateur !