Journée d’étude 8 février 2020 – Elie-Charles FLAMAND
Présentation de la journée par Henri Béhar
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Pour ouvrir cette journée consacrée à Elie-Charles FLAMAND et à sa poésie astrologique, je voudrais regarder un moment en arrière, afin d’évoquer trois ou quatre jalons qui nous aideront à le situer, ce qui ne veut pas dire en faire un héritier direct.
- Vous connaissez tous la théorie de Tristan Tzara dans son « Essai sur la situation de la poésie » (1931). Selon lui, il y aurait deux formes de pensée. D’abord, il y eut le penser non-dirigé, produisant la poésie spontanée, primitive. Puis advint le penser dirigé, produisant la poésie volontaire, rationnelle, telle la poésie classique. Mais on ignore généralement le 3e temps de la pensée qu’il postulait dialectiquement. Celui-ci ouvrait le cycle de la poésie connaissance. Élaborée à partir du surréalisme, elle devait se rendre au-delà. C’est dans ce cadre que se situe, à mon avis, l’œuvre d’Elie-Charles Flamand.
- Il me faut rappeler la revue Mélusine dont le n° XXVII, 2007, est consacré aux rapports entre le surréalisme et la science, et, davantage, à la poésie comme science, connaissance, et même savoir de la connaissance. J’y écrivais en préface ; « Cette attitude offensive, visant les pouvoirs d’établissement, comme aurait dit Pascal, et particulièrement les forces positivistes, était sans doute nécessaire au sortir du carnage. Il fallait absolument redonner au rêve, à l’imagination, à la pensée analogique même, la place qu’on leur avait confisquée. C’est ainsi que Breton fera état, dans le Second Manifeste du surréalisme, d’une prédiction du Commandant Choisnard selon lequel une conjonction d’Uranus et de Saturne serait susceptible d’engendrer une « une école nouvelle en fait de science ». Or, précise-t-il, cette conjonction caractérise le ciel de naissance d’Aragon, d’Éluard et le sien. »
- Tour cela me ramène involontairement, bien entendu, à mes études universitaires, et plus précisément au certificat de Littérature française. À cette époque, nos maîtres inscrivaient au programme un certain nombre de thèses remarquables, nécessaires à une bonne connaissance de la littérature française. C’est ainsi que j’ai dû parcourir d’Albert-Marie Schmidt, La Poésie scientifique en France au seizième siècle. Ronsard, Maurice Scève, Baïf, Belleau, Du Bartas, Agrippa d’Aubigné. Paris, Albin Michel, 1938 (réédition Lausanne, Rencontre, 1970). Pour faire bref, voici ld résumé fourni par l’auteur lui-même : « La poésie scientifique a toujours été florissante et vivace. Elle a certes connu des hauts et des bas, des périodes de gloire et des périodes de relatif étiage. Encore faut-il s’entendre sur le terme même de « poésie scientifique ». S’agit-il uniquement de la poésie à caractère didactique, ou bien s’agit-il d’une poésie philosophique ou cognitive, certes inspirée par la science, mais qui prend des formes littéraires plus inventives ? – auquel cas je prétends que le genre a toujours été bien vivant, et que de par sa nature même, il ne peut guère en être autrement. » [On notera que, dans son intervention, Jean-Clarence Lambert invoquera les mêmes propos et les mêmes auteurs, sans que nous nous soyons concertés].
- Comment ne pas mentionner ici la poésie de Roger Vitrac, et notamment ce recueil, La Lanterne noire, que j’ai placé dans ses poésies complètes ? Le texte, parfaitement établi, était dédié à André Breton, et il relève intégralement de la poésie astrale. Or, on sait que Vitrac, qui signa la préface de La Révolution surréaliste, et fit donc partie du premier noyau, fut le premier exclu du groupe, pour des raisons bassement charnelles, dirai-je. Voici les premières pages de la plaquette, contenant les citations les plus caractéristiques des ancêtres auxquels il se réfère :
LA LANTERNE NOIRE
POÈMES SURRÉALISTES
(I925)
A André Breton.
L’on dit, outre cela, que l’humeur
mélancholique est si impérieuse que par son impétuosité
elle fait venir les esprits célestes dans les corps
humains, par la présence et l’instinct ou l’ins-
piration desquelles tous les anciens ont dit que
les hommes étaient transportés et proféraient
des choses admirables.
Ils disent donc que l’âme étant poussée par
l’humeur mélancholique, rien ne l’arrête, et
qu’ayant rompu la bride et les liens des membres
et du corps, elle est toute transportée en imagination.
Henri Cornelis-Agrippa.
LE NUCTÉMÉRON
SEPTIÈME HEURE
Un feu qui donne la vie à tous les êtres animés est dirigé
par la volonté des hommes purs. L’initié étend la main et
les souffrances s’apaisent.
HUITIÈME HEURE
Les étoiles se parlent, l’âme des soleils correspond avec
le soupir des fleurs, des chaînes d’harmonie font corres-
pondre entre eux tous les êtres de la nature.
ONZIÈME HEURE
Les ailes des génies s’agitent avec un bruissement mys-
térieux, ils volent d’une sphère à l’autre et portent de
monde en monde les messages de Dieu.
DOUZIÈME HEURE
Ici s’accomplissent par le feu les oeuvres de l’éternelle
lumière.
Apollonius de Thyane.
LES DÉMONS ET LES SACRIFICES
Le feu toujours agité et bondissant dans l’atmosphère
peut prendre une configuration semblable à celle des corps.
Disons mieux, affirmons l’existence d’un feu plein d’images
et d’échos.
Appelons, si vous le voulez, ce feu une lumière surabon-
dante qui rayonne, qui parle, qui s’enroule.
………………………………………………………
Les astres ont cessé de briller, et la lampe de la lune est
voilée.
La terre tremble et tout s’environne d’éclairs.
Alors n’appelle pas le simulacre visible de l’âme de la
nature.
Car tu ne dois point le voir avant que ton corps ne soit
purifié par les saintes épreuves.
Amolissant les âmes et les entraînant toujours loin des
travaux sacrés, les chiens terrestres sortent alors de ces
limbes où finit la matière et montrent aux regards mortels
des apparences de corps toujours trompeuses.
Ne change rien aux noms barbares de l’évocation : car
ce sont les noms panthéistiques de Dieu; ils sont aimantés
des adorations d’une multitude et leur puissance est ineffable.
Et lorsque après tous les fantômes tu verras briller ce
feu incorporel, ce feu sacré dont les flèches traversent à la
fois toutes les profondeurs du monde;
Écoute ce qu’il te dira!
François Patricius.
L’ABORD
Je me demande d’où proviennent tant de génu-
flexions à l’instant où le mort descend sur une échelle
de corde, et me prend dans ses bras de branches
mélodieuses, et me porte dans les ténèbres dont les
cercles sont de miel.
L’oiseau qui respirait dans un chapeau de plumes,
devait, pour naître, laisser tomber d’un instrument
de feuilles des corbeilles de mousse de platine, et
là, trouver un bégaiement qui le rapprocherait de
l’amour.
On découvrait les corps perdus en lisière des forêts,
dans des buissons de bijoux. Rien ne pouvait révé-
ler le secret en étoile des déchirements de l’absinthe.
Rien, sinon l’eau qui tombait d’un morceau de sucre
sur l’autre depuis le sommet des sapins jusqu’au
coeur barricadé du poète.
D’ailleurs, la pourpre se faisait petite pour passer
sous la porte romane. Elle s’excusait d’être la soeur
du sang.
Des oiseaux blancs lancés par la poitrine des déses-
pérés, partaient comme des pierres. On comptait des
secondes où l’on eût dû compter des siècles. Les
étranges architectures de l’eau dormante montaient
avec le souffle concentrique des noyés.
Au-delà tout se perdait.
LES POURRIS
Le rivage où s’allongent les femmes parmi les
moires du désir est plus petit que le bout du sein
de la lumière.
Un boeuf est bercé par les enfants d’un paysage
où il doit séjourner huit années.
Là, nous avons retrouvé les squelettes flétris des
voyageuses et le cerveau d’un siècle neigeux, sem-
blable au gâteau nommé : « religieuse », mais plus
dur que le front des assassins après l’aveu.
Rien ne pouvait tomber dans le puits qui ne fût
aérien. La feuille du sycomore y dansait en voiles
de Sicile, un grain de soufre sur la joue. Nous y
laissions choir des alliances et des griffes de plomb.
Mais elles s’arrêtaient au niveau que n’atteignent
jamais les hirondelles, car il n’y avait pas d’orages
dans ce pays.
Plus loin, ce fut le fantôme rêvé. Cet homme laissa
moisir son corps pendant sa vie qui devait être de
courte durée. Et nul n’émut la cime des édifices de
l’azur où les éclairs se suspendirent.
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