Litterature N°17 Litterature N°18 Menu de Litterature


<Litterature N°17

AU SANS PAREIL, 37, AVENUE KLÉBER, Paris (16e)

TÉLÉPHONE : PASSY 25-22

MARCEL WILLARD

TOUR D'HORIZON

avec cinq dessins en hors texte de RAOUL DUFY,

tirés à la presse à bras par A. JOURDE,

Un volume in-16 jésus, tiré à 353 exemplaires, dont 5 sur Japon (souscrits) ;

32 sur Hollande (30 fr.) ; 325 sur vergé d'Arches (15 fr.)

ANDRÉ BRETON ET PHILIPPE SOUPAULT

LES CHAMPS MAGNÉTIQUES

Un volume in-16 jésus (2e édition) ....   6 fr.

ISIDORE DUCASSE (comte de LAUTRÉAMONT)

POÉSIES

avec une préface de PHILIPPE SOUPAULT.

Un volume in-16 écu sur vélin d'alfa....   5 fr.

PAUL MORAND

Feuilles de température

Un volume in 16 jésus (2e édition) ....   6 fr.

Abonnez-vous donc à LITTÉRATURE

Envoyez avec votre nom et votre adresse un mandat de 20 fr. pour la France ; 25 fr. pour l'Etranger

AU SANS PAREIL 37, Avenue Kléber, Paris (16e)

GALERIE LÉONCE ROSENBERG

LE CUBISME

19, rue de la Baume PARIS (VIIIe)

Paris-Courtrai, IMPRIMERIE JOS. VERMAUT Importé de Belgique.

2e ANNÉE : N° 17

REVUE MENSUELLE

Décembre 1920

LITTÉRATURE

17   Ont collaboré à ce numéro :

   LOUIS ARAGON, ANDRÉ BRETON,

   PIERRE DRIEU LA ROCHELLE,

   PAUL ELUARD, BERNARD FAY,

   CLÉMENT PANSAERS,

   JACQUES RIGAUT, SOUBEYRAN,

   TRISTAN TZARA.

DEUX FRANCS

DIRECTEURS

Louis ARAGON, André BRETON, Philippe SOUPAULT.

Rédaction : 41, Quai Bourbon, Paris (4e).

Administration : AU SANS PAREIL, 37, avenue Kléber, (16e).

PRIX DE CE NUMÉRO :

France : 2 fr. ; - Etranger : 2 fr. 50.

ABONNEMENTS

Les 12 numéros : 20 fr. pour la France ; 25 fr. pour l'Etranger.

Il est tiré à part 10 exemplaires sur Hollande Van Gelder dont l'abonnement est de 60 fr. pour la France ; 80 fr. pour l'Etranger.

(La première année de LITTÉRATURE (12 numéros) : 20 fr.)

AU SANS PAREIL, 37, Avenue Kléber, Paris (16e)

TÉLÉPHONE : PASSY 25-22

PROCHAINES PUBLICATIONS

MAX JACOB

Le Laboratoire Central

Un vol. in-18 jésus.

GEORGES RIBEMONT-DESSAIGNES

L'EMPEREUR DE CHINE

Pièce en trois actes.

LE SERIN MUET, un acte.

Un vol. in-18 jésus.

Il a été tiré de ce numéro 10 exemplaires sur Hollande Van Gelder

P. 1 Y A-T-IL ENCORE DES GENS QUI S'AMUSENT DANS LA VIE ?

<Fig>

MM.

Binet-Valmer, Rabindranath Tagore, André Salmon, André Brulé, André Gide, Gustave Téry, Max Jacob, Charles Sancerme, Léon Bailby, Georges Courteline, Maxime Gorki, Romain Rolland, Paul Capellani, André Lhôte, Paul Dardé, Henri de Régnier, F. T. Marinetti, Henri Matisse, Henry Marx, André Paisant, Jean-Louis Vaudoyer, Alexandre Duval, Robert de Souza, Maurice Magre, Marcel Lherbier, Georges Casella, Henri Céard, Frédéric Masson, Jacques Copeau, Pierpont Morgan, Paul Dermée, André Colomer, Maurice de Waleffe, Charles Maurras, Raphaël Duflos, Pierre Benoît, Fernand Divoire, Henri Ghéon, Anatole France, Pierre Decourcelle, André Suarès, Pierre Albert-Birot, Francis de Croisset, Marcel Boulanger, Sacha Guitry, Albert Thibaudet, le Docteur Cabanès, Louis Barthou, Jean Bastia, le soldat inconnu, etc.

S'EN DONNENT A COEUR-JOIE.

LOUIS ARAGON.

P. 2 PROCES-VERBAL

Les collaborateurs et les directeurs de LITTÉRATURE, soucieux du bon esprit de cette revue, estimant que les derniers numéros peuvent témoigner d'intentions qui ne sont pas les leurs, (doutant en particulier que les recherches verbales les aient jamais intéressés,) tenant à marquer que la publication de LITTÉRATURE n'a rien de commun avec les diverses entreprises d'"avant-garde artistico-littéraire", se sont réunis le 19 octobre au Restaurant Blanc, rue Favart.

Etaient présents : MM. Aragon, Breton, Drieu la Rochelle, Eluard, Hilsum, Rigaut.

MM. Fraenkel et Soupault, excusés, avaient donné respectivement leur voix à MM. Eluard et Breton.

La question de la périodicité a d'abord été envisagée. Il a été décidé à l'unanimité :

1° Que la revue LITTÉRATURE paraîtrait le 1er de chaque mois, les manuscrits étant remis à l'imprimeur le 1er du mois précédent ;

2° que, par nécessité commerciale, la direction s'assurerait à chaque numéro la collaboration d'une notabilité littéraire ou autre, et d'une seule.

3° Une série de questions se sont alors posées :

a. - Va-t-on continuer longtemps à parler des artistes vivants et morts ?

Non, à l'unanimité moins une voix (Aragon s'abstient). En conséquence toute allusion à un fait littéraire au cours d'un texte entraînera le rejet de ce texte.

P. 3b. - La poésie trouvera-t-elle encore place dans LITTÉRATURE ?

Non, par 6 voix contre 2 (Eluard, Fraenkel).

c. - Sera-t-il permis d'y donner son opinion sur quoi que ce soit ?

Oui, par 6 voix contre 2 (Drieu, Eluard).

d. - La critique y sera-t-elle un but ?

Non, à l'unanimité.

e. - Accepte-t-on d'écrire : 1. pour... et pour... seulement ?

Non, à l'unanimité moins une voix (Drieu).

2. parce que... et parce que... seulement ?

Non, à l'unanimité.

3. d'écrire à la fois pour... et parce que... ?

Oui, par 6 voix contre 2 (Eluard, Fraenkel qui déclarent n'écrire ni pour... ni parce que...)

f. - Prétend-on écrire : 1. comme on veut ?

Non, par 6 voix contre 2 (Eluard, Fraenkel).

2. comme on parle ?

Oui, à l'unanimité.

g. - Le langage peut-il être un but ?

Non, à l'unanimité moins une voix (Eluard).

h. - Après une longue discussion au cours de laquelle on ne parvint pas à s'entendre sur les questions à formuler, l'examen particulier des branches de la philosophie ayant été repoussé (malgré les réserves d'Aragon, de Breton et Rigaut), il a été décidé par 5 voix contre 3 (Aragon, Drieu, Rigaut) qu'aucun texte de nature proprement philosophique ne serait accepté pour LITTÉRATURE.

i. - Tiendra-t-on aussi à l'écart : 1. les spéculations politiques ?

Non, par 5 voix contre 3 (Drieu, Eluard, Soupault).

2. les questions sexuelles ?

P. 4 Non, à l'unanimité.

j. - Tout le monde, sans distinction de talent, de profession, d'âge, d'intelligence, de moralité, etc., peut-il être appelé à collaborer à LITTÉRATURE ?

Oui, par 4 voix contre 2 (Drieu, Fraenkel) et 2 abstentions (Aragon, Rigaut).

4° A l'unanimité, les collaborateurs présents ont décidé de se réunir une fois par mois pour établir le sommaire du numéro en préparation. Au cours de ces réunions les manuscrits reçus par la direction seront soumis à l'approbation du nouveau jury ainsi constitué.

(Celui-ci ne se fait aucune illusion sur l'intérêt de ses délibérations. Aucun de ses membres n'admet le principe des comités de lecture ni, naturellement, celui du vote, mais il a en vue une expérience).

Approuvé :

LOUIS ARAGON, ANDRÉ BRETON, PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, PAUL ELUARD, THÉODORE FRAENKEL, RENÉ HILSUM, JACQUES RIGAUT, PHILIPPE SOUPAULT.

P. 5 JACQUES RIGAUT

"Je serai sérieux comme le plaisir. Les gens ne savent pas ce qu'ils disent. Il n'y a pas de raisons de vivre, mais il n'y a pas de raisons de mourir non plus. La seule façon qui nous soit laissée de témoigner notre dédain de la vie, c'est de l'accepter. La vie ne vaut pas qu'on se donne la peine de la quitter. On peut par charité l'éviter à quelques-uns, mais à soi-même ? Le désespoir, l'indifférence, les trahisons, la fidélité, la solitude, la famille, la liberté, la pesanteur, l'argent, la pauvreté, l'amour, l'absence d'amour, la syphilis, la santé, le sommeil, l'insomnie, le désir, l'impuissance, la platitude, l'art, l'honnêteté, le déshonneur, la médiocrité, l'intelligence, il n'y a pas là de quoi fouetter un chat. Nous savons trop de quoi ces choses sont faites pour y prendre garde ; juste bonnes à propager quelques négligeables suicides-accidents. (Il y a bien, sans doute, la souffrance du corps. Moi, je me porte bien : tant pis pour ceux qui ont mal au foie. Il s'en faut que j'aie le goût des victimes, mais je n'en veux pas aux gens quand ils jugent qu'ils ne peuvent endurer un cancer). Et puis, n'est-ce pas, ce qui nous libère, ce qui nous ôte toute chance de souffrance, c'est ce revolver avec lequel nous nous tuerons ce soir si c'est notre bon plaisir. La contrariété et le désespoir ne sont jamais, d'ailleurs, que de nouvelles raisons de s'attacher à la vie. C'est bien commode, le suicide : je ne cesse pas d'y penser ; c'est trop commode : je ne me suis pas tué. Un regret subsiste : on ne voudrait pas partir avant de s'être compromis ; on voudrait, en sortant, entraîner avec soi Notre-Dame, l'amour ou la République.

Le suicide doit être une vocation. Il y a un sang qui tourne et qui réclame une justification à son interminable circuit. Il y a dans les doigts l'impatience de ne se serrer que sur le creux de la main. Il y a le prurit d'une activité qui se retourne sur son dépositaire, si le malheureux a négligé de savoir lui choisir un but. Désirs sans images. Désirs d'impossible. Ici se dresse P. 6 la limite entre les souffrances qui ont un nom et un objet, et celle-là, anonyme et autogène. C'est pour l'esprit une sorte de puberté, ainsi qu'on la décrit dans les romans (car, naturellement, j'ai été corrompu trop jeune pour avoir connu une crise à l'époque où commence le ventre) mais on en sort autrement que par le suicide.

Je n'ai pas pris grand chose au sérieux ; enfant, je tirais la langue aux pauvresses qui dans la rue abordaient ma mère pour lui demander l'aumône, et je pinçais, en cachette, leurs marmots qui pleuraient de froid ; quand mon bon père, mourant, prétendit me confier ses derniers désirs et m'appela près de son lit, j'empoignai la servante en chantant : Tes parents faut les balancer, - Tu verras comme on va s'aimer... Chaque fois que j'ai pu tromper la confiance d'un ami, je crois n'y avoir pas manqué. Mais le mérite est mince à railler la bonté, à berner la charité, et le plus sûr élément de comique c'est de priver les gens de leur petite vie, sans motifs, pour rire. Les enfants, eux, ne s'y trompent pas et savent goûter tout le plaisir qu'il y a à jeter la panique dans une fourmilière, ou à écraser deux mouches surprises en train de forniquer. Pendant la guerre j'ai jeté une grenade dans une cagna où deux camarades s'apprêtaient, avant de partir en permission. Quel éclat de rire en voyant le visage de ma maîtresse, qui s'attendait à recevoir une caresse, s'épouvanter quand je l'ai eu frappée de mon coup de poing américain, et son corps s'abattre quelques pas plus loin ; et quel spectacle, ces gens qui luttaient pour sortir du Gaumont-Palace, après que j'y eus mis le feu ! Ce soir, vous n'avez rien à craindre, j'ai la fantaisie d'être sérieux. - Il n'y a évidemment pas un mot de vrai dans cette histoire et je suis le plus sage petit garçon de Paris, mais je me suis si souvent complu à me figurer que j'avais accompli ou que j'allais accomplir d'aussi honorables exploits, qu'il n'y a pas là non plus un mensonge. Quand même, je me suis moqué de pas mal de choses ! D'une seule au monde, je n'ai réussi à me moquer : le plaisir. Si j'étais encore capable de honte ou d'amourpropre, vous pensez bien que je ne me laisserais pas aller à une si pénible confidence. Un autre jour je vous expliquerai pourquoi je ne mens jamais : on n'a rien à cacher à ses domestiques. Revenons plutôt au plaisir, qui, lui, se charge bien de vous rattraper et de vous entraîner, avec deux petites notes P. 7 de musique, l'idée de la peau et bien d'autres encore. Tant que je n'aurai pas surmonté le goût du plaisir, je serai sensible au vertige du suicide, je le sais bien.

La première fois que je me suis tué, c'est pour embêter ma maîtresse. Cette vertueuse créature refusa brusquement de coucher avec moi, cédant au remords, disait-elle, de tromper son amant-chef d'emploi. Je ne sais pas bien si je l'aimais, je me doute que quinze jours d'éloignement eussent singulièrement diminué le besoin que j'avais d'elle : son refus m'exaspéra. Comment l'atteindre ? Ai-je dit qu'elle m'avait gardé une profonde et durable tendresse ? Je me suis tué pour embêter ma maîtresse. On me pardonne ce suicide quand on considère mon extrême jeunesse à l'époque de cette aventure.

La deuxième fois que je me suis tué, c'est par paresse. Pauvre, ayant pour tout travail une horreur anticipée, je me suis tué un jour, sans convictions, comme j'avais vécu. On ne me tient pas rigueur de cette mort, quand on voit quelle mine florissante j'ai aujourd'hui.

La troisième fois... je vous fais grâce du récit de mes autres suicides, pourvu que vous consentiez à écouter encore celui-ci : Je venais de me coucher, après une soirée où mon ennui n'avait certainement pas été plus assiégeant que les autres soirs. Je pris la décision et, en même temps, je me le rappelle très précisément, j'articulai la seule raison : Et puis, zut ! Je me levai et j'allai chercher l'unique arme de la maison, un petit revolver qu'avait acheté un de mes grand-pères, chargé de balles également vieilles. (On verra tout à l'heure pourquoi j'insiste sur ce détail). Couchant nu dans mon lit, j'étais nu dans ma chambre. Il faisait froid. Je me hâtai de m'enfouir sous mes couvertures. J'avais armé le chien, je sentis le froid de l'acier dans ma bouche. A ce moment il est vraisemblable que je sentais mon coeur battre, ainsi que je le sentais battre en écoutant le sifflement d'un obus avant qu'il n'éclatât, comme en présence de l'irréparable pas encore consommé. J'ai, pressé sur la gachette, le chien s'est abattu, le coup n'était pas parti. J'ai alors posé mon arme sur une petite table, probablement en riant un peu nerveusement. Dix minutes après, je dormais. Je crois, que je viens de faire une remarque un peu importante, si tant est que... naturellement ! Il va de moi que je ne songeai pas un instant à tirer une seconde balle. Ce qui importait, P. 8 c'était d'avoir pris la décision de mourir, et non que je mourusse.

Un homme qu'épargnent les ennuis et l'ennui, trouve peut-être dans le suicide l'accomplissement du geste le plus désintéressé, pourvu qu'il ne soit pas curieux de la mort ! Je ne sais absolument pas quand et comment j'ai pu penser ainsi, ce qui d'ailleurs ne me gêne guère. Mals voilà tout de même l'acte le plus absurde, et la fantaisie à son éclatement, et la désinvolture plus loin que le sommeil et la compromission la plus pure."

GERMAIN DUBOURG

PROJET DE RÉFORME DES HABITATIONS

I. - L'HABITATION. Maison. 1. Maisons en ciel et terre. La décoration sentimentale. - 2. Expression de la façade ; signification des terrasses. - 3. Extérieur d'une maison, c'est-à-dire les plumes. - 4. Plan des habitations, miroir pour s'y reconnaître. - 5. Verrous, secret professionnel. Les meubles : 6. Chaises vivantes, tentures de caresses, lits en oiseaux captifs. - 7. Diverses sortes de siège, leur décoration sanglante. - 8. Chaises à pieds d'animaux. - 9. Chaises négresses. - 10. Fauteuils. - 11. Fauteuils boxeurs. - 12. Pliants et tabourets d'eau. - 13. Lits sourds-muets. - 14. Lits de sommeil avec rêves en baudruche. - Les tables. 15. Leurs forme, ornementation, matière, importance. - 16. Tables morales. - 17. Tables-cinéma avec vues suggestives. - 18. Tables lumineuses pour l'amour. Jardins : 19. Description générale. - 20. Pièces d'eau. - 21. Arbres humains touchant les promeneurs. - 22. Buis en fil de fer. - 23. Plantes caustiques. - 24. Plantes électrisantes. - 25. Fleurs parlantes. - 26. Bancs à ressorts. - 27. Kiosques de cheveux.

II. - LES PARTIES DE L'HABITATION. Le vestibule : 1. Entrées-baignoires. - 2. Portes en lames de rasoir. - 3. Charnières P. 9 logiques. - 4. Portes intérieures ne laissant passer que les femmes. - 5. Portes intérieures ne laissant passer que les coeurs purs. - 6. Sonnettes éclairantes. - 7. Les couloirs (tous modèles, du couloir guet-apens au couloir baiser, en passant par les couloirs bascule, saut à la corde, course, chûtes, tempêtes, coups de poing, blessures, douches, feu, forêt, mirliton, claxon, saignement de nez, etc.) - 8. Le concierge monté sur roulement à billes, conduite intérieure, mise en marche automatique. - 9. Le même, sans soupape. - 10. Chien de garde, 4m50 de long sur 0m30 de large, en acier recuit, avec dents de scie, sachant au besoin tenir les comptes du ménage. Les salons : 11. Salon pour boire. - 12. Salon pour rire. - 13. Salon pour hocher la tête. - 14. Salon pour la cruauté. - 15. Les amis, les réceptions, les toilettes à avoir peur. - 16. Les tableaux qui grattent les têtes en pensant à autre chose. Les appartements particuliers : 17. Chambres à mourir. - 18. Chambres à naître. - 19. Chambres à désirer. - 20. Les salles de bains (chauffe-évidence, appareil à crier, robinet à nationalité chaude, brosses-poumons, ventouses à idées noires, lime à coeur). Chambres de service : 21. Chambres dans les cheminées. - 22. Chambres dans les lustres. - 23. Escaliers menant directement aux lits des servantes jeunes et jolies. La disposition des pièces : 24. Plan fixe. - 25. Variable suivant l'humeur. - 26. Plan continuellement mobile.

III. - CHAUFFAGE ET ÉCLAIRAGE. Les fourneaux : 1. Fourneaux mobiles et gais comme des pinsons. - 2. Réchauds à regards. - 3. Bains-Marie pour le silence. - 4. Mode d'emploi du fourneau Silili-Labère. Les lampes : 5. Lampes noires. - 6. Leur emploi. - 7. Lustres à métamorphoses. - 8. Ampoules élastiques. - 9. Rampes sans fin. - 10. Appliques capricieuses. - 11. Phares à roulettes pour vieillards. - 12. Projecteurs pour myopes. Les appareils de chauffage : 13. Briquettes reptiles. - 14. Radiateurs répondant quand on les appelle. - 15. Bouches d'été. - 16. Bouches d'hiver. - 17. Bouches d'automne. - 18. Bouches de bonheur.

IV. - LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE. Instruments à cordes : 1. Métiers. - 2. Potence. - 3. Pendu. - 4. Chevelures. - 5. Guitare. - 6. Toiles d'araignées. Instruments à vent : 7. Arbres. - 8. Dédains. - 9. Le souffle de l'incendie sur le P. 10 visage des sauveteurs. - 10. Le borbomyzan. - 11. Le pouhpouh. - 12. La manière de s'en servir. Instruments de percussion : 13. Les colliers musicaux. - 14. Le tambour caffre. - 15. La tête-à-giffles. Hors série : 16. Le phonographe.

PIERRE DRIEU LA ROCHELLE

"Plus d'interrogations, oui, mes garçons. Il est lâche d'interroger, c'est une façon de ne pas répondre. Comme de parler de la pluie ou du beau temps au lieu de dire d'un livre s'il est bon ou mauvais.

Mais il y a des questions qui engagent et des réponses qui dérobent.

"Compromettez-vous," m'exhortait le jeune chef d'une ligue bruyante et discordante comme un orchestre à la mode.

En nouant cette ligue, ils avaient inventé, ce qui reste toujours amusant, d'appeler, de dénoncer par son nom quelque chose qui existe depuis longtemps.

Jusqu'à eux, un parti était un rassemblement d'individualistes qui s'affublaient d'une idée, qui masquaient des plus sérieux prétextes doctrinaux leur seule, leur bonne raison de se mettre ensemble : être contre les autres, élever à l'unisson un grand cri pour étonner la foule, confondre les rivaux, effrayer les vieux. C'est une tradition constante et monotone depuis la Pléiade. D'une génération à l'autre, on retrouve les mêmes rôles distribués de la même façon. Sans tomber dans la sottise des analogies, on remarque par exemple quelque chose de commun entre Hugo et Ronsard : ils sont tous deux de l'espèce des bons gros génies qui, avec le lait des muses, savent faire leur beurre.

Mais à cette heure-ci, nous sommes tous conscients comme le prolétaire et nous n'avons plus d'autre invention ou mélange détonnant sous la main que d'appeler les choses par un autre nom.

C'est ainsi que mon apôtre de la compromission fonda la ligue des garçons qui n'ont pas d'opinion et qui les ont toutes.

P. 11 C'était simplement éventer le secret de toutes les écoles.

De même, les révolutionnaires du XXe siècle ont découvert que leur gouvernement serait une dictature et ils ont conclu, étonnés de leur audace, que tous les gouvernements, peut-être, avaient été, étaient et seraient éternellement des dictatures.

Notre naïveté à nous autres gens de notre siècle est le seul chef-d'oeuvre d'architecture que nous ayons encore réussi. Les hommes de 1550, de 1660, de l'Encyclopédie (c'est ce qu'on a fait de mieux d'arranger une combine pour fabriquer un dictionnaire) de 1830, de 1890 avaient, eux, une opinion. Du moins le proclamaient-ils ; ils simplifiaient. Ils n'en avaient pas une, ils en avaient dix.

Plus l'opinion mise en avant devenait tyrannique, plus la trahir devenait nécessaire.

Le... isme mène à tout, il suffit d'en sortir...

Aujourd'hui, pour ne pas avoir à sortir, on n'entre pas.

La ligue nouvelle campe en plein air devant les portes qui se ferment sur les chapelles.

La grande église de leurs trente ans en sera peut-être plus vaste.

Puisque je suis encore à mon point de départ, je déclare que j'y reviens.

Donc à mon bon apôtre je répondis : "Je veux bien me compromettre. Mais on ne peut se compromettre que seul. Comment voulez-vous vous compromettre à vingt ? C'est un "qui perd gagne" de farceurs, surtout quand on reste dans les généralités

Il y a forcément quelque chose dans le ventre du Dada, bien que vous disiez qu'on y peut tout trouver ce qui voudrait dire : rien. C'est un mouvement moral.

D'ailleurs on n'y échappe pas : il y a toujours un jugement moral sous-entendu dans un jugement intellectuel. Le professionnel soi-disant amoral qui dit d'un livre : c'est bien ou c'est mal, est semblable au magistrat qui condamne à la vie ou à la mort. Et réduire la morale à la sincérité, ce n'est nullement diminuer son empire.

Il n'y a pas de morale dans le vide : rien de plus concret que cet art des moeurs, il n'y a qu'un moyen de faire de l'action morale, c'est de faire des personnalités.

P. 12 DADA

n'est pas mort

PRENEZ GARDE A VOTRE PARDESSUS

ANDRÉ BRETON.

P. 13 Marquez vos hommes.

Ah ouiche ! on aime mieux s'en prendre aux choses, dans l'espèce c'est tout au plus les portes ouvertes.

SOUBEYRAN VOYAGE

I. Le temps

Quel temps fait-il ?

Il fait froid.

Il fait chaud.

Nous pouvons sortir et faire une promenade.

Je ne veux pas sortir par ce temps-là.

Je crois que nous aurons de la pluie.

Au contraire, il fait très beau.

Oui, je crois qu'il pleut.

Il pleut. Il vente.

Il tonne. Il gèle.

Il neige. Il grêle.

Il fait des éclairs.

Le ciel est clair.

Le ciel est couvert.

Quelle heure est-il ?

Il est midi.

Il est minuit.

Il est midi et dix minutes.

Une heure.

Une demi-heure.

Un quart d'heure.

II. La conversation

Je veux faire une promenade.

Voulez-vous m'accompagner ?

Très volontiers, Mademoiselle.

P. 14 Est-il permis de vous accompagner ?

Avec le plus grand plaisir, Monsieur.

Mes compliments à votre chère amie.

Au plaisir, Mesdames.

Quand viendrez-vous nous voir ?

Je viendrai vous voir demain vers le soir.

A quelle heure ?

Après le souper, vers les huit heures.

Votre ami viendra-t-il ?

Mon ami ne parle pas l'italien.

Ça ne fait rien.

Mademoiselle N., est-ce qu'elle sera dans votre société ?

Je ne vous ai pas vu depuis longtemps.

Vous venez chez moi si rarement !

Nous nous reverrons ce soir.

Mon mari a fait un voyage avec son frère et sa soeur.

Nous avons eu aujourd'hui une chaude journée.

Je suis fatigué.

Nous avons une belle nuit ?

III. Le langage

Parlez-vous le français ?

Parlez-vous l'allemand ?

Je suis ici depuis quelques jours seulement,

depuis quelques semaines,

depuis quelques mois.

Le pays, oh il est magnifique, je désirerais rester pour toujours dans ce pays.

Voyagez-vous pour votre plaisir ?

Je ne le sais pas encore.

Je veux passer l'hiver à la Riviera.

Vous faites de très belles poésies.

Vous en ferez de parfaitement belles dans quelques mois.

Comment avez-vous fait pour fairede si belles poésies ?

J'ai acheté un livre pour un franc ; il m'a rendu de grands services.

P. 15 Ce livre contient tout ce dont on a besoin pour la vie pratique.

Dormez bien. Je vais faire une promenade.

IV. Salutations

Merci, Monsieur, ça va bien.

PAUL ELUARD

"Il y a longtemps qu'on a indiqué comme règle d'une saine discussion la définition des termes dont on se sert. Or, rien n'est mieux défini que les mots : patrie et patriote, qui tiennent aujourd'hui une place dans les discussions.

Des nations sont plus ou moins importantes, plus ou moins intéressantes. Elles ne réclament pas toutes de leurs citoyens un sacrifice constant. Tout homme a une patrie, tout homme est patriote. Il semble qu'on l'ait dit depuis longtemps. Mais cela se dit surtout depuis la guerre.

Toute Nation est un Etat, tout Etat est une Nation. Il y a des Etats comme la France, comme l'Autriche, des Nations comme l'Autriche, comme la France et comme l'Angleterre-Etat.

Il ne faut pas oublier la Pologne qui fait des efforts pour devenir un Etat après avoir été une Nation.

Le sol, les traditions, les moeurs et la langue ont leur part dans la justification de l'idée de Patrie. Une langue est un trésor dissimulé par les hommes. Le sol, avec son houblon grimpant au nord, ses champs de pommes de terre et au sud ses oliviers et ses orangers, est cultivé avec le même acharnement depuis des siècles.

On rencontre dans les villes et les villages le sentiment patriotique local, des types d'humanité bien différents et les

P. 16 N° 4334

LES PATRONS FAVORIS

<Fig>

MODE NATIONALE

ROBE

Formant poches évasées

Pour fillette 11 à 13 ans

1 M. 45 EN 140

P. 17 patois les plus variés. La façon de vivre est l'expression la plus nette de l'activité des habitants désireux de vivre ensemble, de mettre en commun joie et peines, chagrins et tourments. On a pu dire l'unité d'une race indispensable à l'unité d'une patrie, qu'un grand fleuve est la meilleure des frontières et aussi que les besoins de l'homme varient avec les changements de lune, rien ne réalise mieux l'accord que le souvenir du passé : l'Histoire.

LOUIS ARAGON

"Avez-vous vu dans les journaux l'histoire de la machine à communiquer avec les esprits ? C'est assez drôle parce que le nom d'Edison force tout le monde à s'en occuper. Le scepticisme paraît ici une des formes les plus complètes de la bêtise, ce qui ne veut pas dire autre chose. Edison doit être très vieux maintenant : c'est sa façon à lui de faire le sceptique.

Monsieur Millerand à Strasbourg, je relève cette phrase dans un bulletin paroissial, déclarait il y a quelques mois : "Il n'y a pas de corporation si intéressante soit-elle qui ait le droit de se dresser contre la nation." Je n'ai (en rapportant ce propos banal) en vue que les intellectuels. A vrai dire, la nation m'a tout l'air elle aussi d'une corporation. Nous sommes toujours en lutte contre une corporation plus grande que la coterie à laquelle nous appartenons. Je crois bien que nous faisons nos petits Edison tous les jours du bon Dieu. Et Monsieur Branly, c'est la concierge ou notre supérieur hiérarchique, vous par exemple.

Le prêtre compromis dans l'affaire des bandits en auto, nous rapportent les journalistes, passait sa vie dans les bars du quartier Italie. Il y a des gens pour s'en étonner et d'autres pour l'expliquer. Si ce n'était pas un prêtre, si ce n'était pas Edison, nous n'y ferions pas attention. J'aime beaucoup ces espèces de jeux qu'on trouve dans les bars, ces appareils automatiques P. 18 qui bien des fois absorbèrent mes fins de mois deux sous par deux sous. Au bar du coin de la rue Cujas, il y en a un très beau, très bleu, très compliqué, très sage, avec toutes sortes de manigances singulières. Quand il sent qu'on est en train de le gagner, vlan, il met deux sous de côté. Bref, c'est un appareil diabolique. Il y a beaucoup de gens qui ont du goût pour ces jeux-là, il y a beaucoup de gens qui aiment les femmes ; seulement ils ne l'écrivent pas. Alors personne ne s'en aperçoit. Tout cela (depuis avez-vous vu dans les journaux jusqu'à s'en aperçoit inclusivement) n'est qu'un préambule à certains propos sur l'amour.

L'amour m'intéresse plus que la musique. Ce n'est pas assez dire : en un mot, tout le reste n'est que feuille morte.

J'ai beaucoup aimé une femme parce qu'elle avait donné deux sous à un petit pauvre à condition que celui-ci se rappelât toute sa vie mon nom. Elle sait très bien que cela ne me suffit pas, et que cela ne suffisait pas à la mémoire du mendiant. Mais dans cet acte il y a quelque chose qui m'attache à elle, et qui l'attachait à moi. Un autre jour, elle avait mis un chapeau qui me déplaisait, et je le lui ai dit. Nous avons cessé de nous voir pendant quinze jours. La grande vulgarité de cette anecdote m'a satisfait longtemps. J'y repensais encore le mois dernier, quand un de mes amis me raconta qu'il avait beaucoup désiré une femme parce qu'elle savait s'habiller. Cela me fit rire, ce rire le vexa. Je lui rapportai l'histoire du chapeau et il me dit : "Ce n'est pas tant le chapeau, moi, ce sont les gants." Il faut avouer que je suis battu. Je ne comprends décidément rien aux raffinements.

Je disais donc que nous ne nous intéressons aux goûts des autres pour les femmes que parce qu'ils ont leur nom dans un dictionnaire quelconque, Bottin, histoire de France, etc. Le mot du charretier pourtant a son prix : "Ce qu'il y a d'agréable dans l'amour, c'est qu'on dort si bien après." Je citais à M. S. celui-ci : "Je confondais l'odeur des fourrures avec l'odeur des femmes." Sur le moment j'ai trouvé très mal que ça n'ait pas l'air de le frapper. Je le comprends mieux au second abord. La sensualité des autres ne vaut pas pipette. Remarquez bien que jamais nous n'interrogeons nos amis sur leurs aventures que pour nous donner l'occasion de raconter les nôtres. Ça n'a l'air P. 19 de rien ce que je dis là, mais ça prouve tout simplement l'inutilité complète de la poésie.

Me voilà entraîné un peu loin de mon sujet, la machine à communiquer avec les esprits ; mais ce sujet est tellement vaste qu'on y retombe des deux pieds. J'étais en train de parler de l'inutilité de la poésie : il ne faut rien exagérer. Il y a toujours en elle, quand elle est de bonne qualité, cette forte faculté de crétiniser qui fait son charme, celui de la musique, des jeux de hasard, de la vie. Mais la meilleure machine à abêtir est l'amour comme on peut le remarquer sans peine. Le charretier dont il était question interprétait mal une sensation assez commune : ce n'est pas le sommeil qui est doux, c'est ce petit vide, ce moment où l'on ne trouve plus rien à dire. Puisque j'en suis à rapporter des propos, je citerai encore celui-ci, d'un littérateur : "L'amour, c'est toujours mal écrit." Sur ce point nous sommes d'accord, mais à moi c'est précisément ce qui m'y plaît. J'entends que j'aime surtout cette activité mentale, de sang-froid indéfendable, par laquelle les amants se forcent à tout admirer, à rire des mêmes choses, à s'approuver mutuellement hors de toute nécessité et même vraisemblance. Ce qui vient de la femme, je le trouve à priori charmant, et je disais se forcent par impropriété de terme : c'est tout naturel, l'esprit critique n'a pas de part ici. Il n'y a rien d'héroïque au cas de ce Joyeuse qui portait sur soi des excréments de sa maîtresse dans un petit sac. Nous en faisons tous autant. Un de mes amis qui désire garder l'anonymat comme on dit me confiait qu'aux premiers temps qu'il lui arrivait de sortir avec une femme, il ne savait quel prétexte invoquer s'il avait besoin de la quitter pour quelque raison naturelle. On reconnaît là ce qu'est la puérilité en amour, et ce que veut dire cette histoire de fourrures. J'ai eu pour sous-officier instructeur une sorte de type moustachu qui disait en nous faisant patauger dans la boue : "N'ayez pas peur de vous salir : plus les hommes sont sales, plus les femmes les trouvent beaux." Il exagérait à peine. Ou plutôt il concluait d'effet à cause de façon à peine illégitime : une femme n'aime pas un homme parce qu'il est sale, mais ne le trouve pas sale parce qu'elle l'aime. Je dois reconnaître que les garçons naïfs qui faisaient l'exercice à mes côtés déniaient toute vérité à ce propos. J'ai déjà dit que je ne crois pas à l'expérience des autres.

L'amertume que certains gens semblent surtout goûter dans

P. 20 SOUSCRIVEZ A DADA

LE SEUL EMPRUNT QUI NE RAPPORTE RIEN

hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle

QUI SE TROUVE ENCORE TRES SYMPATHIQUE

TRISTAN TZARA.

P. 21 les rapports amoureux, cette espèce de complaisance à reconnaître sous toutes ses formes un malentendu persistant, me semblent d'assez imbéciles tournures d'esprit. Je crois vraiment très faux ce point de vue du voyeur. J'ai toujours eu l'impression, au moins les premiers temps d'une liaison, de parfaitement comprendre et d'être parfaitement compris. Ce qui m'échappe, c'est le bienfondé de ces dialogues psychologiques dont toute une littérature s'est nourrie et dans lesquels les partenaires monologuent tout le long de l'amour. Je n'aurais certainement jamais découvert ça tout seul. Il en est de même de ce bateau qu'on nous monte au sujet des femmes qui parlent et de celles qui ne parlent pas. C'est sans doute un thème à effet : mais personne ne s'occupe jamais de cela, j'en donnerais ma tête à couper. Il y a aussi une expression assez répandue : "Cette femme là n'est pas mal avec un oreiller sur la figure" qui révèle chez qui l'emploie une singulière aberration, et qui témoigne de l'étonnante fortune de certains mots de collégiens auprès de quelques esprits faibles qui s'en serviront toute leur vie. On raconte comme une merveille que Louis XIV s'amouracha d'une boîteuse. Cela dénote chez les historiens une belle ignorance de leur propre nature. Les difformités ont si peu d'importance que j'en arrive à me demander par quel avatar un type à peu près général de beauté physique a pu se constituer progressivement dans un pays donné. On sait d'un roi d'Espagne dont la première femme était rousse qu'il trouvait que sa seconde, brune, n'était point femme. Nos jugements sur la beauté ont toujours ce caractère universel et impersonnel.

Le plus complet abandon règne dans l'amour, j'y reviens parce que tous les jours j'entend affirmer le contraire et répéter que l'amour est un échange intense de sensations, de sentiments, que sais-je ? On peut échanger n'importe quoi.

La charmante activité qu'on y rencontre n'est en réalité que l'activité la plus superficielle. Ce qui permet l'emportement de l'amour, c'est avant tout une sécurité, une communication de plein-pied, et l'absence des inquiétudes qu'on lui décrit. La forme la plus courante de ce laisser-aller est cette logorrhée qui effraie tant les délicats. J'avoue qu'elle peut parfois m'importuner, mais le plus souvent elle me berce, elle m'entraîne. C'est une ivresse très singulière, une sorte de disqualification P. 22 de l'esprit qui s'y abandonne, une prostitution de l'attention. Les mots de la femme bavarde font une nuit dans ma cervelle. Nous y trouvons tous les deux notre compte : l'impression qu'il est quatre heures du matin à n'importe quel instant du jour. C'est déjà un résultat. Perdre pied tous les deux en même temps, voilà l'essentiel. Cela n'est pas si difficile qu'on voudrait nous le faire croire."

C'est ainsi qu'en 1852 un épicier de Bordeaux "Membre de l'Académie agricole, manufacturière et commerciale pour le perfectionnement des chocolats, moutardes et pâtes" avait dû faire amende honorable pour avoir laissé mentionner sur ses factures "Exposition Universelle de Londres, 1851", alors qu'en réalité il n'y avait pas participé ; et, à quelque temps de là, un marchand de billards qui avait fait usage d'une distinction honorifique de pure fantaisie avait connu même mésaventure. Par contre, il ne semble pas que des éditeurs d'hier se soient trouvés mêlés à des instances de ce genre.

BERNARD FAY

"Une revue qui porte autant d'intérêt à tous les phénomènes de la vie intellectuelle que Littérature, ne peut manquer de renseigner ses lecteurs sur la campagne présidentielle aux Etats-Unis. Les candidats étant l'un et l'autre illettrés ont eu à prononcer une cinquantaine de discours par jour auxquels venaient s'ajouter quelques accidents de chemin de fer et la plantation d'arbres naturels. Du reste la longue pratique du journalisme les avait préparés. Le public a approuvé leurs vues bien qu'elles aient d'ordinaire paru trop claires et trop originales aux connaisseurs. Le sénateur Harding avait coutume de parler aux délégations enthousiastes du porche de sa maison. Le P. 23 Révérend Docteur George Mathasias Roorke ayant remarqué dans son sermon du Dimanche 22 Septembre à la première Eglise Presbytérienne de Long Beach que ç'avait précisément été là l'usage de l'Apôtre Paul-Inspiré de l'Esprit-Saint, les paris à Wallstreet montèrent jusqu'à 6 pour un en faveur du candidat Républicain.

D'une façon générale, l'opinion publique n'a été troublée que par le terrible scandale du baseball, et l'accident survenu à la poule de Corpus-Christi (Texas) qui s'est trouvée mal en s'apercevant qu'elle venait de couver 8 oeufs d'Alligator. On l'a portée à la clinique de Corpus-Christi (Texas) où elle demeure dans un état de prostration nerveuse dont on s'inquiète.

New-York, 5-10-20."

MORTS

L'usage imprudent d'enterrer promptement les morts, a causé souvent des catastrophes funestes, et beaucoup de malheureux ont été ensevelis vivants par ce défaut de précaution. A Veymar (Suisse), une coutume sage prévient ces horribles accidents. Lorsqu'un mort est sur le point d'être mis dans le linceul, on le dépose sur un lit, dans une salle destinée à cet usage ; on lui met à la main une sonnette, et on le laisse ainsi quelques jours avant de l'inhumer.

LA SUITE A LA GÉNÉRATION SUIVANTE

CLÉMENT PANSAERS.

P. 24 NOS LECTEURS, auxquels nous avions annoncé d'extraordinaires surprises, jugeront si nous avons tenu parole, en lisant ce numéro qui - avec sa formule tout-à-fait neuve - fait vraiment de LITTÉRATURE la “ NOUVEAUTÉ ” tant attendue depuis la guerre.

Nos abonnés recevront à l'avenir, sans supplément de prix, une fois par mois, le 1er, ces élégantes plaquettes. A nos lecteurs nous nous permettons de donner un conseil : qu'ils s'abonnent, d'abord pour faire une économie, ensuite pour être sûrs d'avoir ces numéros vraiment sensationnels qui seront enlevés en quelques heures.

A tous nous demandons en échange de nos efforts leur amical concours pour faire encore mieux connaître LITTÉRATURE et nous aider ainsi à en faire :

“ LA PREMIERE REVUE DU MONDE. ”

D'UN NUMÉRO A L'AUTRE

Retenez chez votre libraire le

NUMÉRO DE NOEL

de LITTÉRATURE. Au sommaire, les noms les plus célèbres de notre époque.

PROCHAINEMENT

Un article de Raymond Roussel, l'auteur d'Impressions d'Afrique. - Des propos de Jacques Rigaut sur l'argent. - Un inédit d'Isidore Ducasse (comte de Lautréamont).

Ma candidature aux prochaines élections, par André Breton.

Un récit mystérieux de Tristan Tzara.

Des révélations capitales sur le pétrole, par Léon Dancongnée. L'esthétique du roman-feuilleton, selon Jules Mary.

Des articles de Marcel Proust, Germain Dubourg, Michel Perrot, Jean Colas, Paul Eluard, Pierre Drieu la Rochelle, Jeanne Léger, André Germain, Georges Ribemont-Dessaignes, Benjamin Peret, C.-A. Claverie, Philippe Soupault, etc., etc.

Abonnement : 20 francs par an.

AU SANS PAREIL, 37, AVENUE KLÉBER, PARIS (XVIe).

AU SANS PAREIL, 37, AVENUE KLÉBER, Paris (16e)

TÉLÉPHONE : PASSY 25-22

MARCEL WILLARD

TOUR D'HORIZON

avec cinq dessins en hors texte de RAOUL DUFY,

tirés à la presse à bras par A. JOURDE.

Un volume in-16 jésus, tiré à 353 exemplaires, dont 5 sur Japon (souscrits) ;

32 sur Hollande (30 fr.) ; 325 sur vergé d'Arches (15 fr.)

ANDRÉ BRETON ET PHILIPPE SOUPAULT

LES CHAMPS MAGNÉTIQUES

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ISIDORE DUCASSE (comte de LAUTRÉAMONT)

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Paraîtra en janvier 1921 :

Penses=tu réussir ?

ou les amours de mon ami Raoul de Vallonges par JEAN DE TINAN

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LE CUBISME

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Paris-Courtrai, IMPRIMERIE JOS. VERMAUT Imprimé en Belgique.

 

3e ANNÉE : N° 18, REVUE MENSUELLE, Mars 1921

LITTÉRATURE

18   SOMMAIRE

   LIQUIDATION

   LÉON DANCONGNÉE   LE PÉTROLE DANS LE MONDE (1)

   JACQUES RIGAUT   ROMAN D'UN JEUNE HOMME PAUVRE

   ANDRÉ BRETON   IDÉES D'UN PEINTRE

   TRISTAN TZARA   SYLLOGISME COLONIAL

   PIERRE DRIEU LA ROCHELLE   VOCABULAIRE POLITIQUE

   ÉCHOS

DEUX FRANCS

DIRECTEURS

Louis ARAGON, André BRETON, Philippe SOUPAULT.

Rédaction : 41, Quai Bourbon, Paris (4e).

Administration : AU SANS PAREIL, 37, avenue Kléber, (16e)

PRIX DE CE NUMÉRO :

France : 2 fr. ; - Etranger : 2 fr. 50.

ABONNEMENTS

Les 12 numéros : 20 fr. pour la France ; 25 fr. pour l'Etranger.

Il est tiré à part 10 exemplaires sur Hollande Van Gelder dont l'abonnement est de 60 fr. pour la France ; 80 fr. pour l'Etranger.

(La première année de LITTÉRATURE (12 numéros) : 20 fr.)

AU SANS PAREIL, 37, Avenue Kléber, Paris (16e)

TÉLÉPHONE : PASSY 25-22

PENSES=TU RÉUSSIR ! OU LES DIVERSES AMOURS DE MON AMI RAOUL DE VALLONGES par JEAN DE TINAN

Un volume in-16 jésus, tiré à 1.135 exemplaires numérotés dont 10 sur Japon impérial (75 fr) ; 25 sur Hollande Van Gelder (55 fr) ; 100 sur vergé rose (40 fr) ; et 1000 sur velin Lafuma de Voiron (25 fr).

Il a été tiré de ce numéro 10 exemplaires sur Hollande Van Gelder

P. 1 On ne s'attendait plus à trouver des noms célèbres dans LITTÉRATURE. Mais, voulant en finir avec toute cette gloire, nous avons cru bon de nous réunir pour décerner à chacun les éloges qu'il mérite. A cet effet nous avons dressé la liste suivante et établi une échelle allant de -25 à 20 (-25 exprimant la plus grande aversion, 0 l'indifférence absolue). Ce système scolaire, qui nous semble assez ridicule, a l'avantage de présenter le plus simplement notre point de vue. Nous tenons, d'autre part, à faire remarquer que nous ne proposons pas un nouvel ordre de valeurs, notre but étant, non de classer, mais de déclasser.

   Louis Aragon   André Breton   Gabrielle Buffet   Pierre Drieu la Rochelle   Paul Eluard   T. Fraenkel   Benjamin Péret   Georges Ribemont-Dessaignes   Jacques Rigaut   Philippe Soupault   Tristan Tzara   Moyenne

Alcibiade   -20   6   20   11   10   -20   0   0   12   11   0   2,72

Almereyda   11   1   20   1   -25   10   2   9   7   4   -25   1,36

d'Annunzio   0   -10   -25   11   -25   2   -20   1   -15   0   0   -7,36

Apollinaire   18   14   20   9   12   17   12   6   13   13   3   12,45

Aragon     16   20   8   16   16   12   17   11   13   12   14,10

Arp   15   17   20   0   6   17   14   17   14   2   12   12,18

Bach   19   0   20   20   -24   14   6   14   -20   5   2   5,09

Barrès   14   13   -25   16   -1   9   4   -23   11   12   -25   0,45

Bataille   1   1   0   1   -24   -20   -20   -4   -1   -23   -25   -10,36

Baudelaire   17   18   0   14   12   14   14   11   12   12   -25   9,00

Beethoven   1   -25   10   10   -8   6   8   3   -25   -23   1   -3,81

Bergson   -10   -15   0   20   0   13,5   -20   -24   -1   -20   -25   -6,40

Berlioz   0   -1   -25   14   -23   1   -20   4   -20   -18   -25   -10,27

Bernard (Cl.)   -10   -24   20   10   -25   -1   -25   2   -20   -25   3   -8,63

Bernstein   -10   -10   -25   3   -25   -20   -25   -5   -1   -15   -25   -14,36

Bertrand (Al.)   9   11   0   3   12   0   3   0   5   2   -25   1,81

Bible (la)   17   16   0   20   10   1   18   9   16   19   -25   9,18

Birot   -1   -24   0   -10   -23   -20   -25   -22   -25   1   1   -13,45

Bolo   6   2   20   -1   -20   10   5   15   5   2   3   4,27

Bonnot   9   12   20   1   16   0   9   18   11   11   7   10,36

Braque   10   14   10   12   -10   5   -10   -6   5   0,5   0   2,77

Breton   19     20   12   18   19   14   17   18,5   19   12   16,85

P. 2 Briand   -15   10   0   10   -2   -1   -15   0   5   -1   -25   -3,09

Byron   11   7   20   9   -10   -20   -10   1   -20   2   -25   -3,18

Caillaux   12   10   0   9   -25   10   11   16   10   16   -25   4,00

Carpentier   -20   -20   0   -1   10   -20   4   0   5   2   -15   -5,00

Cendrars   10   4   0   7   -24   -12   5   3   5   3   2   0,27

Cervantès   0   -25   0   0   15   -13   0   0   -1   0   -25   -4,27

Cézanne   0   -1   -25   15   13   9   0   0   -20   -3   -25   -3,36

Chateaubriand   12   9   0   16   -20   1   6   0   5   11   -25   1,27

Chagall   12   12   0   0   12   13   10   0   8   3   0   6,36

Charlot   16   17   20   20   17   18   17   15   16   11   10   16,09

Chirice   12   14   0   3   16   15   15   -10   7   11   -25   5,27

Claudel   2   -22   -25   14   16   7   -5   0   5   2   -25   -2,81

Clémenceau   -12   1   -25   18   15   -20   6   -23   7   3   -20   -4,54

Colette   1   -5   0   7   -25   1   -10   0   1   -12   0   -3,81

Condillac   3   4   10   0   -18   -20   4   8   10   -23   -25   -4,27

Constant   2   17   0   15   3   -20   3   0   16   3   -25   1,27

Corbière   0   2   0   5   11   -15   0   0   1   -3   -25   -2,18

Corneille   2   -25   0   20   -25   -20   -10   -25   -13   8   -25   -10,27

Corot   0   6   -25   -5   -22   1   0   0   5   11   -25   -4,90

Coulon (Johnie)   1   1   0   -1   14   0   3   0   14   0   2   3,09

Cravan   2   3   20   1   12   -4   9   0   10   2   4   5,36

Curel   -1   -20   10   0   -25   -1   -15   -24   -1   -22   -25   -11,27

Dante   10   2   20   20   -20   -20   -10   0   5   1   -25   -1,54

Daudet (Léon)   -12   -25   -25   1   15   3   3   0   1   0   -25   -5,81

Debussy   10   -19   -25   13   -25   8   -20   5   -23   0   -25   -9,18

Delacroix   10   -5   0   8   -15   6   -10   -21   -20   -22   -25   -8,54

Derain   17   18   0   10   14   16   10   -21   10   12   -20   6,00

Deschanel   1   2   20   -25   8   2   0   0   2   0   -25   -1,36

P. 3 Dostoïevski   15   13   0   20   19   15   14   19   15   2   -25   9,72

Drieu la Rochelle   18   14   0     4   7   7   12   12   5   8   8,70

Ducasse   18   20   10   1   19   17   17   14   18   18   5   14,27

Duchamp   12   10   20   0   -3   10   9   19   12   0   12   9,18

Duval (Bonnet rouge)   14   10   20   0   17   10   11   20   11   2   0   10,45

Edison   14   12   20   1   0   -20   15   13   9   -25   5   4,00

Einstein   16   15   0   5   0   13   15   15   14   2   10   9,54

Eluard   17   17   20   5     19   14   17   14   16   12   15,10

Ernst   11   14   20   0   0   4   10   14   9   2   10   8,54

Eschyle   1   3   20   20   -1   14   0   13   5   0   -25   4,54

Euripide   0   -15   0   16   -3   -20   0   12   -20   -14   -25   -6,27

Fatty   0   11   20   -20   8   4   10   0   9   12   9   5,72

Fairbanks   -18   -19   20   2   1   -8   -10   -7   -7   -12   0   -5,27

Flaubert   1   -1   20   1   0   -20   -10   0   -25   -1   -25   -5,45

Foch   -20   -25   -25   1   16   -20   -25   -25   -25   -25   -25   -18,00

Fort (Paul)   -19   -25   -25   -10   -3   -2   -25   -25   -1   -22   -25   -16,54

Fraenkel   15   16   0   1   15     9   0   10   9   8   8,30

France   -20   -25   -25   1   1   -20   -20   -25   -25   -25   -25   -18,00

Freud   15   16   10   1   8   16   14   0   14   1   0   8,63

Gide   6   12   0   -20   4   9   3   -13   4   6   -20   -0,81

Gobineau   13   12   0   2   16   14   5   -1   6   9   -25   4,63

Goethe   19   6   0   20   16   13   10   4   11   10   -25   7,63

Greco   -10   -7   20   0   13   14   0   12   7   10   -25   3,09

Guillaume II   0   -5   0   9   -25   0   0   13   7   3   -25   -2,09

Guitry (Sacha)   0   -25   -25   1   1   -18   0   -6   0   -22   -25   -10,81

Guynemer   -1   -24   -25   -1   8   -20   0   -21   -20   -25   -25   -14,00

Hamsun (Knut)   16   14   0   0   16   8   8   0   5   11   -25   4,81

Hart (W)   2   -24   20   -1   16   -20   0   18   -10   3   8   1,18

P. 4 Hegel   10   15   -25   20   6   3   5   13   4   0   -25   2,36

Heine   9   -1   0   15   -20   -13   1   -13   -5   1   -25   -4,63

Homère   10   5   0   -24   -25   13   0   4   -15   -18   -25   -6,81

Hugo   12   9   -25   1   -8   2   -10   -25   -20   4   -25   -7,72

Huysmans   11   13   -25   0   0   -4   0   0   3   -1   -25   -2,54

Ibsen   8   10   20   -15   8   -1   0   13   -20   -25   -25   -2,45

Infroit   0   -25   0   -1   -25   -20   0   0   -25   -25   -25   -13,27

Ingres   15   17   20   10   10   2   2   0   8   4   -25   5,72

Jacob (Max)   1   0   0   -10   13   -20   4   -7   1   1   3   -1,27

Jammes   -15   1   -25   -10   7   -20   -25   -17   -5   -10   -25   -13,09

Jarry   15   14   20   13   16   18   14   14   13   17   -10   13,09

Jaurès   6   -15   0   -15   -25   5   4   -9   -15   -18   25   -9,72

Jésus-Christ   12   0   0   -25   15   5   6   -25   0   20   -25   -1,54

Kant   14   4   0   20   25   9   1   -25   5   -10   -25   -2,90

La Bruyère   2   -25   20   5   11   -1   -4   -25   -1   -25   -25   -6,18

Lacenaire   20   -19   0   0   10   0   12   19   10   -16   -25   1,00

Laclos   16   17   10   16   8   14   15   8   17   14   -25   10,00

La Fontaine   0   -25   0   15   10   7   0   0   -15   -20   -25   -4,81

Laforgue   -19   -18   20   13   3   -18   -20   0   -20   0   -25   -7,63

Lamartine   13   -11   -25   -20   -25   -20   -20   -24   3   -2   -25   -14,18

Landru   13   11   -25   0   13   14   11   0   10   3   -25   2,27

La Rochefoucauld   8   -5   10   -25   10   -20   0   -25   7   -3   -25   -6,18

Lénine   13   12   0   20   -25   -20   6   0   -20   -25   -2   -3,72

Leprince de Beaumont   10   16   0   0   14   5   0   0   10   9   -25   3,54

Lhôte   -3   -10   -25   5   13   -19   -10   -9   -15   -24   -25   11,09

Linder (Max)   -20   -3   -25   0   -24   -14   -1   -25   -25   -10   -25   15,63

Maeterlinck   1   -10   -25   0   10   -20   0   0   -20   25   -25   -10,36

Mahomet   -12   0   0   -1   2   5   4   1   4   3   -25   -1,72

P. 5 Mallarmé   8   -1   0   8   15   1   6   9   5   3   -25   2,63

Manet   15   10   -25   -15   -8   2   12   -14   1   11   -25   -3,27

Man Ray   0   1   20   0   15   -20   2   7   7   0   11   3,90

Marat   14   17   0   0   -25   -5   10   1   11   14   -24   1,18

Marc-Aurèle   -21   -25   0   1   0   -1   0   -25   -24   -25   -25   -13,18

Marinetti   0   3   0   -24,5   -25   -16   -25   -18   4   1   -25   -11,40

Matisse   1   10   10   -25   13   3   0   15   -10   2   -25   -3,27

Maurras   -20   -25   -25   10   0   -11   -20   -25   -1   -22   -25   -14,90

Michel Ange   6   0   0   14   -20   2   0   -25   -10   2   -25   -5,09

Mille et une Nuits   12   16   0   20   12   8   14   15   17   19   -25   9,81

Mistinguett   -3   0   0   -20   -20   10   -10   1   -15   -2   -24   -7,54

Molière   -13   -24   0   15   -1   -20   0   15   -24   0   -25   -7,00

Morand   0   7   0   -4   12   5   1   8   8   3   1   3,72

Moréas   1   -23   0   -20   12   -1   0   -25   -1   -4   -25   -7,82

Musset   12   -17   0   -10   -24   -20   -25   -25   -25   4   -25   -14,09

Napoléon   -20   -25   -25   20   10   -14   8   18   4   13   -25   -3,27

Navarre   7   10   0   -7   7   8   8   -19   1   10   0   2,27

Nerval   10   8   10   -5   13   8   0   0   12   7   -25   3,45

Nietzsche   12   5   20   20   0   9   -6   18   11   -25   -25   3,54

Pansaers   15   16,5   0   0   14   -7   10   4   7   10   3   6,59

Pascal   17   14   20   20   6   10   1   -25   11   -20   -25   2,63

Pasteur   -20   -24   -25   1   -10   -20   -10   -1   -20   -25   -25   -16,27

Paulhan   15   16   0   -3   18   2   4   12   9   3   4   7,27

Péret   11   10   0   0   15   0     17   9   9   9   8,00

Perrault   10   14   0   12   12   -8   4   1   5   1   -25   2,36

Picabia   10   15   20   -20   16   -1   8   17   17   1   12   8,63

Picasso   19   15   10   19   -2   5   9   0   8   1   3   7,90

Pilules Pink (rédacteur des réclames)   12   15   20   0   10   11   12   20   12   14   0   11,45

P. 6 Poë   10   15   10   17   16   10   2   11   11   4   -25   7,36

Poussin   14   -1   -25   14   13   1   0   -13   8   -1   -25   -1,36

Proust   0   6   0   13   -8   4   0   0   8   2   -25   0,00

Rabbe   17   13   0   0   10   4   0   0   9   4   -25   2,90

Racine   18   11   -25   20   1   6   6   -24   11   5   -25   0,36

Raphaël   -20   -25   -25   10   -25   6   0   -25   1   10   -25   -10,72

Régnier (H. de)   -23   -24   -25   -20   -25   -18   -25   -25   -20   -22   -25   -22,90

Renoir   6   8   -25   6   3   4   4   -25   4   3   -25   -3,36

Restit   11   12   0   7   10   1   5   12   10   9   -25   4,72

Reverdy   12   14   0   14   10   6   -1   -7   4   4   3   5,36

Ribemont-Dessaignes   15   13   20   0   16   12   12     12   13   12   12,50

Rigaut   16   16   20   7   16   5   12   17     10   11   13,00

Rimbaud   18   18   20   19,5   18   18   16   17   17   15   -1   15,95

Robespierre   18   14   0   20   -25   -12   10   17   15   -25   -25   0,63

Rodin   -10   -25   -25   -24   -20   4   0   -25   -10   -16   -25   -16,00

Rolland (R.)   -24   -24   -25   0   -25   -14   -10   0   -24   -20   -25   -17,36

Ronsard   -12   -14   0   14   12   14   0   -9   4   -12   -25   -2,54

Rousseau (Henri)   17   14   -25   1   14   14   8   -24   9   15   -25   1,63

Rousseau (J.-J.)   15   7   20   15   -25   9   1   10   8   1   -25   3,27

Roussel (Raymond)   12   11   0   0   10   1   7   12   10   9   -10   5,63

Sade   17   19   20   0   15   7   18   19   18   16   -25   11,27

Sadoul   1   -17   0   0   -25   -20   0   -1   1   -12   -6   -7,18

Saint Augustin   18   1   -25   18   13   -19   -1   -21   5   -18   -25   -4,81

Saintléger Léger   12   2   0   0   11   2   0   0   7   10   -25   1,72

Satie   12   0   10   15   -25   -4   1   11   0   7   3   2,72

Schiller   -10   -25   0   10   -25   -2   0   -25   -1   -23   -25   -11,45

Schopenhauer   -1   -20   -25   20   -2   -11   0   -1   -15   -3   -24   -7,45

Serner   12   15   0   0   10   12   9   1   14   12   -25   5,45

P. 7 Shakespeare   16   7   20   20   10   14   4   14   12   9   -25   9,18

Soldat inconnu   -20   -25   -25   0   20   3   -25   -25   -25   -25   -25   -15,63

Sophocle   0   -1   0   10   8   1   0   -7   -24   -2   -25   -3,63

Soupault   18   18   20   10   17   19   16   17   18     10   16,30

Stendhal   15   14   0   18   8   14   7   0   11   10   -25   6,54

Stravinsky   18   1   -25   17   -25   18   0   14   -24   2   4   0,00

Strindberg   12   14   0   16   -25   -8   0   0   0   -20   -25   -3,27

Stuart Mill   -20   -17   0   -10   -25   -18   -10   -24   -23   -20   -25   -17,45

Swift   14   17   20   13   17   4   18   15   12   17   -25   11,09

Swiney (Mac)   -24   -24   0   -1   -25   -10   -20   0   -20   -18   0   -12,90

Synge   14   15   0   -25   18   15   12   13   14   16   1   8,45

Tolstoï   0   -20   0   20   -25   2   0   -25   -25   -24   -25   -11,09

Trotzky   10   10   0   0   -25   -18   4   -7   -15   -2   3   -3,63

Tzara   18   18   20   -25   18   15   18   17   19   15     13,30

Vaché   20   19   0   -25   20   18   20   15   19   18   7   11,90

Valéry   12   15   0   10   -20   13   0   -7   8   6   -25   1,09

Van Gogh   7   3   0   4   2   9   0   17   0   5   -25   2,00

Vauvenargues   11   13   -25   -5   1   -14   8   -20   -15   -20   -25   -8,27

Verlaine   -10   -25   -25   9   8   1   -25   -25   -1   -13   -25   -11,90

Vigny   10   1   -25   19   11   1   4   -25   5   7   -25   -1,54

Villon   18   5   0   15   16   14   0   -7   -1   -1   -25   3,09

Vinci   15   10   -25   -20   -20   8   0   -24   -19   1   -25   -9,00

Virgile   11   1   0   10   -20   -20   0   -25   -10   -20   -25   -8,90

Voltaire   0   -25   10   16   -25   -20   -25   -24   -25   -25   -25   -15,27

Wagner   12   1   -25   10   -25   11   -10   7   -1   8   -25   -3,36

Whitman   -2   -1   0   1   6   -10   -20   0   -24   -16   -25   -8,27

Wilde   -24   11   10   0   16   4   2   4   -25   11   -25   -1,45

Young   16   12   0   0   10   3   0   7   8   4   -25   3,18

Zola   -19   -9   -25   0   14   -15   -25   -25   -1   -20   -25   -13,63

P. 8 Documentaire

LE PÉTROLE DANS LE MONDE

INTRODUCTION

Sans remonter jusqu'au déluge où nous voyons l'arche de Noé “ enduite de bitume par dedans et par dehors ”, et en négligeant les diverses mentions que la Bible fait du pétrole dans la vallée de Sidim, à propos de Sodome et de Gomorrhe, ou en Perse à propos des feux sacrés, notons en passant qu'Hérode (450 av. J.-C.) signale la présence du pétrole dans l'île Zante et aux environs de Babylone ; Plutarque, sur les bords de l'Oxus et Pline à Agrigente (Girgenti).

Le pétrole semble avoir été connu à Bakou dès la plus haute antiquité. Massadi en parle en l'an 950, et d'après des documents, plus ou moins authentiques, il est vrai, l'on peut conclure que ses propriétés combustibles y étaient déjà connues 10.000 ans avant J.-C.

Six cents ans avant Jésus-Christ, les feux sacrés du temple de Surakhani, dont les ruines existent encore, étaient produits par des gaz naturels amenés sous les autels par des canaux en maçonnerie. Il semble d'ailleurs que le pétrole ait toujours existé en abondance à Bakou depuis les temps les plus reculés. Marco Polo, dont les écrits datent du XVIIe siècle, nous apprend qu'à cette époque on en pouvait charger cent navires à la fois. En 1823 les frères Boubinine commencèrent à en extraite l'huile lampante.

En Roumanie aussi nous retrouvons dans un passé très lointain les traces de l'existence du pétrole et même de ses applications, car nous savons que les Ruthènes l'employaient pour le graissage des roues de leurs chars et comme produit médicinal. La tradition nous apprend aussi que le pétrole servait à l'éclairage, et à partir du XVIIe siècle les écrits en font foi. Un certain missionnaire, Brandinus, parlait en 1640 d'une véritable exploitation de pétrole aux environs de Lucasesti.

En Italie, nous entendons parler pour la première fois du pétrole en l'an 1400, à propos d'un gisement à Milano. En Bavière son apparition remonte à la même époque ; on l'employait sous le nom d'huile de Saint-Quirinin et il provenait du Tegernsee.

P. 9 Il nous faut attendre jusqu'en 1667, pour voir signaler très vaguement du reste, la présence de gaz naturel en Angleterre dans le Lancashire.

C'est aussi au XVIIe siècle qu'Oléarus nous apprend l'existence de puits nombreux en Perse et notamment près de Scamachia.

Mais les deux pays où le pétrole semble avoir fait sa première manifestation d'existence sur le globe terrestre, sont l'Inde et l'Amérique. Pour le premier nous citerons simplement la poétique légende du roi Alaunsitha. Ce jeune prince, âgé de 10 ans, conçut le projet d'aller visiter le mont Meru, centre de l'Univers. Il embarqua avec lui toute sa cour. Et voici qu'arrivé près d'un mont appelé Minlin, sept reines voulurent descendre à terre. Cette permission leur fut accordée, à condition qu'elles ne s'attarderaient pas. Mais elles rencontrèrent un rocher d'où s'écoulait un liquide d'une odeur délicieuse. Les reines, oubliant le temps qui fuyait, s'amusèrent à s'en éclabousser ; laissant passer l'heure du retour. Cette désobéissance fut punie de mort. Cependant, avant de mourir, elles firent une prière et demandèrent au ciel que l'odeur du liquide qui causait leur perte fut changée et devint désagréable, afin d'éviter leur sort à leurs semblables. C'est ainsi que naquit l'huile minérale avec les qualités que nous lui connaissons.

Mais nous ne commençons à avoir des renseignements précis sur l'exploitation du pétrole aux Indes qu'en 1750, par le Capitaine Baker, qui dit avoir vu de nombreuses familles s'occuper de son extraction. Hunter nous dit qu'au XVIIe siècle on l'employait là-bas pour le calfatage des navires.

Quant à l'Amérique, on ignore à quel moment il faut y faire remonter les premières apparitions du pétrole.

Des puits très primitifs rencontrés dans des régions pétrolifères, permettent de croire que non seulement ce liquide était connu des Indiens, mais que des peuplades, entièrement disparues, l'exploitaient avant eux, dans les temps les plus reculés.

Une carte de ce pays, datant de 1670, indique formellement un gisement de bitume à Cuba, dans l'Etat de New-York ; une autre carte de 1755, en indique également un en Pensylvanie.

Mais on peut dire que l'exploitation industrielle du pétrole n'existait pas avant 1858.

C'est à cette époque que l'Américain Drake, faisant un puits à Titusville (Pensylvanie), vit sourdre des profondeurs du sol un liquide huileux qui, après une purification simple, brûlait avec une lumière éclatante.

La “ fièvre de l'huile ” s'empara dès lors des spéculateurs américains : une nouvelle industrie était créée.

(A suivre.)

Léon DANCONGNÉE.

P. 10 Les Moeurs

ROMAN D'UN JEUNE HOMME PAUVRE

On n'a fait tant de place à l'amour que parce qu'il dépassait en utilité le reste des choses. A mesure que l'argent se fait plus nécessaire, plus exigeant, il devient plus admirable, plus aimable, comme l'amour. - On pourra soutenir le contraire avec autant de bonheur. - Je supporte plus facilement ma misère dès que je songe qu'il y a des gens qui sont riches. L'argent des autres m'aide à vivre, mais pas seulement que comme on suppose. Chaque Rolls Royce que je rencontre prolonge ma vie d'un quart d'heure. Plutôt que de saluer les corbillards, les gens feraient mieux de saluer les Rolls Royce.

Penser est une besogne de pauvres, une misérable revanche. Quand je suis seul, je ne pense pas. Je ne pense que quand on m'y force ; les contraintes, le petit examen à préparer, les exigences paternelles, ce métier qu'il va falloir subir, tout effort salarié me mènent à penser, c'est-à-dire à décider de me tuer, ce qui revient au même. Il n'y a pas 36 façons de penser ; penser, c'est considérer la mort et prendre une décision. - Autrement, je dors. Eloge du sommeil ! pas seulement le magnifique mystère de chaque nuit, mais l'imprévoyante torpeur. Mes compagnons de sommeil, c'est près de vous que j'imagine une existence satisfaisante. Nous dormirons derrière le clapotis de nos cylindres, nous dormirons les skis aux pieds, nous dormirons devant les villes fumantes, dans le sang des ports, au-dessus des déserts, nous dormirons sur les ventres de nos femmes, nous dormirons à la poursuite de la connaissance, armés de tubes de Crookes et de syllogismes, - les chercheurs de sommeil.

Quand je roule dans ma n HP, que les poètes prennent garde, qu'ils ne s'attardent pas sur les refuges des avenues, sans quoi je pourrais bien en faire quelques faits-divers ! Ce penseur dédaigne les dollars, bien sûr ! il tient dans sa main des réalités aussi immédiates, bien sûr ! En attendant, il est là, sur un trottoir, un numéro à la main, sollicitant une place dans un autobus, P. 11 et comme je passe près de lui dans ma voiture et que je souris de plaisir en l'éclaboussant, lui et quelques autres mal nourris, il murmure :

- Imbécile !

- Toi même ! je dors. Toi, dans ton bureau, tu t'irrites ou tu t'ennuies, tu penses à la mort, sale victime ! L'amour, ton intelligence ! tout de même, on se laisser aller à quelque indulgence pour ces femmes, quand on se rappelle quels rivaux elles ont donnés à leurs poètes d'amants ! Attendez un peu que je sois l'homme le plus riche du monde et vous verrez qui sera préposé aux ignobles besognes chez moi ! Taisez-vous ! Les penseurs panseront mes autos ! Riez maintenant ! Ne sentez-vous pas le mérite de mes millions ; qu'ils sont la grâce ? J'aurai enfin la première balance exacte ; je sais le prix des choses, tous les plaisirs sont tarifés. Consultez la carte. Love to be sold. Me voici assuré contre les passions ! Le consentement des gens, je m'en passe, et si les sacrifices et l'à contre-coeur le remplacent, je me frotte les mains.

Un homme qui me veut du bien, mais qui a vingt ans de plus que moi, m'offrait comme moyens d'existence, afin de ne pas m'écarter de cette vie spéculative pour quoi j'avais témoigné tant de dispositions, tu parles ! de classer des fiches dans une bibliothèque et de composer une anthologie des pensées d'un grand capitaine ou d'un monarque. D'effarement, je ne pus répondre à ce brave homme que j'espérais bien passer en Cour d'Assises avant d'en être réduit à de pareils travaux. Dieu soit loué ! il y a la Bourse, dont l'accès est libre même à nous qui ne sommes pas juifs. Il y a d'ailleurs bien d'autres façons de voler. Il est honteux de gagner de l'argent. Comment les médecins peuvent-ils ne pas rougir quand un client pose un billet sur leur table. Dès qu'un monsieur se met dans le cas d'accepter d'un autre quelque argent, il peut s'attendre à ce qu'on lui demande de baisser son pantalon. Si on ne rend pas de service bénévolement, pourquoi en rendrait-on ? Je vois bien que je volerais par délicatesse.

La petite V vient d'épouser un riche garçon ; elle l'aime. Ce n'est pas son argent qu'elle aime, elle l'aime parce qu'il est riche. La richesse est une qualité morale. Les yeux, les fourrures, la santé, les jambes, les mains, la 12 Packard, la peau, la démarche, la réputation, les perles, les parti-pris, le parfum, les dents, l'ardeur, les robes qui sortent de chez le grand couturier, les seins, la voix, l'hôtel Avenue du Bois, la fantaisie, le rang dans la société, les chevilles, les fards, la tendresse, l'adresse au tennis, le sourire, les cheveux, la soie, je ne fais pas de différence entre ces choses, et aucune d'entre elles n'est moins capable de me séduire que les autres.

P. 12 On n'a jamais vécu que de possibilités et c'était tout de même autre chose que le balcon de Juliette, ce petit cube bleu qui circulait - à des épaisseurs variables - d'un joueur à l'autre sur le tapis vert de la salle de Baccara. Un gros coup. Autour de la table, les visages fonctionnaient au ralenti, les sourires se déclanchaient avec peine, puis s'immobilisaient des doigts qui tremblaient. J'ai deviné ce qu'était le respect quand j'ai vu, au petit matin, cette femme qui emportait dans son sac plusieurs années d'insolence, rencontrer sur la route, en sortant du casino, les pêcheuses de crevettes, qui revenaient de la mer, mouillées, chargées de filets, les pieds nus.

Jeune homme pauvre, médiocre, 21 ans, mains propres, épouserait femme, 24 cylindres, santé, érotomane ou parlant l'Annamite. Ec. Jacques Rigaut, 73, bld Montparnasse, Paris VIe.

Jacques RIGAUT.

P. 13 La vie Intellectuelle

IDÉES D'UN PEINTRE

7 novembre. Derain dans son atelier. Nul besoin d'entrée en matière. Je fais l'éloge d'une toile représentant une chasse au sanglier (pour l'appartement de l'explorateur Nansen). Derain s'en montre plutôt mécontent : l'oeuvre manque de lyrisme. Il faudrait avoir intimement pénétré la vie des choses qu'on peint. La forme pour la forme ne présente aucun intérêt. Quand je parle à quelqu'un, que sais-je de la forme de ce quelqu'un ? Rien d'autre ne compte que la tension de ses sens vers moi ; elle seule me donne l'impression de la vie. Cela n'entraîne nullement à peindre l'homme et à ne pouvoir peintre un homme : les différences individuelles subsistent (le pavillon de l'oreille est d'autant plus grand chez un sujet que celui-ci entend moins bien). La peinture ne peut prétendre à une plus haute ressemblance. La forme doit renseigner sur la fonction. Rien à chercher au delà des sens. La même règle s'applique aux bêtes et aux plantes. La vie d'un arbre est un mystère qu'aucun peintre n'a réussi à percer. Presque seul Henri Rousseau peut-être s'en inquiéta : encore vit-il trop la feuille au détriment de l'ensemble. On vend dans les foires un jeu qui consiste à faire sortir un anneau d'un dédale de fil de fer. C'est le même problème que celui de la vie d'un arbre (le peintre gagnant est celui qui dégagera l'anneau) ou que celui de la vie d'une chose inanimée : qui peut passer pour avoir saisi le “ mouvement ” d'une étoffe (immobilité = mouvement absolu) ? Tout ce qui tombe sous mes sens joue un rôle pour moi ; ne pas tout rapporter à moi serait naïf ou hypocrite. Derain ne met en cause que la vie physique. La science la plus captivante est l'histoire naturelle. J'enfonce un haricot dans la terre et il en sort dix sans que j'aie recouru à un instrument : n'est-ce pas merveilleux ?

Voici une balle. En peinture on ne l'a jamais prise que pour une sphère, on n'a jamais donné d'elle qu'une représentation mathématique. Elle est douée pourtant de propriétés plus importantes : elle roule, posée sur un plan elle oscille. Elle peut aussi être élastique, rebondir. Qu'aurai-je dit de la balle quand je l'aurai faite ronde ? Il ne s'agit pas de reproduire un objet, mais la vertu de cet objet, au sens ancien du mot.

P. 14 Pour très simple qu'elle soit, une vue de cet ordre bouleverse l'univers. La psychologie, la médecine y trouveront leur compte. Les biologistes avec leur microscope rappellent les astrologues avec leur lunette. Les microbes, qu'on tient pour des animaux, font avant tout figure de forces, de même que les émanations astrales. Un jour viendra où le médecin pourra formuler son diagnostic à la seule vue du visage du malade : un boiteux a nécessairement dans le visage quelque chose qui boite. Mais une trop grande sagesse risque de compromettre la paix du monde : les anciens détenaient de ces secrets et l'on a peut-être détruit la bibliothèque d'Alexandrie pour parer à un grand danger. Nous ne peinons aujourd'hui que pour retrouver les secrets perdus.

Derain parle avec émotion de ce point blanc dont certains peintres de natures-mortes du dix-septième, flamands, hollandais, rehaussaient un vase, un fruit. Ce point, toujours mystérieusement et admirablement placé, n'a pu être aperçu par eux. Il est en effet sans rapport avec la couleur de l'objet ou l'éclat lumineux et rien ne justifie sa présence en matière de composition. (On sait que les artistes en question fréquentaient les laboratoires d'alchimie.) Cette observation est capitale. Si l'on allume une bougie dans la nuit et qu'on l'éloigne de mon oeil jusqu'à ce que je ne puisse plus distinguer que sa flamme, la forme de cette flamme et la distance qui m'en sépare m'échappent. Ce n'est plus qu'un point blanc. L'objet que je peins, l'être qui est devant moi ne vit que lorsque je fais apparaître sur lui ce point blanc. Le tout est de bien placer la bougie.

Pourquoi, dans ces conditions, ne pas signer le cadre de carton noir qui se découpe sur le mur de chaux ? Le peintre est amené à regarder son modèle à travers une série de cadres rectangulaires semblables, de dimensions et de couleurs différentes. (Le premier soin de ceux qui possédèrent des tabeaux fut de les faire encadrer.) Sans cet artifice, comment pourrait-il peindre le ciel qui s'étend de toutes parts au-dessus de lui ? Le cas de Matisse est assez édifiant : il se peint maintenant dans ses tableaux, en se plaçant par la pensée derrière lui-même. Derain n'est point tenté pour cela de signer le cadre noir. Il importe de prouver, démontrer, ce que le cadre ne fait pas. Si je le donne pour autre chose que pour l'image de ce à quoi je tends, perfection et mort il devient une figure satanique. N'oublions pas que nous sommes obligés d'en passer par la matière. Celle-ci vaut avant tout parce qu'elle nous désespère et parce que seul le désespoir n'est pas stérile. (Nous ne choisissons l'art que comme un moyen de désespérer.) C'est ce que Renoir a mieux compris que Cézanne : à quelque examen qu'on le soumette il P. 15 résiste. Derain fait de Corot un des plus grands génies du monde occidental. On n'est pas près d'épuiser le mystère de son art. Cézanne, par contre, ne tient qu'à un fil. Sa peinture flatte comme la poudre de riz. Cet homme, de qui le monde entier s'occupe, s'est peut-être complètement trompé.

Tout ce qu'ont fait les Egyptiens, les Grecs, les Italiens de la Renaissance, est. Quantité d'oeuvres modernes ne sont pas. Nous ne tenons pas assez compte de l'époque où nous vivons. A ceux qui observeront que ce ne sont pas là des idées de peintre, on répondra qu'il est impossible d'en avoir d'autres aujourd'hui. Prétend-on mettre encore la main sur un homme “ naturel ” ?

Derain n'est pas subjectiviste. Il nie qu'un ensemble de traits quelconque puisse paraître beau. Les trois courbes que voici ne m'émeuvent que parce qu'elles forment le signe zodiacal du Lion. Rien de plus prémédité. On en peut dire autant des lettres de l'alphabet. L'aspect d'une page de caractères dans un livre est extrêmement troublant : penser que cela fait agir. Derain admet que le langage (pictural ou autre) est une convention mais il croit pouvoir passer outre. Invité à se prononcer sur le projet de Picabia : rassembler une vingtaine de boules dans l'angle d'un billard puis les pousser en avant d'un seul mouvement sur le tapis, photographier le résultat obtenu et le signer, il se récuse. C'est là une opération magique plutôt qu'une oeuvre d'art. Pour se permettre de conclure, il faudrait en tout cas, une fois les boules en place, tirer pour les comparer entre eux plusieurs clichés du billard.

Derain reconnaît très volontiers que la provocation est exclue de ses dernières oeuvres. Au reste il le veut ainsi. La “ déformation ” d'autrefois avait le plus souvent sa raison d'être dans le rythme qu'un peintre est obligé d'observer. (La tête isolée du buste peut-être ronde, placée sur les épaules elle s'allonge. Par le seul contour de la tête, le peintre doit faire apparaître les yeux, la bouche sans les dessiner.) Mais Derain pensait aussi que le lyrisme exigeait que le bol fût plus grand que l'armoire, que le bâtiment d'usine tînt tout le paysage. Maintenant il croit devoir accorder à chaque objet la place convenue. Le véritable homme lyrique est celui qui ment.

André BRETON (1).

(1) Qu'André Derain me pardonne la publicité faite par surprise à des propos tout spontanés, auxquels je n'entends prêter aucun caractère définitif. une heure de conversation sans apprêt n'ayant encore engagé personne.

P. 16 SYLLOGISME COLONIAL

Personne ne peut échapper au sort

Personne ne peut échapper à DADA

Il n'y a que DADA qui puisse vous

faire échapper au sort

vous me devez 894 fr. 50

TRISTAN TZARA.

P. 17 Problèmes sociaux

VOCABULAIRE POLITIQUE

Autorité. Il n'y a plus qu'un parti dans le monde, celui de l'autorité. Chaque matin en me réveillant je sens que mes contemporains sont devenus un peu plus autoritaires. Réactionnaires, bolcheviques, démocrates, socialistes tout le monde est autoritaire.

Liberté. Jouissons de son reste.

Moyen-Age. Nous allons pouvoir dire : “ Nous autres, gens du Moyen-Age ”.

Révolution. 1°) Retour d'un astre au point d'où il est parti.

2°) Etat d'une chose qui s'enroule.

3°) Mouvement de rotation qu'une ligne décrit autour d'un axe immobile.

4°) Action des roues les unes sur les autres par le moyen des engrenages.

5°) “ La révolution fatale des temps à qui tout cède ” Massillon.

6° Figure. Changement dans les choses du monde.

7° Changement brusque et violent dans la politique et le gouvernement d'un Etat.

8°) Système d'opinions composées d'hostilité au passé et de recherche d'un nouvel avenir par opposition au système conservateur. (Littré.)

Réaction. 1°) Action opposée à une autre, résistance active à un effort quelconque. “ C'est une loi générale de la Nature que la réaction est égale et contraire à l'action. ” (Laplace).

2°) Effort qui est suscité en retour par une action.

3°) La secousse plus ou moins forte que le cheval en action fait éprouver au cavalier qui le monte.

4°) La manifestation des caractères distinctifs d'un corps, provoquée par l'action d'un autre corps.

Phénomène entre des corps agissant les uns sur les autres.

5°) L'action organique qui tend à contre-balancer l'influence de l'argent morbifique par lequel elle a été occasionnée.

Quelquefois aussi l'action par laquelle un organe irrité détermine l'activité normale ou morbide d'un autre organe.

P. 18 6°) En science sociale action contraire suscitée par une action précédente (1).

(1) Comment peuvent-ils savoir qui a commencé ?

7°) Ensemble des actes d'un parti opprimé qui devient le plus fort.

8°) Le parti conservateur considéré comme s'opposant à l'action de la révolution. (Littré).

Démocratie. Gouvernement des uns par les autres.

Aristocratie. Gouvernement des uns par les autres.

Monarchie. Gouvernement des uns par les autres.

Vue à vol d'oiseau, la France est toujours gouvernée par cinq cents personnes (Parisiens, provinciaux, étrangers ; n'oublions pas les femmes) qui s'agitent dans le Palais des Bourbons ou dans le Palais-Bourbon. De ce point de vue d'oiseau quelle différence entre la Cour et la Chambre ?

Cette comparaison dans l'espace est absurde mais moins que celle qu'on se permet habituellement dans le temps.

Dire que cinq cents courtisans tenaient la place de cinq cents parlementaires est moins brouillon que d'avancer comme font les partis que ces cinq cents courtisans valent plus ou moins que nos cinq cents parlementaires.

But de l'activité politique. Il ne s'agit pas du bonheur des hommes (du plus grand nombre possible comme on dit). Nous ne sommes pas ici pour cela, de toute évidence.

Il s'agit de réussir quelque chose qui est (semble-t-il par moments) en dehors des hommes : une société, une civilisation, un grand siècle.

La collaboration de tous est obligatoire et inévitable.

Dès lors la vie individuelle est une sphère mystérieuse, improbable où se réfracte en cassures cruelles - mais signes essentiels - la destinée de l'espèce.

Groupe. Voici venir un temps où le groupe primera. Il n'y aura plus d'individus que les chefs.

Pierre DRIEU LA ROCHELLE.

P. 19 ÉCHOS

Georges Dazet.

Nous avons appris avec le plus vif regret la mort du citoyen Georges Dazet, décédé à Tarbes, où ses obsèques ont eu lieu.

C'est un vieux militant, peu connu des générations nouvelles, qui vient de disparaître. Il avait été le compagnon d'armes de Jules Guesde et des militants du Parti ouvrier français. Eloquent et chaleureux, fort d'une culture juridique solide, il avait participé activement, il y a trente ans, à la propagande collectiviste.

Dans sa jeunesse, il avait été le plus grand ami d'Isidore Ducasse (comte de Lautréamont). On sait que le nom de Dazet, qui se rencontre souvent dans la première version du premier chant de Maldoror, a été remplacé dans la version définitive par ceux de rhinolophe, de crapaud, d'acarus sarcopte, etc. Georges Dazet est le premier délicataire des “ Poésies ” Nous sommes depuis longtemps à la recherche de ceux qui pourraient éclaircir le problème Lautréamont. G. Dazet vivait ignoré dans une retraite profonde et l'annonce de sa mort nous en a seule découvert le mystère.

Henri Mue, Pedro Zurmaran, Louis Durcour, Joseph Bleumstein, Joseph Durand, Lespès, Georges Minvielle, Alfred Sircos, Frédéric Damé sont-ils encore de ce monde ?

Une fois, dans le Nord et, croyons-nous, en 1893, Georges Dazet avait, dans la bataille électorale, porté le drapeau du Parti ouvrier.

Mais l'âge venant lui fit un jour souhaiter le repos. Il fut nommé juge de paix : il exerçait en dernier lieu sa magistrature à Monsols (Rhône). Ses dernières années ont été endeuillées par la mort de son fils, tué au cours de la guerre.

Il était l'auteur d'un certain nombre de volumes et de brochures de propagande socialiste : citons les Lois collectivistes pour l'An 19.., dédié à Jules Guesde, et un Projet de Code socialiste.

Nous ne pouvons que nous incliner avec respect devant la dépouille mortelle du militant qui s'en va.

P. 20 Dada reçoit Marinetti à l'Oeuvre. (1)

(1) Ces interruptions étaient préparées d'avance.

C'est toi Marinetti ? Continue.

Tu t'appelles Marinetti ou d'Annunzio ?

Qu'est-ce que tu as dans la main gauche ?

Va coucher avec Paul Verlaine.

Le futurisme est une imitation du Mouvement Dada.

Passez-lui l'odorigène.

L'Italie est le seul pays qui ait été battu pendant la guerre (2).

(2) L'ambassadrice d'Italie quitte la salle.

Aéroplane ? Tu veux dire saucisson.

Quel âge as-tu ?

Debout, assis.

Pourquoi t'es-tu coupé la moustache ?

Dada aura ta peau.

Les Chinois, voilà les Chinois.

Le futurisme, c'est pour les grenouilles.

Fais pas ta persienne.

Continue, ça ne nous intéresse pas.

Lâchez le chien.

Pourquoi, Marcel Prévost ?

A qui Fiume ? A Dada.

Tu as oublié de te regarder dans la glace.

Une tomate au kirsch.

Depuis, il y a eu Dada.

Dans ces cas-là on se fait soigner.

A l'Ecole Berlitz.

La Sainte-Vierge était déjà dadaïste. Tu n'es qu'un marchand de marrons.

Veux-tu parier que Dada te soulève ?

Tu hypnotises les homards.

Où est-ce, l'Italie ?

Cache ton art.

Mais taisez-vous donc. Laissez-le parler. Vous allez le rendre sympathique, etc.

Le Voleur lui=même rétablit la vérité.

On lit dans “ Alcools ” sous le titre : A la Santé, plusieurs poèmes du genre touchant. On n'a pas oublié qu'à la suite de P. 21 la découverte chez le poète d'une valise contenant des statuettes dérobées au musée du Louvre, Guillaume Apollinaire, inculpé du vol de la Joconde (septembre 1911) fut emprisonné pendant quelques jours. Dans une protestation qu'ils adressèrent aux journaux, ses collègues affirmèrent qu'ils tenaient Apollinaire pour incapable d'un tel acte d'énergie. Nous reproduisons la lettre envoyée à cette occasion à Paris-Journal par le véritable voleur. Celui-ci qui signe baron Ignace d'Ormesan, du nom qu'il porte dans “ L'Hérésiarque et Cie ” a disparu depuis cette époque et c'est un peu dans l'espoir de retrouver un homme supérieur que nous publions aujourd'hui cette lettre de rectification :

Francfort, 9 septembre.

A Monsieur Etienne Chichet,

rédacteur en chef de Paris-Journal,

MONSIEUR LE RÉDACTEUR EN CHEF,

J'apprends par un journal du soir l'arrestation de celui qui fut longtemps mon ami. J'ai hésité à vous écrire, parce qu'il n'est point dans mes habitudes de le faire en des moments critiques. Inutile d'ajouter que les quelques douzaines de lettres que la Sûreté prétend avoir été envoyées par moi à M. Apollinaire ont été dictées par elle pour les besoins de sa cause.

Mais j'ai mon sens de l'honneur, Monsieur, et je m'en voudrais de ne pas mettre les choses au point, au moment où un artiste, dont les aventures romanesques parurent arrêter un moment l'esprit curieux, se voit inquiété, au mépris de toute justice, pour des méfaits qui lui furent longtemps inconnus et qui, lorsqu'il en eut connaissance, furent cause de notre rupture. A l'époque où j'enlevai le couple phénicien, je ne connaissais pas encore M. Apollinaire. J'eus l'avantage de le rencontrer au Kursaal d'Ostende, peu avant mon départ pour la Californie et, à mon retour, le rencontrai de même, tout à fait par hasard, à Paris.

J'étais en difficultés et lui proposai moi-même de lui servir momentanément de secrétaire. C'est peu après, pendant qu'il était aux bains de mer, que la nostalgie du Louvre me reprit et que je me livrai aux voluptés d'un nouveau rapt. Connaissant ses principes, j'eus soin de le lui cacher, et ce n'est qu'au moment de la disparition de la Joconde qu'il découvrit la provenance de ma poupée favorite. “ Mon cher ami, me dit-il, et je me rappelle exactement ses paroles, mieux vaut t'en aller immédiatement. Je ne partage pas tes opinions, et je regrette de t'avoir invité chez moi, maintenant qu'il me faut bien croire P. 22 à tes crimes. ” Il me fit promettre de restituer au plus tôt la statuette phénicienne et ne me revit plus.

Voici, Monsieur le Rédacteur en chef, l'exacte vérité, et je vous affirme sur mon honneur à moi qui vaut mieux que celui de quelques collègues de mon ancien ami, que je suis sincère dans les moindres détails.

Je vous prie d'avoir la bonté d'insérer ces mots. Il est profondément regrettable, il est douloureux, qu'un homme de coeur, probe et scrupuleux comme M. Guillaume Apollinaire, puisse souffrir, même un moment, de la vie privée de quelqu'un qui ne fut pour lui qu'un “ sujet ” littéraire.

Baron Ignace D'ORMESAN.

Le menu de Fatty.

On a prétendu que Fatty, dernièrement l'hôte de Paris, était gros mangeur. Un journal royaliste a cru bon de nous indiquer qu'il absorbait entre 8 heures du matin et 10 heures du soir :

1°) 4 tasses de thé ;

3 tranches de jambon fumé ;

une boîte de sardines ;

un quart de beurre ;

une demi-livre de pain ;

de la confiture de cassis ;

du miel ;

une tablette de chocolat ;

2°) Des huîtres ;

des hors-d'oeuvre ;

une omelette ;

une langouste ;

3 côtelettes ;

des pommes de terre en robe de chambre ;

un poulet entier ;

de la salade ;

du fromage de Chester ;

de la crême mêlée à des confitures ;

des fruits ;

deux litres de bière ;

3°) 3 tasses de thé ;

un quart de pain beurré ;

une demi-douzaine de gâteaux ;

des confitures ;

P. 23 4°) Deux potages ;

des homards rôtis ;

trois truffes ;

un rôti de boeuf grillé ;

du macaroni ;

un lièvre ;

de la purée de marron ;

une salade ;

des fonds d'artichauts ;

une compote de fruits ;

du fromage de Chester ;

des fruits glacés ;

3 gâteaux ;

deux litres de bière.

Avant de s'endormir il boirait un peu de tilleul et mangerait encore un quart de pain, du beurre et du miel.

Nous pouvons affirmer que ces renseignements sont absolument faux.

On nous écrit :

MONSIEUR,

Je me permets de vous demander conseil au sujet d'une affaire personnelle. Il y a des gens qui font de l'argent, d'autres de la neurasthénie ; certains font leur possible. Il y en a qui font des enfants, d'autres qui font des poèmes. Il y a ceux qui font l'amour, ceux qui font pitié.

Depuis le temps que je cherche à faire quelque chose ! Vous seul pouvez me tirer d'embarras. Dès que vous en aurez le moyen, faites-moi signe.

Bien affectueusement, René M...

P. 24 Les Premiers et les Derniers

(résultats du tableau de tête)

1   André Breton   16,85   Henri de Régnier   - 22,90

2   Philippe Soupault   16,30   Anatole France   - 18,00

3   Charlie Chaplin   16,09   Maréchal Foch

4   Arthur Rimbaud   15,95   Stuart Mill   - 17,45

5   Paul Eluard   15,10   Romain Rollland   - 17,36

6   Isidore Ducasse   14,27   Paul Fort   - 16,54

7   Louis Aragon   14,10   Louis Pasteur   - 16,27

8   Tristan Tzara   13,30   Auguste Rodin   - 16,00

9   Alfred Jarry   13,09   Soldat inconnu   - 15,63

10   Jacques Rigaut   13,00   Voltaire   - 15,27

11   Georges Ribemont-Dessaignes   12,50   Charles Maurras   - 14,90

12   Guillaume Apollinaire   12,45   Max Linder   - 14,63

13   Arp   12,18   Henry Bernstein   - 14,36

14   Jacques Vaché   11,90   Alphonse de Lamartine   - 14,18

15   Pilules Pink (rédact. des réclames)   11,45   Alfred de Musset   - 14,09

16   Marquis de Sade   11,27   Guynemer   - 14,00

17   Jonathan Swift   11,09   Emile Zola   - 13,68

18   Duval (Bonnet rouge)   10,45   Pierre Albert-Birot   - 13,45

19   Bonnot   10,36   Marc-Aurèle   - 13,18

20   Laclos   10,00   Francis Jammes   - 13,09

Le Gérant : PHILIPPE SOUPAULT

 


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