Fortunes et infortunes du surréalisme en Italie de 1924 à 1969

Fortunes et infortunes du surréalisme en Italie de 1924 à 1969

Le surréalisme en Italie 1929-1954

conférence d’Alessandro Nigro

Cette conférence a eu lieu en visioconférence le  3 avril 2021 dans le cadre des activités de l’APRES.

On analysera la manière dont le surréalisme a été perçu en Italie pendant la période d’existence officielle du mouvement. Il n’est pas surprenant que dans l’Italie des années 1920 et 1930, opprimée par une dictature totalitaire, il y ait eu peu d’occasions de se confronter à un mouvement d’avant-garde libertaire ; l’attention portée au surréalisme à cette époque est en effet restreinte et révèle des clichés et des malentendus plutôt qu’une connaissance effective de la poétique et des objectifs du groupe de Breton. Il y eut cependant des exceptions importantes, comme dans le cas du numéro monographique de la revue Prospettive, dont le directeur était Curzio Malaparte (Il surrealismo e l’Italia, 1940).
Il est en revanche beaucoup plus étonnant de constater les difficultés de compréhension du surréalisme après 1945 et tout au long des années 1950 : dans une Italie divisée entre le conservatisme catholique et une gauche encore fondamentaliste, le surréalisme apparaît comme un corps étranger qui suscite des inquiétudes sur tous les fronts, tant sur le plan idéologique que formel : en témoignent le climat contrasté qui accompagne la présentation de la collection de Peggy Guggenheim à la Biennale de Venise en 1949 et la vive controverse qui marque la présence du surréalisme à la Biennale de Venise de 1954.
Un tournant dans la connaissance du surréalisme en Italie peut être enregistré dans les années 1960 grâce à l’activité de certaines galeries d’art, en particulier celles de Carlo Cardazzo et d’Arturo Schwarz, et au succès des œuvres surréalistes sur le marché de l’art italien et auprès des collectionneurs d’art. Enfin, une grande exposition comme celle organisée par Luigi Carluccio pour la Galleria d’arte moderna de Turin en 1967 (« Le muse inquietanti. Maestri del surrealismo »), même si elle n’était pas exempte de malentendus sur le mouvement, peut être considérée comme le premier moment d’institutionnalisation du surréalisme en Italie.

Alessandro Nigro a étudié l’histoire de l’art à l’université de Rome “La Sapienza” et à l’université de Padoue. Il est professeur associé à l’université de Florence depuis 2005. Ses thèmes de recherche portent sur l’histoire de la critique d’art du XVIIIe au XXe siècle, sur l’histoire des avant-gardes (notamment le futurisme et le surréalisme) et sur le portrait. ll a été chercheur invité à la Fondazione Cini de Venise en 2017 et Directeur d’études associé à la Maison des Sciences de l’Homme de Paris en 2018. Parmi ses dernières publications : « ‘L’Homme 100-têtes’ : André Breton photographié par Man Ray devant L’Énigme d’une journée de Giorgio de Chirico. Entre portrait et autoportrait » (in Autoportrait et altérité, 2014) ; « Bernard Berenson, Charles Vignier e i mercanti d’arte orientale a Parigi » (Studi di Memofonte, 2015) ; « “Au carrefour de la poésie et de la révolution” : la critica militante di René Crevel nella Parigi degli anni Venti» (Ricerche di storia dell’arte, 2017) ; « Edward Gordon Craig e i Berenson » (Biblioteca teatrale, 2018) ; « Il prezzo di un ritratto nella Parigi dell’Ancien Régime: prime osservazioni sul Discours sur la portraiture (Genève, 1776) » (Ricerche di storia dell’arte, 2019) ; « « Le muse inquietanti. Maestri del surrealismo » (Turin, 1967) : histoire d’une exposition surréaliste mémorable » (dans Le Surréalisme et l’argent, Heidelberg 2021).