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ON NE PEUT PAS LIRE DEUX LIVRES A LA FOIS

AUSSI VRAI

que le plus mauvais livre de l'année

c'est LE DIABLE AU CORPS

le meilleur

c'est

SUR LE FLEUVE AMOUR

par J. DELTEIL

Toutes les femmes voudront être aimées comme Ludmilla. La fascinatrice dresse hors du livre son visage pathétique, épris de vices, de mystère et de sang. C'est l'Amour en 1923, trouble, esthétique, malsain et trois fois mortel. Aventure de la vie, aventure du coeur, aventure des sens. Et pour cadre symbolique, tout le fleuve Amour...

PRIX : 6.75

LA RENAISSANCE DU LIVRE

78, BOULEVARD SAINT-MICHEL, 78, PARIS

LIBRAIRIE GALLIMARD

15, BOUL. RASPAIL, PARIS 7e Téléph. : FLEU. 24-84 - Nord-Sud : BAC

LIVRES ANCIENS ET MODERNES

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ON CONSULTE LES QUOTIDIENS

EXPÉDITIONS DANS LE MONDE ENTIER

Le Gérant : ANDRÉ BRETON

PARIS. Imprimerie de la Revue LITTÉRATURE

<Fig>

NOUVELLE SÉRIE : Nos 11 et 12, 15 Octobre 1923

DIRECTEUR :

ANDRÉ BRETON

= Rédaction : 42, Rue Fontaine, PARIS (IXe) =

Administration : LIBRAIRIE GALLIMARD, 15, boulevard Raspail, PARIS

LITTÉRATURE paraît le 1er de chaque mois

Ce numéro est consacré spécialement à la poésie

Robert DESNOS, Benjamin PÉRET. Max ERNST, Roger VITRAC, Francis PICABIA, Georges LIMBOUR, Max MORISE, Germain NOUVEAU, Paul ELUARD, André BRETON, Joseph DELTEIL, Philippe SOUPAULT, Louis ARAGON.

COUVERTURE DE F. PICABIA DESSINS DE MAX ERNST

PRIX DE CE NUMÉRO

France : 3 francs. - Etranger : 4 francs.

ABONNEMENTS

Les 12 numéros : 20 francs pour la France et 25 francs pour l'Etranger

Il a été tiré de ce numéro un exemplaire sur chine numéroté 1 et neuf exemplaires sur parchemin japonais numérotés de 2 à 10.

P.1 <?>

CHANSON - CHANSON

(Lamentations d'un looping-the-loop des Champs-Elysées)

Je me suis fait dékiouskiouter

Le rondibé du radada,

Le bout du frogn' du rognognome

Du dig et bag m'en tire la bête

Et la rue Rochechouart.

REFRAIN

Ah ! Ah ! J'avais la pécole,

La gigite et la vesoul,

Avoir la peau du cou qui se décolle

Est un plaisir bien doux.

Je me suis fait dorer le af-naf

Arrondir le sprouknic,

Pic et pic et colègramme

Et bourr' et bourr' et ratatame

Du petit phonogramme.

REFRAIN

Dag, dag ! Voilà Colibar

La glougloute du placard

Le rad, le zob, le figne du chien-chien

Sur le mont vénérien.

Alors étant dans le Flacdal

J'ai planqué fourgué chez Pégal,

Mon ognard, mon dix, mon plombe,

Mon rade, mon figne tout harnaché

Pour un p'tit larantequé.

P.2 REFRAIN

Cal ! Cal ! Caltez mes légumes

Du rancart où nous nous plûmes

J'ai l'rofrofrogne du rogne tout amoché

Et le dix décoloré.

Adieu af-naf, spitznartz, sprouknic

Et le Comice agricole,

Et la bibite et la téterre,

Et la cucu, la çao çao

La bitter curaçao (1)

REFRAIN

Con ! Con ! Consultez l'Bottin

Dans le Métropolitain,

Et radinez dans le figne des zouzous

Qui arrivent de Tombouctou (2)

(1) VARIANTE

Et grand papa papahouté

Té du radis noir à papa

Du paradis de Mahomet

Mettez-vous ça dans le dodo

De la rue Gérando.

(2) VARIANTE

Et radinez dans le figne à Kuroki

Qu'arrive de Mandchouri !

ANONYME.

<Fig>

P.3 Robert Desnos

ÉLÉGANT CANTIQUE DE SALOMÉ SALOMON

Mon mal meurt mais mes mains miment

noeuds nerfs non anneaux. Nul nord

même amour mol mammes ? mord

nu néné nonne ni Nine.

Où est Ninive sur la mammemonde ?

Ma mer m'amis me murmure :

« Nos Nils noient nos nuits nées neiges »

Meurs Momie ! Môme âme au mur :

Néant nié nom ni nerf n'ai-je !

Aime haine

Et n'aime

Haine aime

Aimai ne

M N

N M

N M

M N

<Fig>

A PRÉSENT

J'aimai avec plaisir ces longues fleurs qui éclatai-je à mon entrée. Chaque lampe se transfigurai-je en oeil crevé d'où coulai-je des vins plus P.4 précieux que la nacre et les soupirs des femmes assassinées.

Avec frénésie avec frénésie nos passions naquis-je et le fleuve Amazone lui-même ne bondis-je pas mieux.

Ecoutai-je moi bien ! Du coffret jaillis-je des océans et non des vins et le ciel s'entrouvris-je quand il parus-je.

Le nom du seigneur n'eus-je rien à faire ici. Les belles devins-je mortes d'amour et les glands, tous les glands tombai-je dans les ruisseaux. La grande cathédrale se dressai-je jusqu'au bel oeil. L'oeil de ma bien aimée.

Il connus-je des couloirs de chair, quand aux murs ils se liquéfiai-je et le dernier coup de tonnerre fis-je disparaître de la terre tous les tombeaux.

<Fig>

COEUR EN BOUCHE

Son manteau traînait comme un soleil couchant.

Et les perles de son collier étaient belles comme des dents.

Une neige de seins entourait la maison

et dans l'âtre un feu de baisers.

Et les diamants de ses bagues brillaient plus que des yeux :

« Nocturne visiteuse Dieu croit en moi ! »

- « Je vous salue gracieuse de plénitude les entrailles de votre fruit sont bénies.

Dehors se courbent les roseaux fines tailles ;

Les chats grincent mieux que les girouettes.

Demain à la première heure nous respirerons des roses aux doigts d'aurore

et la nue éclatante transformera en astre le duvet. »

Dans la nuit ce furent les injures des rails

aux indifférentes locomotives

près des jardins où les rosiers oubliés

P.5 sont des amourettes déracinées.

« Nocturne visiteuse, un jour je me coucherai dans un linceul

comme dans une mer.

Tes regards sont des rayons d'étoile,

Les rubans de ta robe des routes vers l'infini.

Viens dans un ballon léger semblable à un coeur

Malgré l'aimant arc de triomphe quant à la forme.

Les giroflées du parterre deviennent les mains les plus belles d'Haarlem ;

Les siècles de notre vie durent à peine des secondes

à peine les secondes durent-elles quelques amours.

A chaque tournant il y a un angle droit qui ressemble à un vieillard.

Le loup à pas de nuit s'introduit dans ma couche.

Visiteuse ! visiteuse ! tes boucliers sont des seins !

Dans l'atelier se dressent, aussi sournoises que des langues,

les vipères,

et les étaux de fer comme les giroflées sont devenues des mains.

Avec quoi lapiderez-vous les cailloux ?

- Quel lion te suit plus grondant qu'un orage ?

- Voici venir les cauchemars des fantômes. »

« Et le couvercle du palais se ferma aussi bruyamment

que les portes du cercueil.

On me cloua avec des clous aussi maigres

que des morts,

dans une mort de silence.

Maintenant vous ne prêterez plus d'attention

aux oiseaux de la chansonnette.

L'éponge dont je me lave est un cerveau ruisselant

et des poignards me pénètrent

avec l'acuité de vos regards ».

<Fig>

P.6 JACK L'ÉGAREUR

Dans les trémies du ciel

un archange nage comme il sied vers une usine.

Faux monnayeurs que faites-vous de mes ongles ?

J'ai lu dans le journal un roman dont j'étais le héros

toujours à l'aise quand il fait pluie.

Mon coeur bat l'extinction des feux,

mes yeux sont la nuit.

Je veille mes lendemains avec anxiété.

Au bout d'un an et deux jours,

alors il se fit une journée de pluie d'or et les sept phares merveilleux du monde...

Escadres souterraines ne vous approchez pas de mon tombeau :

Je suis employé à déclouer les vieux cercueils

pour répartir équitablement les ossements

entre les anciennes sépultures

et les neuves.

Quelle profession ? Profession de foi tu ne figures pas au Bottin.

Les photographes rougiraient si vous les regardiez en pleurant.

Je suis un mort de fraiche date.

Si vous rencontrez un corbillard déchaussez vous

cela fera du bien au mort.

Il se lèvera,

il sortira,

il chantera,

il chantera la chanson des quadrilles ;

Et dans le futur on verra les nouveaux-nés arriver au monde

escortés de squelettes.

Ce ne seront partout que grossesses de géantes

et il sera de bon ton chez les élégantes

P.7de faire monter en bague

les larmes solides des morts à l'occasion des naissances.

Amour haut parleur sirènes à corps d'oiseaux,

je vous quitte.

Je vais goûter le silence cette belle algue où dorment les requins.

<Fig>

LES GORGES FROIDES

A la poste d'hier tu télégraphieras

que nous sommes bien morts avec les hirondelles

Facteur triste facteur un cercueil sous ton bras

va-t-en porter ma lettre aux fleurs à tire d'elle

La boussole est en os mon coeur tu t'y fieras

quelque tibia marque le pôle et les marelles

pour amputés ont un sinistre aspect d'opéras

Que pour mon épitaphe un dieu taille ses grêles

C'est ce soir que je meurs ma chère Tombe-Issoire

Ton regard le plus beau ne fut qu'un accessoire

de la machinerie étrange du bonjour ;

Adieu ! je vous aimai sans scrupule et sans ruse

ma Folie-Méricourt ma silencieuse intruse

Boussole à flèche torse annonce le retour

<Fig>

P.8 RENCONTRE

Passez votre chemin.

Le soir lève son bâton blanc devant les piétons.

Cornes des boeufs les soirs d'abondance vous semez l'épouvante sur le boulevard.

Passez votre chemin.

C'est la volute lumineuse et contournée de l'heure.

Lutte pour la mort. L'arbitre compte jusqu'à 70.

Le mathématicien se réveille et dit

« J'ai eu bien chaud ! »

Les enfants surnaturels s'habillent comme vous et moi.

Minuit ajoute une perle de fraise au collier de Madeleine

et puis on ferme à deux battants les portes de la gare.

Madeleine, Madeleine, ne me regarde pas ainsi ;

un paon sort de chacun de tes yeux.

La cendre de la vie sèche mon poème.

Sur la place déserte l'invisible folie imprime son pied

dans le sable humide.

Le second boxeur se réveille et dit

« j'ai eu bien froid. »

Midi l'heure de l'amour torture délicatement

nos oreilles malades.

Un docteur très savant coud les mains de la prieuse

en assurant qu'elle va dormir.

Un cuisinier très habile mélange des poisons dans mon assiette

en assurant que je vais rire.

Je vais bien rire en effet.

Le soleil pointu, les cheveux s'appellent romance dans la langue que je parle avec Madeleine.

Un dictionnaire donne la signification des noms propres :

Louis veut dire coup de dés,

P.9 André veut dire récif,

Paul veut dire etc...

mais votre nom est sale :

Passez votre chemin !

<Fig>

LES GRANDS JOURS DU POETE

Les disciples de la lumière n'ont jamais inventé que des ténèbres peu opaques.

La rivière roule un petit corps de femme et cela signifie que la fin est proche.

La veuve en habits de noces se trompe de convoi ;

nous arrivons tous en retard à notre tombeau.

Un navire de chair s'enlise sur une petite plage. Le timonier invite les passagers à se taire.

Les flots attendent impatiemment plus près de Toi ô mon dieu.

Le timonier invite les flots à parler. Ils parlent.

La nuit cachète ses bouteilles avec des étoiles et fait fortune dans l'exportation.

De grands comptoirs se construisent pour vendre des rossignols. Mais ils ne peuvent satisfaire aux désirs de la reine de Sibérie qui veut un rossignol blanc.

Un commodore anglais jure qu'on ne le prendra plus à cueillir la sauge la nuit entre les pieds des statues de sel.

A ce propos une petite salière Cérébos se dresse avec difficulté sur ses jambes fines. Elle verse dans mon assiette ce qu'il me reste à vivre.

De quoi saler l'océan Pacifique.

Vous mettrez sur ma tombe une bouée de sauvetage.

Parce qu'on ne sait jamais.

<Fig>

P.10 PORTE DU SECOND INFINI

L'encrier périscope me guette au tournant,

mon porte-plume rentre dans sa coquille,

la feuille de papier déploie ses grandes ailes blanches.

Avant peu ses deux serres

m'arracheront les yeux.

Je n'y verrai que du feu mon corps,

feu mon corps,

vous eûtes l'occasion de le voir en grand appareil

le jour de tous les ridicules.

Les femmes mirent leurs bijoux dans leur bouche comme Démosthène,

mais je suis inventeur d'un téléphone de

verre de Bohème et de

tabac anglais

en relation directe

avec la peur.

<Fig>

P.11 Benjamin Péret

UN OISEAU A FIENTÉ SUR MON VESTON SALAUD

Main vide et pied levé

le bon enfant sur deux assiettes

mourait d'envie de rire d'un cheval

solitaire

de la lune

de la rousse

Au lieu de mourir

il aurait pu rire

Il préféra cogner comme un sourd

sur l'arbre le plus proche

L'arbre miaulait

T.S.F. T.S.F.

La T.S.F. le mordit au pied droit

et un ours à la main gauche

Comme il était jeune il n'en mourut pas

On le décora

on en fit un ambassadeur

Paul Claudel

<Fig>

CHARCUTONS CHARCUTEZ

Sur la carte il y a des lignes

qu'on appelle des golfes

P.12 Les enfants y mettent des grenouilles

que leurs parents vont chercher

pour leur apprendre la vie

la civilisation

et leur faire connaître leurs devoirs envers la patrie

Inutile de dire que les grenouilles s'en foutent

Un jour où l'autre

un soldat

et une fermière

feront l'amour devant leurs poules

Elles en mourront

et sur leurs tombes naîtra un petit cul sec

qui saura danser le boston

Ce sera la punition

Un soldat et une fermière

<Fig>

CHANGEMENT DE VIANDE RÉJOUIT LE COCHON

le cochon de chameau

le chameau de tramway

le tramway de papier

Si un bandit passait par là

vous verriez les yeux du soldat

se dilater comme un ballon captif

P.13 et les mains de la fermière

se couvrir de fermiers

Mais cela ne sera ne sera pas ne sera pas

et c'est dommage

<Fig>

VOYAGE DE DÉCOUVERTE

Il était seul

dans le bas du seul-seul

Un seul à la seule

il seulait

Ça fait deux seuls

deux seuls dans un bas-seul

Un bas-seul ne dure pas longtemps

mais c'est assez quand on est seul

dans le bas du seul-seul

<Fig>

LES MORTS ET LEURS ENFANTS

Si j'étais quelque chose

non quelqu'un

je dirais aux enfants d'Edouard

P.14 fournissez

et s'ils ne fournissaient pas

je m'en irais dans la jungle des rois mages

sans bottes et sans caleçon

comme un ermite

et il y aurait sûrement un grand animal

sans dents

avec des plumes

et tondu comme un veau

qui viendrait une nuit dévorer mes oreilles

Alors Dieu me dirait

tu es un saint parmi les saints

tiens voici une automobile

L'automobile serait sensationnelle

huit roues deux moteurs

et au milieu un bananier

qui masquerait Adam et Eve

faisant

mais ceci fera l'objet d'un autre poême

<Fig>

PORTRAIT DE ROBERT DESNOS

La crème du rivage

a guéri tes battements de coeur

Salu-e

As-tu vu la liberté

P.15 Elle couche avec l'égalité

Vilaine va

Et si elle ne s'ennuie pas

nous lui donnerons

un petit serpent de mer

qui couvrira ses épaules

unies comme les Etats Unis de la fraternité

<Fig>

PORTRAIT DE MAX ERNST

Tes pieds sont loin

je les ai vus la dernière fois

sur le dos d'un cheval-jument

qui était mou qui était mou

trop mou pour être honnête

trop honnête pour être vrai

Le cheval le plus vrai

n'est jeune qu'un moment

mais toi

toi je te retrouve

dans les rues du ciel

dans les pattes des homards

dans les inventions sauvages

<Fig>

P.16 PORTRAIT DE PAUL ELUARD

Les dents sombres montent sur les étoiles

quelles étoiles

Une voix éclate sur le gazon meurtri

comme une fesse

quelles fesses

Le vent couvre les cheveux des semences

Les semences passeront

mais tes nuages ne passeront pas

j'en ai un dans ma poche

qui s'élèvera jusqu'à ma bouche

Alors je sourirai à tes étoiles

C'est gai hein

<Fig>

PORTRAIT DE LOUIS ARAGON

Les bienfaits de la croissance

se constatent chaque jour

j'en suis témoin

et toi aussi

Maintenant tu as des mains dans les cheveux

et tes cheveux sont du verre

dont on fait les maréchaux

les capitaines au long cours

les cigares du luxe

et les wagons-lits

Bonjour mon petit

P.17 Max Ernst

ETNA

Croque-mort

A ton poste pendant 30 années

Comme Jésus-Christ

Tu te livres rarement

Comme Criqui

Tu te livres juste à la mesure

Tout heureux de prendre un peu d'exercice

L'exercice fait la force

Tu me plais

Des soldats demi-nus

Creusent des tranchées noires

Autour de tes pieds noirs

Tu craches sur eux

Ce sont des soldats du génie

Evidemment

C'est toi le génie

Tu craches sur eux

La mer se balance

Par sympathie

Evidemment

Autour de tes pieds noirs

Pendant que tu recharges

Ton magasin noir

Avec une légèreté

Qu'on n'eût pu soupçonner dans ta lourde masse

Et vivement

C'est-à-dire

Pendant 30 années

Croque-mort

Tu restes à ton poste

Et pendant ce temps-là

Je dors.

P.18 Roger Vitrac

MIGRAINE

(à suivre)

La carie c'est le sol

Le sol c'est la Patrie

La Batterie c'est le mol

Le Khol c'est la jolie

L'embolie c'est le col

Le bol c'est la charpie

La chérie au formol

Le fol à la voirie

Elle a ri au mi-sol

La geôle est la pourrie

Eugénie à l'épaule

Et Paul est à la vie

L'avarie c'est le rôle

Le drôle est la mairie.

<Fig>

AMOUR, JEU DE PAVÉS

A Suzanne.

Au milieu de la nuit tu te recourbes, riche

bicyclette nourrie de pain rouge. Damier

aux mille jambes nues dans le lait d'une église

Et la pieuvre en sueur, en perles, à ton pied.

P.19 Le ventre déchiré laisse un linge de veines

fumer un tabac broyé par des diamants.

L'écheveau de tes seins me conduit dans la plaine.

Je suis ton Ressort-aux-cravates-d'agneau-blanc.

Les os sont éclairés par l'oeil bleu du mercure

où passe avec tendresse un révolver mourant.

Le drap c'est l'incendie autour de ta figure,

un crachoir de dentiste où s'évente ton sang.

<Fig>

LA FAIM

A André BRETON.

Le paysage, orteil de glace et de délices

Reprend les doigts de nos coeurs.

Le trouble de la pierre aux ombres qui rougissent

Gonfle les tiges de la peur.

<?>

Ici, les bras sanglants, cygnes de nos poitrines

Portent les têtes de l'amour :

L'une est le vaisseau clair des dents de la voisine

L'autre les ailes du vautour.

P.20 Poumons pressés entre les genoux de l'aurore,

L'herbe marche comme un agneau

Vers les maisons qui se rapprochent de la mort

Avec le fleuve des oiseaux.

<?>

Exilés ! les volcans attirent des écharpes.

Les amants visitent le feu

Et descendent, les pieds tombant comme des larmes

Et les ongles comme des yeux.

<?>

Au-dessus de nous l'homme qui croit aux aigles

A fait tourner les révolvers

Dont il a mesuré la vitesse et la règle

Comme les remous de la mer

<?>

Mais c'est l'herbe aux cuisses bénies

Dont le linge est toujours mouillé

Qui réserve aux cheveux ces étranges sorties

Entre les os et les oeillets.

<Fig>

P.21 Francis Picabia

BONHEUR NOUVEAU

Nous aimer les uns les autres

est un sentiment lointain,

lointain comme la patrie

vaincue ou victorieuse ;

Je me sens le devoir de devenir

un type contraire -

contraire à tout.

Les hommes sont mal renseignés,

je suis le contraire d'un examen,

le contraire d'une analyse,

le contraire d'une croyance ;

je travaille à fonder celui qui va venir,

rythme et rime,

comme les libres-anarchistes.

Les hommes ont toujours l'idée

fixée d'avance,

intercalée conformément au but,

but identique

chanson populaire de sons familiers.

L'essor est trop lourd,

les courbes et les détours

comme la propriété

profitent aux zones tempérées.

La morale est le contraire du bonheur

depuis que j'existe.

<Fig>

P.22 COLIN-MAILLARD

Le hasard est une cigarette

qui donne faim.

Les amis gesticulent

comme les rides.

sur un corbillard qui passait

j'ai lu :

il est mort

parce qu'il ne buvait pas assez,

il est mort

sur une jambe

faite d'une queue de billard ;

de son vivant

on mettait du blanc

sur son procédé

pour l'empêcher de glisser ;

il est mort

pendant les vacances

au bout d'une corde

signée « procès-verbal » ;

entre les Açores et Lisbonne

une goëlette américaine

transporte sa fortune

sur le calme plat

des experts.

L'avenir est un instrument monotone.

Hôtel de la Bertha

23 Juin 1923.

<Fig>

P.23 IRRECEPTIF

Dans la bouche une prodigalité

à personne,

surface, aspect à tout prix.

Pourquoi parler d'une façon populaire ?

Je suis toujours à la porte,

au fond de la terre ;

l'univers de la morale, des morales,

a l'oeil au bout d'une queue-de-souris ;

ce qui est plus difficile c'est de ne pas comprendre ;

l'idée en faveur

n'est pas une révélation,

l'histoire à toujours marché,

nous ne pouvons rompre le charme.

L'idée moderne,

Vaut : « J'ai entendu du nouveau » ;

les pâtés et les fruits s'y mêlent.

La moitié du monde pour les autres,

l'autre moitié pour moi.

<Fig>

P.24 ERUTARETTIL

<?>

P.26 Georges Limbour

LE PASSAGE DES OISEAUX

I

Eclopés dans le jeu plus difficile que la vie

la marelle, c'est mon tombeau

Eux qui se défient du chiffre

enfants pythagoriciens

tracent la croix qui multiplie

les mensonges de terre et ciel

Mais le coeur ?

Le soir

Laissez les hirondelles sécher des coeurs blancs

De signes il est tant de tables

n'y jamais manger de poisson

à quoi bon me réveiller

cul de jatte

pour un nouvel exercice

encore plus difficile que le jeu ?

II

L'homme bénin avec ses 14 pieds

qui marchait sur la tête

m'aborda dès la lune verte disant

cap des tempêtes

mets ton étal sur mon éventaire

des demoiselles par-ci

des pots à l'eau par là

P.27 vends-moi cap des tempêtes

cette peau d'antilope qui rendra plus belle l'électricité

mais dès qu'il vit qu'il y avait encore une demi-marche à monter

et qu'il lui poussait un 7me pied

il me donna d'un seul coup 41 coups de pied

qui m'envoyèrent précocement cueillir des lys dans le champ des noumènes.

III

Le chérubin rachitique

soufflait toujours dans un ballon.

Quand il se promenait dans la rue

avec ses poumons dans sa main

les chats aussitôt le suivaient

les bouchers devant leurs viandes

riaient d'un rire apoplectique.

Quand il eut ainsi réuni

les chats d'Europe et d'Amérique

ces animaux le déchirèrent

mais il n'avait que du sang bleu.

Artères arbres mal plantés

aux avenues des sentiments

qui ne savez que 2 saisons

Quand me pendrai-je à l'une ?

<Fig>

P.28 Max Morise

INTERDIT DE SÉJOUR

A la dernière corrida

une très belle dame m'aborda

amoureuse de l'espada

et maîtresse d'un duc

elle me disait tout bas

SOL Y SOMBRA Y SOL Y SOMBRA Y SOL Y SOMBRA Y SOL

Lévriers

sur la poussière équatoriale

mes beaux chiens de luxe

je vous choisis pour sépulture.

Vous serez joyeux de me dévorer

et moi je serai fier

et bien abrité du mal.

Mais surtout gardez-vous de m'éveiller.

Le sommeil

l'argent

l'arc-en-ciel

les fèves

le coeur

le sable

et l'oiseau-mouche

retourneront en poussière.

<Fig>

P.29 <?>

Nous n'irons plus au ciel

Les langues sont coupées

Madame de Pompadour

Ira les ramasser

Dans son petit panier (bis)

<Fig>

Germain Nouveau

LA CHANSON DU TROUBADOUR

I

Sous la loi d'Esclarmonde

Ranger la terre et l'onde

Me ferait grand honneur !

Mais d'embrasser Glycère

Un bonheur si vulgaire

Ne m'est pas un bonheur !

<Fig>

II

De trouver sans meringue

Une rime à Béringue

Ne serait sans valeur !

Mais, n'ayant ni sou ni maille

D'avoir quelque marmaille

Me serait grand malheur !

Fait à Aix

15 Avril 1903

(aux portes de l'Eglise du St-Esprit !)

P.30 Paul Éluard

SANS RANCUNE

Larmes des yeux, les malheurs des malheureux,

Malheurs sans intérêt et larmes sans couleurs.

Il ne demande rien, il n'est pas insensible,

Il est triste en prison et triste s'il est libre.

Il fait un triste temps, il fait une nuit noire

A ne pas mettre un aveugle dehors. Les forts

Sont assis, les faibles tiennent le pouvoir

Et le roi est debout près de la reine assise.

Sourires et soupirs, des injures pourrissent

Dans la bouche des muets et dans les yeux des lâches.

Ne prenez rien : ceci brûle, cela flambe !

Vos mains sont faites pour vos poches et vos fronts.

X

Une ombre,

Toute l'infortune du monde

Et mon amour dessus

Comme une bête nue.

<Fig>

LE SOURD ET L'AVEUGLE

Gagnerons-nous la mer avec des cloches

Dans nos poches, avec le bruit de la mer

P.31 Dans la mer, ou bien serons-nous les porteurs

D'une eau plus pure et silencieuse ?

L'eau se frottant les mains aiguise des couteaux.

Les guerriers ont trouvé leurs armes dans les flots

Et le bruit de leurs coups est semblable à celui

Des rochers défonçant dans la nuit les bateaux.

C'est la tempête et le tonnerre. Pourquoi pas le silence

Du déluge, car nous avons en nous tout l'espace rêvé

Pour le plus grand silence et nous respirerons

Comme le vent des mers terribles, comme le vent

Qui rampe lentement sur tous les horizons.

<Fig>

ENTRE AUTRES

A l'ombre des arbres

Comme au temps des miracles,

Au milieu des hommes

Comme la plus belle femme,

Sans regrets, sans honte,

J'ai quitté le monde.

- Qu'avez-vous vu ?

- Une femme jeune, grande et belle

En robe noire très décolletée.

P.32 NUDITE DE LA VERITE

« Je le sais bien, »

(P. E.)

Le désespoir n'a pas d'ailes,

L'amour non plus,

Pas de visage,

Ne parlent pas,

Je ne bouge pas,

Je ne les regarde pas,

Je ne leur parle pas.

Mais je suis bien aussi vivant que mon amour et que mon désespoir.

<Fig>

LES PETITS JUSTES

Sur la maison du rire

Un oiseau rit dans ses ailes.

Le monde est si léger

Qu'il n'est plus à sa place

Et si gai

Qu'il ne lui manque rien.

<?>

Les hommes qui changent et se ressemblent

Ont, au cours de leurs jours, toujours fermé les yeux

Pour dissiper le brume de dérision

Etc...

P.33 <?>

Une couleur madame, une couleur monsieur.

Une aux seins, une aux cheveux,

La bouche des passions

Et si vous voyez rouge

La plus belle est à vos cuisses.

<Fig>

DENISE DISAIT AUX MERVEILLES

Le soir traînait des hirondelles. Les hiboux

Partageaient la clarté et pesaient sur la terre

Comme les pas jamais lassés d'un solitaire

Plus pâle que nature et dormant tout debout.

Le soir traînait des armes blanches sur nos têtes,

Le courage brûlait les femmes parmi nous,

Elles pleuraient, elles criaient comme des bêtes.

Les hommes inquiets s'étaient mis à genoux.

Le soir, un rien, une hirondelle qui dépasse,

Un peu de vent, les feuilles qui ne tombent plus,

Un beau détail, un sortilège sans vertus

Pour un regard qui n'a jamais compris l'espace.

<Fig>

P.34 André Breton

IL N'Y A PAS A SORTIR DE LA

A Paul ELUARD

Liberté couleur d'homme

Quelles bouches voleront en éclats

Tuiles

Sous la poussée de cette végétation monstrueuse

Le soleil chien couchant

Abandonne le perron d'un riche hôtel particulier

Lente poitrine bleue où bat le coeur du temps

Une jeune fille nue aux bras d'un danseur beau et cuirassé comme Saint Georges

Mais ceci est beaucoup plus tard

Faibles Atlantes

***

Rivière d'étoiles

Qui entraînes les signes de ponctuation de mon poème et de ceux de mes amis

Il ne faut pas oublier que cette liberté et toi je vous ai tirées à la courte paille

Si c'est elle que j'ai conquise

Quelle autre que vous arrive en glissant le long d'une corde de givre

Cet explorateur aux prises avec les fourmis rouges de son propre sang

C'est jusqu'à la fin le même mois de l'année

Perspective qui permet de juger si l'on a affaire à des âmes ou non

19.. Un lieutenant d'artillerie s'attend dans une traînée de poudre

***

Aussi bien le premier venu

Penché sur l'ovale du désir intérieur

P.35 Dénombre ces buissons d'après le ver-luisant

Selon que vous étendrez la main pour faire l'arbre ou avant de faire l'amour

Comme chacun sait

Dans l'autre monde qui n'existera pas

Je te vois blanc et élégant

Les cheveux des femmes ont l'odeur de la feuille d'acanthe

O vitres superposées de la pensée

Dans la terre de verre s'agitent les squelettes de verre

***

Tout le monde a entendu parler du Radeau de la Méduse

Et peut à la rigueur concevoir un équivalent de ce radeau dans le ciel

20 mai 1923.

<Fig>

LE BUVARD DE CENDRE

A Robert DESNOS

Les oiseaux s'ennuieront

Si j'avais oublié quelque chose

Sonnez la cloche de ces sorties d'école dans la mer

Ce que nous appellerons la bourrache pensive

On commence par donner la solution du concours

A savoir combien de larmes peuvent tenir dans une main de femme

1° aussi petite que possible

2° dans une main moyenne

Tandis que je froisse ce journal étoilé

P.36 Et que les chairs éternelles entrées une fois pour toutes en possession du sommet des montagnes

J'habite sauvagement une petite maison du Vaucluse

Coeur lettre de cachet

<Fig>

L'HERBAGE ROUGE

A Denise

L'herbage rouge, l'or des grands chapeaux marins

Composent pour ton front la musique et les plumes

D'enfer. Sur ton chemin blanchissent les enclumes

S'il fait beau dans ton coeur il tonne sur tes reins.

Jamais le val d'amour ! Dans les feuilles ces trains

Qui disparaissent, pris au lasso par les brumes...

Tourne éternellement tes seins dans les écumes

Des chutes : la lumière est tout ce que j'étreins.

Va, comète du rire où le néant t'appelle,

Ouvre tes jambes sur l'éventail ou l'ombelle ;

Toi seule sais me rendre un printemps sang et eau.

Balances de la vie, avec toi pour fléau.

13 juillet 1923.

<Fig>

P.37 AU REGARD DES DIVINITÉS

A Louis ARAGON

« Un peu avant minuit près du débarcadère.

Si une femme échevelée te suit n'y prends pas garde.

C'est l'azur. Tu n'as rien à craindre de l'azur.

Il y aura un grand vase blond dans un arbre.

Le clocher du village des couleurs fondues

Te servira de point de repère. Prends ton temps,

Souviens-toi. Le geyser brun qui lance au ciel les pousses de fougère

Te salue »

La lettre cachetée aux trois coins d'un poisson

Passait maintenant dans a lumière des faubourgs

Comme une enseigne de dompteur.

Au demeurant

La belle, la victime, celle qu'on appelait

Dans le quartier la petite pyramide de réséda

Décousait pour elle seule un nuage pareil

A un sachet de pitié.

Plus tard l'armure blanche

Qui vaquait aux soins domestiques et autres

En prenant plus fort à son aise que jamais,

L'enfant à la coquille, celui qui devait être...

Mais silence.

Un brasier déjà donnait prise

En son sein à un ravissant roman de cape

Et d'épée.

Sur le pont, à la même heure,

Ainsi la rosée à tête de chatte se berçait.

La nuit, - et les illusions seraient perdues.

P.38 Voici les Pères blancs qui reviennent de vêpres

Avec l'immense clé pendue au-dessus d'eux.

Voici les hérauts gris ; enfin voici sa lettre

Ou sa lèvre : mon coeur est un coucou pour Dieu.

Mais le temps qu'elle parle, il ne reste qu'un mur

Battant dans un tombeau comme une voile bise.

L'éternité recherche une montre-bracelet

Un peu avant minuit près du débarcadère.

14 juillet 1923.

<Fig>

ANGÉLUS DE L'AMOUR

A Roger VITRAC

Bientôt les jardins seront sur nous comme des phares

D'énormes bulles crèveront à la surface des étangs

Quelques cristallisations emblématiques parmi lesquelles le pendule de sang et les cinq charbons blancs

Témoigneront seules que le ciel est encore sensible

Il y aura aussi un ruban magnifique

Enroulé mille fois autour des beautés abstraites naturelles

O mes amis fermons les yeux

Jusqu'à ce que nous n'entendions plus siffler les serpents transparents des directions

Aussi vrai que nous vivons en pleine antiquité

Dans chaque rayon de soleil il y a une lucarne et à chaque lucarne peut apparaître la Gorgone

Déjà nous avons assisté aux migrations de nos mains

P.39 Immobiles au bord d'un fleuve nous regardions passer le travail à tire d'ailes

Comme d'autres apprennent à vider sans bruit les poches de leurs vêtements suspendus et garnis de clochettes

Quand nous levons la tête le ciel nous bande les yeux

Fermons les yeux pour qu'il fasse clair où nous ne sommes pas

Là trompant l'impossible étoile à une branche

Nous danserons comme le feu parmi les paillettes de nous-mêmes

Et ce sera toujours

Nous passerons des ponts surprenants

Nous verserons dans des vallées de larmes

A la longue les cygnes ne répondrons plus de nous

De nous qui retournons aux formes idéales

Avec qui les saisons iront au plus pressé

Et qui les premiers forcerons le danger

Magique sur sa corde inexistante

Pour nous servir à prendre des chemins de traverse

19 juillet 1923.

<Fig>

TOUT PARADIS N'EST PAS PERDU

A Man RAY

Les coqs de roche passent dans le cristal

Ils défendent la rosée à coups de crête

Alors la devise charmante de l'éclair

Descend sur la bannière des ruines

P.40 Le sable n'est plus qu'une horloge phosphorescente

Qui dit minuit

Par les bras d'une femme oubliée

Point de refuge tournant dans la campagne

Dressée aux approches et aux reculs célestes

C'est ici

Les tempes bleues et dures de la villa baignent dans la nuit qui décalque mes images

Chevelures chevelures

Le mal prend des forces tout près

Seulement voudra-t-il de nous

22 juillet 1923.

<Fig>

P.41 Joseph Delteil

VERS EN BOIS

Voici des noirs en pleurs, des forêts d'acajou

Où gémissent des tigres et des mulâtresses

Troublés par le climat des tropiques d'Amour.

Dans les villages de l'Afrique, on va entendre

Des rois adolescents qui ont des sceptres nus

Proférer des aveux devant les palissandres.

Des musiques d'ivoire incantent les tribus

Et des oiseaux charnels becquettent des pistaches

Et pendent à leurs queues de nègres attributs.

Un navire d'amour fait de noires relâches.

<Fig>

PROGRAMME

Une roulotte sur le Rhin,

Une boulotte sur les reins,

Avec un rêve sur l'épaule

Et dans son coeur un grain de mil

Et partir le long de la berge

Sans souci qu'Elles soient très vierges

Pourvu que la lune soit large

Et les cavales repues d'orge

Tirer la barbe des étoiles

Et forniquer avec les elfes

En buvant le lait des légendes

Et les grands crus du duc Rodolphe

P.42 Et puis, un soir de Pentecôte,

Des hosties plein la bedaine,

A l'ombre d'une cathédrale,

Mourir sans peur et sans reproche.

<Fig>

ARÉTINS

La magie d'un soir scandinave

Ensorcèle tous les pingouins

Dont les postures, sur la glace,

Vantent celles de l'Arétin.

Toutes les Norvèges forniquent

Avec un pôle très membru.

Des salamandres et des phoques

Font l'amour sens dessous dessus.

Et d'une langue solitaire,

Ivre de vices et de gels,

Sans souci des honnêtes vaches,

Un ours blanc lèche un iceberg.

<Fig>

P.43 Philippe Soupault

DERNIERES CARTOUCHES

La nuit a des yeux sans prunelles

et de longues mains bleu de ciel

Comme il fait beau

Il y a une étoile rouge

et de longs serpents nocturnes

Il fait beau

Il faut crier pour ne pas être triste

les heures dansent

Il faut hurler pour ne pas tuer

pour ne pas mourir en chantant

pour ne pas rougir de honte

et de fureur

Il vaut encore mieux s'en aller

prendre sa canne

et marcher jusqu'à la St Barnabé

Quand on est très énervé

et qu'on rage

Comme il fait beau

Les cloches sonnent pour les trépassés

et pour la gloire des armées

tout est à recommencer

je vois malgré l'obscurité

des têtes tomber dans le panier

sous le poids de la guillotine

j'aperçois des noyés flotter

et des pendus se balancer

On entend des cris dans les hôpitaux

P.44 Comme il fait beau

On se regarde dans un miroir

pour le plaisir

et l'on se trouve vraiment très laid

mais on pense à autre chose

pour ne pas se désespérer

Qu'est-ce qu'on voit

Vraiment

qu'est-ce qu'on voit

Le cimetière est ravissant

Il y a des fleurs des couronnes

des croix et des inscriptions

Comme il fait beau

Qu'est-ce qu'on entend

le soleil joue du clairon

à la porte des cafés

c'est la lutte définitive

La ville meurt au son des grenouilles

et les fleurs tombent

gravement

comme des arbres déracinés

Voici les hommes

Ils sont pâles comme des vivants

Ils portent des cravates rouges

des cannes plombées

et des journaux de toutes les couleurs

Ils s'arrêtent

et jouent

à pile ou face

Il fait de plus en plus beau

Drapeaux et musique en tête

P.45 nous courbons la tête

parce que nous sommes de plus en plus

seuls

pâles

laids

Il faut recommencer à marcher

à pile ou face

et rire de vin et d'alcool

Les cafés sont pavoisés

comme les sourires des demoiselles

Avançons toujours

on verra bien ce qui arrivera

Il fait vraiment trop beau.

<Fig>

P.46 Louis Aragon

BOUÉE

Dans une neige de neige

un enfant une fois

jeta l'âme de lui

et il ne savait pas

il ferme les paupières des yeux

Un couple

il veut dire un homme et une femme

une fois une fois

tout le long du chemin

un couple d'eux deux

Le froid et le chaud une fois

or il fut sur le point

or il se mit

il chantait

il mange une gaufre au soleil gaufre

L'image d'elle dans l'eau

une fois dans l'eau une fois

C'était un fleuve d'eau

L'eau mouille clair blanc

Fleur humide

1920.

<Fig>

AIR POUR SE LAVER

Un pied

Le ciel et la nuit Mexique et Brésil

P.47 Le ciel et la nuit je l'entends qui fuit

Mexique et Brésil c'est un chamois vert

Le ciel et la nuit le ciel et l'hiver

Mexique

L'autre pied

La neige et la vent la pierre à fusil

La neige et le vent qui frappe à l'auvent

La pierre à fusil c'est un chasseur mor

La neige et le vent la neige et le sort

La pierre

Le cul

La glace et l'effroi l'aurore et l'horreur

La glace et l'effroi le signe de croix

L'aurore ou l'horreur à chacun son tour

La glace et l'effroi la glace et le jour

L'aurore

1921

<Fig>

SONNETTE DE L'ENTRACTE

Le bébé parle :

Je suis monté dans le soir

Un matin lune

Il y avait des chandeliers

Qui faisaient des confidences

Aux géants blonds des escaliers

C'était quelque part dans l'ombre

A l'abri

P.48 Les épaules des luzernes

Dansaient dans les mains du vent

Les prisonniers des casernes

Rêvaient encore à d'autre corps

Je vous le demande les mouches

Que pensez-vous de l'univers

Moi couché sur le mica-schiste

Je me damne à force d'orgueil

C'est le grand air qui veut ça.

1922.

<Fig>

LA PHILOSOPHIE SANS LE SAVOIR

I

Sacrifions les boeufs sur les arbres

Les corps des femmes dans les champs

Sont de jolis pommiers touchants

Blanc blanc blanc

Sang et neige par ma queue et par ma barbe

Sacrifions les taureaux sur les arbres

II

Sacré casseur de pierres

Sacré casseur de pierres

Sacré casseur de pierres

En choeur

Sacré casseur de piai-AI-res

Sacré casseur de coeurs

Solo

Sur ton chemin j'ai mis le pied 1923.

VIENNENT DE PARAITRE

LIBRAIRIE GALLIMARD, 15, boulevard Raspail, PARIS

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20 Hollande ....   L'exemplaire   44 francs

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Louis ARAGON

LE LIBERTINAGE

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Paul ELUARD

Mourir de ne pas mourir

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André BRETON

LES PAS PERDUS

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Le Gérant : ANDRÉ BRETON

PARIS. Imprimerie de la Revue LITTÉRATURE

<Fig>

NOUVELLE SÉRIE : N° 13, Juin 1924

DIRECTEUR :

ANDRÉ BRETON

42, Rue Fontaine, PARIS (IXe)

SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION : MAX MORISE, 24, Avenue de Breteuil, PARIS (VIIe)

DÉPOSITAIRE GÉNÉRAL : LIBRAIRIE GALLIMARD, 15, Boulevard Raspail, PARIS

Numéro Démoralisant

SOMMAIRE :

ARTHUR RIMBAUD ....   Un Coeur sous une Soutane (fragments).

GUILLAUME APOLLINAIRE   Epithalame. - L'Ignorance.

ROGER VITRAC ....   Ma collaboration à Littérature.

ROBERT DESNOS ....   André Breton ou "Face à l'Infini".

JACQUES BARON ....   L'Inconnu.

ANDRÉ BRETON ....   Carnet.

LOUIS ARAGON ....   Lettre à Francis Vielé-Griffin sur la destinée de l'homme.

NOUVEAUTÉ, par la Rédaction.

HORS TEXTE : Le Violon d'Ingres, par MAN RAY.

PRIX DE CE NUMÉRO

France : 2 francs. - Etranger : 3 rancs.

ABONNEMENTS

Les 12 numéros : 20 francs pour la France et 25 francs pour l'Etranger.

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