Otto Gross : la psychanalyse, la révolution et le dadaïsme allemand

Otto Gross : la psychanalyse, la révolution et le dadaïsme allemand

Catherine Dufour

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La vie d’Otto Gross, entachée d’un parfum de scandale, lui a valu une grande fortune littéraire[1], dont témoigne encore en 2018 le roman de Marie-Laure de Cazotte, Mon nom est Otto Gross[2], quelques années après le film de Cronenberg, A Dangerous Method (2011).

Plus sérieusement, c’est en tant que « figure centrale de la modernité » que Jacques Le Rider a analysé son parcours, dans un chapitre de Modernité viennoise et crises de l’identité[3], et préfacé ses textes sous le titre Psychanalyse et Révolution (2011)[4].

Après un survol de la jeunesse de Gross et de sa dissidence psychanalytique, j’envisagerai son influence sur Raoul Hausmann, entre 1915 et 1918, et son évolution à l’heure de la révolution allemande. Ce faisant je montrerai que ses textes préfigurent les idées du freudo-marxisme et des mouvements de jeunesse des années 60-70.

Jeunesse, formation, dissidence psychanalytique

Bohême et immoralisme sexuel

Né dans une famille autrichienne très bourgeoise en 1877, Gross obtient son Doctorat de médecine à 22 ans, et s’embarque vers l’Amérique du Sud, où il commence à s’adonner aux drogues. À son retour il s’oriente vers la neurologie, la psychiatrie et la psychanalyse.

Installé à Munich à partir de 1906, il exerce dans une clinique psychiatrique jusqu’en 1913. Il fréquente la bohême intellectuelle – écrivains expressionnistes, anarchistes et philosophes imprégnés de nietzschéisme – et séjourne fréquemment dans la communauté alternative du Monte Verità[5], près d’Ascona. Sur fond de psychanalyse subversive et d’utopie féministe inspirée par les mythologies du matriarcat, il pratique une polygamie provocatrice et est mêlé à divers scandales. Il est connu des services de polices et souvent recherché, comme en 1911 dans le canton de Zurich, jusqu’à l’intervention de son père.

Hans Gross et Otto Gross, Père et Fils

Ce père, parlons-en, était un très célèbre juriste criminologue de la Monarchie des Habsbourg, personnalité rigide, pourfendeur d’immoralité, auteur en 1905 d’un ouvrage intitulé Dégénérescence et déportation (1905), qui préconisait la déportation des « dégénérés » (homosexuels, vagabonds, anarchistes, Gitans) dans de lointaines colonies. Après avoir longtemps protégé un fils dont il attendait beaucoup, mais qui avait passé les bornes de la déviance, il le fait arrêter en novembre 1913 à Berlin, interner en Autriche, et placer sous tutelle. Mais dès décembre 1913, à l’initiative de l’écrivain Franz Jung, s’engage une vaste campagne de défense du fils contre le père[6], impliquant des intellectuels éminents de l’époque, dont Apollinaire et Cendrars – qui prit peut-être le fantasque Otto Gross comme modèle de Moravagine (1926). Gross est transféré dans un asile de Silésie en janvier 1914, et libéré en juillet pour un traitement en sanatorium. Ensuite, tour à tour, il exercera ou sera hospitalisé dans des hôpitaux européens, et séjournera à Vienne, Munich, Prague, Budapest, jusqu’à sa mort à Berlin en 1920.

L’affaire Gross eut un immense retentissement et devint un symbole de l’émancipation de la jeunesse contre l’autorité paternelle. Elle mit sous les yeux des expressionnistes la réalisation concrète d’un de leurs thèmes littéraires de prédilection – le conflit père-fils[7] – qui était aussi une question fondatrice de la psychanalyse (complexe d’Œdipe, Totem et Tabou, 1913, etc.). Jacques Le Rider et Elisabeth Roudinesco ont relevé des analogies culturelles entre la paranoïa du Président Schreber[8], le célèbre cas de Freud, et la rébellion de Gross, résultant toutes deux d’une éducation paternelle répressive, par crainte des pulsions sexuelles. Au chapitre des fils dominés, on peut signaler que Gross fut en contact à Prague avec Franz Kafka, qui s’est inspiré de son histoire pour écrire le premier chapitre du Procès, l’arrestation de Joseph K[9].

Dès 1908, Gross avait soulevé plus largement le problème de la répression de la jeunesse par la famille bourgeoise, dans l’article « Violence parentale »[10], qui analysait la névrose d’une de ses jeunes patientes comme conséquence directe de l’oppression familiale, annonçant ainsi une pièce maîtresse de l’idéologie reichienne, développée dans La Révolution sexuelle (1930).

Dissidence psychanalytique

Mais en quoi consistait exactement la psychanalyse de Gross ? Ses premiers écrits (1902-1907) concilient les théories de Freud avec des approches plus organicistes. S’appuyant sur l’idée nietzschéenne de volonté de puissance, Gross croit très tôt en une adaptabilité biologique des affects aux situations de déséquilibre, et en arrive peu à peu à penser que la cause principale des névroses ce ne sont pas les complexes sexuels, en tant que tels, mais les difficultés d’adaptation aux contraintes sociales[11]. C’est ce point qui l’oppose à Freud, et
qui anticipe les débats du freudo-marxisme sur la possibilité de la psychanalyse de rendre compte de l’antagonisme individu/société.

Gross occupe une grande place dans les relations entre Freud et Jung, qui le considèrent comme un des esprits les plus brillants de son époque. Mais, dès 1907 Jung exprime dans une lettre à Freud son inquiétude devant « l’immoralisme sexuel » de Gross, jugé par l’intéressé comme un signe de bonne santé psychique, alors que lui-même considère « le refoulement sexuel » comme un « indispensable facteur culturel »[12]. C’est au même motif que Max Weber condamne Gross[13], dont le personnage est mis en scène dans de nombreux romans, de Leonhard Frank, de Franz Werfel, de Max Brod, etc., oscillant entre la fascination pour le libérateur des mœurs et la sévérité pour le psychanalyste pervers – remis en cause violemment dans Le grand Défi de Max Brod (1918).

Admis à la clinique du Burghölzli en 1908 pour une deuxième cure de désintoxication, Gross entreprend une psychanalyse avec Carl Gustav Jung – ce qui est en partie le sujet du film de Cronenberg. Mais le traitement tourne court, car le patient s’enfuit, et Jung diagnostique une « démence précoce ». Démesurément investi dans cette psychanalyse, Jung écrira à Freud avoir été en quelque sorte psychanalysé par cet homme fascinant, dont les idées de libération sexuelle avaient fortement infléchi sa relation avec sa patiente et maîtresse Sabina Spielrein[14].

Berlin 1913-1914 : affirmation de la pensée

Prémisses du freudo-marxisme

Mais cet immoralisme sexuel peut-être envisagé sous un autre angle. Au moment de la mort de Gross, retrouvé sur un trottoir de Berlin en 1920, transi de faim et de maladie, les travaux de la gauche freudienne commencent, et héritent sans doute inconsciemment de la psychanalyse subversive de Gross, alors que lui-même est vite oublié, par absence de « psychanalystes pour s’en réclamer » comme l’écrit Russell Jacoby[15]. Une conférence d’Otto Fenichel de 1920, « Des problèmes sexuels dans les mouvements de jeunesse »[16], reflète bien l’époque dans laquelle Gross a évolué. Jacoby a brossé le tableau de cette jeunesse allemande qui, confrontée entre 1915 et 1920 à la guerre et à la révolution, en révolte contre les pères autoritaires, commençait à réclamer une sexualité libre, dans la continuité de Wedekind et de son Éveil du printemps (1891), consacré à la sexualité juvénile réprimée. Les années 1920 c’est aussi le rapprochement opéré par Reich entre marxisme et psychanalyse (qui donnera Matérialisme dialectique et psychanalyse, 1929) et ses divergences avec Freud, pour avoir remis en question l’origine exclusivement intrapsychique des névroses, suite à ses observations dans le prolétariat de Vienne[17]

Publications et affirmation de la pensée

Un texte de Gross, paru en 1913, année charnière dans sa vie et sa pensée (installation à Berlin, arrestation), « Comment surmonter la crise de la civilisation ? », publié dans la revue expressionniste Die Aktion, préfigure d’entrée de jeu, et de façon éclatante, le programme de la gauche freudienne :

La psychologie de l’inconscient est la philosophie de la révolution, c’est-à-dire qu’elle est appelée à le devenir, en tant que ferment de la révolte au sein du psychisme et libération de l’individualité entravée par son propre inconscient. Elle est appelée à rendre intérieurement apte à la liberté, à servir de préliminaire à la révolution[18].    

Gross, dans cet article, comme dans la plupart de ses textes, se réclame en même temps de Nietzsche et de Freud. Il restera toujours fidèle aux grandes notions freudiennes : conflit psychique inconscient, refoulement, catharsis, abréaction, etc. Mais il se situe en même temps aux antipodes, par l’idée clé de son édifice conceptuel, sans cesse remaniée jusqu’à sa mort : le conflit entre « le propre » et « l’étranger » (« das Eigene » und « das Fremde ») ; le « propre » ce sont toutes les bonnes aspirations innées de l’enfant (l’accent est très rousseauiste !), et « l’étranger » ce sont les forces extérieures répressives[19]. Alors que Freud théorise l’existence de conflits intrapsychiques formés dans l’enfance, dont l’irrésolution mine inconsciemment la vie adulte, c’est tout le contraire chez Gross : les conflits intérieurs ne sont pas la cause de la névrose, mais le RÉSULTAT de l’oppression extérieure, de la famille, de l’éducation, de la morale sexuelle ; et s’il faut les mettre à jour, c’est pour les légitimer et en extraire la puissance révolutionnaire. Le facteur sexuel n’est pas déterminant dans l’origine de ces conflits : la sexualité n’est que le terrain privilégié sur lequel ils s’exercent, selon des configurations multiples, que Gross ne cessera d’approfondir.

Dans ce combat contre les forces répressives, les faibles sont ceux qui s’adaptent ou se soumettent, tandis que les personnalités fortes sont les rebelles, les marginaux, les « déséquilibrés ». Le concept de « volonté de puissance » est ici parfaitement approprié. Et on comprend pourquoi en 1909 dans le dernier chapitre de son ouvrage, Des Infériorités psychopathologiques, qui prenait le contrepied de celui de son père sur la dégénérescence, Gross a pu écrire : « Les dégénérés sont le sel de la terre ! »[20].

La révolution doit donc se faire contre toutes les formes d’autorité, qui briment la sexualité, fondent le patriarcat et asservissent l’individu. Et si aucune des révolutions antérieures n’a réussi, c’est parce que « le révolutionnaire d’hier portait en lui-même l’autorité »[21], car il n’en avait pas pris conscience (par la psychanalyse). Le révolutionnaire d’aujourd’hui doit lutter « contre le viol », « contre le père et contre le droit patriarcal ». Mais aussi contre le mariage, institution de la paysannerie, qui asservit les femmes. Le dernier paragraphe proclame : « La prochaine révolution sera celle du droit matriarcal. »

On comprend bien que de telles théories entraînent une pratique différente de la cure : Jung n’avait-il pas écrit à Freud en 1907 que Gross se débarrassait du transfert en invitant ses patients à vivre leur immoralisme sexuel, et qu’il considérait d’ailleurs le transfert comme un symptôme de monogamie[22] ?

L’article paru dans Die Aktion pose les bases d’une révolution culturelle. Il met l’accent sur l’autoritarisme, et sur son intériorisation par l’individu, question qui devait interpeller la gauche freudienne, notamment Reich dans Psychologie de masse du fascisme (1933). On sait que l’École de Francfort a consacré de nombreuses études à l’autorité de la famille (Fromm, Horkheimer) et à la personnalité autoritaire (Adorno), dont l’influence sera dominante dans des mouvements de jeunesse comme Mai 68.

Dans « Les effets de la collectivité sur l’individu »[23], un article de cette même année 1913, qui désigne explicitement Freud comme le continuateur de Nietzsche sur la question de « l’effet pathogène des affects refoulés », Gross, ancêtre des études de genre, ajoute que le conflit intérieur est déterminé par des représentations sociales, qui aliènent surtout les femmes. Leur hystérie ou leur masochisme sont causés par les représentations dominantes de la culture, en désaccord avec leurs désirs profonds. L’homme quant à lui se débat avec des conflits intérieurs provoqués par des pulsions agressives socialement induites. L’article intitulé « À propos d’une nouvelle éthique »[24] franchit une étape en énonçant la bisexualité fondamentale de l’individu. L’homosexualité peut se vivre avec bonheur quand elle n’est pas pervertie par des ramifications névrotiques du conflit intérieur.   

« La Symbolique de la destruction »[25], paru en 1914, à l’heure où commence la grande œuvre de Destruction européenne, ajoute au corpus freudien les théories d’Alfred Adler, de Wilhelm Stekel et I. Marcinowski sur le rôle des valeurs religieuses et sociales dans le développement de l’individu, et surtout de Sabina Spielrein, qui a émis l’idée novatrice d’une pulsion primaire destructive (La Destruction comme source du devenir, 1912). Gross déduit de ses observations de patients que la relation sexuelle est vécue comme viol par la femme, auquel elle oppose un refus « éthique ». Le conflit du « propre » et de « l’étranger » se greffe fréquemment sur une représentation inconsciente de la sexualité comme destruction, viol, et de la naissance comme blessure. L’individu est souvent aux prises avec un sadomasochisme interne qui conduit à des relations destructrices avec les autres. Corollairement, ces pulsions s’associent à une représentation sociale du masculin comme supériorité (Adler). La domination de la femme a été le plus grand traumatisme de l’histoire de l’humanité, confirmé par les découvertes de l’anthropologie (Caspar Schmidt). Le matriarcat de l’âge d’or permettait aux femmes d’assurer la maternité sans la contrepartie destructrice que le patriarcat avait imposée : la reconnaissance des enfants par des hommes qui, en échange, avaient droit de viol et de propriété sur elles. Dans le matriarcat communiste, la collectivité veillerait à la protection économique de la femme, désormais sexuellement libre, et lui faciliterait le soin sacré des enfants.

Gross avait été influencé, dès Munich, par un ouvrage qui eut un immense retentissement, Le Droit maternel (1861) de Johann Jakob Bachofen – commenté par Engels dans L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État (1884) – qui prétendait qu’un « matriarcat édénique » avait été renversé dans des temps très anciens par un patriarcat violent

Gross, Hausmann et Dada : 1915-1918

Gross et Hausmann : Influences communes

Il convient de s’arrêter maintenant sur les années 1915-1918, celles de la jonction à Berlin de Gross avec Hausmann et le dadaïsme berlinois, par l’intermédiaire de Franz Jung. Hausmann et Gross, qui ne se sont sans doute jamais rencontrés, évoluaient sur un même terreau intellectuel. À commencer par cet anarchisme qui s’était développé avant la guerre dans les milieux de la bohême, et dont la caractéristique était en Allemagne, du temps d’Hausmann, son orientation individualiste[26]. La rencontre de Gross avec Éric Mühsam en 1905 avait scellé un lien historique entre psychanalyse et anarchisme[27].

Gross et Hausmann ont tous deux privilégié la question de l’individu, du moi, cette obsession de la crise moderne longuement développée par Jacques Le Rider dans son étude sur la modernité viennoise[28]. Parmi leurs philosophes de référence, il y avait Nietzsche et Stirner. Le conflit entre « le propre et l’étranger » (« das Eigene und das Fremde »), théorisé par Gross, évoque irrésistiblement L’Unique et sa propriété (Der Einzige und sein Eigentum, 1844) de l’anarchiste Max Stirner, adepte d’un individualisme radical. Hausmann participera d’ailleurs en 1919 à la revue Der Einzige (L’Unique), d’inspiration stirnérienne. Hubert van den Berg fait remarquer que l’anarchisme individualiste stirnérien a pu être considéré à juste titre comme un modèle majeur pour Dada[29], ce que semble confirmer en 1919 la dernière phrase, en lettres capitales, du « Pamphlet contre le point de vue de Weimar »[30]… paru précisément dans Der Einzige :

DADA EST POUR LA VIE PROPRE DE CHACUN !!!.

Nietzsche était aussi une source essentielle commune, qui a orienté Hausmann vers l’introspection[31], hantise de sa jeunesse en quête de dionysisme, d’irrationalité, de primitivisme, d’émotions, contre la rationalité sociale. Chez Gross, Nietzsche, on l’a vu, prenait la forme d’une croyance en une force vitale souveraine.    

Les origines psychanalytiques de Dada à Berlin

C’est la psychanalyse qui, à Berlin, fait le lien entre Gross et Hausmann. Dans Courrier Dada[32] en 1958, Hausmann reprochait à Georges Hugnet (L’Aventure Dada, 1957) d’avoir envisagé le dadaïsme berlinois comme vecteur de la propagande communiste exclusivement, sans en avoir compris la dimension psychanalytique. Ce point est essentiel : souvent on différencie le dadaïsme berlinois des autres dadaïsmes, de Zurich, Cologne, Hanovre ou Paris, par sa connotation politique liée au contexte particulier des années 1918-1920 en Allemagne. Or, ce qui fait sa grande différence, c’est qu’il y a eu aussi une préoccupation psychanalytique à Berlin, qui à Zurich existait très peu, à quelques exceptions près, comme la mise en scène parodique de la brouille entre Freud et Jung par Sophie Taueber dans Le Roi-Cerf. L’intérêt pour la psychanalyse a été faible dans l’ensemble du mouvement dada, ce qu’a montré Anne-Élisabeth Halpern dans « Jung, Gross et Jung : trois inconscients pour un Dada »[33]. Tzara lui-même n’avait-il pas déclaré dans son Manifeste Dada 1918 que la psychanalyse était une « maladie dangereuse », qui « [endormait) les penchants anti-réels de l’homme et [systématisait) la bourgeoisie »[34] ?.

Hausmann explique dans Courrier Dada que la réception de la psychanalyse de Gross avait été facilitée par un intérêt ancien de la culture allemande pour l’inconscient, chez des écrivains et des théoriciens de la psychologie systématiquement passés en revue. Rien d’étonnant, conclut-il, qu’un cercle se soit formé autour de Franz Jung, de Gross, et d’une psychanalyse qui devançait Freud et Carl Gustav Jung[35]. Mais qui devançait aussi, ajoutait-il, le Dada parisien (le surréalisme), influencé par les romantiques allemands et l’inconscient freudien, ce qui était vrai chez Breton ou dans Grains et issues de Tzara. Il était reconnaissant à Otto Gross d’avoir « dévoilé le conflit du moi et du toi, de l’en-soi propre et de l’autrui ; de l’étrange», tandis que lui-même condamnait « l’attitude “’masculine-protestante”’ » au nom de « la protestation amazonienne de la femme contre le héros ou complexe de Clytemnestre »[36] ; autrement dit, il condamnait le masculin au profit du matriarcat.

Rôle joué par Die Freie Strasse (La Route libre)

Les idées de Gross ont été diffusées dans une petite revue, Die Freie Strasse (1915-1918), expressionniste à l’origine, mais devenue dadaïste, conçue par Franz Jung, activiste révolutionnaire qui en appelait dans les premiers numéros à la « destruction de la société par tout moyen approprié »[37]. Cette revue eut 10 numéros de 1915 à 1918, qui prétendaient, en s’appuyant sur la « nouvelle psychologie destructive », « inaugurer une nouvelle technique de vie et de bonheur »[38] :

Les textes de notre revue étaient écrits dans le but de libérer nos propres énergies inconscientes, de puiser à leur source, et d’encourager des inconnus dans le public[39].

L’étroite imbrication de la gauche radicale, de la psychanalyse de Gross et de la naissance de Dada – George Grosz, John Heartfield et Richard Huelsenbeck se joignent à la revue en 1917 – y est flagrante : les théories de Gross (représentées notamment par la publication du texte « Vom Konflit des Eigenem und Fremden »[40] dans le n° 4 de 1916) ou de Franz Jung (« De la nécessité de la contradiction » dans le n° 6 de 1917) sont développées à longueur d’articles. Les gravures de Georg Schrimpf, des personnages féminins tout en douceur, incarneraient, d’après Patrick Lhot, le bonheur du matriarcat, une aspiration essentielle de la revue[41]. Quant au n° 7/8, Club Dada, dirigé par Huelsenbeck, il est entièrement consacré à Dada, et, à partir de ce moment, la revue devient un organe programmatique, remarquable par sa mise en page et sa typographie. Mais dans le n° 9 de 1918 (« Contre le propriété ») figure encore un article de Hausmann imprégné de l’esprit initial de la Freie Strasse : son titre, « Menschen leben erleben » (« Les hommes vivent voient »), contient la notion clé (« erleben » : expérimenter) d’une revue en quête d’authenticité existentielle et de conformité avec les désirs profonds de l’individu. Hausmann aurait même fait de cette notion, si l’on en croit Hubert van den Berg, « la quintessence de Dada »[42].

La psychanalyse de Gross avait donc été mise sciemment au service du travail de sape de Dada. Huelsenbeck, rentré de Zurich où il avait cofondé le cabaret Voltaire, avait eu l’idée géniale de coller le mot Dada sur une activité « protodada » (le terme est d’Hausmann[43]) spécifiquement berlinoise[44]. Die Frei Strasse avait propagé un état d’esprit qui rendait « [ apte ] à comprendre instantanément l’importance du Mouvement Dada de Zurich »[45].

Les performances subversives menées par Hausmann et Johannes Baader engageaient les idées de Gross « sur un plan plus étendu, en inquiétant le militarisme allemand », par une expérience de soi, au cœur du réel politique :

 Nous nous efforcions de mettre nos convictions en pratique, dédaignant toute théorie vaniteuse, payant toujours nos découvertes par l’enjeu de notre personne intégrale. Nous nous laissions aller à des débordements mentaux dans une ambiance d’aventure recherchée.

Cette déclaration n’a-t-elle pas un goût de situationnisme avant la lettre ? Des affinités particulières devaient se nouer plus tard entre Guy Debord et Raoul Hausmann[46]

Transposition de la psychanalyse de Gross dans le domaine esthétique et performatif

Si l’on en croit P. Lhot, la théorie du conflit psychique selon Gross se serait transposée dans le domaine esthétique, en croisant une autre notion, « l’indifférence créatrice » du philosophe Salomo Friedländer[47], « point d’indifférence absolue »[48] et d’énergie extrême qui, annulant les polarités contraires, était un levier pour la création. On pense bien sûr à Tzara et à son Manifeste Dada 1918 (« entrelacement des contraires et de toutes les contradictions ») ou à sa « Conférence sur dada » en 1922, qui définit Dada comme « indifférence » quasi taoïste (allusion au Tchouang Tseu)[49]. Le concept d’« indifférence créatrice », très nietzschéen, est merveilleusement bien résumé par Hausmann dans plusieurs textes de l’après Dada, à une époque où il cite de façon récurrente Gross et Friedländer :

 [DADA] désigne la Concrétisation de l’Essence Oppositoire des Phénomènes. […]  

Personne n’était jamais Dada autre que par un renversement volontaire de tout son Être, qui n’en était pas UN, mais par d’innombrables facettes du RIEN-NÉANT.

[DADA sortait] de toutes les attitudes possibles de l’imagerie de l’Indifférence créatrice. […]

Dada est l’antagoniste du Moi-Propre[50].

Les polarités opposées, tangibles dans le domaine phonétique et plastique, étaient mises en œuvre dans les fameuses soirées dada par une projection de l’inconscient vers l’extérieur[51], pour lui donner forme et s’en libérer, ce qui est attesté par plusieurs articles de la Frei Strasse. Chez Hausmann ce conflit de soi à soi, dédoublé par le conflit avec le public, dans une extrême tension parfois, était vital et contribuait à « l’invention d’espaces et de situations construits »[52]. Comment ne pas penser encore aux situationnistes?

Quand Carl Einstein vient concurrencer l’apport de Gross et de F. Jung

On pourrait conclure ce chapitre berlinois par une nuance que suggère un chapitre récent de Maria Stavrinaki[53], quant à l’influence de Gross sur Hausmann : celle-ci prétend qu’à partir de 1917, Hausmann, influencé par la sensibilité anthropologique de Carl Einstein, se serait éloigné de celle, psychologique, de Gross et Jung, et de la problématique du « propre » et de « l’étranger », par trop expressionniste, car fondée sur un rapport d’extériorité du sujet avec le monde. Avec l’émergence de Dada c’était un autre rapport du sujet et de la réalité qui s’imposait, incarné par les montages dadaïstes, qui tentaient, en une sorte d’anthropophagie totémique, de s’incorporer le monde ennemi, la machine, pour en exorciser les maléfices. Le monde extérieur n’était plus l’étranger dont il fallait se débarrasser pour que le moi survive. Dans Cinéma Synthétique de la peinture (1918), Hausmann a cette belle formule : « l’homme est simultané : monstre de son propre et de son étranger »[54]. Parallèlement se seraient estompées l’indifférence créatrice de Salomo Friedländer et l’idée d’un centre créateur, Hausmann assumant désormais l’hétérogénéité absolue des choses. À discuter…

Hausmann et Gross : les années 1919-1920, évolution politique et synthèse des grandes idées

En 1919-20, Gross et Hausmann se radicalisent politiquement au contact de l’ambiance révolutionnaire. Tous deux publient en particulier dans la revue Die Erde (La Terre). Hausmann délaisse peu à peu l’anarchisme individualiste de Stirner, y compris dans Der Einzige, en faveur de l’anarchisme communiste et d’un dépassement, sur le nouveau modèle de Gross, du petit moi vers le collectivisme[55].

Gross : les publications de 1919-1920

Du côté de Gross, les intentions sont claires, comme on peut le constater dans l’annonce placée en exergue d’un de ses articles, « La formation intellectuelle du révolutionnaire »[56] (1919) :

L’auteur de cet article envisagerait d’organiser à l’École communautaire supérieure de la culture prolétarienne des cours de « psychologie de la révolution », avec une introduction à la psychologie de l’inconscient (psychologie psychanalytique).

L’articulation psychanalyse/politique est donc toujours au cœur du propos, comme le prouvent plusieurs développements sur la pédagogie révolutionnaire, inconcevable sans l’écoute du conflit intérieur, et cela malgré l’intérêt pour les nouvelles approches liées aux conceptions russes de la technique et du travail, comme on peut le constater dans « Travaux préliminaires : de l’enseignement » (1920)[57]. L’article « Révolte et morale dans l’inconscient » (1920)[58] rappelle que l’accès à l’inconscient et la reconnaissance de l’instinct d’« entraide mutuelle » mis en évidence par Kropotkine, sont les préliminaires indispensables à la révolution, et approfondit la critique du monde paysan comme organisation économique justifiant le patriarcat et l’oppression de la femme, alors que la vie urbaine met fin à l’idéologie de la terre, et laisse place à un immoralisme bienfaisant. Nietzsche, Freud, Adler, Stekel, Paul Federn et sa Société sans pères (« Travaux préliminaires : de l’enseignement ») côtoient Lounatcharski (« La formation intellectuelle du révolutionnaire ») ou Fourier (« De la reconstitution de l’homme véridique »[59], un des derniers textes de Gross). Trois essais sur le conflit intérieur[60] publié également en 1920, l’année de la mort de Gross, est une synthèse très achevée de sa pensée, qui développe les configurations sexuelles multiples résultant des interactions du conflit intérieur entre le moi et l’autre avec les pulsions homosexuelles et hétérosexuelles, sadiques et masochistes, et les représentations sociales, sous forme de paires d’opposés entrecroisées. Un chapitre étudie « l’hospitalisme » en temps de guerre, et lui permet de réaffirmer la solitude infantile et le besoin vital de la mère.

Le matriarcat selon Gross et Hausmann

Un autre article de cette période, « La Conception fondamentalement communiste de la symbolique du paradis » en 1919[61], justifie que l’on s’y arrête, car il précise de façon significative les idées de Gross sur le matriarcat : la Genèse biblique y est identifiée au paradis perdu du matriarcat, et le péché originel à l’instauration du patriarcat et à l’apparition de la honte sexuelle. Une note précise que c’est le judaïsme qui a scellé le patriarcat, contaminé l’hellénisme, le christianisme et l’islam, et triomphé du culte féministe et orgiaque d’Astarté, cette figure connue du groupe de la Frei Strasse[62], aux avatars multiples : Salammbô, Salomé, ou encore Artémis d’Éphèse dans un texte de Freud (Grande est la Diane des Éphésiens, 1912) qui, selon Jacques Le Rider[63], témoigne de la crise d’une modernité prise en étau entre le matriarcat et le patriarcat. On pourrait dire aussi : entre le féminisme de Gross et l’antiféminisme pathologique d’Otto Weininger – antithèse absolue de Gross – dont les thèses avaient été développées dans Sexe et Caractère (1903).

Jacques Le Rider souligne à juste titre le fait que Gross, contrairement par exemple à Richard Beer-Hofmann[64], a gommé toute idée phallique et mortifère de la Loi de la Mère, au bénéfice d’une Astarté de style préraphaélite. Je renvoie à ses magistrales analyses sur Le Château de Kafka, œuvre qui entrecroise métaphoriquement le féminisme matriarcal d’Otto Gross et l’antiféminisme d’Otto Weininger[65].

Sous la plume d’Hausmann, Astarté, on l’a vu, ce sont les « amazones » et « Clytemnestre ». Ses articles de 1919 dans Die Erde plaident tous la cause du matriarcat – étape indispensable de la Révolution – et de la libération sexuelle. À titre d’exemples : « La notion de possession dans la famille et le droit à son propre corps », en 1919, fait apparaître le politique et les questions de genre comme consubstantielles, tandis que « Pour la suppression du type féminin bourgeois », la même année, prend parti pour Otto Gross contre Otto Weininger, dont Hausmann récuse la dichotomie mère/prostituée[66]

Comme l’a montré Cécile Bargues, ces théories, influencées par Gross, hanteront Hausmann bien longtemps après Dada. Ibiza sera à ses yeux « la terre d’Astarté »[67], dont il découvrira un des sanctuaires. Dans les années 50, il taxe la théorie œdipienne de « complexe policier » et s’en prend aux institutions officielles de la psychanalyse comme émanations de la puissance patriarcale[68]

Conclusion

L’importance première de Gross est d’avoir opéré le lien entre la psychanalyse, les expressionnistes, les anarchistes, les dadaïstes, c’est-à-dire trois courants essentiels du début du 20ème siècle.

Sa psychanalyse dissidente a nourri le dadaïsme berlinois, en compagnie de Franz Jung et Raoul Hausmann, préparés comme lui à cette approche par leur fréquentation des pensées de la révolte issues des courants individualistes, de l’anarchisme, de Nietzsche, des hypothèses d’anthropologues sensibles à un féminisme en gestation.

L’articulation psychopolitique qui découlait de cette psychanalyse dissidente a préfiguré la gauche freudienne, en contradiction avec un Freud devenu pessimiste sur la question du changement social, une fois oubliés les élans démocratiques du discours de Budapest en 1918[69]. Pour Gross au contraire, la psychanalyse était au service de la révolution. Mais sa révolution, plus culturelle que strictement politique n’était pas celle d’un parti. Quand Gross parle de communisme, il s’agit d’une utopie. La question de l’articulation entre le désir et la lutte des classes ne se pose pas directement chez lui, contrairement à Reich par exemple. Sa révolution vise d’abord une sexualité libre et un autre mode de relation à l’autre, qui permettent d’en finir avec la solitude et le sadomasochisme, et libèrent la femme dans une société qui ne monnaierait plus le service maternel contre le viol patriarcal.

Reich, dans L’irruption de la morale sexuelle (1932) écrit que « le matriarcat se signale par une grande liberté sexuelle et la démocratie du travail »[70]. Toutes les idées freudiennes concernant la horde primitive y sont combattues[71]. Erich Fromm pour sa part célèbre le matriarcat « comme fondement du principe de liberté et d’égalité universelle, de la paix et de l’amour entre les hommes »[72]. Le chapitre « Passages des religions patriarcales aux religions matriarcales » de son Art d’aimer (1956) se réfère aux idées de Bachofen[73].

Mais plus personne aujourd’hui ne crédite historiquement les idées du Droit maternel, dont seul Michel Onfray, dans ses Freudiens hérétiques (2013), essai consacré en partie à Gross[74], omet de souligner la dimension fantasmatique[75].

Ce mythe du matriarcat, dont ont profité aussi bien le dadaïsme berlinois que le nazisme, et dont s’inspirent encore aujourd’hui certains mouvements féministes en Allemagne[76], a été définitivement remis en question, entre autres par l’anthropologue Christophe Darmangeat en 2012, dans Le communisme primitif n’est plus ce qu’il était. Aux origines de l’oppression des femmes[77]. Ce qui n’empêche pas Emmanuel Todd, dans L’Origine des systèmes familiaux (2011), de qualifier la croyance au matriarcat d’« une des plus belles erreurs des sciences humaines »… qui a bien servi la cause féministe ![78].

Gross enfin est entré en contradiction avec l’idée de sublimation énoncée par Freud dès 1908 dans « La morale sexuelle civilisée et la maladie nerveuse de notre temps »[79], bien avant Le Malaise dans la culture (1929). La question du rapport entre « principe de plaisir » et « principe de réalité », et celle de la sublimation par la culture, ont été au cœur de la gauche freudienne, jusqu’en Mai 68 ou à L’anti-Œdipe (1972), pour qui la production sociale, dans certaines conditions, coïncidait avec la production désirante. Fénichel, comme Freud, s’est éloigné d’un rousseauisme qui sous-estimait la nature complexe du désir ; la psychanalyse « culturaliste » de Fromm pensait un psychisme capable de pactiser avec une autorité rationnelle ; mais la plus subtile synthèse est sans doute celle de Marcuse (Éros et civilisation, 1955) qui, tout en reconnaissant la nécessité civilisatrice malgré sa dimension répressive, a imaginé un principe de plaisir (Éros) capable de subvertir le principe de réalité, c’est-à-dire l’ordre mortifère (Thanatos).

On peut reprocher à Gross, comme le fait Jacques Le Rider[80], qui souligne sa vocation à l’autodestruction, que son désir de révolution n’ait pu dépasser les expériences transgressives de Munich, Ascona ou Berlin, insuffisantes pour assurer une légitimité révolutionnaire, et qu’il se soit contenté d’un rêve de paradis primitif, sans suggestion concrète pour surmonter le clivage entre réalité et utopie.

Oui les idées de Gross sont des rêves, parfois chaotiques, plus que des propositions rationnelles.

Au moins ont-elles permis, à Berlin, de nourrir ce bébé assoiffé d’Être… qui s’appelait Dada !


[1] Jacques Le Rider dresse la liste des œuvres littéraires du XXe siècle qui, de façon plus ou moins cryptée, ont pris pour thème la vie et les idées de ce personnage hors du commun, in Otto Gross, Psychanalyse et Révolution (cf. note 4), p.74-80.

[2] Marie-Laure de Cazotte, Mon nom est Otto Gross, Albin Michel, 2018, 352 p.

[3] Jacques Le Rider, « Loi de la mère/Loi du père. Autour d’Otto Gross », Modernité viennoise et crises de l’identité, PUF, 1re édition, 1990, p. 152-176, 2ème édition revue et augmentée, PUF, 1994, réédition en poche Quadrige, 2000.   

[4] Otto Gross, Psychanalyse et Révolution, Éditions du Sandre, 2011, préface de Jacques Le Rider, traduit de l’allemand par Jeanne Étoré, 226 p. Cet ouvrage est une réédition augmentée, par le même auteur, de : Otto Gross, Révolution sur le divan, Éditions Solin, 1988, 150 p.

[5] La colline de Monte Verità a été le berceau de diverses communautés utopiques réunissant intellectuels et artistes notoires du début du 20e siècle, communistes et anarchistes en rupture de ban ou fugitifs, jeunes bourgeois révoltés, immoralistes sexuels, théosophes, naturistes, végétariens, adeptes des cultes orientaux ou des chorégraphies révolutionnaires comme celle du Hongrois Rudolf Lábán, dadaïstes, dont Hugo Ball fondateur du Cabaret Voltaire à Zurich, etc.

[6] Le détail de ces événements a été relaté par Jacques Le Rider, in Otto Gross, Psychanalyse et Révolution, op. cit., p. 56-62, et rapporté avec éclat dans les mémoires de F. Jung, Le Chemin vers le bas. Considérations d’un révolutionnaire allemand sur une grande époque (1900-1950), Agone, 2007 ; cet ouvrage est la réédition du Scarabée-torpille : considérations sur une grande époque, Ludd, 1993.

 

[7] Voir à ce sujet les commentaires de Lionel Richard, D’une apocalypse à l’autre, Somogy – Éditions d’art, 1998, p. 35-36.

[8] Cf. Jacques Le Rider, « ’Histoires de familles : les Gross et les Schreber »’, in Modernité viennoise et crises de l’identité, op. cit., p. 165-167 ; et Elisabeth Roudinesco, « Disciples et dissidents », Sigmund Freud en son temps et dans le nôtre, p.184-185.

[9] Pour des détails sur les relations entre Gross et Kafka, cf. Jacques Le Rider, Otto Gross, Psychanalyse et Révolution, op. cit., p. 78-80.

[10] Otto Gross, « Violence parentale », Psychanalyse et Révolution, op. cit., p. 89-93 ; première publication dans la revue Die Zukunft, Berlin, vol. 65, 1908.

[11] Tous ces aspects sont développés dans la préface de Jacques Le Rider, in Otto Gross, Psychanalyse et Révolution, op. cit., p. 18-20.

[12] Lettre de Jung à Freud, du 25 septembre 1907, citée par Jacques Le Rider, Ibid., p. 23.

[13] Voir les extraits commentés par Jacques Le Rider d’une lettre de Max Weber à Else Jaffé du 13 septembre 1907, accablante pour Otto Gross, in Psychanalyse et Révolution, op. cit. p. 83-86.

[14] Lettres de Jung à Freud du 19 juin 1908 et du 4 juin 1909, citées par Jacques Le Rider, Ibid., p. 39 et 41-42.

[15] Russel Jacoby, « L’éveil du printemps : les analystes en rebelles », p. 58, in Otto Fenichel : destins de la gauche freudienne, trad. P.-E. Dauzat, Paris, PUF, 1986, p. 49-75 ; sur Otto Gross, p. 52 et sq.

[16] Fenichel prononce cette conférence pour obtenir son admission à la Société psychanalytique de Vienne en 1920.

[17] Voir Jean-Michel Palmier, « ’L’étiologie des névroses et la misère »’, in Wilhelm Reich. Essai sur la naissance du Freudo-marxisme, Poche 10/18, 1969, p.56-64.

[18] Otto Gross, Psychanalyse et Révolution, op. cit., p. 95-104 ; Die Aktion, vol 3, 2 avril 1913.

[19] Cf. Patrick Lhot, « Otto Gross (1877-1920) et la théorie du “’Conflit du Propre et de l’Étranger”’ », L’indifférence créatrice de Raoul Hausmann. Aux sources du dadaïsme, Presses Universitaires de Provence, 2013, p. 79-94.

[20] Otto Gross, Psychanalyse et Révolution, op. cit., p. 175-181 ; l’ouvrage avait paru à Vienne et Leipzig, Éditions Braumüller, 1909.

[21] Cette citation et les suivantes sont issues de « Comment surmonter la crise culturelle ? », art. cit.

[22] Lettre de Jung à Freud, du 25 septembre 1907, cf. note 12.

[23] Otto Gross, Psychanalyse et Révolution, op. cit., p. 99-104 ; Die Aktion, vol. 3, 22 novembre 1913.

[24] Ibid., 107-109 ; Die Aktion, vol.3, 6 décembre 1913.

[25] Ibid., p. 115-128 ; revue Zentralblatt für Psychoanalyse und Psychotherapie, vol. 4, Wiesbaden, 1914.

[26] Pour une étude détaillée de l’évolution idéologique de Raoul Hausmann, cf. Hubert van den Berg et Lidia Głuchowska, « Raoul Hausmann, un anarchiste ? Quelques réflexions sur les opinions politiques d’Hausmann pendant la République de Weimar », in Raoul Hausmann et les avant-gardes – Timothy Benson, Hanne Bergius, Ina Blom (ÉDS.), Les presses du réel, 2014, p. 69-112.

[27] Cf. Guillaume Paoli, « Landauer, Gross, Mühsam : histoires de famille », À contretemps, n° 48, mai 2014.

[28] Jacques Le Rider, « Individualisme, solitude, identité en crise », Modernité viennoise et crises de l’identité, op. cit., p. 39-56.

[29] Hubert van den Berg et Lidia Głuchowska, « Raoul Hausmann, un anarchiste ? Quelques réflexions sur les opinions politiques d’Hausmann pendant la République de Weimar », art. cit., p. 77.

[30] Publié dans Raoul Hausmann, Courrier Dada (1958), Éditions Allia, 2004, Nouvelle édition augmentée, établie et annotée par Marc Dachy, 2004, p. 33-35 ; Der Einzige, Berlin, n° 14, 20 avril 2019.

[31] Pour un tour d’horizon des influences essentielles de Raoul Hausmann jeune, cf. Eva Züchner, « Aux sources de la révolte », in cat. Raoul Hausmann 1886-1991, sous la direction de Bernard Ceysson, Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne, 1994.

[32] Raoul Hausmann, Courrier Dada, Éditions Allia, 2004, préfacé par Marc Dachy.

[33] Cf. Hypnos, Esthétique, littérature et inconscients en Europe (1900-1968), Éditions L’improviste, 2009, p. 213-225 ; voir aussi l’article d’Henri Béhar, « Dada est un microbe vierge, la psychanalyse une maladie dangereuse », p. 191-212.

[34] Tristan Tzara, Manifeste Dada 1918, Œuvres complètes 1, Édition établie par H. Béhar, Paris, Flammarion, 1975, p. 364.

[35] Raoul Hausmann, Courrier Dada, op. cit., p. 55-56.

[36] Ibid., p. 31.

[37] Voir l’intéressant témoignage de Franz Jung sur la Frei Strasse dans une lettre de 1960 publiée par Georges Hugnet, Dictionnaire du Dadaïsme, Éditions Jean-Claude Simoën, 1976, p. 157-160.

[38] Raoul Hausmann, Courrier Dada, op. cit., p. 31.

[39] Ibid., p. 27.

[40] Texte publié en ligne : https://anarchistischebibliothek.org/…/otto-gross-vom-konflikt-des – …

[41] Patrick Lhot, au fil d’une étude détaillée de la revue Die Frei Strasse, de ses numéros et de ses articles, décrit ces gravures sur bois dans le chapitre « Raoul Hausmann et Franz Jung : le cercle de la Freie Strasse », L’indifférence créatrice de Raoul Hausmann. Aux sources du dadaïsme, op. cit., p. 105.

[42] Voir les analyses de Hubert van den Berg, « Raoul Hausmann, un anarchiste ? », art. cit., p. 81.

[43] Raoul Hausmann, Courrier Dada, op. cit., p. 26.

[44] Cf. Patrick Lhot, « L’anti-expressionnisme de Dada-Berlin. Le rôle de Richard Huelsenbeck », L’indifférence créatrice de Raoul Hausmann. Aux sources du dadaïsme, op. cit., p. 114-138.

[45] Raoul Hausmann, « Club Dada Berlin 1918-1921 », 1966, Courrier Dada, op. cit., p. 164.

[46] Voir la correspondance Guy Debord/Raoul Hausmann, in Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 – décembre 1964, Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001.

[47] Salomo Friedländer, Schöpferische Indifferenz, Munich, Éditions Müller, 1918 (1re édition). Sur l’influence de ce philosophe, voir Patrick Lhot, L’Indifférence créatrice de Raoul Hausmann. Aux sources du dadaïsme, op. cit., p. 77-78, et Patrick Lhot, « De l’expression à la performance », in Raoul Hausmann Dadasophe – De Berlin à Limoges, sous la direction d’Annabelle Ténèze, Musée départemental d’Art contemporain de Rochechouart, Dilecta, 2017, p. 37-41 ; voir aussi, sur Hausmann et Friedländer, Hubert van den Berg, « Raoul Hausmann, un anarchiste » ?, art. cit., p. 79-80.

[48] Cf. Laurent Margentin, « Dada ou la boussole folle de l’anarchisme », Lignes, 2005/1 (n° 16), p. 148-159 : https://www.cairn.info/revue-lignes-2005-1-page-148.htm, p. 10.

[49] Tristan Tzara, Manifeste Dada 1918, in Œuvres complètes 1, op. cit., p. 367, et Conférence sur Dada, ibid., p. 420 et 422.

[50] « Voilà Dada sorti de l’ombre », Courrier Dada, op. cit., p. 161-162 ; revue Phantomas, n° 68-72, Bruxelles, juillet 1967.

[51] Cf. Patrick Lhot, L’Indifférence créatrice de Raoul Hausmann. Aux sources du dadaïsme, op. cit., p. 112 notamment.

[52] Patrick Lhot, Ibid., p. 113.

[53] Maria Stavrinaki, « Dada inhumain : le sujet et son milieu », Le sujet et son milieu : huit essais sur les avant-gardes allemandes, Genève, Mamco, 2018, p. 185-230.

[54] Raoul Hausmann, « Cinéma synthétique de la peinture » (1918), cité par Maria Stavrinaki, in « Dada inhumain : le sujet et son milieu », art. cit., p. 203.

[55] Voir les développements de Hubert van den Berg, « Raoul Hausmann, un anarchiste ? », art. cit., p. 90-91.

[56] Psychanalyse et Révolution, op. cit., p. 167-174 ; revue Räte-Zeitung, vol. 1, n° 52 1919.

[57] Otto Gross, Psychanalyse et Révolution, op. cit., p. 159-165 ; revue Das Forum, vol 4, 1920, n° 4.

[58] Ibid., p. 153-158 ; Die Erde, vol. 1, 1919, n° 22/23.

[59] Article évoqué par Jacques Le Rider, in Otto Gross, Psychanalyse et Révolution, op. cit., p. 61-62.

[60] Ibid., p. 183-226 ; Bonn, Éditions Marcus & Weber, 1920.

[61] Ibid, op. cit., p. 129-143 ; revue Sowjet, vol. 1, juillet 1919, n° 2, Vienne. 

[62] Cf. Cécile Bargues, Raoul Hausmann après Dada, Mardaga, 2015, p. 146.

[63] « Loi de la mère/Loi du père, autour d’Otto Gross », chapitre cit., p. 152-153.

[64] Jacques Le Rider, « ’Le paradis et l’enfer du matriarcat : Gross et Beer-Hofmann »’, Ibid., p. 167-172.

[65] Jacques Le Rider, « ’Kafka, entre Gross et Weininger »’, Ibid., p. 174-176.

[66] Concernant les articles de Hausmann sur la révolution et le matriarcat en 1919, cf. Hubert van den Berg, « Raoul Hausmann, un anarchiste ? », art. cit., p. 88-89 ; et Cécile Bargues, Hausmann après Dada, op. cit., p. 148.

[67] Cécile Bargues, Ibid., p. 146.

[68] Ibid., p. 149, et note 53 p. 231.

[69] Au congrès de Budapest en 1918, Freud prononce un discours qui semblait vouloir rapprocher les préoccupations individuelles des préoccupations sociales, mais il s’éloignera de cette position : cf. S. Freud, « Les voies de la thérapie psychanalytique » (1918), Œuvres complètes, vol. XV, 1916-1920, Paris, PUF, 1996, p. 107.

[70] W. Reich, « L’économie sexuelle dans la société matriarcale », p. 35-71, L’irruption de la morale sexuelle, Éditions Payot & Rivages, 2007 ; synthèse p. 117.

[71] W. Reich, « L’hypothèse du meurtre du premier père formulée par Freud », Ibid., op. cit., p. 173-183.

[72] Cf. Beate Wagner Hasel, « Le matriarcat et la crise de la modernité », Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens, vol. 6, n° 1-2, 1991. p. 52 ; www.persee.fr/doc/metis_1105-2201_1991_num_6_1_961

[73] Erich Fromm, L’Art d’aimer, Éditions Desclée de Brouwer, 2007, p. 84-85.

[74] Michel Onfray, « Otto Gross et les plaisirs partagés », Les Freudiens hérétiques. Contre-histoire de la philosophie 8, Paris, Grasset, 2012.

[75] Voir le compte rendu de Jean Guillaume Lanuque, https://dissidences.hypotheses.org/3105, Dissidences : le blog.

[76] Sur les multiples sphères d’influence de Bachofen, voir Cécile Bargues, Raoul Hausmann après Dada, op. cit., p. 147-148.

[77] Christophe Darmangeat, Le communisme primitif n’est plus ce qu’il était. Aux origines de l’oppression des femmes, Toulouse, Collectif d’édition Smolny, 2009.

[78] E. Todd est cité par Guillaume Paoli, in « Landauer, Gross, Mühsam : histoires de famille », art. cit.

[79] Freud, « La morale sexuelle civilisée et la maladie nerveuse des temps modernes », La vie sexuelle, Paris, PUF, 1997.

[80] Otto Gross, Psychanalyse et Révolution, op. cit., p. 73-74.