DEUX MOTS Quand tombera la nuit des poêles qui ont trop brûlé trop chauffé comme une chevelure trop abondante une voix plus légère que le dernier flocon de neige qui dessine ton sein en se dissolvant comme une petite fille timide sous le regard intrépide du dernier accent circonflexe enragé qui bondit comme un tigre poursuivi du vert au blanc une voix si faible qu’on dirait une mouche sans ailes murmurera de seconde en seconde cri d’un robinet à jamais mal fermé et qui retentira dans le lit de ton oreille comme l’éclatement d’une pierre gelée Je t’aime grotte de soufre
À SUIVRE Rien à dire de la jonquille qui me sourit comme une gousse d’ail Rien à dire de la jonquille à tête d’écureuil qui ronge lentement le réveil-matin affolé sonnant à perdre haleine dans la prison de mes côtes c’est une fleur comme une pierre est un jouet mais le saucisson habité par des millions d’anguilles poilues comme un fromage moisi qui remontent la Loire quand les mouches sortent du saucisson
Rien à dire de la jonquille à tête d’écureuil sinon que je l’aime comme le serpent de mer aime l’heure de la sieste qu’il ne connaîtra jamais
les tulipes plus méchantes qu’un foie pourri
tu es ma sœur larme des oreilles vertes
Elle sera toujours pour moi la première mousse de l’année celle qui auréole le soleil plus brûlant qu’un hanneton comme un diamant brut dont la gangue déjà répand l’odeur des aubépines avant la chute des ailes projetées comme un coup de poing dans une gueule de vache comme un moustique dans le cachot de mon crâne
ON SONNE Un saut de puce comme une brouette dansant sur les genoux des pavés une puce qui fond dans un escalier où je vivrais avec toi et le soleil pareil à une bouteille de vin rouge s’est fait nègre esclave nègre fustigé Mais je t’aime comme le coquillage aime son sable où quelqu’un le dénichera quand le soleil aura la forme d’un haricot qui commencera à germer comme un caillou montrant son cœur sous l’averse ou d’une boîte de sardines entr’ouverte ou d’un bateau à voiles dont le foc est déchiré
Je voudrais être la projection pulvérisée du soleil sur la parure de lierre de tes bras ce petit insecte qui t’a chatouillée quand je t’ai connue Non cet éphémère de sucre irisé ne me ressemble pas plus que le gui au chêne qui n’a plus qu’une couronne de branches vertes où loge un couple de rouges-gorges Je voudrais être car sans toi je suis à peine l’interstice entre les pavés des prochaines barricades J’ai tellement tes seins dans ma poitrine que deux cratères fumants s’y dessinent comme un renne dans une caverne pour te recevoir comme l’armure reçoit la femme nue attendue du fond de sa rouille en se liquéfiant comme les vitres d’une maison qui brûle comme un château dans une grande cheminée pareille à un navire en dérive sans ancre ni gouvernail vers une île plantée d’arbres bleus qui font songer à ton nombril une île où je voudrais dormir avec toi
TOUT A L’HEURE Par la faille qui s’est ouverte par le dernier tremblement de terre s’échappent des oiseaux en forme de pipe les chats bondissant parce que leur queue s’envole et de grands jets de champagne qui mousse tellement que les bulles obscurcissent le soleil le verdissent comme un vieil entrecôte le bleuissent comme une vigne au printemps où s’ouvrirait démultiplié le coq de bruyère des yeux qui me regardent comme un drapeau rouge une barricade
Je vais comme le torrent au lampion comme la balle à la poitrine fasciste Mais quand les deux yeux ajoutés au regard des seins appellent comme une jonquille entre des casseroles piétinées la boule rouge du billard la lanterne rouge de la rue barrée du baiser prête à s’éteindre pour me laisser passer dis-moi écureuil des premiers bruits de la rue quel cri de cigare rongé par les rats quel cerveau de bruyère en feu battra l’air en éventail et quelle voix de chêne-liège devenu bouchon osera parler comme une équation
UN MATIN Il y a des cris à n’en plus finir des braillements de terre agitée comme un éventail démantelé par des taupes en conserve des sanglots de planches qu’on étripe longs comme une locomotive qui va naître des convulsions d’arbres révoltés qui ne veulent pas plus laisser monter la sève que le métro n’accepte de transporter des autruches dans ses tunnels de barbe mal rasés il y a des cris des araignées de vitriol que j’avale sans m’en apercevoir près de ce fleuve usé issu d’un tuyau de pipe qui n’est autre qu’un long museau un peu chaud un peu plus grognon qu’un chaudron presque vide ce fleuve que tu ne vois pas plus que la poussière d’une hostie que le vent a mélangée à la poussière du curé semblable à du sulfate de cuivre et à celle de l’église plus tordue qu’un vieux tire-bouchon car tu n’es pas plus là que je ne suis là sans toi et le monde en est tout dépeigné
JE NE VEUX PAS L’unique lueur pareille à une pluie de noisettes transparentes comme un alevin va-t-elle s’éteindre comme une chaîne qui s’effondre sur une tasse dans le ciel de goudron qui envie les routes fermées à la circulation Vas-tu cervelet taillé en diamant de la couronne des femmes des mers du sud t’enfuir comme une souris d’hôtel vêtue en corridor à fantômes
Si tu fuis le soleil se fendra comme un oeuf et la végétation arrêtant sa croissance large comme ma main plus molle qu’un rideau déchiré par où l’on peut apercevoir le poisson rouge de ton sein qui ressemble à la hutte des nègres du Soudan où je voudrais vivre avec toi pareils à deux artichauts fleuris La végétation dis-je arrêtant sa croissance plus exubérante qu’un banc de corail se coiffera d’un chapeau melon en signe de deuil et dira La petite fille aux yeux de carpe sautant hors de l’eau s’est égarée dans un marais plus malsain qu’un relent de général et va s’enliser comme un arbre empoisonné et abattu par le vent de ce marais dont on fera un cimetière pour les lions révoltés contre leurs dompteurs
POUR NE RIEN DIRE Croître de son ombre en se nourrissant de soi-même comme un fauteuil dont les ressorts gémissent à cause du poids successif de cent mille paires de fesses pareilles à une troupe d’éléphants blancs comme un os de seiche qu’aucun serin n’a percé si blancs que les draps de bouleau entre lesquels ton corps devient une volute de fumée qui flotte et claque comme une bannière de nuages si durs qu’on dirait un os que tous les chiens du monde ont cherché à ronger ont l’air de sabots de cheval qu’on va ferrer
Mais tu n’es pas là et l’écureuil de tes yeux grignote la capucine de ma tête comme la montagne allume les lampes qui sans cela ne seraient que des nougats oubliés dans un tiroir
SAIS-TU Ma tête de papier de verre frottant tant et plus sur une coupe de cristal faite à ton image d’oiseau qu’un sanglier empêche de prendre son premier vol est pleine de l’embrun de tes yeux semblables à deux oranges qu’on ne cueillera jamais tes yeux qui sont peut-être une pierre éclatée comme un arbre foudroyé tout pareil au petit cœur que j’ai dans ma poche contre un poêle plus rouge qu’un zeppelin qui brûle semblable à l’éclosion d’une fleur d’agave qui serait un drapeau rouge plus déchiré qu’une chevelure dans le vent qui voudrait te caresser comme un oiseau à peine né et si bleu qu’on dirait une feuille morte qui reverdit si brillant qu’on dirait un pain à cacheter dans une baignoire où tu n’apparais pas plus qu’une feuille de nénuphar au fond des bois pas plus qu’une fraise des bois dans une chambre à air pas plus que ma vie au tournant de la rue
TOUJOURS Rien à l’horizon tordu plus usé qu’un rail prêt à se rompre et à provoquer la plus sensationnelle catastrophe de l’année les cheveux blonds de l’horizon se sont égarés comme un bateau de boutons d’or errant à la dérive le long d’un rivage hérissé de défenses d’éléphants qui brament comme des boutiques à la veille de la faillite Rien à l’horizon quand tes deux yeux de porto clair ne laissent plus passer aucun rayon de cette lumière où minuscule se précipite décomposé par mille prismes rivaux à tête d’épingle à tête de vache le sang qui me fuit comme un chat qui a volé une côtelette et me laissera pareil à une fourchette brisée dans un terrain vague où croissent quelques géraniums si misérables qu’on dirait des cahiers d’écoliers jaunis où l’on ne lirait plus que Je t’aime à toutes les pages
LUNDI Si tu restes auprès de moi comme la statue équestre au pied de laquelle je suis photographié nu comme un tableau de chasse où le cerf n’est pas tout à fait mort et pareil à un éclat de verre qui s’est détaché d’une vitre étoilée par un caillou j’aurais dans les mains autant de lueurs que peuvent en capter toutes les gouttes d’eau prêtes à tomber de toutes les feuilles du monde comme un marteau sur une cloche et si semblable à toi que tes lèvres d’orange y apparaissent parfois comme une boucle de cheveux qui se déroule avec un mouvement de locomotive qui se met en marche et me porte tous les soirs qu’ils soient de paille de fer d’herbe chaude ou de fleurs s’épanouissant tordu comme un mouchoir trempé de sueur vers les mirabelles de tes yeux noyés dans la liqueur à facettes de tes rêves qui ressemblent à une serre tropicale où les fleurs sécréteraient des paradisiers pareils à des jets de bananes mûres
OÙ ES-TU Je voudrais te parler cristal fêlé hurlant comme un chien dans une nuit de draps battants comme un bateau démâté que la mousse de mer commence d’envahir où le chat miaule parce que tous les rats sont partis Je voudrais te parler comme un arbre renversé par la tempête qui a tellement secoué les fils télégraphiques qu’on dirait une brosse pour les montagnes pareilles à la mâchoire inférieure d’un tigre qui me déchire lentement avec un affreux bruit de porte enfoncée Je voudrais te parler comme une rame de métro en panne à l’entrée d’une station où je pénètre avec une écharde dans un orteil pareil à un oiseau dans une vigne qui ne donnera pas plus de vin qu’une rue barrée où j’erre comme une perruque dans une cheminée qui n’a plus rien chauffé depuis si longtemps qu’elle se croit le comptoir d’un café où les cercles laissés par les verres dessinent une chaîne Je te dirais simplement que je t’aime comme le grain de blé aime le soleil se levant en haut de sa tête de merle
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© Mélusine 2011 |
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