SOUPE À gauche du canot dont on tire des sons harmonieux bêle un monticule couronné d’une aile battante et l’air qu’elle brasse gémit plante saisonnière condamnée par le mois en r enduit de confiture des pieds à la tête
Une lance haut brandie trace une souple ligne blanche qui brûle l’esprit des morts à jamais balayés des vivants sarments de rire
Quand le soleil fera jaillir les pierres des ruisseaux passés en revue nous compterons les regards que les fleurs de fumée jettent aux passants qui n’en ont pas l’ayant perdu dans un désert à la poursuite d’une vapeur de champagne tic-tac d’une montre sans aiguilles marquant un temps sans saison bâtissant des robes pour des ombres frissonnant dans un vent visqueux qui s’oubliait à les envelopper jusqu’à les perdre de vue
VIRGULE Matin et soir les enfants édentés tordent la chevelure qui les habille d’un court-circuit
Matin et soir leur mère pèle ses seins avec un archet qui ne tourne pas dans la serrure
Matin et soir le père met sa moustache dans le placard pour voir si se métamorphosent les vers à soie
Matin et soir le canari sort de son plumage et va chercher le journal pour allumer le feu
Mais jamais le chien ne brise la vaisselle qu’il déteste pour appeler les pompiers occupés à tisser de grands éventails en barbe de soleil levant
MILLE REGRETS Du fond du granit qui cache son secret de lichen sous un clinquant de saltimbanques encerclant une équipe de lutteurs transis de froid sous leur vêtement de pince à épiler émerge une lueur triste de lampe à pétrole qui serait une chatte guettant les cicatrices essoufflées du mur ermite barbu qu’une vaste plaine plantée de conques marines rapproche des troncs qui l’ont banni mais isole des banques dont les cloches qu’il n’entend pas hantent son sommeil peuplé de hanches flottant dans un vent d’aurore qui lui rend des satins mats dont la teinte se ravivera vite pourvu que la chatte esquisse le pas des lanciers devant sa proie satisfaite d’une goutte d’eau venue de si loin qu’elle s’affaisse épuisée par la fatigue de tant de passages du chaud au froid que l’accordéon expire dans ses bras en projetant un dernier jet de vinaigre indispensable à la multiplication des feuilles qui répètent l’heure à tous les échos
VENT DU NORD À minuit au bord des rivières de bitume j’ai vu l’ombre d’un soleil en bois qui sifflait un air de carrière inexploitée tout en boitant à droite de sa locomotive sortant de la gare et à gauche de son bateau de pêche rentrant vide au port Je la suivis à travers les cultures d’adverbes revenus à l’état sauvage trébuchant contre des monuments élevés à la mémoire des bonbonnières qui clignaient de l’œil comme des putains Parfois des bretelles en tenue d’évêque ou des assiettes à soupe toutes tremblantes m’arrêtaient d’une question relative à la destinée de l’homme moderne J’y répondais d’un sourire et d’un coup de scie mordais ma langue pour éclairer ma route et reprenais la poursuite au milieu de conversations en allemand qui sortaient des taupinières où l’on devinait l’éclosion des immortelles Des cervelles pétrifiées et respirant à peine un air chargé de mousse aux falaises de bouches délicatement peintes en baiser
l’ombre frissonnante de la dame de trèfle roulée par les vagues de la lune égarée entre les nuages d’où elle émergeait ses deux bras en fils télégraphiques peuplés d’hirondelles qui jouaient une scène de la Dame aux camélias avec son corps de savane qu’un incendie clôt à l’horizon me conduisit par sauts qualitatifs d’une aune chacun qui m’obligeaient à fendre de la hache de ma tête mille cloisons tantôt de farine où glissaient des cygnes sans tête portant un parapluie ouvert tantôt de voiles de veuve où cheminaient des nautiles qu’effrayaient des bruits de porte claquant dans des courants d’air toute une nuit à peine pubère Jusqu’aux plages où des chimistes en une file longue comme une boule qui ne tourne pas analysaient une mer enceinte d’une chemise brodée d’oronges vineuses gonflées jusqu’à éclater d’enthousiasme pour l’ombre de la dame de trèfle à peine visible dans les sept soleils qui sonnaient l’heure du petit déjeuner en ouvrant leur corolle à leur propre lumière s’envolant dans la brise qui s’échappait des marronniers en fleurs faisant les cent pas autour d’un tire-bouchon
IMPÉRATIF Craindre la sueur des mouches égarées dans les quartiers en construction avilir les pots d’étain jusqu’à les laisser déchiqueter par les jeunes chiens Tordre les armoires anciennes pour en extraire un peu de poudre de rubis à colorer les lacs Siffler souvent et longtemps pour appeler les os bien blanchis qui ne veulent pas entendre raison Laver l’encre au vin rouge pour distraire les enfants qui se battent dans la cour Couper la lumière en quatre et la jeter aux fauves Extraire du sable toutes les dents qui s’y trouvent pour en hérisser les murs Transformer les armures en couveuses pour obtenir des poussins à long bec Aplatir les tortues jusqu’à en faire des mantilles Arroser tous les jours les drapeaux avec de l’huile à machines Brûler les camemberts trop faits jusqu’à ce que le phénix s’en échappe Caresser les lentilles une par une avant de les semer Battre les tapis avec un rasoir pour fabriquer des cages à serins Épuiser la réserve d’or pour acheter des épingles à cheveux Effrayer les sauterelles qui voudraient pénétrer dans une tabatière Faire cuire les violons à la sauce blanche Dorer les escaliers pour éviter de les balayer Caracoler dans les églises à l’heure de la grand-messe mais ne jamais insulter le facteur pour chasser les souris de la pendule qui attaqueraient les bronzes d’art à coups de bec
LE PREMIER JOUR À l’intérieur de la lettre a germe le doigt sur les lèvres car le b s’abat sur la tête du c qui éclate et répand autour d’elle une odorante résine d’où s’échappent des soupirs gravissant quatre à quatre les échalas du désir cependant que le d ivre titube et s’écroule dans un escalier abrupt au pied duquel il se retrouve rongeant les souliers de g qui nu et couvert de poils des pieds à la tête se baigne dans la paisible rivière q sans crainte des nénuphars hypocrites qui le guettent pour l’étrangler comme un f innocent dont la disparition passera inaperçue jusqu’à ce qu’un i s’envole à tire-d’aile de chaque corolle pour former un lumineux soir de printemps incitant les e à s’attarder sur le seuil de leur porte miroitant des mille cris des n épouillant à qui mieux mieux un long panache qui disparaît dans son puits coutumier où l’attend un l souriant dont les seins de fer de lance marquent une mesure qui s’apaise seulement dans les bras de rochers recelant d’avides coquillages que parfois r lui tend comme un pont franchissant une gorge hantée de fantômes épouvantés qui se bousculent et se piétinent à qui le premier se saisira du flambeau étincelant emporté par un h écumant d’une rage des premiers âges vers les grands déserts tapissés de squelettes qui s’élèvent en tourbillons dès que p soupire comme un clin d’œil furtif à l’adresse d’une passante dont la silhouette de caresses légères s’évanouit déjà entre les pages d’un vieux roman d’amour feuilleté avidement à l’ombre de t qui ne verra pas l’horreur toujours attendue jamais surmontée des tas de k sanglotant à ses pieds jour en spirale affolée et nuit de malle bourrée à éclater et suppliant un implacable o de leur épargner la honte des cultures de primeurs fourmillant d' m voraces dont la morsure venimeuse les jette dans une lente agonie où insensibles aux brûlantes piqûres des v qui les traversent peu à peu pour se rejoindre et célébrer leur fête annuelle à l’abri des grands s qui protègent leurs ébats cependant qu’au loin un u armé de pied en cap livre un duel à mort à l' x qu’il immolera malgré les reproches amers de w que la colère aveugle Mais y calme aux grands yeux de ruine veille et le retient
Il était temps car u se retourne et menace Assez w ou je te z
SANS AUTRE FORMALITÉ Reçu de la marée montante une grande vague à œillères presque sèche mais frétillante et ronronnant d’aise d’être arrivée au terme d’un voyage qui l’a réduite de moitié et la laisse le plumage hérissé jaune et plein de vermines qui jouent du violoncelle sans rime ni raison car la sirène appelant les ouvriers au travail provoque l’arrêt de leur cœur supérieur dont les ressorts en se brisant démolissent toute leur mécanique intérieure ce qui lisse les plumes de la vague maintenant rassurée les rend à leurs études mathématiques cependant que la vague entreprend incontinent la culture des yeux avec des cils de vols de colibris qui donnent des regards transformant les échines en cristal vibratile rendant l’interminable son aigu d’une tour qui s’envole d’un seul coup d’aile jusqu’aux neiges éternelles qu’elle arrache de leur demeure pour en vêtir sa toute récente pudeur qui ne lui permet plus de contempler le soleil face à face Reçu
AVANT L’ORAGE Sous l’arc-en-ciel reliant les deux horizons du rendez-vous une passante levait la main si haut que de chacun de ses ongles d’astre disparaissant derrière la montagne s’élevait un couple d’ailes rapides à se confondre avec la lumière de leur vol dans la chaleur du premier feu Son regard où nageaient des combattants acharnés à leur perte cherchait entre les langues tapissant la berge d’un murmure de navire mort oublié au soleil la trace indélébile d’une coupe ressuscitée et naviguant désormais entre une double haie de chevelures dont les boucles naturelles comme la terreur des lumières chez les sphinx élevés par leurs frères dans les profondeurs des pyramides s’enroulaient et se déroulaient sans cesse autour d’un pain de sucre où battait un cœur humain se dissolvant peu à peu pour former une larme s’avançant au pas de parade sur une joue appelant la cueillette des yeux clos par des chaînes où pend un écriteau où se lit à peine Voix privée Circulation interdite aux
UN TOURBILLON DE POUSSIÈRE Lorsque les pierres font claquer leur porte en signe de désespoir et refusent l’hospitalité aux soleils de poche qui s’élèvent des cours d’eau bordés de chignons et retombent sur le dos des libellules qui leur indiquent la sortie du dédale et les puits de mine qui les avaleraient comme des âmes mortes une source de renard argenté s’étonne du lait qu’elle recouvre où apparaît soudain une fine toile d’araignée autour d’un baiser de sorcière nue offrant à la mousse en larmes la flamme de ses deux seins brûlant haut dans un nuage vengeur qui emporte dans sa suie des ramoneurs aux gestes larges chantant dans une cour tapissée de plumes de paon des airs qui bercent les chênes vaniteux comme des glands qui seraient des hussards de la garde tués d’une balle au front pendant qu’au loin derrière un horizon de rues aux boutiques closes une page calligraphiée gémit des Défense d’afficher masquant mal des grottes au teint frais habitées du souffle régulier d’une anémone jalousant une étoile qui saute à la corde faute de découvrir entre deux mers couronnées d’aubépine en fleurs le lit de champagne fredonnant que les caresses de son amant rêvant d’elle entre des lierres digérant des siècles rempliraient d’Amériques tonnantes à peine soupçonnées dans une virgule
L’ÉCLAT DE L’ACIER Portes béant sur le caillou du sentier aux ornières de dessous vaporeux Tout en haut une petite surface brillante s’élargit en longue-vue qui offre la fête du village avec le curé ivre au pied de sa chaire
De la cime des arbres portant un service de porcelaine qui provoquera des congestions pulmonaires avant la nuit où brille une route de vin rouge qu’on lance au loin pour capturer des chevaux échappés s’élève un tourbillon de copeaux s’assemblant en un discours officiel taillé dans le granit et retombant couvercle de chaudron où bout une confiture d’asphalte sans réverbères dont raffolent les perroquets enthousiasmés jusqu’à s’arracher les plumes de la queue pour représenter le printemps bien tardif cette année mais qui rattrapera le temps perdu en sifflant un air d’arc-en-ciel en pleine giboulée courant à travers champs derrière un rhume de cerveau où les bâtons de chaise ont le premier rôle consistant en entrechats couronnés d’un nerf fortement pincé pour réduire mille soupirs étoilés d’étincelles crépitant dans un sang d’ouragan en une révolte de voie lactée
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© Mélusine 2011 |
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