Benjamin Péret

Air mexicain, 1952

 

AIR MEXICAIN, 1952

Le feu vêtu de deuil jaillit par tous ses pores

La poussière de sperme et de sang voile sa face tatouée de

lave

Son cri retentit dans la nuit comme l’annonce de la fin des

temps

Le frisson qui se hâte sur sa peau d’épines court depuis que

le maïs se lisse dans le vent

Son geste de cœur brandi à bout de bras s’achève en

cinquante-deux ans dans un brasier d’allégresse

Lorsqu’il parle la pluie d’orage excite les réflexes des lueurs

enfouies sous la cendre des anciens rugissements que les

lions de feu lancent en s’ébrouant

Il écoute et n’entend couler que le torrent de sa sueur d’or

avalée par le Nord noir

Il chante comme une forêt pétrifiée avec ses oiseaux sacrifiés

en plein vol dont l’écho épuisé traîne le ramage qui va

mourir

Il respire et dort comme une mine cachant sous des douleurs

inouïes ses joyaux de catastrophe

 

Quand l’aile chatoyante de l’aube se perdait dans les gouffres

du crépuscule habité de gestes mous

quand les larmes du sol éclataient en gerbes infernales

d’années sans nuits

les cierges s’allumaient de toutes leurs griffes à futur sang

fidèle

pour que plonge dans un sommeil vidé de rêves d’ancêtres

exigeants

le maître de la vie qui jette des injures aux gueules bavant

la flamme qui l’anime

pour que l’homme trouve là-haut la route des grands miroirs

d’eau bruissants de lances de lune

et là-bas des ciels de lit qui chantent un air de jeune fille

revenant de la fontaine mouchetée de vols paresseux et

flasques où deux yeux luisent comme la paroi suintante

d’une caverne qui attend la vie

Nul n’aurait pu dire où commençait la mer puisque les

fleuves rentraient dans l’œuf que Tlaloc rosée qui ne

s’était pas fait reconnaître ne cachait pas encore dans

sa gueule de tigre

Cependant dans la nuit vagissante le regard du nouvel an

vient de s’allumer à celui de l’aigle qui pique vers le sol

Nouvel an à facettes de cristal où le profane ne découvre

qu’une trombe de poussière aspirant des échos calcinés

par un dieu toujours vainqueur

et des paroles noyées dont le corps momifié flotte flotte et

s’envole d’un coup d’aile dans un rai de lumière qui

s’éteignant les rejettera sur la terre pour qu’elles

donnent des fruits d’obsidienne

Les hommes jaillissaient de l’ombre comprimée à l’ouest du

rayon vert une graine à la main comme un fantôme aux

yeux

Il est temps disaient-ils que la terre secoue sa chevelure

vivante selon le rythme des airs du jour en pyjama

que nous descendions cajoler la grenouille retrouvée après

tant de soleils d’oubli châtiés par les quatre éléments

que l’or et l’argent du ciel la parent d’un collier de plumes

à étancher les soifs rebelles comme les paupières

entr’ouvertes d’un ruisseau racontant les rêves de sa

source

que de la chrysalide du limon s’échappe le papillon qui

contient et emporte notre cri automnal à reflets de

lendemains déguisés en monstres

que la poussière de la voie lactée n’ait plus à tomber d’aussi

haut puisque les mille doigts de notre mère la recueillent

au passage

que la griffe de mortification répande son lait aigre de bête

dissimulée sous des pierres d’avalanche dont sa vie de

fantôme exalté fécondera la nôtre quatre à quatre

que la montagne à chevelure d’astre vengeur reconnaisse

l’enfant que nous édifierons au bord du lac où nous a

chassé la grande marée de son ennemi tantôt vainqueur

tantôt vaincu

que le jour soit comme le visage du voisin et réponde à

l’appel de son nom découvert par les savants de la

gomme

que la pierre brille d’un éclat d’eau dont les lourdes

paupières se ferment à cause du regard insoutenable

d’un ciel que n’ose violer aucun oiseau

qu’elle fredonne l’air miraculeux des quatre points

cardinaux qui nous protégeront contre l’égarement

du chien poursuivant éternellement sa queue

qu’elle supplie les géants tapis sous la terre les eaux le feu

et nos gestes qui les créent comme un plat succulent

qu’elle menace en leur nom les fourbes tyrans des déserts

et de l’ombre qui étrangle avec le délire de ses vols

noirs

D’où vient le cri qui ne chasse pas encore les bêtes des forêts

poudrées par des ondes magnétiques

Quel songe de père assassiné l’a fait ricocher d’île en rocher

oublié par une terre exilée dans la nuit qu’elle hypnotise

Nul ne savait si la lueur d’accouchement qu’il poursuivait

jusqu’à l’horizon terrifié par son audace s’envolerait

au-dessus de lui ou plongerait dans la rainure zigzagante

d’un plancher gelé

Nul ne savait qu’au raide et muet cadavre du blanc

succéderait le refrain du vert qui s’éveille en se frottant

les yeux de tous ses oiseaux

mais l’horreur du toit qui s’écroule et s’émiette sans mot

dire les poussait vers les poissons acharnés à pénétrer

le mystère des sources houspillées par des clartés

inconnues

vers les étendues de viande bouillonnante dont l’effarement

imite le galop de l’ombre s’avançant l’éclair à la main

vers le délire des branches tressant des prisons pour leurs

folies à l’abri des esprits des profondeurs soulevés

contre l’air pur

Et de tendre les bras vers les nuages qui défilent au pas de

parade avec leur sourire provocant de demains lumineux

comme un cristal à visage de fleurs écloses sous la rosée

Et de reconnaître le séjour de l’aube derrière la montagne

fumante aux ailes insouciantes qui scintillent dans un

soleil de vierge

les sept cavernes à ténèbres de siècles couverts de mousse

où le chef de la dualité installa sa poussière de

multiplication

Un jour disaient-ils se dressera en hommage à lente spirale

de larme végétale la pyramide que caressera le soleil

arrêté pour ronronner au-dessus de nous

et s’attardant à incendier les allées de mica qui prolongent

l’eau mourant de soif où il ira songer à la rosée du

matin

pendant que sa sœur toujours languissante fait le guet pour

nous préserver des hurlements épouvantés de l’ombre

qui fait trembler nos os

aussi lui dresserons-nous sa montagne pareille à un chien

jappant au retour de son maître

 

Lorsque la lumière folle de rage échappe au flot de requins

l’attaquant d’un appétit entretenu par des ripailles

démesurées

une herbe la salue d’un papillon titubant qui la désigne pour

l’offrande convoitée par des yeux que la crampe agrandit

C’est là que la terre à la toison bouillonnante d’ailes si

épaisse qu’à peine les étincelles du bois fondant y

peuvent exploser en fusées de fête et si haute qu’aucun

chant n’en jaillit en stalagmite de joie vers le vide

toujours innocent

que la terre a oublié depuis des milliers de brasiers

reconnaissants qu’elle naquit semblable à un squelette

jadis honoré d’assauts de curés crochus

qu’elle élève là vers un guerrier toujours triomphant et

n’écoutant que son désir jamais comblé ses mains

jointes à fourrure de faim apaisée

C’est juré L’éclair du quetzal fuyant vers son complément

l’affirme comme un jour pur de toute crainte même

détalant comme un voleur à l’horizon

Rien ni les bagarres féroces des monstres de la terre fondant

les pierres dans leurs mains de soleil noir dont le

sang de haute flamme déborde parfois en longs galops

criminels ni l’haleine enfiévrée des nuages écrasants

ni leurs sanglots qui ne domine aucun ordre

ni les becs obscurs aux mâchoires de cruauté qui étincellent

dans les haleines glauques et lancent leurs lémures à

résorber parce qu’ignorants du chant de la lumière

n’empêchera que l’herbe grandisse comme un génie

hallucinant et d’une banderole insouciante appelle

les hommes à recueillir ses pains de lumière à égrener

comme les jours d’une vie

rien n’empêchera plus que l’homme aux yeux fourmillant

de mirages entrevus ne la contemple comme son amante

aux seins qui se consument en un printemps étoilé de

promesses inépuisables

et dans un ballet d’âmes à peine nées et pourtant certaines

que leurs enfants peupleront le monde palpable comme

un arbre foudroyé et celui qu’on devine dans les

frémissements des ombres de cris croisant le fer et de

voix aimables aux visages hantés

Plus tard les lieux ayant reçu des grands tapirs de l’aube leur

face chantante ou hostile selon le sort jeté par un rayon

bienveillant ou un souffle hargneux

la terre se réjouissant des êtres qui émergeaient à sa surface

de bébé satisfait comme des bulles d’air colorées par le

rapace dans sa chute

les hommes ayant appris à connaître les voix obscures comme

une subtile reptation dans la forêt qui tend son oreille

épanouie et les rires clairs comme une goutte d’eau qui

tombe de feuille en fleur avec son paradis prisonnier

le tigre de la pluie réclamait son festin d’hosties enchantées

d’une fin glorieuse le grand-père du feu son cadeau

de fleurs à parfum de cœurs palpitants et la fée du maïs

sa couronne de rosée où se miraient les montagnes

surveillées par leur génie qui passait de la paix des

prairies et des bois après l’orge aux rages écumantes

d’enfer débordant en moins de temps que le jour n’en

prend pour coiffer sa cagoule

et le puits de son regard intérieur appelait sa vierge ravie

de porter aux dieux la prière haletante de la tribu et

lui promettait un remède de miracle aux calamités d’une

saison de haines imméritées

Le Nord en deuil perpétuel déjà rejetait ses vagues d’êtres

sans visage et sans voix toujours avides d’air neuf et

les blocs écroulés des demeures chères aux maîtres des

désirs de l’univers se redressaient pour d’autres génies

enragés que la plante à chevelure d’épousée calmait de

son sourire sans cesse renaissant comme l’étoile du

serpent à plumes

Le feu nouveau brillait rythmiquement Treize fois les

années du silex de la maison du lapin et du roseau

s’engendraient mutuellement comme le cri appelle

l’écho heureux de sa vie d’insecte suspendu au-dessus

d’un nuage liquide buvant midi

De l’œil qui éveille pour mieux endormir était descendu le

serpent à plumes blanc et barbu offrant comme jadis au

sommet des monts d’adoration à la lumière et à l’ombre

valsant toute la vie les couleurs vivantes créées par leur

souffle d’or et d’argent alterné

Mais le miroir fumant roulant sur des cœurs présentés aux

siens arrive d’un seul bond des cités trop sacrées par

l’oubli pour qu’on y vive là où les deux mers saisissent

la corne d’abondance de leurs mains qui veulent se

joindre pour supplier l’écorché de revenir à l’heure

promise

et la vapeur de sang fiévreux qui le précède d’une

haleine de volcan donne un vertige exaltant comme

l’accomplissement d’un destin deviné aggravé par un

lait d’étoile qui pénètre d’un jet de fumée gonflant ses

voiles les têtes à cervelle de métal nouveau-né

Hors d’ici ombre des virgules chantantes la voix du sang

brumeux parle un langage d’arc-en-ciel

 

Le premier jour je serai ton fils à naître dans quatre ans

le second l’ombre pâle du maïs sortant de la grenouille

comme l’eau d’une source

le troisième le songe de duvet verdoyant que je t’ai envoyé

cette nuit

et le quatrième mon cœur décoloré ne battra plus que pour

toi

Tu me prendras quatre fois dans tes bras de sol qui soupire

après l’orage

À la première je te donnerai l’aube prenant son bain

à la seconde le cri du printemps vainqueur au jeu de pelote

à la troisième le piment de mes lèvres jamais éteintes

te dira que je reste ta victoire au combat et ton prisonnier

qui la chantera jusqu’à la mort

la quatrième j’aurai ton rire d’oiseau qui fuit la flèche

mais à la cinquième j’abandonnerai l’œuf éclos l’an passé

des têtes sourdes comme des champignons larmoyants

et m’envolerai chez l’aigle qui tombe en avalanche

Tu ne pèseras pas plus qu’un brouillard sans queue ni tête

et rampant pour effacer les honneurs qui me sont dus

N’insiste pas comme l’ouragan qui rebondit de val en pic

tu n’auras plus que mon souffle pour t’endormir sur les

vagues furieuses de la terre

comme une algue agonisante avec son corail captif

si bien qu’à l’œil s’entr’ouvrant il ne restera plus que la

coquille de ton corps

 

Le serpent à plumes s’en retourne méditer chez lui laissant

son cri qui bondit de la neige à la fumée repart du maïs

et s’arrête au signal de la méduse alors que le séjour de

toute naissance s’éclaire d’un vagissement de pistil

emporté par le vent

Les dieux sont allés hiverner au cœur des hommes et

attendent en muant que les sauvages nouveau-nés des

forêts qui les soutiennent arrivent à les prendre pour les

hisser au sommet d’un nuage pyramidal

Deux fois les flammes ont emplumé les cimes en deuil sans

que le colibri sorcier ait encore vu celui que roussit

son maître dévorer un glissement venu du plus profond

d’une nuit sans seigneurs

Ce n’est guère que le fond du lac pressé d’écouter les pas des

tribus qui déjà se concentrent pour repartir aussitôt

conquérir le commencement et la fin de l’eau les sources

de l’orage et le dernier refuge de l’éclair

Ils arrivent du berceau des hérons d’aurore et marchent

pendant que les années se nouent d’elles-mêmes en

deux bottes d’asperges décapitées

L’oiseau sorcier né tout armé de la vierge à la jupe de

serpents repousse d’une étincelle ses quatre cents

ennemis excités par les souffles des ténèbres tenaces

renaissant comme l’œil s’ouvre et se ferme de leur

cadavre toujours prêt à le harceler

Il les conduit avec la certitude des torrents appelés par leur

apothéose vers la plante aux disques perfides narguant

Tlaloc sur qui se donne le spectacle prophétisé d’un

mythe de monde naissant

Ici vivront dans leur demeure nimbée de sang les vrais chefs

du jour et de la nuit aztèques les seigneurs qui soufflent

sur la poussière pour irriter les âmes d’eau et de feu et

leur suite suant l’angoisse

Les maîtres d’en haut riant à fleurs écloses et d’en bas

plus éteints qu’un foyer asphyxié par leur haleine ne

recevront jamais assez de cœurs conquis de haute lutte

sur un partenaire exalté par un amour solaire

Il y a de quoi Le héros tout mouillé franchit d’un bond

lumineux une étendue battant des mains neigeuses à

son passage et tous le saluent d’une goutte ou d’un lac

de vie jusqu’à ce qu’il retourne sommeiller sur sa couche

de plumes d’aigles abattus

Mais voici qu’il entraîne dans son sillage de maïs en fleur

des silhouettes vaporeuses de visages blancs à barbe de

caverne abritant mille scorpions au dard dressé et des

rumeurs impalpables de centaures s’ébrouant dans des

hennissements issus d’un sol révolté

Nul doute que le grand serpent à plumes las d’une migration

sans espoir ne revienne vers son peuple aux yeux de

cratère les mains pleines de fleurs à chants de cristal

arrachés à la nuit et de fruits qui dorent la vie cueillis

entre les deux étoiles qui jalonnent le sentier où du

souvenir de Tollan sanctifié par des vagabondages guidés

par des aigles et des jaguars l’avait chassé la fourberie

d’un miroir fumant

Non pourtant l’abjecte croix qui supprime lance des feux

de supplice et l’hostie variolée pourrit celui qu’elle

touche

Ils vont rejetant de loin les hommes chez leurs ancêtres

sans que les précède aucun chien rouge pour les

conduire par les déserts sans jour et sans nuit les froids

qui font s’éparpiller l’âme et les torrents insultants que

nul ne peut asservir

Précédés d’hommes aux paroles de péché vêtus de robes

de boue grasse et qui balaient les plats avec leur nez

tous ils exigent l’or qui ne vaut pas les plumes du matin

et du soir et torturent au nom d’un monarque agenouillé

devant deux baguettes entrecroisées

 

Printemps plus jamais tu ne seras écorché

et toi maïs vert plus jamais tu ne seras honoré

D’un crucifix sanglant les mangeurs d’anones portant un

cercle sur la tête veulent faire un dieu qui n’est pas

nécessaire puisque tous vivent parmi les hommes

Ils détruisent pour lui les demeures des maîtres du vent et

du feu et de tout ce qui vit et meurt et les livres de toute

science

La nuit haletante de désir n’a pas connu six fois de suite

l’hommage rajeunissant d’une flamme brisant sa coquille

et ne brûlant que pour le serpent de lait et les siens

Les étrangers n’ont allumé que des bûchers pour ceux

que le soleil enchante de vols pouffant de rire qui

saluent la grenouille s’épuisant à les nourrir et craignent

que ne s’éveille le géant qui ronfle sous les montagnes

l’abritant des grands vents qui balaient la terre pour que

Tlaloc s’y repose

Qu’ils rentrent chevauchant des mâchoires multipliées au

fond des vagues où le soleil se frotte les yeux les blancs

à pelage d’hostie qui avec l’eau ont fait entrer dans les

têtes la taupe de la faim et le fouet du patron nourri

d’Indiens morts

et de la femme blanche qui s’étonne de se voir dans un lac

comme des vallées formées en s’asseyant par les

seigneurs de la terre ou du ciel de chaque épi et de

chaque langue s’enfle un air de liberté plus brûlant que

celui des déserts calcinés par le tyran de l’été pour que

l’étranger y aiguise un appétit de vautour

Un chant qui arrache les anneaux aux esclaves étonnés de

respirer la lumière emporte la galère comme un bœuf

noyé et chassant la tourbe obscure des lécheurs de

crucifix attise l’ardeur du feu qui reconnaît ses créatures

L’air sera plus clair si n’y retentissent que des voix sans

espion ni contrainte

L’eau sera plus limpide si ne s’y reflètent que des visages

sans angoisse ni péché

La neige des pics griffant les nuages sera plus éclatante de

n’être foulée que par des pas sans entrave

Les chemins ne mèneront plus au silence des tombeaux

affamés mais aux jeux des oiseaux pleuvant du soleil

Les sources ne chanteront plus jamais de complaintes

d’éternels condamnés mais riront de toutes leurs dents

de printemps

Le maïs s’élancera plus haut de n’avoir pas à courber la tête

comme un christ ployant sous la charge

Même l’or sera plus pur de ne parer que des sourires à

affoler les nuits balayées de chaudes brises étoilées de

baisers

Hélas ceux qui hument du porridge écoutent dans les

montagnes qui dissimulent le sommeil de l’or d’en haut

tinter celui d’en bas

L’étranger à face d’éponge repue a prouvé aux hommes

qu’un reflet de lumière vénéneuse peut massacrer pour

peupler d’esclaves les vies éternelles des manieurs de

croix

et quelqu’un la main en mare sans feux follets malgré les

fermentations inépuisables qui crèvent à sa surface leur

ouvre les portes aux poignards entre deux épaules

De la tête arrachée comme d’un arbre emporté par une

tornade à maîtriser d’une camisole de force vont

s’échapper vers le Nord stérilisant les joyaux secrets

jalousement gardés par les génies opaques des ténèbres

pesantes et les fruits sans cesse renouvelés d’une union

qui appelle des torrents de larmes d’allégresse

et le corps déchiré de rages de taureau défié mais qui veut

retrouver un jour délivré des brouillards aux ventouses

suspectes attend que Juares l’épouille et disperse les

vols noirs dégoulinant de latin

Rien n’y fait L’homme qui vit du soleil battant la charge

est devenu un champion de cave pour les rats de la terre

et la terre meurt de faim tandis qu’un crapaud enfle

jusqu’à se croire général de ses pustules

Mais une voix d’alouette éblouie s’élève du sol bâillonné

pour exiger que les portes aux verrous de fusillades

soient ouvertes comme la mer à l’horizon qui s’allume

pour une fête d’égaux

Parti du cœur broyé par une angoisse sans aube imaginable

elle s’éloigne en avalanche qui fait palpiter jusqu’aux

veines du marbre et rebondit en tonnerre remplissant les

vallées soudain étonnées que leur paix soit celle des os

décapés

Les forêts de têtes penchées se redressent et s’illuminent de

regards qui explosent en justice sommaire et toutes les

huttes de misère séchée abritent un être qui se condense

en homme

La vie ne peut plus être une reptation bénie des providences

complices du sillon de chiourme assommée au squelette

privé de revenant puisque de chaque sillon pareil à un

sou neuf Zapata fait lever la moisson à jamais mûre des

chants déshérités

 

Hélas rien qu’un épars Demain la foudre

Les Voilà qui reviennent les ombres barbares à face de dollar

numéroté Regardez-les ronger les pierres qui portent la

honte au front ronger la terre qui les voudrait dissoudre

ronger les hommes jusqu’au cœur qu’elles empestent

 

© Mélusine 2011
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