L’oro del tempo contro la moneta dei tempi… par Paola Dècina Lombardi

Compte-rendu du livre de Paola Dècina Lombardi, L’oro del tempo contro la moneta dei tempi. André Breton, Piuttosto la vita, Castelvecchi Editore, Roma, 2016, pp.410.

par Anna Lo Giudice.

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Ce livre n’est pas une biographie d’André Breton, mais un portrait moral du fondateur du plus important Mouvement d’avant-garde du siècle passé  : le Surréalisme. Breton « Chercheur de l’or du temps » contre « la monnaie des temps », livre passionné et passionnant, par certains traits touchant, n’a pas un caractère strictement académique, mais il est sérieux et approfondi  ; écrit à la lumière de la correspondance inédite, enfin révélée cinquante ans après la mort de l’auteur.

Recherche in progress que celle de Breton, pendant laquelle l’or du temps prend des aspects variés, mais répondant toujours à un problème identitaire  : l’incipit de Nadja, le « Qui suis-je  ? » strictement lié au « Comment vivre la vie  ? ». C’est à travers la vie, glorifiée dès le début à plusieurs reprises que Breton peut découvrir et établir son identité  : une vie qui est voyage, expérience. Une expérience qui reflète non seulement sa formation littéraire, mais peut-être encore plus sa formation médicale psychiatrique avec la découverte fondamentale que la condition de pathologie mentale véhicule une forte potentialité lyrique. C’est auprès du Centre neurologique de la Salpétrière, à Paris, que Breton assiste à l’expérimentation de l’écriture automatique avec l’équipe de Babibski, un des assistants de Charcot.

Ce livre débute avec une interrogation (à laquelle vont suivre bien d’autres) sur l’actualité de Breton et de son Mouvement  ; tout le développement, bien argumenté, essaie d’y répondre. La vraie vie, à laquelle on accède par la surréalité, est une sorte d’actualisation du mythe de l’Âge d’or, comme nous indique le film surréaliste de Luis Buñuel, L’âge d’or contre « la boue du temps monétisé », inspiration même de ce livre de Paola Dècina Lombardi. Étiologie du temps de l’innocence, de la merveille, abondance, paix, justice et donc bonheur. Poursuite de la satisfaction du désir, espoir dans le changement alimenté par l’or de l’intériorité. Nouvel humanisme contre « le peu de réalité  ».

Retraçant les différentes étapes de cette recherche, l’auteur met l’accent sur le rôle politiquement engagé de Breton, tout en ne négligeant pas, comme déjà annoncé, sa formation et sa production, à commencer par le rapport privilégié qu’il a avec Paul Valéry, enfin clarifié grâce à l’accès à leur correspondance. André adolescent (sa rencontre avec Valéry date de 1914) s’identifie avec l’anticonformisme et la révolte contre la bourgeoisie des poètes symbolistes. Mais c’est surtout la fougue iconoclaste et antilittéraire de M. Teste qui le pousse à vouloir connaître l’auteur de cette intense prose. L’esprit anarchique symboliste accompagnera le fondateur du Surréalisme sa vie durant et ce n’est pas un hasard si à ses funérailles les anarchistes de France voudront participer avec une couronne de roses rouges, afin de rendre hommage à l’homme fougueux et généreux qui les a représentés le long du siècle.

Révolte est le diktat de cet adolescent qui se prépare à vivre prêt à risquer le tout pour le tout, initié par le poète lui indiquant le chemin de la grande « révolte de l’esprit ». Paul Valéry se revoit lui-même, tel auprès de son maître jamais oublié Stéphane Mallarmé. C’est ainsi qu’il accueille l’aspirant poète avec la générosité et l’honnêteté intellectuelles qui l’ont toujours distingué, malgré son inclination à ne pas faire de prosélytes. Valéry n’apprendra pas seulement à Breton les secrets de la technique poétique, mais l’aidera concrètement à trouver un emploi dans le monde culturel, pour subvenir à ses besoins matériels, cherchant en même temps à se faire l’intermédiaire entre les parents d’André, qui rêvaient pour leur fils d’une carrière bien établie de médecin. Avec l’auteur de La Jeune Parque, Breton parle du fonctionnement de l’esprit, des rêves, en apprenant aussi à être exigeant avec soi-même.
Valéry à ce moment-là est en train d’écrire le poème qui le rendra célèbre et le fera sortir du silence public tant apprécié par Breton. Perplexe devant les alexandrins de La Jeune Parque, il sera encore plus perplexe devant son idole qui opte pour la mondanité. D’ailleurs, comme Paola Dècina Lombardi le souligne, n’hésitant pas à mettre en relief les contradictions et les défaillances de Breton, il ne s’est pas montré à la hauteur de la générosité amicale de Valéry. Il s’affranchira bientôt de sa présence paternelle, car il réalise que leur vision de la modernité est fort différente. Quand, en 1925, Valéry est élu à l’Académie française, la rupture est définitive. C’est à ce moment-là que – j’ajoute personnellement ce détail qui ne figure pas dans le livre – Breton vend les missives valéryennes. Ce sera une grande douleur pour celui qui est devenu le poète officiel de la troisième République. Valéry, qui a cru à l’amitié en tant que valeur fondamentale de l’existence, se sent cruellement blessé.

Breton montre un intérêt précoce pour la peinture, confirmé par la rencontre avec Apollinaire. Dans le livre de Paola Dècina Lombardi nous trouvons des descriptions détaillées des différentes expositions surréalistes et de tous ses peintres. Apollinaire non seulement fait connaître à Breton le Cubisme et l’Art nègre, mais lui révèle une dimension nouvelle de la critique d’art, la nécessité de sortir de l’oubli les auteurs injustement oubliés et la bibliophilie. À partir de là, Breton se forme un goût sûr qui lui sera utile même pour son nouvel emploi auprès du couturier-collectionneur Jacques Doucet.

L’été 1918, Soupault lui fait découvrir Lautréamont « beau comme le monde  », qui lui fournira des points de repère essentiels pour la création de la poétique surréaliste. C’est avec ce même Soupault qu’il s’essaie pour la première fois à l’écriture automatique recueillie dans Les Champs magnétiques (1919). Il s’agit, comme il la définit lui-même, en faisant le bilan de son Mouvement dans les Entretiens avec André Parinaud, du premier ouvrage surréaliste  : se confier entièrement à la spontanéité et sonder les profondeurs de l’inconscient pour en tirer le métal précieux, l’or. L’or est en effet associé à la poésie et à la créativité, résultat d’une révolte qui concerne la logique et le langage traditionnels. C’est la première étape du « Chercheur d’or »  : Breton sait qu’il poursuivra désormais un idéal de vie sans compromis ni fléchissements. Dans une lettre à Doucet, il déclare s’intéresser à la question morale, aux moralistes et en particulier à Vauvenargues et à Sade, ne se doutant pas encore qu’il allait devenir un des principaux exégètes du Divin Marquis. Il attribue à la morale un rôle de conciliation. Grâce à la rencontre foudroyante, en 1916, avec Jacques Vaché, il découvre en lui l’incarnation du « Chercheur d’or » et la révélation de l’humour. Ensemble ils projettent une Anthologie de l’humour noir, qui ne sera réalisée qu’à la fin des années « 30 (Vaché entre-temps est décédé) et qui ne sera éditée qu’en 1945. La pratique de l’humour, à la façon de Flaubert, aurait servi non seulement à dénoncer l’hypocrisie, mais à la neutraliser.

Paola Dècina Lombardi analyse finement toutes les œuvres fruit de l’exaltante aventure spirituelle d’André Breton, réduisant l’importance de son adhésion au dadaïsme de Tristan Tzara. En 1921, le Procès Barrès coïncide avec le début de son éloignement progressif de Dada. Breton opte pour la positivité. Le premier Manifeste de 1924 déclare choisir la vie, la vraie vie qui passe par la surréalité. Changer la vie  ? C’est bien possible ! Ce premier manifeste est conçu comme une nouvelle Déclaration des droits de l’homme.

Les textes automatiques de Poisson soluble (1924) indiquent la possibilité de découvrir dans chaque chose le signe de l’amour. La femme est la clef de voûte d’un univers de bonheur. Dans L’Union libre (1931), Breton voit réalisé, grâce à la conjonction amoureuse, le dépassement des contraires (mythe de l’androgyne) et même dans ce cas le rôle privilégié est attribué à la femme. Son corps, avec sa flore enchanteresse, devient alors l’espace idéal à habiter. La femme comme source d’émotion, refuge et espoir. Même espoir donc dans l’amour qui seul donne un sens à la vie  : L’Amour fou (1937). Arcane 17 (1944-1947) prolonge la célébration de la femme. Inspiré par celle qui deviendra sa troisième femme, Élisa  : la femme reste la source de lumière, de merveille, de bouleversement qui permet d’accéder à la surréalité. Toutefois, la glorification de l’amour, comme de la vie avait débuté avec son premier chef-d’œuvre, Nadja (1928), que Paola Dècina Lombardi définit «  le seul roman de Breton  ». Déclaration que j’ai trouvée choquante, connaissant non seulement le mépris de Breton pour ce genre littéraire, mais sa plus totale non-considération, dès le début. Il me semble qu’on ne peut même pas parler d’anti-roman, puisque pour Breton le roman n’existe pas  ; impossible donc de faire quelque chose contre l’inexistant. Il fait, plutôt, dans ce livre, la chronique d’une rencontre où la fiction est complètement abolie, exception faite pour quelques omissions compréhensibles. La transparence devient le mot-clef. Les protagonistes ne sont nullement des personnages, mais des individus réels, désignés par leur propre nom. Réels sont aussi les lieux décrits avec un surcroît de vérité dont témoignent les photos, qui font partie intégrante du texte. Le livre s’écrit au jour le jour et magiquement se confronte avec des événements provoqués, dans une certaine mesure, par l’écriture elle-même. Étape essentielle dans la recherche de comment réaliser la surréalité, si ce n’est à travers le véritable amour rencontré par et grâce à l’écriture de ce même texte.

La situation politique, économique et sociale des années » 30 impose un engagement plus déterminé et devient une étape fondamentale de notre « Chercheur d’or ». Breton se demande dans quelle perspective diriger la révolution surréaliste pour garantir la justice sociale dans le plus total respect de la pensée et l’autonomie de l’art. Le communisme soviétique côtoyé à partir de 1927 par Breton et d’autres surréalistes a été une expérience décevante. C’est, en partie, à ce genre de question qu’essaie de répondre le Second Manifeste, avec des tons plus durs et plus agressifs par rapport à la joie initiatique et l’espoir du premier Manifeste. À propos de la difficulté qu’éprouve Breton à se retrouver dans une coalition ou un parti, Paola Dècina Lombardi se demande si ce n’est justement son attitude anarchiste de fond, qui ne lui consent pas de renoncer à son autonomie individuelle. À partir de là, l’auteur examine la participation surréaliste aux principaux événements politiques de l’époque, à commencer par le Congrès de l’Aear, en juin 1935.

En avril 1938, grâce à Saint-John Perse, le Ministère des Affaires étrangères confie à Breton une mission « culturelle » au Mexique. Il pourra ainsi connaître Trotski, Diego Rivera et sa femme Frieda Khalo, qui deviendra, comme chacun sait, un célèbre peintre surréaliste. La dissidence de Trotski l’attire pour différentes raisons, lui qui avait aimé non pas le Marx du Capital, mais celui des premiers écrits. On se demande alors s’il n’a pas été un peu naïf à l’égard de ce personnage, auquel il a attribué des idées libertaires qui ne lui appartenaient pas complètement. Toutefois, ensemble, sans que Trotski ne figure, et avec Rivera, il rédige le Manifeste pour un Art libre.

En pleine guerre, en août 1943, sort Le Surréalisme encore et toujours avec des inédits de Breton et Péret, des dessins de Picasso, Tanguy, Magritte, Brauner, Dalì. Au printemps 1941, Breton avait quitté l’Europe pour se réfugier aux États-Unis, faisant une étape à la Martinique en compagnie de Lévi-Strauss et de Masson. Avec ce dernier il écrit un dialogue créole, Martinique charmeuse de serpents, cependant, ce qui compte le plus, c’est la rencontre avec le poète et directeur de la revue Tropiques, Aimé Césaire qui lui transmet le sentiment de la « négritude » et renforce sa prise de conscience sur les abus du colonialisme. L’arrivée à New York n’est pas aussi exaltante  : le dynamisme productif de ce continent, l’abandon de la  part de l’ondine de L’Amour fou, Jacqueline Lamba, sa deuxième femme, qui emporte avec elle son enfant adoré, Aube, ne facilitent pas son intégration. L’arrivée de Marcel Duchamp en juin 1942, la présence à ses côtés de Matta et surtout la rencontre avec Élisa lui évitent une crise dépressive et seront source d’une inspiration renouvelée.

Le 25 mai 1946, Breton est de retour en France. Son idéal libertaire et égalitaire, qui ne suffoque pas l’individualisme, trouve son incarnation en Charles Fourier, auquel il consacre une Ode. Dans le recueil Poèmes (1945-1948), dont le titre indique l’essentialité atteinte, il confirme que la poésie de la vie est le vrai or du temps. Breton a raison  : le Surréalisme n’est pas mort, car son retour en France continue de susciter différentes attaques et polémiques. Entre octobre 1956 et le printemps 1959 Breton, avec Jean Schuster, lance une nouvelle revue, Le Surréalisme même, qui se concentre sur l’actualité politique et sociale dénonçant des arrestations arbitraires, perquisitions, gardes à vue d’intellectuels qui ont pris parti pour l’indépendance algérienne, etc. Breton, en effet, suit attentivement et soutient avec vigueur le Comité des Intellectuels contre le prolongement de la guerre. En même temps, il ne néglige pas les luttes ouvrières et les objecteurs de conscience. La dernière des grandes expositions surréalistes date du 15 décembre 1961, y participent des artistes provenant de dix-neuf pays et qui témoignent de l’irradiation du Mouvement dans le monde entier. Et, pour terminer son dernier livre, L’art magique, Breton a besoin de la collaboration de Gérard Legrand. Partant de l’art préhistorique, véhicule de la magie, on arrive au Surréalisme avec « la magie retrouvée  ». C’est l’histoire d’une « introspection dans les profondeurs de l’esprit  » et c’est aussi la dernière étape de l’héroïque recherche bretonienne de l’or du temps.

Dans ce remarquable travail de Paola Décina Lombardi, le paragraphe assez détaillé consacré aux films surréalistes ne mentionne pas le dernier chef-d’œuvre de Luis Buñuel, paru en 1977, cet obscur objet du désir. Il me plaît de le rappeler. Le grand cinéaste a voulu conclure son parcours artistique avec un dernier acte de foi dans le Mouvement de sa jeunesse avec un film, qui est son testament et qui reprend tous les tropes non seulement surréalistes, mais bretoniens  : tout d’abord le désir le plus profond et caché, « obscur  » justement, la fatalité de la rencontre, la femme enfant, la beauté convulsive, Mélusine, la misère du travail, l’aberrante normalité, le rêve, la fureur des symboles, le hasard objectif, le démon de l’analogie, la puissance de l’imagination, bref l’Amour fou. De même, étant donnée l’importance de la correspondance inédite présente dans le texte, j’aurais mis plus en relief le nom du destinataire des missives ainsi que la date. J’aurais aussi ajouté à la riche bibliographie les œuvres de Breton. On regrettera les nombreuses coquilles et la répétition de la même citation sur l’éros dans les pages 335 et 337.

Lecture d’autant plus importante puisque le livre de Paola Dècina Lombardi est basé non seulement sur de la correspondance inédite, mais aussi sur les interviews par elle effectuées au cours des années. Elle a en effet rencontré quelques témoins de l’extraordinaire aventure bretonienne  : Devarennes, André Masson, Michel Leiris, Alain Jouffroy, Aube Breton,  Enrico Baj, Jean Schuster, last but not least Elisa Breton. Ce livre, dont même les titres des sous-chapitres sont évocateurs (42, rue Fontaine  ; les séances fantastiques, fascination et risque  ; la poésie qui résiste, etc.) n’est pas une exégèse d’André Breton, car l’auteur se pose des questions, comme nous l’avons déjà souligné et notamment aussi sur la misogynie (bien que la femme soit glorifiée dans les écrits) non seulement de la part du fondateur du Mouvement, mais aussi de la part d’autres compagnons de route. De même, Paola Dècina Lombardi fait ressortir les contradictions comportementales de Breton, dans la sphère privée comme dans la gestion du Mouvement. Il est vrai, cependant, que le portrait du grand homme qu’a été André Breton ne serait sans elles ni complet ni authentique. L’auteur complète ce beau portrait moral en faisant ressortir l’attitude tendrement paternelle de Breton à l’égard de sa fille. D’ailleurs, en exergue figure un passage d’une interview d’Aube. Attitude attentive, aimante, mais aussi sévère et fortement pédagogique. Ce qui est encore plus touchant c’est que ce père si différent des autres a surtout tenu à transmettre à son enfant la beauté et la merveille de la vie. En somme, je peux affirmer que ce livre est passionnant, élevé et noble autant que le portrait tracé. Il nous offre la belle image suggérée par Alexandrian évoquant l’entrée triomphale de Breton, dans une salle de conférences, à son retour en France  : « un fauve majestueux  ».

 

À la recherche d’un nouveau langage par Hans T. Siepe et réponse de Anne Szulmajster-Celnikier

À la recherche d’un nouveau langage : réflexions et pratiques surréalistes
Hans T. Siepe :

[Télécharger les articles]

(Paris, 25 mars 2017)
La communication a repris et résumé les arguments exposés dans les chapitres

2.2. RÉFLEXIONS SUR LE LANGAGE ET RENOUVELLEMENT DU LANGAGE
2.3. JEUX DE MOTS DANS LE SURRÉALISME
2.4. LA CROYANCE DANS LES MOTS : LES PROVERBES COMME JUSTIFICATION DES MOTS
de mon livre Der Leser des Surrealismus. Untersuchungen zur Kommunikationsästhetik / Le Lecteur du Surréalisme. Problèmes d’une esthétique de la communication que l’on peut lire facilement en ligne grâce à l’initiative d’Henri Béhar pour une traduction française :

http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/wp-content/uploads/2014/10/6.-Siepe_BAT.pdf


Réponse à l’intervention de Hans Siepe
Halle St Pierre, 25. III. 2017

Pour Mélusine

                                 Anne Szulmajster-Celnikier (Linguiste, Collège de France ; EPHE-INHA)

1e Remarque : À propos des vers d’Apollinaire cités en exergue de l’exposé 

Ô bouches l’homme est à la recherche d’un nouveau langage
Auquel le grammairien d’aucune langue n’aura rien à dire
Et ces vieilles langues sont tellement près de mourir
Que c’est vraiment par habitude et manque d’audace
Qu’on les fait encore servir à la poésie

 Pour certains esprits enclins au paradoxe, ou pour un poète révolutionnaire ouvrant des voies nouvelles, tel Apollinaire, il peut être tentant de ne voir des langues anciennes que leurs facettes de vieilles lunes. Plus que les langues mortes comme le sanskrit, l’hébreu ou le latin, plus que les langues en péril ou en déshérence, telles que le yakoute, ou le kawaskar, c’est en réalité l’usage quotidien des langues et leur versant figé, routinier, standardisé, usé en somme, qui est visé sans doute ici, par métaphore. Et l’on ne peut que rejoindre le poète.

Néanmoins, afin de rendre justice à la capacité créative et stimulante des langues anciennes, il peut sembler opportun de rappeler quelques faits saillants, peu connus ou oubliés.

Car parmi les langues aussi bien anciennes qu’actuelles, il existe une sphère cryptique, que l’on subdivisera en trois types, susceptibles d’éveiller l’intérêt du poète :

  • les langues ésotériques, religieuses, transcendantales
  • les langues crypto-ludiques, de cohésion
  • les langues de défense et de protection

Citons ici 3 illustrations assez saisissantes de la première catégorie (1) tirées des langues anciennes.

  1. L’écriture énigmatique de l’Égypte pharaonique

Cette tradi­tion était attestée en marge d’une écriture officielle dès la fin de la XVIe dynastie sur des stèles ou statues de tombeaux et de temples ou encore sur des carapaces de scarabées[1] . Cette cryptographie, royale ou privée, usant de façon particulière et détournée l’écriture hié­roglyphique officielle pour des formules funéraires ou encore des maximes, semble avoir eu alternativement deux fonctions: soit l’intention du cryptographe était d’empêcher la compréhension d’un texte qui devait rester secret (réservé à la connaissance de certains bénéficiaires privilégiés et des desservants les plus quali­fiés du culte), ce dernier adjurant ceux qui savaient le transcrire en clair de ne pas le lire à haute voix, de peur qu’il puisse être entendu ; soit, et c’est là que réside l’originalité égyptienne (qui trouvera son écho dans la seconde illustration plus bas), le but du cryptographe était au contraire d’inciter les visiteurs à lire son texte en le présentant sous forme d’énigme (l’Égypte en a traditionnellement le goût) afin d’exciter sa curiosité par un effet de surprise. II s’agissait d’un jeu d’écriture, nullement gratuit, car l’arbitraire du signe était étranger à leur conception. En fait, la répétition et la monotonie des formules funéraires avait fini par rendre le public indifférent, et ce procédé de remotivation du signe était censé le sortir de l’apathie. L’écri­ture en question se présente soit comme entièrement secrète, soit sous forme de mélange de cryptographie et d’écriture en clair.

Les procédés utilisés sont: la suppression de segments de signifiants (par acrophonie), l’adjonction de signifiants, la per­mutation, ou encore le renversement de signifiants, la substitution partielle ou totale de signifiants ou de signifiés. Au sein de cette dernière, on recense l’usage d’archaïsmes ou de valeurs secondaires, le large recours aux variantes, l’invention de combinaisons nou­velles, plus rarement l’introduction de chiffres auxquels est attri­buée la valeur phonétique du nom de l’objet qu’ils représentent ou symbolisent, et l’omniprésence du rébus (l’attribution à un signe de la valeur phonétique du nom de l’objet qu’il représente ou symbolise) déjà exploité dans la langue officielle.

Ex. de permutation  (note 8a, p. 41. N.B. : à droite: écriture claire; à gauche: écriture cryptique).

La tentation des cryptographes est celle de l’énigme parfaite : un groupement de signes offre en clair un sens facile et accep­table, mais fallacieux, car seule la lecture cryptographique est vraie.

Ainsi, une phrase protocolaire et banale telle que : « aimé (mr(y)) de ses concitoyens (n-t-(yw)~fi, loué (hs(y)) des gens de son nome » (ce dernier fragment en clair) se cache, par le biais du rébus, sous une phrase décrivant une scène d’amour: « un homme cares­sant le menton d’une femme » (mr(w)), « la possession de cette femme » (ny), « un harpiste assis auprès du lit » (hs(w)) (note 8d, p. 205, découvert sur la tombe 17 de Béni-Hassan).

Cette mani­pulation raffinée du son et de l’image, tout en demeurant ancrée dans une pensée religieuse et une conception du monde, revêt ainsi une fonc­tion spéciale, et use de procédés familiers des poètes.

  1. Les écrits kabbalistiques

Les écrits kabbalistiques[2], pour leur part, véhiculent, sur une période de plus de 1 500 ans, tout un pan mystique, ésotérique et théosophique du judaïsme. Kabbale, qui signifie littéralement « tradition » est en fait l’un des multiples termes désignant ce mouvement, son enseignement et ses adhérents. Le Talmud parle des « secrets de la Torah », de « grand mystère » et des « maîtres du mystère » (déjà l’Ecclésiaste mentionnait la « sagesse secrète » et les Manuscrits de la Mer Morte les « secrets merveil­leux »). Ces textes mettent en place toute une symbolique de la langue, de l’écriture, et de la numérologie sur base alphabétique, fondée sur le rôle capital des lettres et des chiffres dans la Créa­tion (la doctrine des Séphirot nous apprend que les 10 nombres primordiaux et les 22 lettres de l’alphabet hébraïque sont les élé­ments spirituels de la Création). Ils se fondent sur une lecture mystique du Pentateuque (c’est le terme « mystère » qui est employé), trois autres niveaux de lecture étant requis, constitués du littéral, de l’allégorique et de l’herméneutique. En parallèle avec la tradition égyptienne, le texte se trouve sacralisé dans son contenu comme dans son support. Dans ces systèmes de pensée, explorer l’écriture, c’est explorer la réalité et agir sur elle : le code reflète la nature spirituelle de l’univers, l’arbitraire du signe, principe fondamental des langues, est inconcevable. Par ailleurs, l’on retrouve cette même double fonction de la cryptographie, car deux tendances s’opposent : celle de pratiques ésotériques, réservées à des initiés cantonnés dans des cercles étroits et fermés, et celle, au contraire, d’un désir d’ouverture. Dans le second cas, cette écriture et sa lecture avait pour but d’attaquer une concep­tion trop littérale du Judaïsme, une négligence d’application des Commandements, au moyen d’une focalisation sur la valeur suprême et le sens secret de chaque mot de la Torah, et par une incitation à la méditation, à l’expérience extatique qui, à certaines époques, étaient en déclin. En somme, comme dans le cas égyptien, une sorte de remotivation du signe est en œuvre. Le caractère quasi-hypnotique des figures kabbalistiques accom­pagnées d’écrits n’est d’ailleurs pas sans rappeler la cryptographie « thématique » des Égyptiens (où l’on s’est ingénié à juxtaposer, par le truchement du rébus, des signes évoquant, sans précisé­ment l’écrire, un thème subliminal particulier frappant l’inconscient). Au sein des multiples systèmes et approches de la Kabbale, ont éclos des langues secrètes complètes ou fragmentaires, en crypto­graphie pure ou bien mélangées avec l’écriture en clair, avec intru­sion ou non de la numérologie.

Elles usent de 3 procédés essentiels. 1) La suppression, ex. les idées de Luria, kabbaliste du XVIe siècle, impri­mées au départ sous forme abrégée; les idées des Hasidim, pié­tistes juifs du XVe siècle, fondées sur les Noms sacrés et secrets de Dieu et de ses anges, apparaissant sous forme acronymique ; le recours au style allusif, elliptique et énigmatique, forme de sup­pression mais au niveau de la phrase, comme dans le Livre de la Création, traité cosmologique élaboré entre le IIe et le Ve siècle, ou dans certains écrits contemporains du Livre du Zohar, Xe siècle). 2) La permutation[3]  (de lettres, de noms et de chiffres), ex. adjonctions et permutations de voyelles appliquées au nom de Dieu, le Tétragramme consonantique imprononçable, qui est une forme particulière de tabou (s’écartant un peu du sens polynésien et premier du terme). 3) La substitution : celle-ci s’opère là encore surtout sur le Nom divin qui compte jusqu’à 72 attributs à l’origine, puis substituts[4] et sur celui des anges, procédé qui permettait de donner un sens à beaucoup de ces noms qui en étaient d’abord dépourvus ; notons que dans les Manuscrits de la Mer Morte, le Tétragramme apparaît en graphie archaïque); par le biais du changement de langue : ex. certains textes écrits en pseudo-araméen obscur et archaïque, parce que sorti de l’usage courant, à la manière du Zohar ; plus près de nous,  on peut citer le cas (encore en vigueur aujourd’hui) des chansons para-liturgiques issues du patrimoine yidiche, d’inspiration kabbalistique, trilingues et. en alternance de codes hébreu-yidiche-russe ; ces dernières sont suscep­tibles de se présenter, comme dans l’un des exemples égyptiens, sous forme d’énigme-rébus, permettant de transformer, le cas échéant, au moyen de la désar­ticulation de l’énoncé et de sa réanalyse, une banale et libertine phrase russe en phrase hébraïque pieuse, par l’inter­médiaire du yidiche faisant, en l’occurrence, office de commen­taire :

Ex. russe katarina maladitsa pajdi syuda « Catherine, ma belle, viens un peu par ici » est réanalysé en hébreu katarina male ditsa poydiso shaday « une secte de chants (les Hasidim) pleins d’allégresse tu as libéré, Seigneur! » au moyen du yidiche vos meynt men « que signifie cela? ».

Dans le cas de la Kabbale comme dans le cas précédent, il y a manipulation du son et de l’image, remplissant une fonction précise, mais néanmoins inscrite dans un système de pensée global et partagé.

  1. C) Le verlan indo-iranien

La troisième illustration, intermédiaire entre cette catégorie de crypto-langues et la suivante, est celle, posée à titre d’hypothèse, d’une ancienne langue secrète : le verlan indo- iranien [5]. Il semble qu’elle ait été le propre de groupes de chas­seurs, comme on en rencontre par exemple chez les Sibériens ou les Tcherkesses. Les traces qui nous en sont parvenues se manifestent à travers les noms d’animaux féroces (le sanglier, le lion, le tigre et le loup), le nom d’une arme mythique, et enfin celui d’une transe de type chamanique.

Les procédés utilisés sont ceux de la permutation (syllabique) et de la substitution (de signifié, ex. « le loup » devenant « le jeune homme », avec emprunts occa­sionnels à d’autres langues).

Donnons en annexe, juste à titre indicatif, quelques caractéristiques des langues secrètes de type 2) et 3)

Bien que le propos soit ici focalisé sur les langues anciennes, au sein de la première catégorie (1), jetons tout de même un bref regard sur la créativité des deux autres catégories de langues cryptiques (2) et (3), qu’elles appartiennent au passé ou au présent. Car les mêmes procédés de permutation, adjonction, suppression et substitution s’y déploient, dans toute leur variété et subtilité.

La sphère des langues crypto-ludiques (2), très pléthorique, inclut  par exemple le javanais de Java, naguère adopté et adapté en Occident, capturé au passage par Raymond Queneau dans ses Exercices de style et par le mouvement Oulipo, sans oublier Louis Aragon dans Blanche ou l’Oubli, par le biais de son héros linguiste Geoffroy Gaiffier observant le jacter cérémonial ou krama de Java (p. 44). Mais furent attestées aussi (ou le sont encore) le Guchiyama – permutation du patronyme Yamaguchi – une langue de musiciens  japonais ; le Cockney anglais, célèbre sous-catégorie des Rhyming Slangs ; le Zéral, langues des Polytechniciens, le Loucherbem des bouchers de la Villette ; le parler des bardes en berbère marocain, parmi d’autres ; et, plus près de nous, la langue des jeunes Français, Allemands, ou Italiens porteuse de verlans particuliers, pour ne mentionner que ces cas…

La sphère plus fermée des crypto-langues de protection et de défense nécessite, quant à elle, des conventions plus élaborées, véritables clés, voire doubles clés, pour résister au décryptage sauvage. Citons la langue des Zeks décrite par Soljénitsine – à savoir celle des z/k déportés des Goulags –  et sa sous-catégorie à l’usage des truands nommée « langue cannibalesque » ; citons encore les multiples langues des Lagers  (camps) nazis, ou celles des ghettos, telles que celle émanant de l’historien Juif polonais Emmanuel Ringelblum, pratiquant l’alternance des codes (code switching et code mixing trilingue) dans Ecrits du ghetto ; et mentionnons enfin, parmi bien d’autres, tous les parlers carcéraux, de galériens ou autres mafias étendus sur la planète.

Ces quelques illustrations mettent en évidence l‘ingéniosité de sujets parlants ou de groupes humains, en diachronie comme en synchronie, qui se situent hors du champ proprement poétique : l’on y découvre que le tissu sonore et visuel est utilisé de manière marquée, détournée, insolite afin de mystifier, hypnotiser le non-initié, par une focalisation sur le matériau même. La lutte contre l’arbitraire du signe, la remotivation du signe, la toute puissance du signifiant se manifestent au même titre que dans l’activité poétique, avec des stratégies comparables. « L’expérience magique avec les mots », « le détournement du mot », « le découpage de la stéréotypie »,  évoqués brillamment par Hans Siepe au cours de son exposé, se déploient ici aussi. Ainsi, les vieilles lunes, semble-t-il,  ne sont pas encore éclipsées…

2e Remarque : La syntaxe, un niveau de langue un peu oublié

La passionnante conférence de Hans Siepe a mis le focus sur le lexique et la sémantique, sur « le détournement du mot », « le renoncement provisoire au sens », sur « le torpillage de l’idée plus qu’une nouvelle syntaxe », etc. Dans cette « révolte contre les conventions », il faut reconnaître en effet que la syntaxe, ossature de la phrase, est moins souvent affectée, bousculée, au travers des écrits surréalistes. Et pour cause : lorsque le noyau dur de la langue est attaqué, le risque d’hermétisme s’accroît.

Une des exceptions notables à ce constat est à rechercher dans l’œuvre d’Aragon, où la phrase elle-même se construit et se déconstruit au sein d’un véritable laboratoire d’expérimentation et de trouvailles. Si l’on considère notamment Blanche ou l’Oubli, romain plusieurs fois mentionné au cours de l’exposé, on y découvrira une transgression généralisée des normes en usage à tous les niveaux de la langue, syntaxe inclue. Ce n’est pas un hasard si le héros du roman, Geoffroy Gaiffier, à l’image d’Aragon, est un linguiste polyglotte et traducteur. L’auteur du roman ne déclarait-il pas d’ailleurs lui-même, avec un brin de provocation : « Je piétine la syntaxe parce qu’elle doit être piétinée : c’est du raisin » (Traité du style, Paris, Gallimard, 1928, p. 28).

Citons quelques échantillons de ce raisin syntaxique piétiné :

Maintenant pareil aux étoiles, hier comme désormais, demain sans précédent. Je dis la même chose que ma tu et nous pierre dans le vide au moins d’il fleurit (p. 422, éd. Folio)

La première phrase nominale n’est pas asyntaxique. La seconde, en revanche, est totalement transgressive à partir de « pierre «  jusqu’à « fleurit » : pierre n’est pas apposé à ma tu et nous ; au moins ne peut se construire avec d’, et d’il fleurit n’est pas en usage. Pour comprendre le sens de cette phrase, il faut avoir recours au contexte (avant et après), ce qui présente peu de difficulté au lecteur et permet l’innovation expressive.

Pas à lui ressembler, ne m’est nécessaire d’avoir, de ces mains-ci, étranglé mon bonheur  (p. 580)

L’ordre des mots est perturbé, au-delà de la licence poétique, puisque Pas à lui ressembler ne se rattache pas au reste de la phrase, il s’agit d’un énoncé tronqué, qui se rattache à ce qui précède. De manière iconique, cet ordre est bousculé sous l’empire d’un choc émotif (entre la peur et l’angoisse) du personnage, imitant en quelque sorte la panique qui l’assaille, avec ses hoquets successifs, dans une scène d’étranglement. L’expressivité a eu largement raison de la syntaxe, tout en n’obstruant pas la compréhension de la phrase.

Le roman fourmille de phrases de ce type, suivant fréquemment une syntaxe de l’oral, constituée de fragments d’énoncés, d’interruptions et de reprises, sous forme de dialogues réels ou fictifs. Celui qui définissait le surréalisme comme un briseur de chaînes est le romancier dont les dialogues brisent la chaîne parlée :

Vous disiez, ce n’est pas un roman d’anticipation. Quoi ? Ah oui. Non, ce n’est pas. (p. 15)


[1] Pour les informations de cette section, voir Étienne Drioton, Essai sur la pictographie privée de la fin de la XVIIIe dynastie, Revue d’Égyptologie, I, 1-2, Paris, Société française d’Égyptologie, 1933, 50 p ; L’écriture énigmatique du Jour et de la Nuit, in A. Piankoff, Le Livre du Jour et de la Nuit, Le Caire, Institut français d’Archéologie Orientale, 1942, 2e partie, p. 99-121 ; Un cryptogramme relatif aux souffles de vie, Ægyptologische Studien, Berlin, Akademie-Verlag, 1955, p. 44-50 : Une figuration cryptographique sur une stèle du Moyen-Empire, Revue d’Égyptologie, I / 3-4,  p. 203-229.

[2] La documentation relative à cette section est à rechercher à Kabbalah, in Encyclopaedia Judaica, Jerusalem, Keter Publishing House, vol. 10, p. 489-654 ; Golem, Ibidem, vol. 7, p. 754-756 ; G. Sholem, Les grands courants de la mystique juive, Paris, Payot, 1950, La Kabbale et sa symbolique, Paris, Payot, 1966.

[3] Ce type de permutation a conduit à des conduites magiques telles que la création du Golem, être artificiel devenu légendaire, né de l’usage de Noms sacrés de certaines combinaisons de lettres ; le Golem attribué au Maharal de Prague fut le plus célèbre ; ces pratiques magiques, en marge du judaïsme officiel et à la limite de l’hérésie – puisque seul Dieu a le pouvoir de créer – apparurent dans des périodes troublées,  de pogromes notamment.

[4] Parmi eux, notons eyn sof « il n’y a pas de fin », « infini », devenu  historiquement un nom, précédé d’un  article ; précisons au passage que eyn « antonyme de yesh « ce qui existe », ne signifie pas pour autant « néant », « rien », « vide » : car identifier Dieu à ce qui existe aurait une connotation panthéiste. De sorte que eyn , dans la Kabbale, prend un sens neuf.

[5] Voir Alain Christol, Un verlan indo-iranien ?, in Lalies, Actes des sessions de linguistique et de littérature (Aussois, 29 août-3 septembre 1983), Paris, Pens, 19, p. 57-64.