À PETITS PAS Cinq minutes d’arrêt Les voyageurs pour le palais fluide de l’engoulevent se jettent dans la fleur de l’acacia Au fond ils trouveront une bicyclette en jet de vapeur qui les conduira sur l’invitation d’un claquement de langue retentissant comme un soupir d’amour à travers les dédales d’un système numérique duodécimal jusqu’au bord d’un lac de feulements de tigre limpide comme le premier bonjour de l’hirondelle au fil télégraphique de l’arrivée Sur le bord ils doivent abandonner la coquille vide de leurs vêtements pour se draper dans l’insouciance des premiers coucous qui leur tendent des bras suppliants et chargés des présents scintillants du point du jour au rire de petites filles décoiffées dans l’excitation du jeu où l’une agrandit la bouche de l’autre avec une branche d’amandier en fleurs qui s’empressent de donner leur fruit chantant et turbulent de sucre d’orge qu’on tourne entre les lèvres pour en extraire le murmure du jet d’eau qui balance des jeunes chats effarouchés et miaulant à peine comme une toupie presque immobile son son axe AU TOURNANT DE LA RUE Si les grands arbres se donnent un assaut de boxe les prés frémissent d’enthousiasme tandis que les étables entonnent un air d’opéra où les navires sombrent comme des torches éteintes par une averse semblable à une parade militaire de soldats en haillons qui défilent entre une double haie de veaux se tétant mutuellement avec la fureur innocente d’un jeune chien dévorant un dictionnaire Plus tard le combat terminé par une victoire contestée qui laisse survivre des haines sourdes attestées par le bois mort et attisées par les sarcasmes de mille grains de poussière descendant de nuages en cervelles plus closes qu’un tiroir à secret si bien gardé par un flacon cacheté qu’il se perdra bientôt dans une course sans but le conduisant d’un kiosque à musique habité par une meute d’adjectifs et s’élevant sur le dos d’une main agitée en signe d’adieu aux grands arbres qu’emporte un courant d’air simplifié à l’extrême et réduit à un sifflement à peine modulé le conduisant de là aux grands squelettes dont le sommeil troublé de rêves d’angoisse leur vaut de sourdes colères qui les redressent d’un seul coup et les fait bondir en ricochant d’un miroir reflétant une analyse spectrale égarée dans un buisson d’aubépines à la rose des vents qui s’épanouit lors des années bissextiles pour laisser s’envoler quelque proverbe touchant la nature des pierres polies qui dissimulent dans leur épaisseur un éblouissant ballet de feuilles mortes en couche que le vent fait ressusciter comme une ville engloutie DANS LE VENT Une cour pavée de thermomètres oscillant du froid à la chaleur devant une maison en ressorts de montre toujours en mouvement dont la porte en yeux de biche affolée donne sur une pièce aux rideaux de vin rosé plus frais qu’un placard meublée d’une table en déchirants cris d’orfraie de chaises en gueules de loup prêtes à tout engloutir d’un fauteuil taillé dans un pain de sable au regard angélique et d’une armoire en cirage étoilé de fraises des bois Tout donne à penser que cette maison qui mugit sous le coup de midi sonné par le clairon d’une taupe étoilée alors que le soleil éclate en milliers de gouttes d’eau est habitée par un épars au chapeau de crème fraîche qui salue d’un signe protecteur de la main les carrières abandonnées se recommandent à son bon souvenir les mousses à la gueule humide de convoitise qui se barbouillent le nez de bulles de savon et les glands de chêne qui tombent en pamoison devant lui à cause du nuage de flèches qui jaillit de ses yeux et répand une ombre en pétrole brut qui dissout les hannetons frisés et les barques s’enfuyant au fil de l’eau fil à plomb fil à fil file doux sinon gare DE BOUCHE A OREILLE Tout au long du mât dont on devine l’extrémité débouchant les nuages aux regards alanguis grimpent des éventails avec des mouvements saccadés d’automates bien réglés Ils se déploient par instants pour laisser voir l’un un poulet tentant d’échapper à la broche à la faveur du nuage de ses plumes arrachées l’autre une gare de triage aux wagons gélatineux un troisième une pêche à la baleine Arrivés au sommet la plupart des éventails se perdent dans les nuages qui explosent comme des ballons d’enfant mais quelques-uns retombent sur le sol où ils s’enfoncent et donnent naissance à des grappes de potirons qui jouent aux billes entre eux et certains remontent au mât qui devient de plus en plus mou et parfois se déploient pour laisser voir l’un un cambrioleur masqué fracturant une porte l’autre une paire de gifles et un troisième une bouche de métro qui respire profondément pour expulser tous les voyageurs parmi lesquels on remarque une commode Louis XV atteinte d’épilepsie qui se dirige vers le mât l’engloutit d’une seule bouchée se couche comme un bâillement et s’endort comme une buée au soleil de midi
DERNIÈREMENT À mi-chemin entre le promontoire armé jusqu’aux dents et la rivière qui fait des grâces s’avance la grosse bête dont chaque poil est un œil tantôt ouvert tantôt fermé au regard plus franc qu’un sou neuf ou sournois comme un dé à coudre qui se dirige vers la mer toute tremblante du pas lourd de mille tombereaux qu’on ne déchargera jamais ou d’un banc d’huîtres qui digèrent Et la bête plus longue que la nuit précédant l’élargissement du condamné plus massive qu’un tonneau de choucroute en fermentation pénètre dans la mer qui recule comme une locomotive manœuvrant à la recherche de ses wagons Jusqu’où devra-t-elle reculer Jusqu’à l’automne l’automne prochain où les chiens perdront leur peau qui tournoiera dans les nuages de fonte comme un épervier en chasse puis ira vêtir des pierres humides qui feront le gros dos ou bien jusqu’à la rue déserte où l’on ne voit que des dentelles de maisons tordues par un vent à raser de près et habitées par des ressorts qui se tendent et se détendent au rythme d’une valse qu’on n’entend pas parce qu’elle est fredonnée si bas par des orties si hautes qu’on dirait des mâts de cocagne énervés par le dernier printemps et qu’elle se perd dans leur vengeance en tablier blanc et en bottes de sept lieues pour mieux persécuter les calèches aux joues flasques qui gémissent du matin au soir comme des litres
DU BOUT DES LÈVRES Par-ci par-là les bonnets à poils se mordent les doigts pendant toute une lune Durant le premier quartier le petit doigt s’épanouit pour que s’y endorment des cétoines qui fredonnent un air de valse et puis se referme sur l’annulaire comme une porte battue par un courant d’air aussi fort qu’un passage à tabac Et l’annulaire disparaît comme un fantôme s’enfonce dans un vieux mur afin d’y forger les chaînes qu’il traînera la nuit prochaine Il ne se montrera plus maintenant qu’accompagné de son chien portant cérémonieusement dans sa gueule le majeur offert en hommage à la pleine lune qui pleure des index égarés à la recherche d’une main d’herbe à pelage de lièvre à chant de rossignol à parfum de clématite et douce comme l’ombre qui frétille faiblement lorsque le pouce du dernier quartier s’élève en disant je demande la parole IMMÉDIATEMENT Lorsque la poussière déploie ses ailes on entend un bruit de tambour et une troupe de chevaux sauvages s’élance au galop culbutant les maisons à la voix caverneuse qui se retrouvent sens dessus dessous comme un gant retourné et qui sentent la moutarde de la honte envahir leur front comme une colonne de fourmis revenant plus nombreuses à mesure qu’on les chasse Et ces maisons lancent alors des cris de bois sous la hache qui déchirent des soies plus lourdes qu’un grondement d’orage et plus douces qu’un pelage chantant sous la caresse et pépiant de plaisir Mais les chevaux sauvages poursuivis par le tambour de la poussière réduisent les haies en purée et les forêts en poussière qui déploie ses ailes avec un bruit de tambour et les chasse domestiques congédiés jusqu’à la mer en bâillant d’ennui en dépit des poissons qui voudraient la victoire Et les chevaux s’emparent des bateaux de pêche dont les patrons épouvantés par les battements du tambour semblables au grondement d’une terre enragée se sont dissous dans un nuage de pluie Déployant leur crinière vaste comme le calcul infinitésimal ils partent portés par le vent qu’ils ont soulevé vers le lieu où la poussière morte depuis un temps égal à celui de l’apparition d’une nouvelle espèce animale se laisse blanchir au soleil sonnant allègrement sa trompette d’air transparent les appelle pour une fête sans joie
LA BRAISE A FACE DE PORTEFAIX DÉPENAILLÉ La braise à face de portefaix dépenaillé La vis au rire de vieille fille hystérique La soupière qui rit plus bêtement qu’une chèvre L’os à moelle qui chante des marches militaires L’adverbe qui jette des regards d’envie La clé anglaise qu’on pousse dans un fauteuil à roulettes Le moine suiffeux couvert de taches de rouille La chaudière à ailes de moulin Le vent du nord qui intrigue du matin au soir La porte battante qui fait le trottoir La pendule arrêtée qui frissonne au moindre bruit L’eau bouillante qui triche au jeu Le losange toujours plein de bonne volonté La marque de fabrique au regard absent Le tigre du Bengale qui attise le feu dans l’âtre L’épouvantail à moineaux plus avare que son père La gerbe de blé coureuse comme pas une et l’huître perlière idiote de naissance se sont donné rendez-vous pour la nuit pleine de poussière ahurie où la lune s’assiéra au bord de l’horizon comme un athlète de foire après la représentation et refusera d’avancer d’un mètre tant que les ruches gonflées de vinaigre les tenailles au regard langoureux le bénitier qui ne se lave jamais la souris qui fait étalage de sa culture le tiroir qui se moque du qu’en dira-t-on la barque de pêche aux bras d’éphèbe et le mâchefer au pied bot ne lui auront pas tricoté un cache-nez bien douillet car elle a froid comme une lime oubliée dans un jardin désert où les plantes s’écartent pour laisser passer la bise qui s’élance comme une locomotive désormais ignorante des gares des haltes où les oranges battent la semelle comme une porte tambour qui laisse passer des hommes et des femmes plats comme une feuille de papier où j’écris que la lune a froid et vient d’éternuer
LE NAIN JAUNE À l’heure où les marguerites s’enfoncent à petits pas dans la nuit qui enlève un à un leurs pétales ressemblant aux gardes-barrière lents comme la goutte d’eau qui perce un rocher demandant grâce les hommes 40 chevaux en long 8 illuminés de l’intérieur pour la circonstance s’en vont de l’allure majestueuse des armures ensommeillées jusqu’au magasin d’ameublement le plus proche où ils réclament chacun une chaise Ils s’assoient avec la satisfaction évidente du labeur accompli et entreprennent de résoudre un problème de mots croisés particulièrement inepte où ils trébuchent sur un mot de sept lettres commençant par O et gris comme un éléphant qu’on mène au mont-de-piété C’est seulement le lendemain alors que les haches se mirent dans leur fer qu’ils découvrirent l’ortolan perché sur leur tête comme un point d’interrogation bayant aux corneilles figurées par la neige qui tombe avec un bruit de ferraille où l’on reconnaît aisément une mentalité de général en dépit de quelques taches de rouille qui ébauchent sur cette ferraille la première ascension de Montgolfier et laisseraient supposer que le général pelé comme une pomme de terre frissonnant comme un chant de poule qui vient de pondre brûlant comme une vitre éclatée vient de succomber à une grippe du tonnerre de dieu et se transforme sous les yeux de ses héritiers en un lac de boue où ils pêchent des silures accablés par la chaleur à l’aide d’un exemple de grammaire LES MAINS DANS LES POCHES N’hésitez pas et vous verrez la ligne de vie du pain tranché sur toute sa longueur C’est une vallée profonde où coule une rivière de lait aigre dont le courant emporte des milliers d’ailes qui battent sans cesse pour provoquer la fureur des eaux mais non elles rient comme un sifflement admiratif adressé du fond de Chicago à la jeune fille nue qui se contemple dans son miroir applaudissant bruyamment et un poisson volant qui erre autour d’elle en la critiquant Ton œil droit concentre toute la mer et son sel qui brille au soleil tandis que l’autre présage l’automne Entends-tu les fruits mûrs qui tombent sur le sol avec un bruit de gifle imméritée Que va dire la terre Et ton sein droit qui figure un coup de canon tiré en l’honneur des canards sauvages qui émigrent dans ton sang tandis que ton sein gauche se souvient du poteau frontière qui pendant si longtemps l’a privé des caresses du soleil levant froufroutant sous son ombrelle couleur des deux mondes où s’abritent des bâillements à quatre mâts des plaintes à dents de scie ébréchée et des coups d’œil complices comme des coffres-forts ouverts remplis par le souffle léger des énigmes résolues MOINS CINQ Lorsque je suis gai si le baromètre indique la tempête je rôtis des dictionnaires pour mieux en absorber la substance et je sème des traités de mathématiques pour qu’avec le temps brillent dans mon jardin leurs fleurs de champagne en forme d’équations Si la pluie tombe comme un chat qui perd l’équilibre à la fenêtre du sixième étage je découpe les flics en tranches menues pour appâter les poules et quelquefois cela m’égaie Au lever du jour lorsque les poissons s’ébrouent avec un grand bruit de savates traînées sur le plancher j’appelle au secours en écrasant les violons qui crient Pitié mais pas de pitié pour les violons sinon je m’ennuierai comme un arbre que n’agite aucun vent et je donnerai des mouches à manger à mon concierge NUIT NOIRE Mordre le granit jusqu’à ce qu’il perde son sang de mousse fraîche avec un soupir de boîte de conserve qu’on ouvre et expire comme un pissenlit qui libère ses graines tel est le plaisir des grandes orties à sourire de banquier satisfait qui s’ennuient plus souvent qu’elles ne s’enivrent de cervelle de garde-champêtre monté en graine et tremblant de ses jambes de génuflexion semblables à un accent circonflexe qui a mal tourné Il aurait pu s’en aller vers la droite où l’appelaient des trous de mine mangés aux mites ou vers la gauche que menaçaient des nuages en forme de portefeuille bien garni mais il a voulu du pied gauche explorer le bas et il n’a rencontré qu’un puits de lait caillé où s’abreuvaient des brouettes bien cirées tirées à quatre épingles et la cravate en noeud coulant mais plus effarées qu’une biche à la vue d’un bateau lavoir secoué par une crise d’épilepsie tandis que la jambe droite tente d’attirer la foudre qui erre à la dérive dans les ténèbres sur lesquelles s’ébrèchent les haches comme un voyageur perdu dans la forêt où les poules lasses de l’ombre plus grasses qu’un jet de vapeur essaient de monter aux arbres comme des sauvages mais retombent sur le sol avec un grand bruit d’outre pleine qui éclate et laisse fuir un vol de sauterelles qui lasses d’être comprimées déploient leurs ailes de soutien-gorge avec un vacarme de lessiveuse s’écrasant du dernier étage sur un trottoir hérissé de carafes où dorment de leur dernier sommeil plein de crocs et de griffes en fureur les crêtes de vagues mortes à la tâche
SIGNE DES TEMPS Au milieu de la rue pareille au son du cor moisissent les verbes intransitifs plongés dans la torpeur des grottes abandonnées depuis si longtemps que les crânes de leurs derniers habitants sont entrés dans la composition du papier sur lequel j’écris tout en écrasant d’un poing rageur une multitude de cailloux aigris qui ne cessent de gémir sur leur sort même après avoir été réduits en courant d’air versant à droite et à gauche de pleines pelletées d’éternuements artistement sculptés et plus agiles qu’un nombril arabe saluant le soleil couché depuis peu et déjà endormi d’une voix lactée frémissant d’une passion qui se communique aux rochers plats et flasques dont la poitrine se soulève en un soupir si long qu’on dirait un train de marchandises et si vaste qu’il fait songer à la chambre des députés lors d’un grand débat un soupir entrecoupé de roulements de tambour et des cris rauques des tables en folie aux prises avec la fureur des lois physiques plus intolérantes qu’un wagon de jésuites peints en deux couleurs l’une représentant le monde extérieur et l’autre ce qu’ils appellent le saint-esprit où l’on ne peut manquer de voir la décomposition des végétaux destinés à former l’humus qu’une inondation subite emportera comme un voleur qui s’est emparé d’un coffret à bijoux et dissoudra sans s’en apercevoir dans le creux de sa main semblable à un lampion éteint
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© Mélusine 2011 |
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