Art, folie et surréalisme à l'hôpital psychiatrique
par Dominique MabinRenée Mabin
7 octobre 2017
Art, folie et surréalisme à l'hôpital psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole pendant la guerre de 1939-1945
Le village de Saint-Alban-sur-Limagnole, en Haute Lozère, a connu un destin exceptionnel durant la Seconde Guerre mondiale, grâce à son hôpital psychiatrique[1]. Son souvenir demeure. Il est dû à la conjonction d’une situation géographique favorable, et à des personnalités remarquables qui participèrent à de multiples actions dans la Résistance et dans la survie des malades hospitalisés, dans le bouleversement de la vie asilaire, dans l’accueil d’intellectuels, surréalistes ou non, et, enfin, dans la reconnaissance, en tant qu’artistes, de malades mentaux. Nous rappelons le rôle des principaux acteurs avant d’aborder le surréalisme et l’art des fous.
La Psychiatrie en guerre
Saint-Alban est un lieu éloigné des grandes villes, connu pour son château du XVIe siècle, bâti sur une ancienne forteresse féodale, et situé sur le flanc ouest de la Margeride, aux confins de l’Aubrac. En 1821, un frère de l’ordre de Saint-Jean de Dieu, Hilarion Tissot, achète ce château délabré pour en faire une maison d’accueil pour femmes aliénées. Il est aidé par des religieuses venues de Marseille. En 1824, le préfet rachète le château qui devient un asile départemental pour des femmes, puis pour des hommes en 1850. Des bâtiments destinés aux hommes sont ensuite construits sur le plateau. À distance du château, se situe la ferme du Villaret qui lui est rattachée, et un Institut médico-pédagogique.
Au cours de la Seconde-Guerre mondiale, des médecins exceptionnels vont entrer en action. Il s’agit d’abord de Paul Balvet, psychiatre lyonnais, qui arrive en 1936 comme directeur. Il entreprend des réformes pour humaniser l’hôpital psychiatrique. Au Congrès des aliénistes et des neurologues de Montpellier en 1942, il lance un appel pour « dénoncer l’immobilisme du système asilaire et sa décadence ». Il adhère aux idées du psychiatre allemand Hermann Simon sur l’expérience du Guttersloch, « pour une thérapeutique plus active à l’hôpital psychiatrique » : c’est la société qui est malade, et l’hôpital responsable de sa propre pathologie, confinant soignants et soignés dans la chronicité[2]. Balvet jette les fondements d’une politique psychiatrique en vue de donner plus d’autonomie aux malades, de créer un espace d’ouverture et d’échanges, et de mettre en place ce qui deviendra l’ergothérapie, qui sera un travail rémunéré, et non plus une simple occupation des patients. Il crée en 1942 le Club, qui deviendra la « Société du Gévaudan », qui va organiser la vie des malades à l’intérieur et à l’extérieur de l’hôpital, avec un système coopératif autonome, dans lequel chaque malade trouve sa place, participe, produit, vend ou échange ses réalisations. En effet, la pratique psychiatrique asilaire sera transformée. Il faut redéfinir les relations entre le personnel médical et les malades, revoir la formation des infirmiers. Ce bouleversement doit se faire collectivement par des échanges permanents. Cette nouvelle approche collective sera appelée par G. Daumézon et P. Koechlin la « Psychothérapie institutionnelle », qui sera intriquée à partir de 1960 à la psychiatrie de secteur, chargée de prévenir, traiter et accueillir tous les malades d’une région donnée. Cette révolution sera poursuivie par François Tosquelles et par Lucien Bonnafé, psychiatres et militants communistes.
Un autre acteur majeur intègre l’hôpital, le 9 janvier 1940, François Tosquelles, accueilli par Balvet qui manque de médecins. C’est un réfugié catalan de la guerre d’Espagne. Avant cette guerre, il travaillait comme psychiatre dans un institut dont le directeur était intéressé par la psychanalyse. En effet, la Catalogne avait accueilli beaucoup de réfugiés qui fuyaient le nazisme, parmi lesquels des psychanalystes. Lorsque la guerre civile éclate en 1936, Tosquelles s’engage dans les milices antifascistes du POUM. Il se retrouve médecin chef des services de psychiatrie de l’armée républicaine. Il est envoyé sur le front sud, qui s’étend de Valence à Almeria, où il crée une communauté thérapeutique à Almodovar del Campo. Après la chute de la république espagnole, il s’enfuit, traverse les Pyrénées grâce à un réseau mis en place par sa femme, Hélène[3], et il se retrouve interné à Septfonds, l’un des lieux concentrationnaires français pour les réfugiés espagnols, dans lequel il met en place un service de psychiatrie. Il en sort grâce à André Chaurand, médecin au Puy, qui le conseille à Paul Balvet qui réforme alors son hôpital. Ne disposant pas de diplômes français, Tosquelles est recruté comme infirmier adjoint psychiatrique. Avec l’aide d’André Chaurand, il recommence son cursus médical, rémunéré par le Mexique qui est opposé à Franco, passe l’internat puis le médicat des hôpitaux. Tosquelles partage lui aussi les vues développées par Hermann Simon dans son livre dont il apporte à Saint-Alban un exemplaire, sur la nécessaire évolution de l’administration des asiles, qu’il a déjà mise en œuvre en Catalogne. Avec énergie, il applique en Lozère ses conceptions théoriques basées sur le marxisme et la psychanalyse, Freud et Lacan dont il fait dactylographier la thèse qui ouvre la question du traitement des psychoses, pour la diffuser[4]. Il est coauteur avec le groupe de Saint-Alban de l’appel de Paul Balvet au Congrès des aliénistes de 1942.
Le troisième acteur est Lucien Bonnafé, psychiatre, qui arrive le 13 janvier 1943 comme médecin chef, après avoir permuté son poste de Sotteville-lès-Rouen pour un poste moins exposé en Lozère afin de se protéger dans la Résistance. Durant ses études à Toulouse, il a fréquenté des surréalistes et a rencontré André Breton à Paris. Avec Tosquelles et Chaurand, il installe une direction collégiale de l’hôpital. Au cours des réunions de la Société du Gévaudan ils discutent de tout d’une façon informelle : la vie asilaire, le traitement des malades, le surréalisme, la psychanalyse, les réformes en cours, la Résistance. Il veut humaniser l’asile qui doit devenir une communauté vivante. La salle commune créée en 1940 va devenir un « foyer bibliothèque ». Les ateliers sont destinés à un travail collectif. En 1950, paraîtra Trait d’Union qui donne la parole aux malades et aux soignants ; c’est un lieu d’échanges. Bonnafé développe un concept clé : « l’Art de la sympathie », reprenant la déclaration de Breton dans l’Amour fou : « La sympathie qui existe entre deux, entre plusieurs êtres semble bien les mettre sur la voie de solutions qu’ils poursuivraient séparément en vain.[5] » Bonnafé prend la direction du service des femmes, Chaurand celui des hommes et l’Institut médico – pédagogique. Tosquelles s’implique à tous les niveaux.
Bonnafé vit depuis son enfance dans le milieu psychiatrique. Son grand-père Maxime Dubuisson est médecin des asiles. Homme cultivé, aimant la poésie, disposant d’une grande bibliothèque, il est un des premiers médecins à reconnaître et à conserver les œuvres des fous : dessins, sculptures, jouets offerts par les malades à son petit-fils. Cette première rencontre de Lucien Bonnafé avec l’art est déterminante. Dubuisson connaît l’asile de Saint-Alban, puisque, en retraite depuis 1908, il est rappelé en 1914 pour prendre la direction de l’hôpital en remplacement de médecins partis au front. Il y reste jusqu’en 1915, puis dirige l’hôpital Braqueville de Toulouse, aujourd’hui hôpital Henri Marchand, jusqu’en 1918. Très attentif aux patients, il cherche avec peu de moyens à améliorer leurs conditions de vie. Il garde de Saint-Alban deux albums de dessins réalisés par les malades que son petit-fils conserve toute sa vie[6].
Mais le rôle de cette équipe saint-albanaise ne se limite pas à être un point de référence et un lieu d’élaboration de la révolution de la psychiatrie asilaire. L’hôpital est fortement impliqué dans la Résistance, sous toutes ses formes : accueil de réfugiés et d’immigrés clandestins, traitement des blessés FFI. Les médecins dispensent des soins sur le lieu des combats ; les plus grands blessés sont cachés dans les caves et les greniers, avec la complicité de la supérieure et des religieuses de la communauté de Saint-Régis. Des juifs, des intellectuels sont dissimulés au milieu des malades. Parmi eux, ceux qui sont interdits d’exercer dans la fonction publique. Citons le docteur Bardach, de l’Institut Pasteur, caché comme fou sous le nom de Vérels, ou Denise Glazer, future animatrice d’une émission musicale, qui étudie la philosophie à Clermont-Ferrand avant de se réfugier à l’asile comme institutrice à l’Institut médico-pédagogique. La situation géographique de Saint-Alban en fait une plaque tournante de la Résistance. Elle a joué un rôle déterminant dans les opérations militaires, notamment en 1944 à la bataille du Mont-Mouchet. À cette époque, Bonnafé quitte Saint-Alban pour la vie clandestine de la Résistance. André Chaurand le remplace à la direction de l’hôpital.
Le philosophe Georges Canguilhem rejoint l’hôpital. Agrégé de philosophie en 1927, il est nommé en 1936 au lycée de Toulouse ; il aurait alors décidé d’entreprendre des études de médecine. En 1940, il refuse de prêter serment à l’Etat Français et demande sa mise en congé de l’Éducation Nationale pour convenances personnelles. En 1941, il revient à l’enseignement à Clermont-Ferrand ; il exerce alors des responsabilités au sein du mouvement clandestin de la Résistance sous le nom de Lafont. Après avoir soutenu sa thèse en 1943 à l’université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand, il échappe en 1944 à une rafle de la Gestapo. Dissimulé sous des vêtements d’ecclésiastique, il se réfugie chez son ami Bonnafé où il soigne les maquisards. Il s’illustre plus particulièrement lors de la bataille du Mont-Mouchet[7]. Cette expérience saint-albanaise a fait changer Canguilhem d’opinion sur la psychiatrie. Au-delà de leur engagement dans le traitement et la protection des résistants et des réfugiés, les médecins de Saint-Alban ont aussi une résistance intellectuelle importante dans l’édition clandestine, grâce à l’imprimerie René Amarger de Saint-Flour. Médecins, universitaires, intellectuels, se réunissent dans la librairie de Silvio Trentin de Toulouse qui est un réfugié italien antifasciste. Ils diffusent des textes entre les zones Nord et Sud. Gaston Baissette, responsable du front de résistance des médecins, séjourne à plusieurs reprises à Saint-Alban et assure des liaisons avec la résistance lyonnaise.
Une autre action du Club de Saint-Alban sera déterminante dans la survie des malades hospitalisés. En effet, dès 1940, apparaissent des difficultés de ravitaillement. Pour survivre, toutes les personnes valides sont mobilisées. Les malades vont assurer des travaux de jardinage, de ramassage de pommes de pin, de champignons[8], être employés à la ferme du Villaret, domaine de 55 ha, et au jardin potager de 2 ha. Ils seront aussi utilisés au moment des grands travaux agricoles pour aider les fermiers, ce qui assure leur subsistance. À l’intérieur de l’établissement, les femmes font des travaux de couture, de filage et de tricotage pour les paysans du village ; ils servent de troc contre des produits alimentaires introuvables dont du beurre. Les malades échangent la ration alcoolique qui leur est octroyée contre des pommes de terre. De ce fait, Saint-Alban est l’hôpital psychiatrique français qui compte le moins de morts dus à la famine : il n’y eut pas « d’extermination douce »[9]. Paul Balvet, au Congrès des aliénistes de 1942, avait vivement dénoncé cette situation de famine. La fabrication de faux certificats de tuberculose permet à des malades fragiles de bénéficier d’un supplément alimentaire. « On a inventé un service de tuberculeux » dit Tosquelles[10]. D’autre part, face à une situation catastrophique, la circulaire du 4 décembre 1942 émanant du Secrétariat d’État à la famille et à la santé, accorde aux aliénés internés des suppléments, qui, même s’ils sont faibles (de 200 à 225 calories par jour et 400 calories pour un quart d’entre eux) sont alors jugés importants.
On voit donc que la pénurie de main-d’œuvre du fait de la guerre assure à la fois la survie des malades et la reconnaissance de leur utilité, ce qui répond aux souhaits et à l’engagement des médecins. Durant cette même période, l’hôpital de Saint-Alban accueille des intellectuels, surréalistes ou non, et participe à la reconnaissance de la production artistique des malades mentaux, intégrée ultérieurement dans l’Art brut.
Surréalisme et Art des fous[11]
Réunis à Saint-Alban par les hasards de la guerre, François Tosquelles et Lucien Bonnafé sont des personnalités exceptionnelles, en avance sur leur temps, qui connaissent, dès leur plus jeune âge, Tosquelles la psychanalyse et Bonnafé les créations artistiques des malades mentaux. Bonnafé aime aussi la poésie et le cinéma. Pendant ses études de médecine à Toulouse, il participe avec son ami poète et professeur de philosophie Jean Marcenac, au groupe surréaliste Le trapèze volant ou mouvement Chaos créé par le poète Georges Massat avec son frère René et les frères Matarasso[12]. Leur maître en poésie est Joë Bousquet à qui ils rendent visite à Carcassonne. Cette initiation est capitale pour Bonnafé, grand « conteur qui pouvait réciter des passages entiers d’œuvres surréalistes »[13]. Dans le cadre d’un ciné-club, il rencontre lors de ses voyages à Paris, non seulement André Breton et René Crevel, mais aussi des peintres et sculpteurs, comme Yves Tanguy et Giacometti. Il se dit définitivement marqué par le Surréalisme qui est aussi un engagement politique : dès 1931, il est frappé par un tract invitant à ne pas visiter l’Exposition coloniale. Le Surréalisme est donc pour lui une leçon de liberté : il apprend l’égalité entre les hommes et la non-exclusion du malade. La guerre a permis à Tosquelles et Bonnafé de constituer dans un lieu éloigné de tout, un groupe composé d’intellectuels et d’artistes. Mais on ne peut pas exactement parler de hasard lorsque ces médecins accueillent un poète surréaliste sensible à l’art et à la folie.
C’est en effet la présence d’Eluard qui permet au Surréalisme de marquer de son empreinte ce que Tosquelles a pu appeler « le réveil de Saint-Alban ». En octobre 1942, Poésie et Vérité est édité par la Main à Plume, le groupe néosurréaliste constitué autour de Noël Arnaud et Jean François Chambrun. Le recueil s’ouvre sur le poème Liberté qui est ensuite largement diffusé sous forme de tracts, lu à la radio, traduit en anglais par Louis Parrot et réimprimé à Londres. Pour Eluard, c’est la célébrité et en même temps l’inquiétude. Il se réfugie chez le libraire résistant communiste Lucien Scheler, rue de Tournon. En septembre 1942, il constitue le Comité national des écrivains pour la zone Nord ; en novembre, il accepte de collaborer aux Lettres Françaises, organe du CNE dirigé à partir de 1943 par Claude Morgan. La réconciliation avec Aragon est presque immédiate. Eluard et Nusch attendent Aragon et Elsa à la gare de Lyon : la réunion a pour but de réunir le CNE de la zone Nord d’Eluard à celui de la zone Sud dirigé par Aragon. Ces contacts expliquent le passage ultérieur à Saint-Alban de Georges Sadoul, émissaire d’Aragon. Ces prises de position d’Eluard entraînent la rupture avec Arnaud et la Main à plume, dont les membres ne vont pas tarder à être inquiétés par la Gestapo. Eluard craint de l’être lui-même. « Je crois que nous allons être obligés d’aller à la campagne », écrit-il à Louis Parrot, le 8 octobre. Bonnafé raconte qu’il assiste au déballage de paquets contenant Poésie et Vérité. « Ça suffit d’habiter Paris, il faut trouver une planque ailleurs » dit Eluard. Et c’est ainsi que Bonnafé lui offre l’hospitalité[14].
En novembre 1943, Eluard quitte Paris avec Nusch, s’arrête à Clermont-Ferrand chez son ami Louis Parrot qui y a trouvé un poste à l’agence Havas. En train, ils parviennent à la gare de Saint-Chély-d’Apcher, puis prennent un autocar qui les conduit à Saint-Alban, à près de 1000 mètres d’altitude. Inscrit sous son vrai nom de Grindel, comme patient du docteur Bonnafé, Eluard souffrirait de « névrose légère ». Mais, logé dans l’immense appartement du médecin, il y est accueilli en ami, au point d’avoir honte d’être dans un pays magnifique. Les photos de Jacques Matarasso montrent la vie dans la nature. « Ma femme à la mine rebondie et moi, je travaille comme un fou, ce qui est ici une façon de parler.[15] » De fait, malgré la faible durée du séjour (d’octobre à mars, avec des allées et venues diverses) Eluard écrit, sous le pseudonyme de Jean de Haut, 7 poèmes d’amour en guerre et Lingères légères, plus tard publiés dans le recueil Le lit la table. L’univers de la folie lui inspire Le monde est nul et Le cimetière des fous, réunis par la suite sous le titre Souvenirs de la maison des fous en référence aux Souvenirs de la maison des morts dans lesquels Dostoïevski décrit un autre enfermement. Il est également en contact épistolaire avec Seghers à propos de l’anthologie de poèmes de la Résistance L’honneur des poètes, ou encore concernant une présentation des œuvres du peintre Dominguez. Dans ce pays sauvage, battu des vents, l’atmosphère est donc favorable à l’écriture.
L’activité d’Eluard est aussi éditoriale. L’Intelligence en guerre, selon l’expression de Louis Parrot, conduit à une résistance intellectuelle. Le poète écrit et publie des œuvres qu’interdirait l’occupant. Dès 1942, il participe aux éditions clandestines de Minuit, fondées par Pierre de Lescure et Vercors pour publier Le Silence de la mer. Eluard apporte des manuscrits, car il s’agit de publier de la littérature et non des textes de propagande. De Saint-Alban, Eluard fait imprimer des textes à Lyon par Georges Terney, mais Lyon est loin, et fin 1943, Lucien Bonnafé entre en contact avec le résistant René Amarger qui fabrique de faux papiers et a publié Musée Grévin, écrit par Aragon sous le pseudonyme de François La Colère. Avec Jacques Matarasso, chimiste de formation, d’origine juive, arrivé peu avant Eluard à Saint-Alban, et son frère Léo, résistant en Auvergne, est créée la maison d’édition clandestine La Bibliothèque Française, dirigée par le poète. Plus populaire que les éditions de Minuit, elle a publié quinze titres, distribués gratuitement, sauf les tirages de luxe à 30 exemplaires. Bonnafé, Eluard et Matarasso s’occupent de tout, de la mise en page à la relecture. Ils gagnent la ville de Saint-Flour, située à quarante-cinq kilomètres, par le train, ou empruntent le Ford gazogène de l’hôpital. Ils apportent les manuscrits et les papiers Canson ou Ingres pour les exemplaires de luxe et attendent la fin du tirage à l’atelier, Eluard, qui souffre du froid, entourant le poêle de ses grands bras[16]. Les éditions clandestines cessent d’exister à la destruction de l’imprimerie par les Allemands en 1944. Parallèlement, Eluard est aussi en contact avec des éditeurs suisses qui publient Le lit la table aux Trois collines, grâce à Gaston Baissette, responsable du front de résistance des médecins et ami de Bonnafé, qui fait le lien avec Paris où François Lachenal, fils d’un avocat de Picasso, fait passer en Suisse les poèmes. Eluard continue donc à travailler activement en Lozère.
Mais le poète vit pour la première fois dans ce lieu si particulier qu’est un hôpital psychiatrique. Lucien Bonnafé a écrit qu’Eluard, parmi tous les amis qui auraient pu l’accueillir, a choisi celui qui lui permettait de vivre au pays des fous[17]. Les surréalistes se sont en effet très tôt intéressés à la folie. André Breton, dès 1916, incorporé comme infirmier en tant qu’étudiant en médecine, est affecté à sa demande au centre neuropsychiatrique de Saint-Dizier où il effectue un interrogatoire continu des malades. Il découvre alors les fulgurances de leur discours, et le commentaire de Fraenckel aux lettres de son ami est parlant : « Breton dans son hôpital de fous s’émeut et s’épouvante de voir des aliénés plus grands poètes que lui.[18] » L’expérience est éprouvante, parce que le jeune homme craint en même temps de sombrer lui-même dans la folie. Mais il a découvert que le fou est génial, que la folie est la poésie absolue, mais qu’il faut aussi s’en défier. Breton s’en prend par la suite constamment aux psychiatres, malgré ses bonnes relations initiales avec le docteur Leroy puis avec le docteur Babinski. Sa condamnation est ainsi virulente à la fin de Nadja, après l’enfermement de l’étonnante héroïne. Mais à Saint-Dizier, Breton a été en contact avec les souffrances d’êtres humains diminués par la maladie, il a appris à observer : Sujet est le monologue d’un malade qui ne croit pas en la réalité de la guerre, tout lui paraît un spectacle monté pour lui. S’il a vu à cette époque quelques aquarelles et acheté en 1929 deux objets d’aliénés, lors d’une exposition chez Max Bline à Paris, c’est donc par le verbe que Breton a pris contact avec la folie.
On connaît certes un poème d’Eluard daté de 1914 intitulé Le fou parle, mais il évoque surtout la position difficile du jeune homme entre sa femme et sa fiancée Gala. Eluard découvre vraiment la folie par les créations des malades mentaux, grâce à Max Ernst qu’il rencontre à Cologne en 1921. Lorsque le 18 août 1922, Ernst arrive à Paris grâce au passeport d’Eluard, il lui apporte en cadeau le livre de Prinzhorn Expression de la folie (Bildnerei der Geisteskranken) qui permet au poète d’admirer d’étranges productions d’aliénés. Préparant un certificat de psychologie, Ernst en effet a assisté, de 1910 à 1914, à un enseignement à la clinique psychiatrique de Bonn. Là, il a pu voir une collection d’œuvres de malades qui l’ont frappé. Ernst a compris, dès cette date, l’importance de la folie dans la création artistique et s’est intéressé aux découvertes de Freud. Le livre du docteur Prinzhorn qui en deux ans a constitué au sein de la clinique psychiatrique de Heidelberg une collection de plus de 5 000 pièces, est très attendu en Allemagne où il a un succès considérable à sa parution en 1922. Eluard est donc l’un des premiers à avoir accès en France, avant sa traduction, « au plus beau livre d’images qui soit » et à le recommander à ses amis. Selon André Masson, le livre est connu de tous les surréalistes[19].
Comme Breton, Eluard a donc une vision positive de la folie. En 1924 paraît sous son nom, dans les Feuilles libres, Le génie sans miroir, en réalité écrit par Desnos qui illustre le texte de dessins inspirés par ceux des fous. Il s’agit d’une célébration des maladies mentales qui semblent une punition, mais en fait sont une libération parce qu’elles donnent accès à un pays merveilleux. Lorsqu’en 1930 Breton et Eluard écrivent à deux mains L’Immaculée conception, ils simulent aussi cinq délires classiques étudiés par la médecine, simulations de valeur inégale aux yeux d’un psychiatre, pour prouver que la folie est dans l’esprit de tout homme, même non malade. Pour montrer la parenté entre les écrits littéraires et la production des fous, Breton et Eluard ont utilisé des phrases d’aliénés tirées de manuels médicaux ; ils les ont aussi données comme titres aux tableaux de leurs amis peintres. Cet intérêt ne s’est jamais démenti, puisqu’en 1942, dans le recueil Poésie involontaire, poésie intentionnelle, Eluard fait figurer, auprès de citations d’écrivains connus, des paroles d’anonymes et de malades mentaux empruntées aux Annales médico-psychologiques et aux écrits de Marcel Réja et de Lacan. Le poète rappelle donc la dimension artistique des paroles des aliénés, juste avant d’être confronté à la réalité de la folie.
Pendant les années de guerre, Eluard s’exprime déjà dans une poésie plus simple qui se veut proche du réel. En 1943, à Saint-Alban, il découvre le tragique de la maladie mentale, dans une approche directe, puisqu’il vit au sein de l’hôpital. Ses amis médecins qui travaillent sans relâche à l’amélioration des conditions de vie de leurs patients, ont noté l’humanité d’Eluard, sa gentillesse. Dans le service des femmes de Bonnafé, situé dans le château, confronté à la déchéance, le poète ne se contente pas d’observer les malades, de leur parler, il écrit, en les écoutant, frappé par ceux qui lui paraissent dans leurs chimères dériver vers l’animalité :
- Fausses guenons et fausses araignées
- Fausses taupes et fausses truies…
Dans les six portraits du poème Le monde est nul, selon Louis Parrot « le visage et l’esprit des fous sont reproduits avec fidélité[20] ». François Tosquelles peut mettre un nom sur ces portraits, évoquer celui d’une infirmière. Lucien Bonnafé dit également que Madame Colignon est celle qui susurre « Qui suis-je et ce marron et son sucre intérieur ». Eluard les regarde une à une, saisit les yeux vagues de la première, la tristesse de l’autre, les cris qui sont une demande d’amour. Dans les trois derniers portraits, le je leur donne la parole pour traduire la souffrance et les regrets de ces êtres brisés « qui font peur aux enfants ». Le deuxième poème intitulé Le cimetière des fous évoque l’atmosphère impressionnante du cimetière réservé aux malades et aux religieuses qui, comme dans tous les hôpitaux psychiatriques de l’époque, était situé dans le lieu même. Les croix anonymes dressées sous la voûte des arbres, « parcourue de vents fous et d’esprits en ruines » sont celles d’hommes emprisonnés qui ont perdu dans la mort jusqu’à leur nom. Face à la tragédie de la folie, la poésie d’Eluard est compassion. Il a désormais conscience que ces poètes dont il simulait autrefois le délire, sont des poètes déchus.
Ainsi, isolé en Lozère, Eluard n’est pas du tout dans une tour d’ivoire. Il participe en tant qu’artiste à l’action de réorganisation de l’hôpital accomplie par les médecins. Tosquelles, dans ses souvenirs tardifs raconte que lors d’une réunion de la Société du Gévaudan, une même malade donnait lieu à une lecture poétique d’Eluard, une lecture phénoménologique et existentialiste de Canguilhem, à l’analyse d’un Rorschach par Chaurand et à un apport psychanalytique de Tosquelles lui-même[21]. Le médecin souligne le rôle du poète : c’est « en les ayant rendus plus sensibles et plus attentifs aux drames humains qui se jouaient près d’eux que Paul Eluard a été un des hommes les plus agissants et les plus efficaces dans la réforme hospitalière qu’à cette époque ils méditaient[22] ». Bonnafé, déjà sensible à la poésie et à l’image surréaliste avec son ami Jean Marcenac lors de leurs années toulousaines, est désormais heureux de constater l’humanité et de la simplicité de l’écrivain qui lui semble incarner au mieux le surréalisme. Ici, la résistance ne se dresse pas seulement contre l’occupant. Médecins et intellectuels, communistes ou proches du PC cherchent plus largement par leur comportement et leurs paroles à alléger les souffrances de l’homme.
Mais la découverte d’Eluard à Saint-Alban est aussi celle des œuvres de fous, non plus sous la forme de reproductions photographiques comme dans les années 1920, mais dans des dessins, des broderies, des sculptures. Comme dans les autres hôpitaux psychiatriques depuis le XIXe siècle, à Saint-Alban les malades produisent des écrits et des images souvent restés anonymes, mais collectés dès 1914 par Maxime Dubuisson, le grand-père de Lucien Bonnafé. Mais en 1943, Eluard rencontre là de véritables artistes. L’enfermement, la solitude, les pousse à s’exprimer plastiquement, d’une manière parfois mystérieuse. Ainsi, Clément Fraisse, né en 1901 dans une famille de cultivateurs, ne sait ni lire ni écrire. Il est interné à Saint-Alban en 1925 pour avoir tenté de détruire la ferme familiale. Violent, il cherche à s’évader, si bien qu’il est enfermé dans une petite pièce aux murs tapissés de lambris de bois. Pendant les deux ans de son emprisonnement, à l’aide d’instruments de fortune, Fraisse creuse le bois de motifs variés, constituant une frise de 3,80 m/1,70 m. Il ne donne aucune explication à son extraordinaire travail qui cesse avec son enfermement : après 1931, il ne crée plus jamais.
Les créations artistiques des patients de Saint-Alban ne sont pas nécessairement liées à la présence de médecins particulièrement ouverts. Certains d’entre eux cependant commencent sans doute à écrire ou à dessiner à ce moment. Aimable Jayet est transféré des hôpitaux de la Seine en 1939. Son délire le conduit vers le pays des ancêtres et il l’exprime par écrit sur des cahiers qu’il remet aux médecins. Il écrit pour lui, se libère de la syntaxe, crée des mots, invente une mise en page qui mêle texte et dessins, caractères de tailles variées sur des supports de papier ou de tissus. Il n’est donc enfermé que dans son délire, car il a à Saint-Alban une grande liberté, circule librement dans le village et peut écrire à sa guise. Les médecins, Lucien Bonnafé, et plus tard Jean Oury, se sont attachés à ses productions, à son univers fantastique. Mais nous ne savons pas ce qu’en pensait Eluard. Le poète ne parle pas davantage d’une grande créatrice de Saint-Alban, Marguerite Sirvens.
Elle est née en 1890 à La Canourgue d’une famille aisée, a été bouleversée par le mariage de sa sœur avec qui elle habitait et est arrivée en 1932. Peut-être a-t-elle été encouragée par la nouvelle équipe pendant la Résistance. En effet, elle commence, en 1942, à réaliser des pliages, des tricotages et finit par « s’occuper toute la journée à des travaux artistiques ». Très habile – elle a été modiste – elle réalise des aquarelles et des tableaux brodés de couleurs vives qui montrent des personnages dans la nature, des enfants avec leurs jouets, des animaux. Plus tard, elle crée une somptueuse robe de mariée, brodée à l’aide de fils qu’elle tire de ses draps. Ces fils ne traversent pas les poèmes de Paul Eluard. Mais François Tosquelles compare le travail sur les mots de l’écrivain à la technique méticuleuse et inspirée de Marguerite Sirvens : « Eluard, c’était un ange, la dentellière de la parole. Il crochetait la parole toute la journée…[23] ». C’est reconnaître aussi à Marguerite un véritable statut d’artiste qu’un autre malade de Saint-Alban possède déjà, Auguste Forestier.
Passionné de trains depuis l’enfance, Forestier fut longtemps un fugueur. Après avoir fait dérailler un train, il est interné en 1914 à l’hôpital de Saint-Alban dont il n’est plus sorti. De la Première Guerre datent de nombreux dessins aux crayons de couleur, représentant militaires et personnages historiques, souvent pourvus de couvre-chefs extravagants, production conservée par Maxime Dubuisson. À partir des années 1930, il passe à la sculpture, taillant dans le bois soldats, maisons, bateaux, mais aussi personnages à tête d’oiseau et bêtes fantastiques inspirées par les exploits semi-légendaires de la bête du Gévaudan. L’activité de Forestier est née de son enfermement. Le voyage impossible se transforme en une errance dans l’imaginaire, dans un pays où il est le roi fou, créateur tout puissant, libre de ses choix. À l’hôpital, il est reconnu et soutenu. En 1943, il peut installer un atelier rudimentaire dans le couloir de l’arrière-cuisine. Il a un statut d’artiste, puisqu’il vend ou troque ses objets. Ses « oiseaux oiseleurs », selon l’expression de Dubuffet, comme les objets surréalistes inventés par Breton et ses amis juste avant la guerre, créent la surprise en rapprochant corps d’homme et bec-de-perroquet, tête de mammifère et queue de poisson. La simplicité des outils de Forestier, la pauvreté de ses matériaux, déchets récoltés dans l’hôpital, lui vaudront de plaire au créateur de la collection de l’Art brut. Ces étranges objets expriment aussi symboliquement l’aventure de Saint-Alban. Les maisons aux balustrades et portes sculptées évoquent le château hôpital accepté par le malade qu’est Forestier, les monstres la Société du Gévaudan créée par Bonnafé au service de la maladie mentale. La photo de Tosquelles portant un bateau de Forestier est l’expression très claire de l’esprit qui portait tous ces hommes vers la liberté.
Eluard n’a rien écrit sur ces artistes. Mais il a été marqué par eux, au point de suggérer à sa fille Cécile et au peintre Gérard Vuillamy son gendre, de passer l’été 1945 à Saint-Alban. Ils sont accompagnés de Tristan Tzara et de son fils Christophe qui a participé à la Résistance, invités par Lucien Bonnafé. Le poète Tristan Tzara, célèbre pour sa participation à l’explosion Dada à Zurich, puis à Paris dans les années 1920, connaît Eluard depuis cette époque et comme lui, a rompu avec Breton. Il fuit Paris dès juin 1940. Dans le Sud, il retrouve Aragon et Eluard et publie la petite plaquette Route Seul-Soleil à la Bibliothèque française. Le texte est précédé d’une notice qui le présente : « Dès l’occupation allemande, Tzara se retire dans le Midi, à Aix-en-Provence, puis dans le Lot, et commence à résister par un silence exemplaire. » En septembre 1944, il s’installe à Toulouse, cherche avec les communistes à faire revivre la vie culturelle de la ville et se passionne pour la culture occitane. Mais il se fatigue des luttes politiques de cette période de Libération. On le retrouve en juillet et août 1945 à Saint-Alban, et dans deux lettres à Georges Hunier, l’une à son arrivée, l’autre à son départ, il exprime sa satisfaction : le repos est au rendez-vous, mais plus encore l’intérêt[24].
Comme Eluard, Tzara découvre la maladie mentale. Certes, Dada se situe en marge des normes sociales, cherche à faire table rase de la culture, à déconstruire le langage, par un retour à l’origine, à ce que l’on appelle alors « l’art nègre », à la poésie orale des Africains ou des Maoris. Dans un article des Feuilles libres de 1926, Tzara fait l’éloge de la folie, lorsqu’il montre comment elle transforme l’œuvre du peintre suédois Ernst Josephson. Mais à l’asile de Saint-Alban, Tzara rencontre des êtres humains. Il leur parle, lie amitié avec certains d’entre eux. C’est ce contact qui le marque, plus que les créations artistiques qu’il découvre : « J’ai été extrêmement touché par ce côté de sympathie qui se dégageait, cette quête, cette demande constante d’humanité que j’ai trouvée chez eux. » C’est par la poésie qu’il exprime cette relation. Parler seul donne la parole aux « égarés », dit leur souffrance par les juxtapositions de mots et le retour des sonorités : « Horreurs détresses visages passés repassés trépassés », mais aussi la tendresse et le rire, dans une nature omniprésente où « le rire de l’eau » s’entend entre les arbres et les ombres, dans « la fourrure des Margerides », ces monts parcourus par l’écureuil et le hérisson, la truite et le renard. Contrairement à Eluard, Tzara ne décrit pas les malades de Saint-Alban. L’atmosphère du lieu surgit de certains mots : La bête du Gévaudan n’est pas loin lorsque le vers évoque les loups, pelote et laine appartiennent peut-être à Marguerite Sirvens, le coup de sifflet et le train rappellent Auguste Forestier. Mais « les mots sont de paille », le tu n’est pas celui du dialogue. Ambigu, il renvoie aussi au poète lui-même qui se reconnaît en ces êtres perdus. Après son séjour, Tzara demande à Miró d’illustrer son recueil, parce qu’il est le seul à avoir la fraîcheur qui convient, parce qu’« il sent des racines très profondes qui rapprochent le plus de l’homme à l’état de nudité de la conscience[25] ». Miró souligne les textes de signes noirs et colorés, de dessins volontairement naïfs. Les poèmes et les 72 lithographies de Parler Seul, édités par Maeght en 1948 et 1950 sont une véritable réussite bibliophilique. Tzara accorde en effet, depuis les publications dada, un très grand soin à la réalisation de ses livres. C’est donc par l’art qu’il a traduit son émotion.
Comme Tzara, Eluard a pu éditer ses poèmes illustrés. Son gendre Gérard Vuillamy, peintre d’abord abstrait, puis proche des surréalistes, arrive en Lozère un an après lui. Il rend compte de son premier contact avec la maladie mentale, par une série de portraits au crayon représentant des malades, hommes et de femmes, comme Auguste Forestier et Marguerite Sirvens, et un dessin du cimetière des fous et de ses multiples croix. Eluard peut donc choisir certaines œuvres pour illustrer ses poèmes et constituer le recueil Souvenirs de la maison des fous qu’il dédicace à Gérard Vuillamy : « A Gérard qui a vraiment rendu hommage à la tragédie de Saint-Alban et à ses acteurs. » Cette fois, deux regards se croisent, celui du peintre et celui du poète qui ont éprouvé une semblable compassion pour les malades qu’ils ont observés à l’hôpital. La représentation figurative de Gérard Vuillamy répond aux descriptions d’Eluard, dans le même souci d’humanité.
Ni Eluard ni Tzara n’ont parlé de l’œuvre d’Auguste Forestier, mais on sait combien elle les a intéressés. Ceci n’a rien d’étonnant. L’aspect fruste de ces statuettes peut rappeler les objets océaniens et amérindiens que les surréalistes ont très tôt collectionnés et associés aux tableaux des peintres : Le 26 mars 1926, La galerie surréaliste de la rue Jacques Callot expose Man Ray avec des objets des îles (Malaisie, Australie, Marquises, Pâques…) et en 1927, Yves Tanguy avec des objets d’Amérique (Colombie britannique, Nouveau Mexique, Pérou…). Tzara collectionne statuettes et masques africains ou océaniens, mais sans les mélanger comme Breton à des objets d’art populaire et à des trouvailles insolites. Pendant la guerre, au moment où Breton et Ernst achètent des poupées Kaschinas à New York, Eluard est sensible à l’aspect composite des sculptures de Forestier qui associent des têtes d’animaux à des corps d’hommes un peu à la manière des collages. Tzara en achète une, Eluard trois : Le roi fou photographié par Georgette Chadourne dans l’appartement parisien du poète et évoqué par Brassaï, une Bête du Gévaudan et un Homme coq, légués par la suite au docteur Ferdières. Gérard Vuillamy s’intéresse aussi à Forestier et possède au moins un homme-oiseau et une bête[26]. Des hommes au regard exercé à la quête d’œuvres nouvelles ne peuvent qu’être frappés par la créativité débordante de Forestier. Alors que les créations des malades mentaux sont souvent répétitives, celles de Forestier sont toutes originales, malgré les pièces détachées fabriquées en série, et témoignent d’une extraordinaire imagination.
Grâce à ces artistes qui se situent dans la mouvance du surréalisme, les œuvres des malades de Saint-Alban quittent l’asile. Auguste Forestier est déjà apprécié autour du village : il vend ou échange ses sculptures lorsque les paysans traversent l’hôpital pour aller au marché. Médecins et infirmiers en font aussi l’acquisition, souvent comme jouets d’enfants. Ces objets n’ont donc de reconnaissance que locale. La présence d’Eluard et de ses amis change la donne, non seulement parce que Jacques Matarasso et Gérard Vuillamy les emportent hors de Lozère, mais parce que, à son retour à Paris au printemps 1944, Eluard les fait connaître : il les offre à ses amis Picasso et Dora Maar ainsi qu’à Raymond Queneau. De plus, sa rencontre avec Jean Dubuffet, au sortir de la guerre, a sans doute exercé une influence sur la quête d’œuvres d’aliénés engagée par le peintre en 1945, point de départ de ce qui va devenir la Compagnie de l’Art Brut qui intègrera ultérieurement des œuvres d’artistes de Saint-Alban.
Comme Breton et Eluard, Jean Dubuffet a été frappé dans sa jeunesse par des œuvres de malades mentaux. En 1923, il séjourne à Lausanne, chez l’écrivain Paul Budry qui lui offre le livre de Prinzhorn. Pendant son service militaire à l’Office national météorologique de la tour Eiffel, il découvre les cahiers d’observations imaginaires du ciel de Clémentine Ripoche qui sombre dans la démence. Mais Dubuffet ne se met vraiment à peindre qu’après avoir vendu, en 1942, son commerce de vins. Il est en contact avec les surréalistes grâce à son ami d’enfance Georges Limbour, condisciple au Havre de Raymond Queneau. À la fin de 1943, Georges Limbour présente Jean Dubuffet à Jean Paulhan, immédiatement séduit par les recherches du peintre, au point de le présenter au galeriste Drouin qui l’expose fin novembre 1944. Mais dès le printemps 1944, Paulhan lui adresse peintres, poètes et écrivains. Dubuffet reçoit d’abord la visite de Louis Parrot qui lui amène Eluard. Cette rencontre est suivie d’une visite chez Eluard où le peintre découvre Le roi fou de Forestier. Eluard écrit alors le poème Quelques mots rassemblés pour Monsieur Dubuffet, illustré d’une lithographie de l’artiste. À peu près au même moment, Paulhan fait connaître à Dubuffet Raymond Queneau qui s’est intéressé aux fous littéraires depuis les années trente, comme en témoigne son roman Les enfants du limon. Une lettre de Dubuffet à Queneau daté de 1945 est une demande de renseignement sur ces travaux. Ils ne se connaissent pas, malgré leur jeunesse havraise commune, mais deviennent amis. Charles Ratton, spécialiste des arts primitifs, proche de Tzara, Eluard et Roland Tual, rend également visite à Dubuffet le 14 juin 1944 ; les relations se poursuivent et Charles Ratton devient en 1948 membre de la Compagnie de l’Art Brut[27].
À cette époque, la création personnelle de Dubuffet se veut contestataire. Il refuse la culture et la peinture officielle, s’intéresse à l’expression créatrice des sociétés primitives, aux graffitis et aux tatouages des prisonniers et peu à peu à l’art des aliénés. Au cours de l’été 1945, il fait « un petit voyage en Suisse[28] » en compagnie de Paulhan et de Le Corbusier, invité par l’Office national du tourisme dont Paul Budry dirige le siège de Lausanne. Commencent ainsi ses prospections. Il va de découverte en découverte, avec le concours des médecins des hôpitaux psychiatriques dont l’accueil est chaleureux : les extraordinaires peintures colorées d’Adolf Wölfi et d’Aloïse, les dessins au doigt à l’encre noire de Louis Soutter… Il commence à acquérir des œuvres : c’est le tout début de sa collection. A son retour, il rend visite en septembre à Rodez au docteur Ferdières qui soigne Antonin Artaud et collectionne objets insolites, masques, fétiches et objets d’aliénés. Proche des médecins de Saint-Alban, Ferdières conseille à Dubuffet d’aller voir Auguste Forestier. Leurs relations se tendent par la suite, parce que le terme d’Art brut ne convient pas à Ferdières qui préfère parler d’Art psychopathologique. Dans l’immédiat, Dubuffet est prêt à poursuivre en France les recherches commencées en Suisse.
Dubuffet arrive donc à Saint-Alban, tout exprès pour voir Forestier et ses œuvres. Il « trouve là nombreuse compagnie, madame Bonnafé (son mari est absent) et Tristan Tzara avec son fils et plusieurs autres invités ». Il lui semble « qu’on l’accueille un peu froidement » et en tout cas, « on ne lui laisse pas voir Auguste[29]. » Tosquelles en effet refuse de recevoir le peintre, très réservé, comme Bonnafé d’ailleurs, face à son entreprise. C’est cette opposition aux idées de Dubuffet qu’exprime la phrase de Tosquelles : « Lorsque je suis arrivé à Saint-Alban en 1940, Auguste Forestier avait déjà inventé l’Art brut ». « Tosquelles avait horreur des esthètes[30] », explique Jean Oury qui rétablit par la suite le dialogue des médecins avec Jean Dubuffet. Arrivé comme interne à Saint-Alban avec son ami Robert Millon en septembre 1947, Oury se passionne pour les œuvres des aliénés, découvre de nouveaux créateurs, comme Benjamin Arneval, interné en 1942 qui ne commence à dessiner qu’en 1948 lors d’une crise d’anxiété. Leurs productions, selon lui, constituent une autoreconstruction, une autoproduction, les malades étant centrés sur eux-mêmes plutôt que sur le résultat esthétique. Il écrit un article sur Auguste Forestier, publié par Ferdières dans la revue Bizarre n° 6, en 1956. Les échanges avec Dubuffet commencent dès 1947, puisque le peintre lui écrit pour lui parler des photos qu’il fait réaliser « des sculptures qu’Eluard et Queneau ont la chance de posséder ». Oury rencontre Dubuffet en octobre 1948 et entretient avec lui une importante correspondance. Les échanges d’objets commencent avec Saint-Alban, Dubuffet étant très attentif à rétribuer d’une manière ou d’une autre les malades, sous le contrôle de Tosquelles, avec lequel « les relations se sont améliorées, mais sans plus ». Avec un peu de retard, Auguste Forestier fait partie de la collection de Dubuffet et devient l’un des artistes majeurs de la Compagnie de l’Art Brut à laquelle Jean Oury donne les sculptures qu’il possède, avec des œuvres d’Aimable Jayet et de Marguerite Sirvens. Grâce à la ténacité de Dubuffet, les œuvres des aliénés sont sorties de l’asile et ont été montrées au public de manière confidentielle.
La création de la Compagnie de l’Art Brut montre clairement un intérêt commun avec les surréalistes. Dubuffet croit comme eux que la créativité des malades mentaux est plus réelle que celle de la culture officielle. C’est donc naturellement qu’il demande à André Breton d’être, avec Jean Paulhan, Charles Ratton, Henri-Pierre Roché et Michel Tapié, l’un des membres fondateurs de la compagnie, en 1948. Dubuffet, fier de cette participation, ressent une grande amitié pour Breton qui s’implique pleinement dans l’aventure. André Breton écrit, pour un Almanach de l’Art brut en définitive non publié, l’article l’Art des fous qui fait partie aujourd’hui du recueil La clef des champs. Breton fait aussi découvrir à Dubuffet les masques de coquillage de Pascal-Désir Maisonneuve, et accepte de prêter des œuvres de sa collection personnelle. Mais les désaccords apparaissent. La folie est pour Breton la force créatrice de ces œuvres, alors que Dubuffet minore son influence pour s’intéresser à leur qualité plastique. Le peintre craint aussi de se voir purement et simplement annexé au mouvement surréaliste. Lorsque Dubuffet décide d’expédier sa collection aux Etats-Unis, la rupture est violente : Breton, qui désapprouve ce choix, démissionne. Raymond Queneau a également suivi la création de la Compagnie de l’Art brut : par son intermédiaire, Dubuffet a acheté des œuvres de Scottie Wilson, à Simone Collinet, première femme de Breton et belle-sœur de Queneau. Ces contacts ont donc permis de développer une collection dont Dubuffet finit par rester seul maître.
Les tribulations de la collection ne sont pas terminées. Dans les années 1960, Dubuffet continue à l’accroître. Les relations avec les médecins de Saint-Alban, qui reprochent pourtant à Dubuffet d’oublier la maladie, sont ranimées lorsque le docteur Gentis, venu travailler avec Tosquelles avant de lui succéder, reprend le flambeau. En 1962, Dubuffet reçoit 24 pièces de Marquerite Sirvens. Roger Gentis retrouve dans un grenier son extraordinaire robe de mariée que Lili Dubuffet présente sur un mannequin noir lorsqu’elle rejoint la collection de l’Art Brut. En 1963, Tosquelles et Gentis sauvent in extremis le lambris de Clément Fraisse, acquis par Dubuffet. Le peintre admet la nécessité de respecter la maladie, de conserver un certain anonymat. Les noms des malades sont occultés lors des premières expositions de la Compagnie : Auguste Forestier est Auguste For et Marguerite Sirvens, Marguerite Sir. Mais, grâce à l’intérêt de Jean Oury et Roger Gentis, les œuvres des créateurs de Saint-Alban ont quitté l’hôpital psychiatrique.
Elles finiront aussi par échapper au cercle fermé de la collection de Dubuffet. La véritable trouvaille du peintre est le nom qu’il a donné à l’ensemble qu’il a constitué[31]. Après quelques hésitations en faveur d’Art obscur, il a choisi Art Brut, un terme qui se définit au fur et à mesure de la collecte. Ce que recouvre l’expression est suffisamment flou, pour ne pas représenter seulement l’art des malades mentaux, mais inclure les marginaux, tous ces créateurs qui ont en commun de ne pas avoir de formation artistique, de ne pas faire partie du circuit commercial, d’utiliser des matériaux pauvres. Comme la folie n’est pas centrale dans l’Art Brut, les malades mentaux peuvent être considérés comme des artistes comme les autres. Tous ces créateurs différents ont gagné progressivement une juste reconnaissance, malgré la confidentialité qui reste de mise à Lausanne au siège actuel de la collection initiée par Dubuffet. Plus, ils ont leur place auprès des artistes d’art moderne et contemporain qu’ils ont impressionnés, comme Klee au début du XXe siècle ou Tinguely dans les années 1960. L’extraordinaire aventure de Saint-Alban a permis, par l’entreprise de Dubuffet, de mettre en évidence la qualité des productions des malades, l’importance de leur rôle dans l’art de notre temps. Quand les œuvres sont sorties de l’hôpital, elles ont échappé à la maladie. Leurs créateurs ne sont plus des exclus, comme les morts anonymes du Cimetière des fous. Auguste Forestier, Marguerite Sirvens, Aimable Jayet, Clément Fraisse et leurs successeurs sont exposés au Musée d’art moderne de Lille, le LaM, quittant ainsi une collection privée pour être largement exposés au public. Un autre regard sur la folie leur a rendu leur nom.
La Seconde Guerre mondiale a fait de l’hôpital psychiatrique d’un village de la Lozère un lieu unique d’asile, de rencontre, et de création[32]. Il servit de refuge à des médecins qui initièrent une révolution dans le traitement des malades mentaux internés, et qui accueillirent des intellectuels et des surréalistes confrontés à la folie et à ses productions artistiques. Ces mêmes hommes remarquables ont soigné et caché les blessés de la Résistance. Leur engagement dans la défense des œuvres de leurs malades a permis à ces derniers de sortir de l’anonymat et d’être reconnus comme artistes. Ce moment fut exceptionnel, car depuis le début des années 1950, la chimiothérapie agit favorablement sur l’humeur et les productions délirantes des malades, mais elle bouleverse aussi et peut annihiler leurs facultés de création, d’autant que beaucoup de malades peuvent quitter l’hôpital. Quelle que soit l’explication donnée sur le rôle de la folie dans la création artistique, voire sur son expression particulière, il faut admettre que les neuroleptiques appauvrissent l’inspiration. D’une certaine façon, il n’y a plus d’« Art des fous » proprement dit, même si on rencontre encore des patients créateurs soignés qui peuvent figurer alors dans l’Art brut.
[1] Ce terme est utilisé depuis 1938 ; il remplace en France celui d’asile ou asile d’aliénés, un établissement hospitalier public où étaient traités les malades mentaux.
[2] P. Balvet, « Asile et hôpital psychiatrique : l’expérience d’un établissement rural », Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de langue française, 43e session, Montpellier, octobre 1942. Hermann Simon, « La psychothérapie à l’asile », L’Hygiène mentale. Journal de psychiatrie appliquée, 1933, 1, p. 16–28. L’ouvrage de H. Simon est publié en 1929 sous le titre Aktivere therapie in der Irrenanstalt.
[3] Une politique de la folie par François Tosquelles, Chimères, automne 1991, numéro 19.
[4] L. Johnes, « FrançoisTosquelles : De la guerre d’Espagne à Saint-Alban », L’Invention du lieu, résistances et création en Gévaudan, LaM, Musée d’Art moderne, 2014, p. 27-33. J. Lacan, De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, thèse, 1932, Seuil, 1980.
[5] A. Breton, L’Amour fou, Bibliothèque de la Pléiade, t. II, 1992, p. 70.
[6] Les albums sont conservés dans les collections du LaM sous le nom d’Albums Dubuisson. D’autres psychiatres collectionneurs se sont intéressés très tôt aux productions des malades mentaux. Auguste Marie, dès la fin du XIXe siècle ; Édouard Toulouse, Paul Sérieux. Benjamin Pailhas a voulu constituer un musée consacré à l’art des aliénés. Sa collection est conservée à la Fondation du Bon Sauveur, à Albi. Il y eut des échanges entre Dubuisson et Pailhas. S. Faupin, « Maxime Dubuisson, Benjamin Pailhas », L’autre de l’art, LaM , Musée d’Art moderne, 2014, p. 51-57.
[7] K. Ben Faour, « Georges Canguilhem, entre folie et résistance », Les chemins de l’art brut 6 à Saint-Alban- sur- Limagnole, 2007, p. 27-31. G.Canguilhem : Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique. Clermont. La Montagne, 1943.
[8] Tosquelles précise que des expositions de champignons avaient été organisées pour apprendre aux patients à les ramasser. Chimères, 1919.
[9] P. Balvet, A. Chaurand : « Régime alimentaire et restriction à l’hôpital psychiatrique de la Lozère », op. cit. ; I. von Buetzingsloewen, L’Hécatombe des fous, Aubier, 2007, p. 369-372. M. Rochet atténue l’optimisme de Bonnafé et Tosquelles, puisque, selon les rapports administratifs et médicaux, il y eut 56 décès par cachexie durant la guerre. Au-delà de la dénutrition responsable des morts, il faut y associer le froid, la tuberculose pulmonaire, et tenir compte de l’arrivée massive en 1939, de l’état de santé des 250 malades transférés du fait de la guerre en provenance de l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard et des hôpitaux d’Alsace-Lorraine ; M. Rochet : « Saint-Alban sur-Limagnole : un hôpital psychiatrique dans la guerre », L’Information psychiatrique, 1996, p. 758-765 ; Max Lafont, L’Extermination douce. La cause des fous, 40000 malades mentaux morts de faim dans les hôpitaux de Vichy, Bordeaux, éditions du Bord de l’eau, 2000 ; I. von Buetzingsloewen invalide la thèse d’un génocide organisé par les autorités allemandes ou françaises, voire le milieu psychiatrique, op. cit. , p. 403-421.
[10] F. Tosquelles, Chimères, op. cit.
[11] A. Breton, L’art des fous la clé des champs, Bibliothèque de la Pléiade, t. III, 1999, p. 884-887.
[12] L. Bonnafé, Désaliéner Folie et Société, Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 1991.
[13] B. Chevillon, « Sur les traces de Franco Basaglia et Lucien Bonnafé », Actes du colloque Paris 2011, p. 10.
[14] M. Gauzy, « L’effervescence saint-albanaise », in catalogue Trait d’union, LaM, 2007, p. 16.
[15] J.C. Gateau, Paul Eluard ou le frère voyant, Laffont, 1988, p. 282.
[16] « Les amitiés de la Résistance », Le Lien, n°8, Dec 1999.
[17] L’esprit de secteur, Entretien avec Lucien Bonnafé, Site Soin étude et recherche en psychiatrie.
[18] M. Bonnet, « La rencontre d’André Breton avec la folie », Folie et psychanalyse dans l’expérience surréaliste, Zéditions, Nice, 1992, p. 120.
[19] « Une précision d’André Masson sur l’art brut », Le Monde, 6 octobre, 1971.
[20] P. Dhainaut, « Visages de la folie : Paul Eluard à Saint-Alban », L’invention du lieu, LaM, 2015, p. 40.
[21] P. Brétécher, « Une rencontre inévitable »,ibid, p.42.
[22] P. Dhainaut, « Visages de la folie : Paul Eluard à SaintAlban », ibid., p. 42.
[23] « Une politique de la folie par François Tosquelles », Chimères, op. cit.
[24] Lettres de Tzara à Georges Hugnet, 10 juillet 1945, 8 septembre 1945, Bibliothèque Jacques Doucet.
[25] Entretien radiophonique avec Georges Charensol et Jean Dalevèse, in Tristan Tzara Œuvres complètes IV, Flammarion, 1980, note de Henri Béhar, p. 582.
[26] E. Le Coguic, L’activité intellectuelle et artistique au sein de l’établissement psychiatrique de Saint-Alban-sur Limagnole de 1914 à 1970, Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, Mémoire de Master 2, juin 2011.
[27] P. Dagen, « Ratton, objets sauvages »,Charles Ratton. L’Invention des arts primitifs, Musée du Quai Branly, Skira Flammarion, 2013, p. 136.
[28] J. Paulhan Guide d’un petit voyage en Suisse, Œuvres complètes Cercle du Livre Précieux, 1966, t. I, p.239.
[29] Lettre à Jean Oury, 17 février 1949, L’invention du lieu, op. cit., p. 49.
[30] J. Oury, Préalable à toute clinique des psychoses, Erès, 2012, p. 238.
[31] C. Delavaux, L’art brut, un fantasme de peintre, Palette, 2010.
[32] L’hôpital psychiatrique s’appelle aujourd’hui Centre François Tosquelles.