MÉLUSINE

titre de la revue Littérature

Littérature n° 19, mai 1921

SOMMAIRE  
Philippe Soupault Les Chansons des buts et des rois
Georges Ribemont-Dessaignes Buffet.
Tristan Tzara Monsieur Aa l'antiphilosophe.
Max Ernst Arp.
Léon Dancongnée Le Pétrole dans le monde.
Louis Aragon À Bas le clair génie français.
Paul Eluard Mes Souvenirs.
Clément Pansaers Zinzin
Max Ernst Relief tricoté



AU SANS PAREIL, 37, AVENUE KLÉBER, Paris (16e)

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PAUL ELUARD

LES NÉCESSITÉS DE LA VIE ET LES CONSÉQUENCES DES REVES, PRÉCÉDÉ D'EXEMPLES. NOTE DE JEAN PAULHAN.

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3e ANNÉE : N° 19, REVUE MENSUELLE, Mai 1921

LITTÉRATURE

19 SOMMAIRE

PHILIPPE SOUPAULT LES CHANSONS DES BUTS ET DES ROIS

G. RIBEMONT-DESSAIGNES BUFFET

TRISTAN TZARA ARP'

MAX ERNST

LÉON DANCONGNÉE LE PÉTROLE DANS LE MONDE

LOUIS ARAGON A BAS LE CLAIR GÉNIE FRANÇAIS

PAUL ELUARD MES SOUVENIRS

CLÉMENT PANSAERS ZINZIN

Hors Texte : RELIEF TRICOTÉ par MAX ERNST

DEUX FRANCS

DIRECTEURS

Louis ARAGON, André BRETON, Philippe SOUPAULT.

Rédaction : 41, Quai Bourbon, Paris (4e).

Administration : AU SANS PAREIL, 37, avenue Kléber, (16e)

PRIX DE CE NUMÉRO :

France : 2 fr. ; - Etranger : 2 fr. 50.

ABONNEMENTS

Les 12 numéros : 20 fr. pour la France ; 25 fr. pour l'Etranger.

Il est tiré à part 10 exemplaires sur Hollande Van Gelder dont l'abonnement est de 60 fr. pour la France ; 80 fr. pour l'Etranger.

(La première année de LITTÉRATURE (12 numéros) : 20 fr.)

AU SANS PAREIL, 37, Avenue Kléber, Paris (16e)

TÉLÉPHONE : PASSY 25-22

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édition de luxe in-4° écu (20 x 26), tirée à 150 exemplaires numérotés et signés par les auteurs, sur vélin de cuve pur chiffon d'Italie .... 60 francs

Il a été tiré de ce numéro 10 exemplaires sur Hollande Van Gelder

P. 1

LE 14 AVRIL 1921

OUVERTURE DE LA GRANDE SAISON

DADA

VISITES - SALON DADA - CONGRES COMMÉMORATIONS - OPÉRAS - PLÉBISCITES - RÉQUISITIONS - MISES EN ACCUSATION ET JUGEMENTS

....

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P. 2

LES CHANSONS DES BUTS ET DES ROIS

Charles le Musicien et sa sœur Trottinette
vont au bois vont au bois
sans savoir où ils vont
Un éléphant veut gober le soleil
et la rivière cueillir une fleur en passant
Trottinette et son frère Charles le Musicien
où vont-ils où vont-ils

personne ne le saura personne ne le sait

*

Le petit Edouard Maisonnet

vit dans sa petite maison

il pêche les poissonnets

de son ami le forgeron

*

Si le monde était un gâteau
La mer de l'encre noire
Et tous les arbres des lampadères
Qu'est-ce qui nous resterait à boire

P. 3

Monsieur Miroir marchand d'habits
est mort hier soir à Paris.
Il fait nuit
Il fait noir
Il fait nuit noire à Paris.

*

Qui voyage sur une chamelle
DRIEU LA ROCHELLE
Qui voyage sur un chameau
C'EST SOUPAULT
Qui voyage sur un dragon
C'EST BRETON
Qui voyage sur un lama
C'EST TZARA
Qui voyage sur un bateau
C'EST RIGAUT
Qui voyage sur un mouton
C'EST ARAGON
Qui voyage dans une armoire
C'EST ELUARD

*

J'achète un fusil
tant pis
Je tue un curieux
tant mieux
Je vends mon fusil
merci.

P. 4

PHILIPPE SOUPAULT dans son lit
né un lundi
baptisé un mardi
marié un mercredi
malade un jeudi
agonisant un vendredi
mort un samedi
enterré un dimanche
c'est la vie de Philippe Soupault

*

NEIGE NEIGE RESTE EN NORVEGE
JUSQU'A CE QUE J'APPRENNE LE SOLFEGE

*

Prends ton plus beau cheval blanc
et ta grande cravache et tes gants
cours à la ville au plus tôt
et regarde le beau château

Le beau château dans la forêt
qui perd ses feuilles sans regret
au galop au galop mon ami
tout n'est pas rose dans la vie

RELIEF TRICOTÉ

De la moitié de leur croissance les femmes sont empoisonnées soigneusement - elles sont couchées en bouteilles - la petite Américaine que nous lançons cette année s'amuse en allaitant les chiens de mer - l'œil humain est brodé de larmes bataviques d'air caillé et de neige salée

P. 5

De quoi croyez-vous qu'il vivait
(de victuailles et de boisson)
cet homme mûr cet homme
qui n'avait qu'une tête
qu'une tête et qu'un tronc
sur des jambes de coton

*

Papillons d'eau douce
Et papiers de soie
Courez sur les plages
Sans crier gare
Marchands de ciseaux
Café de Norvège
Oubliez vos doigts
Vous perdrez vos sous
Charbons de verre
Lumière d'eau
Votre train est loin
Vos mères sont brûlées
Papillons d'eau douce
Papiers de soie
Marchand de ciseaux
Café de Norvège
Charbons de verre
Lumière d'eau
N'attendez plus rien

*

Docteur Breton va à Gien
par un temps de chien
Il est tombé dans un trou
on ne sait où

P. 6

Les sonnettes et les champignons
se marieront si nous voulons
près des ruches
les bonbons et les cigarettes
rouleront si nous les volons
en cachette
Il ne reste plus qu'à courir
avec des lorgnons
avec des lunettes

PHILIPPE SOUPAULT.

P. 7

BUFFET

Art ? Pas Art ?

Les Dadaïstes sont contre l'Art. C'est-à-dire ?
Si l'on pose son doigt sur une chair dadaïste on le retire moite, collant et odorant. Odeur sui generis. Repoussant l'Art à l'intérieur, les Dadas le secrètent à l'extérieur. Il faut être juste, ce n'est pas leur faute. Pas leur faute à tous. Chez les autres hommes l'Art est à son aise au dedans et au dehors. Assis sur cette borne on peut se demander si le Dadaïsme n'est qu'une nouvelle école littéraire, picturale, etc. - Et alors, zut ! quelle musique militaire pour rentrer à la caserne. D'Annunzio a tout de même un autre poil d'apparence.
Mais il faut dire : NON. Vous entendez : NON, NON, non. Et puis le petit oiseau chante toujours : un jour, et puis un jour, encore un jour.
Nous voici tous ennemis, chacun seule grenade. Eclatée ? Dada, dada, dada. Les morceaux épars. Aussitôt Art. Il y a une minute naissante. Trente-six chandelles, puis Art. Il y a ainsi des métaux qu'on ne peut laisser en liberté. Vénus dans la mer n'est qu'un poisson. Atterrie, c'est une grande artiste.
Poésie : Art ; pas Poésie : Art. Les mots comme jeu : Art. Les phrases pures : Art. Seul sens : Art ; pas de sens : Art. Mots tirés au sort : Art. La Joconde : Art. La Joconde avec des moustaches : Art. Merde : Art. L'annonce de journal : Art.
Nous ne le voulons pas. Mais au bout d'une seconde et d'un regard, c'est cela. A plus forte raison sur la page d'un livre. Et quand on cite le Dada Y. Oh mon Dieu ! - Il y a aussi ceux qui s'intéressent à eux-mêmes, et qui aspirent à la papauté. Ils laissent sur chaque marche la trace coagulée de leur personnalité. Oui, oui, ils s'expriment eux-mêmes : s'ils regardent leurs pieds du coin de l'œil, ils sont bien obligés de reconnaître qu'ils ont marché dans l'art. Cela d'ailleurs porte bonheur, et ce n'est pas la foule qui

P. 8

leur en fera grief. Ce qui n'est qu'une taille successive du diamant personnel ne peut pas ne pas apparaître comme art. L'action de chaque facette sur l'esprit spectateur se charge de déflorer la vierge.
Que faut-il faire ? Agir contre soi-même ? Art.
Il reste la purgation. Il est certain que la masse au point où elle en est, se confectionnera aussitôt un sous-vêtement artistique avec le résultat de cette purgation, et le revendra au rabais et désodorisé. Cher ami n'achetez pas cela.
Se purger. Et que le sain du moment ne vienne pas dire : ça sent mauvais - puisque c'est justement pour se nettoyer. Et le principe même de notre nettoyage est d'en offrir le résidu sur le même plan que l'haleine parfumée de notre santé.
Quant au fameux diamant ne le cherchez pas là dedans. Ni là ni ailleurs. Il suffit qu'on le reconnaisse dans votre estomac grâce à la radiographie assermentée pour vous donner le gros ventre Art.
Et ensuite ? Il n'y a pas d'ensuite. Purgez vous toujours. A part cela, faites de l'épicerie, de l'agriculture, de la médecine, du commerce en Abyssinie, de la politique, de l'assassinat, de la philosophie, du suicide, et même de l'Art.
Et Dada ?
Mais bien entendu, Dada, c'est... - Non, non

NON OUI

GEORGES RIBEMONT-DESSAIGNES.

P. 9

(MONSIEUR Aa L'ANTIPHILOSOPHE :)

ARP

Une tête aplatie sur l'assiette n'a plus besoin de nous faire connaître son existence. Cela se passe chaque fois à l'aspérité des globules sur la nuque, le petit cerveau joue toujours un rôle dans la vie, brosse les trajets que les myopes nomment image dans la basse-cour de leur petite nervosité. L'amour de l'homme - ce qui l'entoure n'est pas bonté - mais indifférence : cailloux glace tunnel fleur ongle fer. De nos oiseaux.
Les deux trottoirs s'invitent l'un en face de l'autre - où est l'homme qui les contentera de ses deux pieds à la fois. De nos oiseaux. Ici il n'y a pas de sauts, mais des voyages lents pour de très grandes trajectoires. Jamais proverbe ne fut plus populaire, définition juste précise, dans la mesure de la respiration, d'éléments inexistants devant la raison (se détruisant au regard de la matière). De nos oiseaux. L'habitude les passe par le moulin-à-paroles. Ce qui les tient dans le langage est l'intonation. Sagesse et bon sens populaire ne sont que des hasards d'intonation. Répétez et vous serez philosophe. De nos oiseaux.
Des mains libres poussent des verbes dans les choses - les interjections agissent en personnages. La crinière du lion, le roi et les fileuses se précipitent - il n'y a rien de moderne. Des gouttes se réunissent sur la vitre après une marche en apparence parallèle - sortent par le siphon et peignent l'herbe. Cela pourrait se passer sur un diaphragme humain la tête en bas et on ne mordra jamais assez fort dans son propre cerveau.

Pas assez glace
par l'œil serrure l'algue se répand pétrole sur l'eau
le compte-gouttes rajeunit l'eau poisson de laine
poisson en brosse
poisson en marteau en fleur en alcibiade en lasso
ainsi l'ange se détruit par l'ange et la bouche au sommeil.
Devant un fauteuil, les yeux gras, il vit que son grand-père aplati était devenu fauteuil - celui qui au temps des boërs remuait les milliards en une énorme bouillabaisse. (Plantations de tabac.)

Tristan TZARA.

P. 10

ARP

De la place de l'Opéra nous le voyons le jour comme la nuit se détacher sur le ciel

ARP

c'est à lui que nous devons les soixante formations de crânes depuis la tache de brouillard jusqu'à la tache de couleur
c'est lui qui occupe 3.000 zymosimètres par jour
la réparation de l'ennui serait bien difficile sans les mains de la sage-femme
c'est une invention de haute précision et même de plus grande importance que la clef de l'amour trouvée par auguste rodin

ARP

Quant au gypaète qui pète il nous semble que ce petit troumadame
contient toute la vérité de la charmante excursion dans l'extrême écorce du Zambèze dont il établit le plan téméraire malgré le vent et les intempéries
mais si l'on y met le petit trou-léopard dont le paysage arabique est formé du premier léopard tué d'après nature les mots qui restent contiennent un madrigal patriotique c'est le marchand qui marche
Au lecteur maintenant d'admirer le constructeur courageux arp

ARP

Yémen et Gynandre accède trois fois par jour à son cercueil d'enfant
il casse avec les dents le nouvel osselet ensiforme qui lui croît au sud du sternum
il n'a pas encore vingt-cinq ans déjà il entend le trantran

ARP

Nous regrettons beaucoup qu'il lui manque encore la constipation du matériel cultivé si soigneusement par pablo pi pablo
en outre on lui a reproché quelquefois d'oublier la richesse des plantations anatomiques et le coloris tubifère que nous admirons si fort chez Max Ernst
ainsi que la sœur germaine illusoire maniée si gracieusement par les pères de l'église
ainsi que la petite machine délicieuse à pulvériser les aïeuls mais tout ça ne fait pas pisser le thaumarturge-voltigeur par la gravitation par l'eau et par soixante-dix numéros de

P. 11

Microgramme Arp 1 : 25.000

  1. Arp et la sagesse de sa jeunesse
  2. Arp sismographique a) sommeil calme sans fil b) sommeil agité
  3. Arp nymphomane il ne connaît pas encore la fausse clef des deux sexes
  4. Chevelure arp et les sédiments journaliers de son intelligence
  5. arp poisson nudibranche nudidaude nudicaule nudicolle nudité
  6. arp yellowstone-parc il y garde le cheveu de Bérénice

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vent il vend praticables les plateaux glissoires et les gouttettes multicolores des fossilles de petit calibre
mais il rend transparents ses parents sans compter les naufrages qu'il a évités

ARP

Sa bonne fée sixtine répétera six fois par semaine que ce remarquable esprit ne sait pas manger de viande et tombe lépreux aussitôt
mais moi je l'ai vu vendre sa vérole de bon appétit moi j'ai vu qu'il apporte (au moyen d'une petite brouette construite à cet effet) deux kilos de tetons et de saucissons par jour dans la maison paternelle

ARP

citoyens !
lisez la pompe des nuages
lisez le gypaète qui pète
lisez le vieillard qui sait voler
lisez l'amour à trois et l'oiseau à l'oiseau
fouillez travaillez lisez

ARP

Dès la naissance il prend fait et cause pour les trois vertus théologales et pour le théorème d'Archimède qui dit il faut mesurer le corps au corporel

ARP

pour ne pas violer le goût de son frère il partage en deux ses babines et tatoue tous les astérismes sur sa langue
ainsi que les diagrammes de toutes les inflorescences
ainsi que les poulpes

ARP

Cela ne l'empêche pas d'écouter toujours favorablement
les petites marguerites entrant au son des trayons
il garde dans son sein des éclairs perspectifs
dans les fentes de ses omoplates niche l'hirondelle des murailles
dans la conque de son oreille il saisit les aérolithes à la volée
son cœur et ses reins sont parfaitement décomposables

ARP

Max ERNST.

P. 13

Documentaire

LE PÉTROLE DANS LE MONDE

LE PÉTROLE AUX ÉTATS-UNIS

Dès 1845, on avait trouvé du pétrole en Pensylvanie et dans l'Ohio, mais on n'y attacha aucune importance.

On se contenta de se servir de l'huile minérale comme produit pharmaceutique, notamment comme remède contre la consomption, jusqu'à ce qu'un des exploitants, qui était pharmacien, se mit à distiller le liquide en 1855 et à reconnaître qu'il était ainsi propre à l'éclairage et au nettoyage des laines.

A ce moment MM. Brewer et Wasson, de leur côté, firent des analyses et, ayant reconnu l'utilité du pétrole, fondèrent une société pour son exploitation. Ils achetèrent une terre en Pensylvanie ; et c'est là que M. Drake fut engagé pour entreprendre les travaux. Il les commença en 1858 et, après quelques petites tribulations dues à l'inexpérience des procédés de forage, il recueillit du pétrole dans un puits, pour la première fois, le 28 août 1859.

A cette nouvelle, un nombre énorme de travailleurs se mit à l'œuvre ; cela donna un grand essor à cette industrie nouvelle, mais amena forcément l'avilissement des prix. Après 1860 on se mit à faire des recherches dans l'Etat de l'Ohio et dans la Virginie occidentale et, depuis, l'exploitation a pris dans les Etats-Unis plus d'envergure chaque année.

En 1880, la Pensylvanie produisait 72.214 barils par jour, c'est-à-dire 10.832 T. l. Dans l'Etat de Texas-Louisiane l'huile minérale s'est révélée soudain en 1901 d'une manière qui tient presque du prodige. Dans beaucoup d'endroits des Etats-Unis les recherches n'ont pas encore été entreprises ; dans d'autres, tels que le Kansas, les territoires indiens, la difficulté des communications met encore une entrave au plein épanouissement de cette industrie. Cela porte à croire que le taux de la production totale du pétrole aux Etats-Unis qui est actuellement de plus de 50 0/0 de la production du globe se maintiendra de longues années encore et restera une des grandes richesses de ce pays.

Nous étudions successivement les différentes régions pétrolifères des Etats-Unis, consacrant un paragraphe spécial aux principales qui sont : la région des Appalaches, la région de

P. 14

Lima-Indiana, l'Illinois, le Mid Continent, le Gulf, la Californie, et résumant en une révision rapide les régions moins importantes.

LA RÉGION DES APPALACHES

Cette région qui commence dans le comté Alleghany (Etat de New-York) s'étend jusque dans le Tennessee.

Le pétrole de cette région est connu sous le nom de pétrole de Pensylvanie. C'est dans cette région que l'industrie pétrolifère a commencé (1845) en Amérique, et c'est encore aujourd'hui l'une des plus importantes au point de vue de la production. Le principal champ d'exploitation est celui de Bradford. D'ailleurs le développement ne s'y fait pas partout de la même manière ; tandis que la production de Kentucky (E. 755 barils en 1883, 998.224 en 1904) prend une importance chaque jour croissante, celle des autres Etats, en dehors du Tennessee, se maintient difficilement au même taux.

LA RÉGION DE LIMA-INDIANA

La région de Lima-Indiana s'étend sur une bande parallèle à celle de la région des Appalaches, mais située plus au nord. Elle se prolonge vers l'Ouest dans l'Etat d'Indiana.

La caractéristique du pétrole de cette région est la présence d'une plus grande quantité de produits sulfurés, ce qui rend le raffinage plus difficile ; aussi, au début, était-il plutôt employé comme combustible.

Les premières recherches faites dans cette région (1884) avaient pour objet, non la recherche du pétrole, mais celle des gaz naturels. Le pétrole qu'on y rencontra d'abord était un produit dense et peu utilisable alors.

LA RÉGION DE L'ILLINOIS

La région de l'Illinois paraît être le prolongement de la région Lima-Indiana.

Bien que depuis longtemps (1865) l'existence du pétrole ait été reconnue aux environs de Chicago, ce n'est que dans ces dernières années (1906) que cette région a pris une importance considérable.

LA RÉGION DE MID CONTINENT

Cette zone s'étend sur une longueur de 400 kilomètres, dans une direction complètement différente de celles précédemment étudiées.

Quelques puits furent exécutés au Kansas dès 1865, mais sans résultats, les travaux jusqu'en 1890 ne donnèrent jour qu'à des gaz en grande quantité, il est vrai. En 1893, de nouveaux puits donnèrent aux environs de 200 mètres des traces de pétrole.

De nombreux puits furent faits, sans grand succès, un peu de tous côtés.

P. 15

Ce n'est qu'en 1903 que la production commença à devenir importante (900.000 barils), pour atteindre 10.000.000 de barils en 1905.

LA RÉGION DU GULF

Cette région comprend les Etats de la Louisiane et du Texas sur les bords du golfe du Mexique qui, séparés administrativement, doivent cependant être réunis au point de vue géologique et géographique. Nous indiquerons ci-dessous, dans les statistiques, le développement exceptionnellement rapide de cette région.

Leur production était pour ainsi dire nulle avant 1896, mais en 1900 et 1901, elle prend un accroissement formidable, pour devenir, en 1905, la plus importante des Etats-Unis. C'est dans le sud-ouest du Texas que l'on constata officiellement la première production ; jusqu'en 1898 il n'y eut que deux puits dans cette région.

LA RÉGION DE CALIFORNIE

Cette région s'étend le long de la côte de l'océan Pacifique, sur une longueur moyenne de 320 kilomètres environ.

C'est principalement dans la partie sud de la vallée centrale californienne que se développent les exploitations pétrolifères de cette région.

On s'occupa de divers gisements dès 1856, de nombreux forages furent entrepris à partir de 1865, mais les déconvenues que l'on eut à subir firent abandonner presque tous les travaux jusqu'en 1892. Puis, en 1900, les exploitations prennent un essor considérable et, en cinq ans, la valeur de ces dernières est décuplée.

Léon DANCONGNÉE.

(A suivre).

P. 16

A BAS LE CLAIR GÉNIE FRANÇAIS

Si j'étais seul avec moi-même ça tournerait mal... Je m'arrête là : “ Mal, qu'entends-tu par mal ? petit criquet. ” Eh bien je dis mal, je dis progrès et d'autres abstractions sans honte, parce que (pourquoi parce que... ? gros bœuf) ces sottises patentées ne me paraissent pas plus sottes que le ciel, autre abstraction, les automobiles et les noms propres, sottises sans étiquette que vous solderez bien un jour ou l'autre, mes petits-enfants. Le prix de l'intelligence... j'allais dire que si l'on ne me distrayait pas continuellement avec l'univers, je règlerais une bonne fois son affaire au monde. Depuis ma naissance, les pouvoirs publics qui se doutent bien de quelque chose m'invitent constamment sur le terrain de l'utile et l'agréable : la bergerie des éventails. Liberté de ne pas chercher le bonheur, votre plaisir, Messieurs dames. Animaux raisonnables, vous croyez avoir tout dit. Vos définitions enceintes claquent en donnant le jour à de ridicules asticots. “ Le silence éternel des espaces infinis ” expliquez ça comme vous pourrez, je me flatte d'y échouer sans cesse : que de telles formules germent aux jachères de nos cervelles, voilà qui réconforte et qui abat. L'utile et l'agréable, mes jolis mirlitons. “ Le silence éternel... ” on vous y reprendra toutes les fois. On donne généralement en exemple des découvertes scientifiques : la crainte de hâter la fin du monde n'arrête jamais les savants aux sens parfaits. Voilà le délire d'interprétation des hommes, voilà la fièvre mentale dont les petites oscillations sont isochrones pour tous les cœurs humains et les végétaux supérieurs. Voilà la roue folle de votre génie, mes compères, voilà le cataclysme et l'homme normal, perche à houblon perdue dans un dock maritime et fière de l'adaptation de ses organes à leur milieu. Tôt ou tard ce sera la faillite de l'intelligence, ce bien commun, pauvreté de l'esprit. Il n'y a que ma sottise qui m'appartienne, et j'y tiens. Cette grandeur qu'on admire (Jules César, Casanova, Jacques Vaché) n'est qu'une manière de faire bon marché d'une certaine stupidité native. A quoi ne m'engageriez-vous pas si vous contreveniez devant moi à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? Je m'en vante. Injuriez Marat, ainsi, et vous allez voir. Culture des réflexes rouges et des colères à jamais injustifiables. Par là j'échappe au jugement, toujours téméraire. Le corps de Charles le Téméraire, nu dans les plaines de la défaite, ne conservait de sa splendeur passée d'un diamant à l'annulaire, qu'un rôdeur

P. 17

arracha : incomparable éclat, au delà du raisonnement le plus sûr, de la faiblesse retrouvée. Ma bêtise triomphante, je la promène n'importe où, elle n'est jamais déplacée. Qu'elle rencontre Monsieur Renan sur le boulevard, et que pourra ce penseur contre son rire sans écho ? Que puis-je contre moi à cet instant de moi-même ? L'utile et l'agréable ? disiez-vous. Puérils et beaux tatouages de la bêche à penser, nos habitudes cycliques nous font toujours repasser par les mêmes minima. (Je me lis au ménisque inférieur.) Ici poussent les lichens déchirés et sans racine, ici les fleurs monstrueuses de la crédulité. La cheville n'pas au milieu d'une phrase dément l'orateur et le dénonce. J'ai, comme tout le monde, mes petites portes sur l'infini, mes hésitations, mes scrupules. Douce et merveilleuse ineptie où s'endort, avec un parapluie dans les bras, l'idole de marbre veiné, attribuée à Praxitèle. L'utile et l'agréable : la France et son cortège, les roses pompons du goût. N'exagérons rien : cette vérole du monde n'atteint plus ses 40 millions d'habitants.

Louis ARAGON.

P. 18

MES SOUVENIRS

LA PREMIERE ENFANCE

Allez-y et vous y retournerez. Les yeux de la plus belle sont couverts par le plus beau soleil. Pénétrez dans l'édifice, vous y verrez clair la nuit. J'installe le manger, le boire, nous sommes heureux.

X

Je coupe ma vie en quatre. Les autres grimpent à la corde lisse, travaillent, s'amusent ou cherchent l'aiguille avec laquelle on tue les canards.

X

Riposte, crois-moi bien : l'éloge. Il saute, sans souci des lignes bien lavées, modeste animal aux épaules nonchalantes et pures, la hache sur l'oreille, écoutant les conseils de l'orage et puis d'accord avec le beau temps.

X

Une fois, mon plus lointain souvenir, je suis tombé dans un baquet, à Etretat, par un beau jour d'août. Dans la cour, une armée bien compliquée attendait les confesseurs. Soldats petits et grands prenaient la peine d'être sages. Ils avaient les yeux et la bouche en loques.

X

Mon cheval aîné, je ne vois pas plus clair qu'une pomme et je retiens ma respiration depuis longtemps.

Paul ELUARD.

(A suivre.)

P. 19

les dames sont priées d'apporter tous leurs bijoux
LA MISE SOUS WHISKY MARIN
se fait en crême kaki & en 5 anatomies
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VOUS N'ETES QUE DES ENFANTS
du 3 mai au 3 juin
EXPOSITION DADA MAX ERNST

dessins mécanoplastiques plasto - plastiques peintopeintures anaplastiques anatomiques antizymiques aérographiques antiphonaires arrosables et républicains.

ENTRÉE LIBRE SORTIE FACILE
mains dans les poches tableau sous le bras
AU-DELA DE LA PEINTURE
comme un seul homme
blague dans le coin

P. 20

ZINZIN

Zinzin fut une négation.

A sa mère d'après la chair, il put en opposer une d'après le désir. Lamprido ne connut jamais sa femme que d'après la méthode ancestrale de bon papa. Une Picarde lui ouvrit, toutes grandes, les portes de la science qu'elle tenait de maître Nicolas Chorier. C'est ainsi que Lamprido aboutit à opposer, au non énergique de son épouse, un oui catégorique. Et au milieu de la ruine qu'affirmait, d'un vaste rococo, la mort - Zinzin fut engendré, négativement, et comme de Lamprido un crachat humoristique.
Le temps de grossesse, la mère fut gloutonne comme une louve. Lamprido chanta, pendant les neuf mois, un chœur novénaire d'humanitaire sentimentalité.
Ce fut le temps où l'autosuggestion aboutit à l'autodestruction. Le vrai était devenu vraisemblable. A la forêt, les feux brûlèrent des nuages ; les bûcherons construisirent des étoiles. Un bruit de bombe fora, par intervalles, un trou dans le calme. Le silence de la maison tint des colloques contradictoires au silence de l'espace.
Au terme de la portée, la science médicale pronostiqua un avorton ou quelque chose s'en rapprochant. A l'accouchement, ils furent quatre à tirer. D'après le témoignage authentique des assistants, Zinzin ressemblait, en dimensions, à une tête d'éléphant.
Lamprido s'extasia devant son œuvre et fit “ l'Apologie de la paresse ”. Et pour en éloigner définitivement les moindres maléfices du vulgaire, il lui découvrit, comme parrain, une jeune mixture d'israélite, et, comme marraine, une petite actrice, les deux, en leur domaine réciproque, à dispositions appréciables.

P. 21

A quatre mois, le nouveau-né esquissa un rire devant ses doigts qui dansaient.
Lamprido montra à son fils les simulacres prospères.

  • Regarde, dit-il, et ris.
  • La brume tamise du seigle. Les étoiles brûlent un petit four conique. La lune exhibe une livre de beurre. Le sculpteur modèle des pains de sucre. Le peintre saigne des chateaubriands en pochade. Le pavé colle des grappes de graisse au talon de la marcheuse. Un philosophe chimiste dissèque l'intestin du lombric, inventant d'extraire de la terre l'aliment condensé. A la roulotte, scintille une flamme sur une bouteille vide. Dans les marais, les marchands essaient de prendre au filet le germe des feux follets. Les naturalistes sélectent des lampyres, pour remplacer l'éclairage. Les poules épient les pommes pourries, oubliées au faîte de l'arbre. La nuit étale du charbon. La fille du trottoir s'engage en parlant pomme de terre. Il faut gagner son pain quotidien. Pourchassées du vent, les feuilles cherchent dans les ravins une tombe. Elles ferment les trous perdus où les chats, à l'agonie, s'inhument. Tous les bruits de la mer rafalent dans les arbres. Les ménagères, puisant de l'eau aux pompes municipales, s'en retournent, le vent dans les robes, comme des mâts sur des voiliers. A la tombée de la nuit, tous les pouilleux, en leur bicoque, deviennent capitaines : fermant les quatre murs, leur submersible plonge, et l'on fait des voyages sous-marins.
    Ecoute les bruits d'industries de guerre, bruits de moteurs qui ronflent, de bombes qui éclatent.
    Fusées, saccades, mitraille.
    Un merle déserteur se cache au pied de la haie.
    Le nourrisson, les deux mains dans la bouche, proclama son manifeste de la vérité en une panade.
  • L'hiver, la forêt exhibe une architecture d'arabesques, noir et blanc. Il faut - dit Lamprido - une curiosité insatiable. Un pinson, derrière un âne, crie famine. La lune éclaire le jour. La poule moule des étoiles dans la neige. Le cheval découpe, dans la route, des croissants.

P. 22

Le garçon de café, le matin à l'ouverture, lit sur les vitres, les images éternistes des nouvelles sensationnelles, la veille colportées. Le jour de sainte Catherine, les vieilles filles se tirent les cheveux gris et se savonnent la barbe. Le vent sur la chaussée, joue avec des glaives. Les grelottants reçoivent l'accolade - chevaliers de la misère.
Le gosse de six mois sourit, quand son père conseilla d'arracher la lune, puisqu'elle exhiba des muscles d'une poule la blancheur.
Quand la mère sevra l'enfant, ce fut depuis longtemps la famine. Une vieille dame de la Somme, ruinée à la guerre, lui apprit à manger des pommes et des poires, des raisins et des noisettes - et en hiver - des navets, des carottes, des pommes de terre au sel et du pain sec bien trempé. A chaque repas, il dit - bon encore. - Il aima bien manger et faire un “ bon caca ”. Ainsi fut-il gros et gras et une négation de la misère.
A l'âge de l'inconscience, il fut la joie de la conscience.

  • Comprends donc, dit Lamprido, en montrant à la mère, Zinzin, qui marcha, toujours et partout dans la maison, derrière son père - comprends donc à mon double, toutes les théories nouvelles et anciennes de la religion et de l'âme. - Inutile est le moindre commentaire.
    A deux ans, il nia tout. A chaque affirmation, il opposa un non volontaire. Sa mère, se rappelant de la conception, en fut fière.
    Eut lieu, en ce temps, la sublime débandade des vaincus. Des troupeaux innombrables de matériel, animal et humain, se bousculèrent par toutes les routes et soulevèrent des nuages de poussière, qui fut simplement de la vermine. Zinzin, à son tour, fut infecté. Avoir des poux fut la mode de cette période transitoire.
    Lamprido prépara des bains sulfureux. Epongeant son fils entre les jambes, il crut conclure que Zinzin était prédisposé à l'onanisme et il dansa avec lui le pan-pan.

P. 23

Pan-pan. Pan-pan
Qu'un jour tu ailles en prison, tu jureras
A dix-huit mois, mon père me le chanta
Pan-pan. Pan-pan
Qu'un jour tu ailles à l'hôpital, tu cracheras
A dix-huit mois mon père me le blasphéma
Pan-pan. Pan-pan
Si un jour l'on t'enferme en une maison d'aliénés
Tu chanteras à dix-huit mois, je l'ai dansé
Pan-pan, Pan-pan
Polyphonie, polyfolie
Pan-pan
Ma mère est une sainte !
Pan-pan
Mon père est un café-chantant
Pan-pan-pan.

Clément PANSAERS.

P. 24

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