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ON NE PEUT PAS LIRE DEUX LIVRES A LA FOIS AUSSI VRAI que le plus mauvais livre de l'année c'est LE DIABLE AU CORPS le meilleur c'est SUR LE FLEUVE AMOUR par J. DELTEIL Toutes les femmes voudront être aimées comme Ludmilla. La fascinatrice dresse hors du livre son visage pathétique, épris de vices, de mystère et de sang. C'est l'Amour en 1923, trouble, esthétique, malsain et trois fois mortel. Aventure de la vie, aventure du coeur, aventure des sens. Et pour cadre symbolique, tout le fleuve Amour... PRIX : 6.75 LA RENAISSANCE DU LIVRE 78, BOULEVARD SAINT-MICHEL, 78, PARIS LIBRAIRIE GALLIMARD 15, BOUL. RASPAIL, PARIS 7e Téléph. : FLEU. 24-84 - Nord-Sud : BAC LIVRES ANCIENS ET MODERNES OUVRAGES D'ART ET DE LUXE Salle de LECTURE et de CORRESPONDANCE Cabine téléphonique gratuite Bulletin Bibliographique "LES LIVRES DU MOIS" et Catalogue de Livres d'Occasion envoyés gratuitement et régulièrement sur demande CABINET DE LECTURE POUR PARIS ET LA PROVINCE TOUTES COMBINAISONS D'ABONNEMENT Volumes à l'année - au mois - à la journée Demander le Catalogue et les Tarifs ON CONSULTE LES QUOTIDIENS EXPÉDITIONS DANS LE MONDE ENTIER Le Gérant : ANDRÉ BRETON PARIS. Imprimerie de la Revue LITTÉRATURE <Fig> NOUVELLE SÉRIE : Nos 11 et 12, 15 Octobre 1923DIRECTEUR : ANDRÉ BRETON = Rédaction : 42, Rue Fontaine, PARIS (IXe) = Administration : LIBRAIRIE GALLIMARD, 15, boulevard Raspail, PARIS LITTÉRATURE paraît le 1er de chaque mois Ce numéro est consacré spécialement à la poésie Robert DESNOS, Benjamin PÉRET. Max ERNST, Roger VITRAC, Francis PICABIA, Georges LIMBOUR, Max MORISE, Germain NOUVEAU, Paul ELUARD, André BRETON, Joseph DELTEIL, Philippe SOUPAULT, Louis ARAGON. COUVERTURE DE F. PICABIA DESSINS DE MAX ERNST PRIX DE CE NUMÉRO France : 3 francs. - Etranger : 4 francs. ABONNEMENTS Les 12 numéros : 20 francs pour la France et 25 francs pour l'Etranger Il a été tiré de ce numéro un exemplaire sur chine numéroté 1 et neuf exemplaires sur parchemin japonais numérotés de 2 à 10. P.1 <?> CHANSON - CHANSON (Lamentations d'un looping-the-loop des Champs-Elysées) Je me suis fait dékiouskiouter Le rondibé du radada, Le bout du frogn' du rognognome Du dig et bag m'en tire la bête Et la rue Rochechouart. REFRAIN Ah ! Ah ! J'avais la pécole, La gigite et la vesoul, Avoir la peau du cou qui se décolle Est un plaisir bien doux. Je me suis fait dorer le af-naf Arrondir le sprouknic, Pic et pic et colègramme Et bourr' et bourr' et ratatame Du petit phonogramme. REFRAIN Dag, dag ! Voilà Colibar La glougloute du placard Le rad, le zob, le figne du chien-chien Sur le mont vénérien. Alors étant dans le Flacdal J'ai planqué fourgué chez Pégal, Mon ognard, mon dix, mon plombe, Mon rade, mon figne tout harnaché Pour un p'tit larantequé. P.2 REFRAIN Cal ! Cal ! Caltez mes légumes Du rancart où nous nous plûmes J'ai l'rofrofrogne du rogne tout amoché Et le dix décoloré. Adieu af-naf, spitznartz, sprouknic Et le Comice agricole, Et la bibite et la téterre, Et la cucu, la çao çao La bitter curaçao (1) REFRAIN Con ! Con ! Consultez l'Bottin Dans le Métropolitain, Et radinez dans le figne des zouzous Qui arrivent de Tombouctou (2) (1) VARIANTE Et grand papa papahouté Té du radis noir à papa Du paradis de Mahomet Mettez-vous ça dans le dodo De la rue Gérando. (2) VARIANTE Et radinez dans le figne à Kuroki Qu'arrive de Mandchouri ! ANONYME. <Fig> P.3 Robert Desnos ÉLÉGANT CANTIQUE DE SALOMÉ SALOMON Mon mal meurt mais mes mains miment noeuds nerfs non anneaux. Nul nord même amour mol mammes ? mord nu néné nonne ni Nine. Où est Ninive sur la mammemonde ? Ma mer m'amis me murmure : « Nos Nils noient nos nuits nées neiges » Meurs Momie ! Môme âme au mur : Néant nié nom ni nerf n'ai-je ! Aime haine Et n'aime Haine aime Aimai ne M N N M N M M N <Fig> A PRÉSENT J'aimai avec plaisir ces longues fleurs qui éclatai-je à mon entrée. Chaque lampe se transfigurai-je en oeil crevé d'où coulai-je des vins plus P.4 précieux que la nacre et les soupirs des femmes assassinées. Avec frénésie avec frénésie nos passions naquis-je et le fleuve Amazone lui-même ne bondis-je pas mieux. Ecoutai-je moi bien ! Du coffret jaillis-je des océans et non des vins et le ciel s'entrouvris-je quand il parus-je. Le nom du seigneur n'eus-je rien à faire ici. Les belles devins-je mortes d'amour et les glands, tous les glands tombai-je dans les ruisseaux. La grande cathédrale se dressai-je jusqu'au bel oeil. L'oeil de ma bien aimée. Il connus-je des couloirs de chair, quand aux murs ils se liquéfiai-je et le dernier coup de tonnerre fis-je disparaître de la terre tous les tombeaux. <Fig> COEUR EN BOUCHE Son manteau traînait comme un soleil couchant. Et les perles de son collier étaient belles comme des dents. Une neige de seins entourait la maison et dans l'âtre un feu de baisers. Et les diamants de ses bagues brillaient plus que des yeux : « Nocturne visiteuse Dieu croit en moi ! » - « Je vous salue gracieuse de plénitude les entrailles de votre fruit sont bénies. Dehors se courbent les roseaux fines tailles ; Les chats grincent mieux que les girouettes. Demain à la première heure nous respirerons des roses aux doigts d'aurore et la nue éclatante transformera en astre le duvet. » Dans la nuit ce furent les injures des rails aux indifférentes locomotives près des jardins où les rosiers oubliés P.5 sont des amourettes déracinées. « Nocturne visiteuse, un jour je me coucherai dans un linceul comme dans une mer. Tes regards sont des rayons d'étoile, Les rubans de ta robe des routes vers l'infini. Viens dans un ballon léger semblable à un coeur Malgré l'aimant arc de triomphe quant à la forme. Les giroflées du parterre deviennent les mains les plus belles d'Haarlem ; Les siècles de notre vie durent à peine des secondes à peine les secondes durent-elles quelques amours. A chaque tournant il y a un angle droit qui ressemble à un vieillard. Le loup à pas de nuit s'introduit dans ma couche. Visiteuse ! visiteuse ! tes boucliers sont des seins ! Dans l'atelier se dressent, aussi sournoises que des langues, les vipères, et les étaux de fer comme les giroflées sont devenues des mains. Avec quoi lapiderez-vous les cailloux ? - Quel lion te suit plus grondant qu'un orage ? - Voici venir les cauchemars des fantômes. » « Et le couvercle du palais se ferma aussi bruyamment que les portes du cercueil. On me cloua avec des clous aussi maigres que des morts, dans une mort de silence. Maintenant vous ne prêterez plus d'attention aux oiseaux de la chansonnette. L'éponge dont je me lave est un cerveau ruisselant et des poignards me pénètrent avec l'acuité de vos regards ». <Fig> P.6 JACK L'ÉGAREUR Dans les trémies du ciel un archange nage comme il sied vers une usine. Faux monnayeurs que faites-vous de mes ongles ? J'ai lu dans le journal un roman dont j'étais le héros toujours à l'aise quand il fait pluie. Mon coeur bat l'extinction des feux, mes yeux sont la nuit. Je veille mes lendemains avec anxiété. Au bout d'un an et deux jours, alors il se fit une journée de pluie d'or et les sept phares merveilleux du monde... Escadres souterraines ne vous approchez pas de mon tombeau : Je suis employé à déclouer les vieux cercueils pour répartir équitablement les ossements entre les anciennes sépultures et les neuves. Quelle profession ? Profession de foi tu ne figures pas au Bottin. Les photographes rougiraient si vous les regardiez en pleurant. Je suis un mort de fraiche date. Si vous rencontrez un corbillard déchaussez vous cela fera du bien au mort. Il se lèvera, il sortira, il chantera, il chantera la chanson des quadrilles ; Et dans le futur on verra les nouveaux-nés arriver au monde escortés de squelettes. Ce ne seront partout que grossesses de géantes et il sera de bon ton chez les élégantes P.7de faire monter en bague les larmes solides des morts à l'occasion des naissances. Amour haut parleur sirènes à corps d'oiseaux, je vous quitte. Je vais goûter le silence cette belle algue où dorment les requins. <Fig> LES GORGES FROIDES A la poste d'hier tu télégraphieras que nous sommes bien morts avec les hirondelles Facteur triste facteur un cercueil sous ton bras va-t-en porter ma lettre aux fleurs à tire d'elle La boussole est en os mon coeur tu t'y fieras quelque tibia marque le pôle et les marelles pour amputés ont un sinistre aspect d'opéras Que pour mon épitaphe un dieu taille ses grêles C'est ce soir que je meurs ma chère Tombe-Issoire Ton regard le plus beau ne fut qu'un accessoire de la machinerie étrange du bonjour ; Adieu ! je vous aimai sans scrupule et sans ruse ma Folie-Méricourt ma silencieuse intruse Boussole à flèche torse annonce le retour <Fig> P.8 RENCONTRE Passez votre chemin. Le soir lève son bâton blanc devant les piétons. Cornes des boeufs les soirs d'abondance vous semez l'épouvante sur le boulevard. Passez votre chemin. C'est la volute lumineuse et contournée de l'heure. Lutte pour la mort. L'arbitre compte jusqu'à 70. Le mathématicien se réveille et dit « J'ai eu bien chaud ! » Les enfants surnaturels s'habillent comme vous et moi. Minuit ajoute une perle de fraise au collier de Madeleine et puis on ferme à deux battants les portes de la gare. Madeleine, Madeleine, ne me regarde pas ainsi ; un paon sort de chacun de tes yeux. La cendre de la vie sèche mon poème. Sur la place déserte l'invisible folie imprime son pied dans le sable humide. Le second boxeur se réveille et dit « j'ai eu bien froid. » Midi l'heure de l'amour torture délicatement nos oreilles malades. Un docteur très savant coud les mains de la prieuse en assurant qu'elle va dormir. Un cuisinier très habile mélange des poisons dans mon assiette en assurant que je vais rire. Je vais bien rire en effet. Le soleil pointu, les cheveux s'appellent romance dans la langue que je parle avec Madeleine. Un dictionnaire donne la signification des noms propres : Louis veut dire coup de dés, P.9 André veut dire récif, Paul veut dire etc... mais votre nom est sale : Passez votre chemin ! <Fig> LES GRANDS JOURS DU POETE Les disciples de la lumière n'ont jamais inventé que des ténèbres peu opaques. La rivière roule un petit corps de femme et cela signifie que la fin est proche. La veuve en habits de noces se trompe de convoi ; nous arrivons tous en retard à notre tombeau. Un navire de chair s'enlise sur une petite plage. Le timonier invite les passagers à se taire. Les flots attendent impatiemment plus près de Toi ô mon dieu. Le timonier invite les flots à parler. Ils parlent. La nuit cachète ses bouteilles avec des étoiles et fait fortune dans l'exportation. De grands comptoirs se construisent pour vendre des rossignols. Mais ils ne peuvent satisfaire aux désirs de la reine de Sibérie qui veut un rossignol blanc. Un commodore anglais jure qu'on ne le prendra plus à cueillir la sauge la nuit entre les pieds des statues de sel. A ce propos une petite salière Cérébos se dresse avec difficulté sur ses jambes fines. Elle verse dans mon assiette ce qu'il me reste à vivre. De quoi saler l'océan Pacifique. Vous mettrez sur ma tombe une bouée de sauvetage. Parce qu'on ne sait jamais. <Fig> P.10 PORTE DU SECOND INFINI L'encrier périscope me guette au tournant, mon porte-plume rentre dans sa coquille, la feuille de papier déploie ses grandes ailes blanches. Avant peu ses deux serres m'arracheront les yeux. Je n'y verrai que du feu mon corps, feu mon corps, vous eûtes l'occasion de le voir en grand appareil le jour de tous les ridicules. Les femmes mirent leurs bijoux dans leur bouche comme Démosthène, mais je suis inventeur d'un téléphone de verre de Bohème et de tabac anglais en relation directe avec la peur. <Fig> P.11 Benjamin Péret UN OISEAU A FIENTÉ SUR MON VESTON SALAUD Main vide et pied levé le bon enfant sur deux assiettes mourait d'envie de rire d'un cheval solitaire de la lune de la rousse Au lieu de mourir il aurait pu rire Il préféra cogner comme un sourd sur l'arbre le plus proche L'arbre miaulait T.S.F. T.S.F. La T.S.F. le mordit au pied droit et un ours à la main gauche Comme il était jeune il n'en mourut pas On le décora on en fit un ambassadeur Paul Claudel <Fig> CHARCUTONS CHARCUTEZ Sur la carte il y a des lignes qu'on appelle des golfes P.12 Les enfants y mettent des grenouilles que leurs parents vont chercher pour leur apprendre la vie la civilisation et leur faire connaître leurs devoirs envers la patrie Inutile de dire que les grenouilles s'en foutent Un jour où l'autre un soldat et une fermière feront l'amour devant leurs poules Elles en mourront et sur leurs tombes naîtra un petit cul sec qui saura danser le boston Ce sera la punition Un soldat et une fermière <Fig> CHANGEMENT DE VIANDE RÉJOUIT LE COCHON le cochon de chameau le chameau de tramway le tramway de papier Si un bandit passait par là vous verriez les yeux du soldat se dilater comme un ballon captif P.13 et les mains de la fermière se couvrir de fermiers Mais cela ne sera ne sera pas ne sera pas et c'est dommage <Fig> VOYAGE DE DÉCOUVERTE Il était seul dans le bas du seul-seul Un seul à la seule il seulait Ça fait deux seuls deux seuls dans un bas-seul Un bas-seul ne dure pas longtemps mais c'est assez quand on est seul dans le bas du seul-seul <Fig> LES MORTS ET LEURS ENFANTS Si j'étais quelque chose non quelqu'un je dirais aux enfants d'Edouard P.14 fournissez et s'ils ne fournissaient pas je m'en irais dans la jungle des rois mages sans bottes et sans caleçon comme un ermite et il y aurait sûrement un grand animal sans dents avec des plumes et tondu comme un veau qui viendrait une nuit dévorer mes oreilles Alors Dieu me dirait tu es un saint parmi les saints tiens voici une automobile L'automobile serait sensationnelle huit roues deux moteurs et au milieu un bananier qui masquerait Adam et Eve faisant mais ceci fera l'objet d'un autre poême <Fig> PORTRAIT DE ROBERT DESNOS La crème du rivage a guéri tes battements de coeur Salu-e As-tu vu la liberté P.15 Elle couche avec l'égalité Vilaine va Et si elle ne s'ennuie pas nous lui donnerons un petit serpent de mer qui couvrira ses épaules unies comme les Etats Unis de la fraternité <Fig> PORTRAIT DE MAX ERNST Tes pieds sont loin je les ai vus la dernière fois sur le dos d'un cheval-jument qui était mou qui était mou trop mou pour être honnête trop honnête pour être vrai Le cheval le plus vrai n'est jeune qu'un moment mais toi toi je te retrouve dans les rues du ciel dans les pattes des homards dans les inventions sauvages <Fig> P.16 PORTRAIT DE PAUL ELUARD Les dents sombres montent sur les étoiles quelles étoiles Une voix éclate sur le gazon meurtri comme une fesse quelles fesses Le vent couvre les cheveux des semences Les semences passeront mais tes nuages ne passeront pas j'en ai un dans ma poche qui s'élèvera jusqu'à ma bouche Alors je sourirai à tes étoiles C'est gai hein <Fig> PORTRAIT DE LOUIS ARAGON Les bienfaits de la croissance se constatent chaque jour j'en suis témoin et toi aussi Maintenant tu as des mains dans les cheveux et tes cheveux sont du verre dont on fait les maréchaux les capitaines au long cours les cigares du luxe et les wagons-lits Bonjour mon petit P.17 Max Ernst ETNA Croque-mort A ton poste pendant 30 années Comme Jésus-Christ Tu te livres rarement Comme Criqui Tu te livres juste à la mesure Tout heureux de prendre un peu d'exercice L'exercice fait la force Tu me plais Des soldats demi-nus Creusent des tranchées noires Autour de tes pieds noirs Tu craches sur eux Ce sont des soldats du génie Evidemment C'est toi le génie Tu craches sur eux La mer se balance Par sympathie Evidemment Autour de tes pieds noirs Pendant que tu recharges Ton magasin noir Avec une légèreté Qu'on n'eût pu soupçonner dans ta lourde masse Et vivement C'est-à-dire Pendant 30 années Croque-mort Tu restes à ton poste Et pendant ce temps-là Je dors. P.18 Roger Vitrac MIGRAINE (à suivre) La carie c'est le sol Le sol c'est la Patrie La Batterie c'est le mol Le Khol c'est la jolie L'embolie c'est le col Le bol c'est la charpie La chérie au formol Le fol à la voirie Elle a ri au mi-sol La geôle est la pourrie Eugénie à l'épaule Et Paul est à la vie L'avarie c'est le rôle Le drôle est la mairie. <Fig> AMOUR, JEU DE PAVÉS A Suzanne. Au milieu de la nuit tu te recourbes, riche bicyclette nourrie de pain rouge. Damier aux mille jambes nues dans le lait d'une église Et la pieuvre en sueur, en perles, à ton pied. P.19 Le ventre déchiré laisse un linge de veines fumer un tabac broyé par des diamants. L'écheveau de tes seins me conduit dans la plaine. Je suis ton Ressort-aux-cravates-d'agneau-blanc. Les os sont éclairés par l'oeil bleu du mercure où passe avec tendresse un révolver mourant. Le drap c'est l'incendie autour de ta figure, un crachoir de dentiste où s'évente ton sang. <Fig> LA FAIM A André BRETON. Le paysage, orteil de glace et de délices Reprend les doigts de nos coeurs. Le trouble de la pierre aux ombres qui rougissent Gonfle les tiges de la peur. <?> Ici, les bras sanglants, cygnes de nos poitrines Portent les têtes de l'amour : L'une est le vaisseau clair des dents de la voisine L'autre les ailes du vautour. P.20 Poumons pressés entre les genoux de l'aurore, L'herbe marche comme un agneau Vers les maisons qui se rapprochent de la mort Avec le fleuve des oiseaux. <?> Exilés ! les volcans attirent des écharpes. Les amants visitent le feu Et descendent, les pieds tombant comme des larmes Et les ongles comme des yeux. <?> Au-dessus de nous l'homme qui croit aux aigles A fait tourner les révolvers Dont il a mesuré la vitesse et la règle Comme les remous de la mer <?> Mais c'est l'herbe aux cuisses bénies Dont le linge est toujours mouillé Qui réserve aux cheveux ces étranges sorties Entre les os et les oeillets. <Fig> P.21 Francis Picabia BONHEUR NOUVEAU Nous aimer les uns les autres est un sentiment lointain, lointain comme la patrie vaincue ou victorieuse ; Je me sens le devoir de devenir un type contraire - contraire à tout. Les hommes sont mal renseignés, je suis le contraire d'un examen, le contraire d'une analyse, le contraire d'une croyance ; je travaille à fonder celui qui va venir, rythme et rime, comme les libres-anarchistes. Les hommes ont toujours l'idée fixée d'avance, intercalée conformément au but, but identique chanson populaire de sons familiers. L'essor est trop lourd, les courbes et les détours comme la propriété profitent aux zones tempérées. La morale est le contraire du bonheur depuis que j'existe. <Fig> P.22 COLIN-MAILLARD Le hasard est une cigarette qui donne faim. Les amis gesticulent comme les rides. sur un corbillard qui passait j'ai lu : il est mort parce qu'il ne buvait pas assez, il est mort sur une jambe faite d'une queue de billard ; de son vivant on mettait du blanc sur son procédé pour l'empêcher de glisser ; il est mort pendant les vacances au bout d'une corde signée « procès-verbal » ; entre les Açores et Lisbonne une goëlette américaine transporte sa fortune sur le calme plat des experts. L'avenir est un instrument monotone. Hôtel de la Bertha 23 Juin 1923. <Fig> P.23 IRRECEPTIF Dans la bouche une prodigalité à personne, surface, aspect à tout prix. Pourquoi parler d'une façon populaire ? Je suis toujours à la porte, au fond de la terre ; l'univers de la morale, des morales, a l'oeil au bout d'une queue-de-souris ; ce qui est plus difficile c'est de ne pas comprendre ; l'idée en faveur n'est pas une révélation, l'histoire à toujours marché, nous ne pouvons rompre le charme. L'idée moderne, Vaut : « J'ai entendu du nouveau » ; les pâtés et les fruits s'y mêlent. La moitié du monde pour les autres, l'autre moitié pour moi. <Fig> P.24 ERUTARETTIL <?> P.26 Georges Limbour LE PASSAGE DES OISEAUX I Eclopés dans le jeu plus difficile que la vie la marelle, c'est mon tombeau Eux qui se défient du chiffre enfants pythagoriciens tracent la croix qui multiplie les mensonges de terre et ciel Mais le coeur ? Le soir Laissez les hirondelles sécher des coeurs blancs De signes il est tant de tables n'y jamais manger de poisson à quoi bon me réveiller cul de jatte pour un nouvel exercice encore plus difficile que le jeu ? II L'homme bénin avec ses 14 pieds qui marchait sur la tête m'aborda dès la lune verte disant cap des tempêtes mets ton étal sur mon éventaire des demoiselles par-ci des pots à l'eau par là P.27 vends-moi cap des tempêtes cette peau d'antilope qui rendra plus belle l'électricité mais dès qu'il vit qu'il y avait encore une demi-marche à monter et qu'il lui poussait un 7me pied il me donna d'un seul coup 41 coups de pied qui m'envoyèrent précocement cueillir des lys dans le champ des noumènes. III Le chérubin rachitique soufflait toujours dans un ballon. Quand il se promenait dans la rue avec ses poumons dans sa main les chats aussitôt le suivaient les bouchers devant leurs viandes riaient d'un rire apoplectique. Quand il eut ainsi réuni les chats d'Europe et d'Amérique ces animaux le déchirèrent mais il n'avait que du sang bleu. Artères arbres mal plantés aux avenues des sentiments qui ne savez que 2 saisons Quand me pendrai-je à l'une ? <Fig> P.28 Max Morise INTERDIT DE SÉJOUR A la dernière corrida une très belle dame m'aborda amoureuse de l'espada et maîtresse d'un duc elle me disait tout bas SOL Y SOMBRA Y SOL Y SOMBRA Y SOL Y SOMBRA Y SOL Lévriers sur la poussière équatoriale mes beaux chiens de luxe je vous choisis pour sépulture. Vous serez joyeux de me dévorer et moi je serai fier et bien abrité du mal. Mais surtout gardez-vous de m'éveiller. Le sommeil l'argent l'arc-en-ciel les fèves le coeur le sable et l'oiseau-mouche retourneront en poussière. <Fig> P.29 <?> Nous n'irons plus au ciel Les langues sont coupées Madame de Pompadour Ira les ramasser Dans son petit panier (bis) <Fig> Germain Nouveau LA CHANSON DU TROUBADOUR I Sous la loi d'Esclarmonde Ranger la terre et l'onde Me ferait grand honneur ! Mais d'embrasser Glycère Un bonheur si vulgaire Ne m'est pas un bonheur ! <Fig> II De trouver sans meringue Une rime à Béringue Ne serait sans valeur ! Mais, n'ayant ni sou ni maille D'avoir quelque marmaille Me serait grand malheur ! Fait à Aix 15 Avril 1903 (aux portes de l'Eglise du St-Esprit !) P.30 Paul Éluard SANS RANCUNE Larmes des yeux, les malheurs des malheureux, Malheurs sans intérêt et larmes sans couleurs. Il ne demande rien, il n'est pas insensible, Il est triste en prison et triste s'il est libre. Il fait un triste temps, il fait une nuit noire A ne pas mettre un aveugle dehors. Les forts Sont assis, les faibles tiennent le pouvoir Et le roi est debout près de la reine assise. Sourires et soupirs, des injures pourrissent Dans la bouche des muets et dans les yeux des lâches. Ne prenez rien : ceci brûle, cela flambe ! Vos mains sont faites pour vos poches et vos fronts. X Une ombre, Toute l'infortune du monde Et mon amour dessus Comme une bête nue. <Fig> LE SOURD ET L'AVEUGLE Gagnerons-nous la mer avec des cloches Dans nos poches, avec le bruit de la mer P.31 Dans la mer, ou bien serons-nous les porteurs D'une eau plus pure et silencieuse ? L'eau se frottant les mains aiguise des couteaux. Les guerriers ont trouvé leurs armes dans les flots Et le bruit de leurs coups est semblable à celui Des rochers défonçant dans la nuit les bateaux. C'est la tempête et le tonnerre. Pourquoi pas le silence Du déluge, car nous avons en nous tout l'espace rêvé Pour le plus grand silence et nous respirerons Comme le vent des mers terribles, comme le vent Qui rampe lentement sur tous les horizons. <Fig> ENTRE AUTRES A l'ombre des arbres Comme au temps des miracles, Au milieu des hommes Comme la plus belle femme, Sans regrets, sans honte, J'ai quitté le monde. - Qu'avez-vous vu ? - Une femme jeune, grande et belle En robe noire très décolletée. P.32 NUDITE DE LA VERITE « Je le sais bien, » (P. E.) Le désespoir n'a pas d'ailes, L'amour non plus, Pas de visage, Ne parlent pas, Je ne bouge pas, Je ne les regarde pas, Je ne leur parle pas. Mais je suis bien aussi vivant que mon amour et que mon désespoir. <Fig> LES PETITS JUSTES Sur la maison du rire Un oiseau rit dans ses ailes. Le monde est si léger Qu'il n'est plus à sa place Et si gai Qu'il ne lui manque rien. <?> Les hommes qui changent et se ressemblent Ont, au cours de leurs jours, toujours fermé les yeux Pour dissiper le brume de dérision Etc... P.33 <?> Une couleur madame, une couleur monsieur. Une aux seins, une aux cheveux, La bouche des passions Et si vous voyez rouge La plus belle est à vos cuisses. <Fig> DENISE DISAIT AUX MERVEILLES Le soir traînait des hirondelles. Les hiboux Partageaient la clarté et pesaient sur la terre Comme les pas jamais lassés d'un solitaire Plus pâle que nature et dormant tout debout. Le soir traînait des armes blanches sur nos têtes, Le courage brûlait les femmes parmi nous, Elles pleuraient, elles criaient comme des bêtes. Les hommes inquiets s'étaient mis à genoux. Le soir, un rien, une hirondelle qui dépasse, Un peu de vent, les feuilles qui ne tombent plus, Un beau détail, un sortilège sans vertus Pour un regard qui n'a jamais compris l'espace. <Fig> P.34 André Breton IL N'Y A PAS A SORTIR DE LA A Paul ELUARD Liberté couleur d'homme Quelles bouches voleront en éclats Tuiles Sous la poussée de cette végétation monstrueuse Le soleil chien couchant Abandonne le perron d'un riche hôtel particulier Lente poitrine bleue où bat le coeur du temps Une jeune fille nue aux bras d'un danseur beau et cuirassé comme Saint Georges Mais ceci est beaucoup plus tard Faibles Atlantes *** Rivière d'étoiles Qui entraînes les signes de ponctuation de mon poème et de ceux de mes amis Il ne faut pas oublier que cette liberté et toi je vous ai tirées à la courte paille Si c'est elle que j'ai conquise Quelle autre que vous arrive en glissant le long d'une corde de givre Cet explorateur aux prises avec les fourmis rouges de son propre sang C'est jusqu'à la fin le même mois de l'année Perspective qui permet de juger si l'on a affaire à des âmes ou non 19.. Un lieutenant d'artillerie s'attend dans une traînée de poudre *** Aussi bien le premier venu Penché sur l'ovale du désir intérieur P.35 Dénombre ces buissons d'après le ver-luisant Selon que vous étendrez la main pour faire l'arbre ou avant de faire l'amour Comme chacun sait Dans l'autre monde qui n'existera pas Je te vois blanc et élégant Les cheveux des femmes ont l'odeur de la feuille d'acanthe O vitres superposées de la pensée Dans la terre de verre s'agitent les squelettes de verre *** Tout le monde a entendu parler du Radeau de la Méduse Et peut à la rigueur concevoir un équivalent de ce radeau dans le ciel 20 mai 1923. <Fig> LE BUVARD DE CENDRE A Robert DESNOS Les oiseaux s'ennuieront Si j'avais oublié quelque chose Sonnez la cloche de ces sorties d'école dans la mer Ce que nous appellerons la bourrache pensive On commence par donner la solution du concours A savoir combien de larmes peuvent tenir dans une main de femme 1° aussi petite que possible 2° dans une main moyenne Tandis que je froisse ce journal étoilé P.36 Et que les chairs éternelles entrées une fois pour toutes en possession du sommet des montagnes J'habite sauvagement une petite maison du Vaucluse Coeur lettre de cachet <Fig> L'HERBAGE ROUGE A Denise L'herbage rouge, l'or des grands chapeaux marins Composent pour ton front la musique et les plumes D'enfer. Sur ton chemin blanchissent les enclumes S'il fait beau dans ton coeur il tonne sur tes reins. Jamais le val d'amour ! Dans les feuilles ces trains Qui disparaissent, pris au lasso par les brumes... Tourne éternellement tes seins dans les écumes Des chutes : la lumière est tout ce que j'étreins. Va, comète du rire où le néant t'appelle, Ouvre tes jambes sur l'éventail ou l'ombelle ; Toi seule sais me rendre un printemps sang et eau. Balances de la vie, avec toi pour fléau. 13 juillet 1923. <Fig> P.37 AU REGARD DES DIVINITÉS A Louis ARAGON « Un peu avant minuit près du débarcadère. Si une femme échevelée te suit n'y prends pas garde. C'est l'azur. Tu n'as rien à craindre de l'azur. Il y aura un grand vase blond dans un arbre. Le clocher du village des couleurs fondues Te servira de point de repère. Prends ton temps, Souviens-toi. Le geyser brun qui lance au ciel les pousses de fougère Te salue » La lettre cachetée aux trois coins d'un poisson Passait maintenant dans a lumière des faubourgs Comme une enseigne de dompteur. Au demeurant La belle, la victime, celle qu'on appelait Dans le quartier la petite pyramide de réséda Décousait pour elle seule un nuage pareil A un sachet de pitié. Plus tard l'armure blanche Qui vaquait aux soins domestiques et autres En prenant plus fort à son aise que jamais, L'enfant à la coquille, celui qui devait être... Mais silence. Un brasier déjà donnait prise En son sein à un ravissant roman de cape Et d'épée. Sur le pont, à la même heure, Ainsi la rosée à tête de chatte se berçait. La nuit, - et les illusions seraient perdues. P.38 Voici les Pères blancs qui reviennent de vêpres Avec l'immense clé pendue au-dessus d'eux. Voici les hérauts gris ; enfin voici sa lettre Ou sa lèvre : mon coeur est un coucou pour Dieu. Mais le temps qu'elle parle, il ne reste qu'un mur Battant dans un tombeau comme une voile bise. L'éternité recherche une montre-bracelet Un peu avant minuit près du débarcadère. 14 juillet 1923. <Fig> ANGÉLUS DE L'AMOUR A Roger VITRAC Bientôt les jardins seront sur nous comme des phares D'énormes bulles crèveront à la surface des étangs Quelques cristallisations emblématiques parmi lesquelles le pendule de sang et les cinq charbons blancs Témoigneront seules que le ciel est encore sensible Il y aura aussi un ruban magnifique Enroulé mille fois autour des beautés abstraites naturelles O mes amis fermons les yeux Jusqu'à ce que nous n'entendions plus siffler les serpents transparents des directions Aussi vrai que nous vivons en pleine antiquité Dans chaque rayon de soleil il y a une lucarne et à chaque lucarne peut apparaître la Gorgone Déjà nous avons assisté aux migrations de nos mains P.39 Immobiles au bord d'un fleuve nous regardions passer le travail à tire d'ailes Comme d'autres apprennent à vider sans bruit les poches de leurs vêtements suspendus et garnis de clochettes Quand nous levons la tête le ciel nous bande les yeux Fermons les yeux pour qu'il fasse clair où nous ne sommes pas Là trompant l'impossible étoile à une branche Nous danserons comme le feu parmi les paillettes de nous-mêmes Et ce sera toujours Nous passerons des ponts surprenants Nous verserons dans des vallées de larmes A la longue les cygnes ne répondrons plus de nous De nous qui retournons aux formes idéales Avec qui les saisons iront au plus pressé Et qui les premiers forcerons le danger Magique sur sa corde inexistante Pour nous servir à prendre des chemins de traverse 19 juillet 1923. <Fig> TOUT PARADIS N'EST PAS PERDU A Man RAY Les coqs de roche passent dans le cristal Ils défendent la rosée à coups de crête Alors la devise charmante de l'éclair Descend sur la bannière des ruines P.40 Le sable n'est plus qu'une horloge phosphorescente Qui dit minuit Par les bras d'une femme oubliée Point de refuge tournant dans la campagne Dressée aux approches et aux reculs célestes C'est ici Les tempes bleues et dures de la villa baignent dans la nuit qui décalque mes images Chevelures chevelures Le mal prend des forces tout près Seulement voudra-t-il de nous 22 juillet 1923. <Fig> P.41 Joseph Delteil VERS EN BOIS Voici des noirs en pleurs, des forêts d'acajou Où gémissent des tigres et des mulâtresses Troublés par le climat des tropiques d'Amour. Dans les villages de l'Afrique, on va entendre Des rois adolescents qui ont des sceptres nus Proférer des aveux devant les palissandres. Des musiques d'ivoire incantent les tribus Et des oiseaux charnels becquettent des pistaches Et pendent à leurs queues de nègres attributs. Un navire d'amour fait de noires relâches. <Fig> PROGRAMME Une roulotte sur le Rhin, Une boulotte sur les reins, Avec un rêve sur l'épaule Et dans son coeur un grain de mil Et partir le long de la berge Sans souci qu'Elles soient très vierges Pourvu que la lune soit large Et les cavales repues d'orge Tirer la barbe des étoiles Et forniquer avec les elfes En buvant le lait des légendes Et les grands crus du duc Rodolphe P.42 Et puis, un soir de Pentecôte, Des hosties plein la bedaine, A l'ombre d'une cathédrale, Mourir sans peur et sans reproche. <Fig> ARÉTINS La magie d'un soir scandinave Ensorcèle tous les pingouins Dont les postures, sur la glace, Vantent celles de l'Arétin. Toutes les Norvèges forniquent Avec un pôle très membru. Des salamandres et des phoques Font l'amour sens dessous dessus. Et d'une langue solitaire, Ivre de vices et de gels, Sans souci des honnêtes vaches, Un ours blanc lèche un iceberg. <Fig> P.43 Philippe Soupault DERNIERES CARTOUCHES La nuit a des yeux sans prunelles et de longues mains bleu de ciel Comme il fait beau Il y a une étoile rouge et de longs serpents nocturnes Il fait beau Il faut crier pour ne pas être triste les heures dansent Il faut hurler pour ne pas tuer pour ne pas mourir en chantant pour ne pas rougir de honte et de fureur Il vaut encore mieux s'en aller prendre sa canne et marcher jusqu'à la St Barnabé Quand on est très énervé et qu'on rage Comme il fait beau Les cloches sonnent pour les trépassés et pour la gloire des armées tout est à recommencer je vois malgré l'obscurité des têtes tomber dans le panier sous le poids de la guillotine j'aperçois des noyés flotter et des pendus se balancer On entend des cris dans les hôpitaux P.44 Comme il fait beau On se regarde dans un miroir pour le plaisir et l'on se trouve vraiment très laid mais on pense à autre chose pour ne pas se désespérer Qu'est-ce qu'on voit Vraiment qu'est-ce qu'on voit Le cimetière est ravissant Il y a des fleurs des couronnes des croix et des inscriptions Comme il fait beau Qu'est-ce qu'on entend le soleil joue du clairon à la porte des cafés c'est la lutte définitive La ville meurt au son des grenouilles et les fleurs tombent gravement comme des arbres déracinés Voici les hommes Ils sont pâles comme des vivants Ils portent des cravates rouges des cannes plombées et des journaux de toutes les couleurs Ils s'arrêtent et jouent à pile ou face Il fait de plus en plus beau Drapeaux et musique en tête P.45 nous courbons la tête parce que nous sommes de plus en plus seuls pâles laids Il faut recommencer à marcher à pile ou face et rire de vin et d'alcool Les cafés sont pavoisés comme les sourires des demoiselles Avançons toujours on verra bien ce qui arrivera Il fait vraiment trop beau. <Fig> P.46 Louis Aragon BOUÉE Dans une neige de neige un enfant une fois jeta l'âme de lui et il ne savait pas il ferme les paupières des yeux Un couple il veut dire un homme et une femme une fois une fois tout le long du chemin un couple d'eux deux Le froid et le chaud une fois or il fut sur le point or il se mit il chantait il mange une gaufre au soleil gaufre L'image d'elle dans l'eau une fois dans l'eau une fois C'était un fleuve d'eau L'eau mouille clair blanc Fleur humide 1920. <Fig> AIR POUR SE LAVER Un pied Le ciel et la nuit Mexique et Brésil P.47 Le ciel et la nuit je l'entends qui fuit Mexique et Brésil c'est un chamois vert Le ciel et la nuit le ciel et l'hiver Mexique L'autre pied La neige et la vent la pierre à fusil La neige et le vent qui frappe à l'auvent La pierre à fusil c'est un chasseur mor La neige et le vent la neige et le sort La pierre Le cul La glace et l'effroi l'aurore et l'horreur La glace et l'effroi le signe de croix L'aurore ou l'horreur à chacun son tour La glace et l'effroi la glace et le jour L'aurore 1921 <Fig> SONNETTE DE L'ENTRACTE Le bébé parle : Je suis monté dans le soir Un matin lune Il y avait des chandeliers Qui faisaient des confidences Aux géants blonds des escaliers C'était quelque part dans l'ombre A l'abri P.48 Les épaules des luzernes Dansaient dans les mains du vent Les prisonniers des casernes Rêvaient encore à d'autre corps Je vous le demande les mouches Que pensez-vous de l'univers Moi couché sur le mica-schiste Je me damne à force d'orgueil C'est le grand air qui veut ça. 1922. <Fig> LA PHILOSOPHIE SANS LE SAVOIR I Sacrifions les boeufs sur les arbres Les corps des femmes dans les champs Sont de jolis pommiers touchants Blanc blanc blanc Sang et neige par ma queue et par ma barbe Sacrifions les taureaux sur les arbres II Sacré casseur de pierres Sacré casseur de pierres Sacré casseur de pierres En choeur Sacré casseur de piai-AI-res Sacré casseur de coeurs Solo Sur ton chemin j'ai mis le pied 1923. VIENNENT DE PARAITRE LIBRAIRIE GALLIMARD, 15, boulevard Raspail, PARIS Benjamin PÉRET Au 125 du boulevard Saint-Germain 20 Hollande .... L'exemplaire 44 francs 100 vergé .... - 10 francs Collection Littérature Louis ARAGON LE LIBERTINAGE Aux Editions de la Nouvelle Revue Française Paul ELUARD Mourir de ne pas mourir Aux Editions de la Nouvelle Revue Française André BRETON LES PAS PERDUS Aux Editions de la Nouvelle Revue Française CLAIR DE TERRE 5 Japon.... - 110 francs 25 Hollande.... - 44 francs 150 Offsett .... - 15 francs Collection Littérature LIBRAIRIE GALLIMARD 15, BOUL. RASPAIL, PARIS 7e Téléph. : FLEURUS 24-84 - Nord-Sud : BAC LIVRES ANCIENS ET MODERNES OUVRAGES D'ART ET DE LUXE Salle de LECTURE et de CORRESPONDANCE Cabine téléphonique gratuite Bulletin Bibliographique "LES LIVRES DU MOIS" et Catalogue de Livres d'Occasion envoyés gratuitement et régulièrement sur demande CABINET DE LECTURE POUR PARIS ET LA PROVINCE TOUTES COMBINAISONS D'ABONNEMENT Volumes à l'année - au mois - à la journée Demander le Catalogue et les Tarifs ON CONSULTE LES QUOTIDIENS EXPÉDITIONS DANS LE MONDE ENTIER Le Gérant : ANDRÉ BRETON PARIS. Imprimerie de la Revue LITTÉRATURE <Fig> NOUVELLE SÉRIE : N° 13, Juin 1924DIRECTEUR : ANDRÉ BRETON 42, Rue Fontaine, PARIS (IXe) SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION : MAX MORISE, 24, Avenue de Breteuil, PARIS (VIIe) DÉPOSITAIRE GÉNÉRAL : LIBRAIRIE GALLIMARD, 15, Boulevard Raspail, PARIS Numéro Démoralisant SOMMAIRE : ARTHUR RIMBAUD .... Un Coeur sous une Soutane (fragments). GUILLAUME APOLLINAIRE Epithalame. - L'Ignorance. ROGER VITRAC .... Ma collaboration à Littérature. ROBERT DESNOS .... André Breton ou "Face à l'Infini". JACQUES BARON .... L'Inconnu. ANDRÉ BRETON .... Carnet. LOUIS ARAGON .... Lettre à Francis Vielé-Griffin sur la destinée de l'homme. NOUVEAUTÉ, par la Rédaction. HORS TEXTE : Le Violon d'Ingres, par MAN RAY. PRIX DE CE NUMÉRO France : 2 francs. - Etranger : 3 rancs. ABONNEMENTS Les 12 numéros : 20 francs pour la France et 25 francs pour l'Etranger. <Fig> |
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