Bernard VOUILLOUX : Tableaux d’auteurs. Après l’Ut pictura poesis. PUV, Essais et savoirs, 2004.

Compte rendu par Valentine Oncins

 

La lisière du visible-lisible, c’est-à-dire la question : qu’est-ce qui fait tableau à l’intérieur du « peindre-décrire-écrire », a suscité un grand nombre d’ouvrages et d’articles (A. Chastel, M. Foucault, R. Krauss, R.W.Lee, J.-C. Lebensztejn, L. Marin, M. Schapiro…). Le livre de B. Vouilloux présente trois chassés-croisés : Diderot et Fragonard, Cézanne-lecteur balzacien et André Breton dans l’image. Il entend démontrer ce que sont les tableaux d’auteurs :

Il y a donc là un type de discours sur la peinture et un type de travail avec la peinture très éloignés de ce qui se pouvait concevoir dans les limites de l’éloquence antique et de la littérature classique, pour autant que le rapport à la peinture et l’inscription de l’auctorialité y fonctionnaient sous un tout autre régime que celui que présupposent les « tableaux d’auteurs. » (p. 10)

Nous retrouvons ici les fondements de ce croisement de littérature-peinture, à savoir la fiction, avec ses composantes de l’analogon, du nom propre, et aussi le motif de toute œuvre : motif est à entendre au sens d’une activation et d’une réactivation d’un tableau, d’un récit ou d’un manifeste. Si A. Breton et D. Diderot se situent en première ligne dans le discursif, P. Cézanne, au contraire, demeure en secondarité dans une identification à un personnage littéraire, le Frenhofer du Chefs-d’œuvre inconnu de Balzac.

Au fil de l’ouvrage, des glissements s’opèrent autour de la notion de modèle modèle biographique, modèle scénique ou modèle intérieur  ; des formules telles que le récit fait tableau ou le peintre, muet, forcément muet, s’était fait tableau ponctuent l’argumentation, qui est déterminante.

Succédant à la démonstration née de ces trois entrecroisements de littérature-peinture, la conclusion vient synthétiser le déroulement historique d’autonomisation de ces deux arts, tout en développant le questionnement fondamental sur la notion d’auteur :

reconnaître au peintre sa dignité auctoriale n’allait pas, pourtant, sans ambiguïté : c’était, bien sûr, l’égaler à l’écrivain, mais c’était aussi…, continuer de le comparer à lui, et le maintenir, par conséquent, à l’intérieur d’un schéma de compréhension qui n’était viable qu’à la condition de transférer sur la peinture les propriétés reconnues à la littérature. (p. 180)