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Martine Antle, Cultures du surréalisme : Les Représentations de l’autre, éds Acoria,

coll. Les Mots en partage, 2001, 194 p., ISBN –2-912525-36-5

 

 

            À la suite d’autres critiques femmes, Martine Antle montre dans cet ouvrage qu’aujourd’hui on ne peut plus continuer à marginaliser le travail des femmes dans l’entreprise surréaliste. De surcroît, quand le critique aborde une autre question majeure de son livre, l’altérité, elle en vient à adopter une attitude contestatrice envers le centre du mouvement surréaliste. Cette attitude vise, pourtant, à rouvrir le débat sur les cultures plurielles.

            Au cours de leurs voyages dans des terres lointaines, les surréalistes français ont ignoré presque l’Autre multiethnique. Par exemple, le Mexique contemporain est absent des Tarahumaras où Antonin Artaud cherche plutôt un pays mythique. De plus, quand le Prêtre entre en scène, Artaud utilise le discours indirect enlevant ainsi au protagoniste le droit à la parole. Et que dire d’André Breton dont le Carnet de voyage chez les Indiens Hopi témoigne un goût pour l’exotisme. D’ailleurs, dans les Conférences d’Haïti du chef surréaliste, on cherche en vain la moindre trace du public indigène, voire de sa culture.

            À l’heure du pacte civil de solidarité (PACS), Martine Antle traite aussi un aspect de l’identité sexuelle, c’est-à-dire le lesbianisme. La tentative de valoriser le travail de Hannah Höch et de Claude Cahun ― photographes et lesbiennes ― est relativement récente. L’Allemande a participé à Dada-Berlin. La Française a, pendant l’entre-deux-guerres, signé quelques tracts distribués par les surréalistes. Mais le thème du lesbianisme va servir surtout à éclaircir l’épisode des Détraquées dans Nadja. L’on sait l’aversion que Breton avait pour l’homosexualité. Or celle-ci est le sujet principal de la pièce de P. L. Palau. Dans sa lecture des Détraquées, Breton se tait à propos des rapports véritables qu’entretiennent Solange et Madame de Challens. De sa part, Palau, en souscrivant aux préjugés populaires, montre la lesbienne qui s’adonne au sadisme et à la pédophilie. Breton éprouve de la fascination devant ces perversions.

            On constate chez les surréalistes une carence de textes théoriques sur la photographie. Par exemple, parmi le décor des Mariés de la Tour Eiffel de Jean Cocteau figure « un appareil-photo de taille humaine ». Dans cette pièce, Cocteau met en œuvre une conception de la photographie où domine l’automatisme. Mais aucun contemporain n’a exploité ce mariage entre le genre photographique et le théâtre. Une autre lacune se fait évidente chez les surréalistes. Jamais une véritable discussion ne s’est amorcée pour rapprocher la photographie de la peinture.

            Des chapitres de cet ouvrage sont consacrés au travail de femmes surréalistes. On lit avec bonheur ceux qui traitent de Hannah Höch et l’antiracisme, Claude Cahun et le travestissement, Leonora Carrington et la vieillesse et l’aliénation mentale chez Unica Zürn. Les pratiques culturelles de ces femmes permettent une ouverture sur l’Autre.

 

 Richard SPITERI