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Saint-Pol Roux assassiné !

par Dominique Rabourdin

 

 

Le texte suivant a été publié dans le numéro du 21 mars 1991 de l’Evénement du jeudi, sous ma signature (j’y collaborais régulièrement) suivie de 24 autres. Cette publication a été suivie d’un tract sur papier rouge (souvenir de la célèbre Lettre ouverte à M. Paul Claudel du 1 er juillet 1925) avec cette fois 64 signatures. Ces signatures, recueillies dans l’urgence, sont celles d’adhérents de l’association Actual autour de Jean Schuster, de membres de Phases autour d’Edouard Jaguer, de surréalistes belges autour de Tom Gutt et Marcel Mariën, de collaborateurs des pages littéraires de l’Evénement du jeudi et de divers intéressés.

Il s’agissait de rappeler les antécédents du peintre et théoricien Marc Eemans, membre éphémère du groupe surréaliste de Belgique pendant un peu plus d’une année entre 1927 et 1929, mais devenu par la suite chantre inconditionnel du national-socialisme et de son bras séculier, la Gestapo, entre 1933 et 1944. Au nom d’un « Centre de documentation symboliste », Marc Eemans, pour le cinquantenaire de la mort du poète,avait pris l’initiative de faire apposer une plaque sur la maison habitée par Saint- Pol- Roux pendant deux ans à Saint-Hubert, dans les Ardennes ; d’ ériger une stèle avec une citation de SPR ; d’inaugurer dans le cadre du centre culturel Redouté, un « cabinet SPR »; et enfin de publier et de présenter grâce aux fonds qu’il avait recueillis une plaquette hors commerce , mais où figurait le nom de René Rougerie, l’éditeur de Saint -Pol- Roux; et enfin d’organiser un colloque.

Cette initiative scandalisa Marcel Mariën, éditeur en 1972 des Manifestes et autres écrits de Magritte, qui avait alors rappelé dans sa préface le rôle joué par Eemans pendant l’occupation. Plusieurs passages de cette préface firent l’objet d’une action en justice intentée par le « ci-devant nazi Marc Eemans » (plus tard bénéficiaire d’une amnistie !) pour en obtenir la suppression. Eemans fut débouté de sa requête. Tom Gutt, l’avocat de Mariën, n’oublia jamais par la suite de botter le cul d’ Eemans à chaque fois qu’il le voyait dans un lieu public…Toute cette affaire est détaillée par Xavier Canonne - signataire du tract - dans son livre Le Surréalisme en Belgique.

En 1987, Marc Eemans revint sur le devant de la scène en manoeuvrant pour participer à l’exposition La Femme et le surréalisme organisée par Erika Billeter au Musée des Beaux-Arts de Lausanne. Cette participation fut violemment critiquée par Edouard Jaguer et José Pierre dans leur texte Un asticot dans le vacherin publié en janvier 1988 dans le numéro 5 de Docsur, publication destinée aux adhérents d’ACTUAL. Marc Eemans ne se découragea pas pour autant et chercha, en rendant hommage à Saint-Pol- Roux l’occasion de reprendre dans le surréalisme la place dont il avait été exclu. Marcel Mariën et Tom Gutt ne l’entendirent pas de cette oreille. Le texte qui suit est issu de ma collaboration, en tant qu’adhérent d’ACTUAL , avec Tom Gutt. Les signataires viennent de camps différents, et souvent opposés. Gutt n’entretenait pas de bonnes relations avec la plupart des anciens surréalistes français, pas plus qu’avec les membres de Phases (y compris les belges). Ce qui n’empêcha personne de signer Saint-Pol- Roux assassiné  ! , Marc Eemans réussissant à faire l’unanimité, contre lui. Dans une lettre adressée le 9 avril 1991, quelques semaines après la publication, à « Monsieur Jean Schuster and Cie », il s’indigna des « diffamations à répétition dont il était l’objet depuis quelque quarante ans de la part d’un quarteron de gauchistes toujours ou à peu près les mêmes », en se définissant comme « un citoyen belge sans casier judiciaire, jouissant de tous ses droits civils et politiques » et rappela en conclusion que « la diffamation est, selon les lois belges, un délit passible de poursuites judiciaires ».

Paris, le 16 mars 2010 Dominique Rabourdin

Saint-Pol Roux assassiné !

Nous nous réjouissons des hommages rendus à Saint-Pol -Roux, des efforts continués pour publier son œuvre inédite et de l’exposition que lui a consacré la Maison de la Poésie à Paris. Mais nous ne pouvons accepter, parmi tous ceux qui rendent ainsi honneur à Saint-Pol-Roux, la présence de Marc Eeemans, nazi notoire, collaborateur de Léon Degrelle, chantre du National-Socialisme et de la Gestapo entre 1933 et 1944 après avoir été écarté du groupe surréaliste de Belgique dès 1929 pour cause d’insuffisance intellectuelle et morale. Dénonciateur de « l’art dégénéré » et du « sale juif », Marc Eeemans fut condamné à une lourde peine à la Libération.

Nul n’était plus mal placé que lui, en octobre 1990, pour s’associer pour le compte de la Fondation Marc Eeemans à Bruxelles, à la commémoration du cinquantenaire de la mort d’un poète, gravement blessé par un soldat allemand en tentant de s’opposer au viol de sa fille Divine et qui ne devait pas se remettre de cette tragédie. Marc Eeemans rendant hommage à Saint-Pol-Roux, c’est comme si Goebbels rendait hommage à Anne Franck. Voilà un personnage qui aurait pu au moins nous faire le plaisir « magnifique » de se faire oublier, alors qu’il continue, dans des publications d’extrême – droite, à affirmer qu’il est « peut-être aujourd’hui le surréaliste le plus proche d’André Breton.»

Pour plus d’informations, nous vous invitons à vous référer au tract définitif de Marcel Mariën « «Autant en apporte le vent » et au numéro 5 de Docsur (« Un asticot dans le vacherin ») qui lui sont consacrés et nous vous demandons de faire en sorte, par tous les moyens, que le nom de ce sinistre personnage ne puisse plus être associé à celui de Saint- Pol- Roux.

 

Vos signatures peuvent être envoyées à Jean Schuster, 4, rue de Chantilly, 75 009 Paris.

 

Ont déjà signé :

Pierre Alechinsky ; Noêl Arnaud ; Michel Boujut ; Gilles Brenta ; Xavier Canonne ; Mario Cesariny ; Jean-Claude Charbonnel ; Richard Comte ; Patrice Delbourg ; Rikky et Guy Ducornet ; Anne Ethuin ; Claude Galand ; Jérôme Garcin ; Paul Garon ; Jean-Michel Goutier ; Eugenio Granell ; Robert Green ; Georges Gronier ; Tom Gutt ; Paul Hammond ; Joseph Jablonski ; Claudine Jamagne ; Abdul Kader El Janabi ; Edouard Jaguer ; Philippe Jones ; Alain Joubert ; Alain Jouffroy ; Saül Kaminer ; Roger Kerger ; Jacques Lacomblez ; Philip Lamantia ;Dominique Lambert ; Jean-Clarence Lambert ; Gilles Le Berre ; Gérard Legrand ; Georges Lem ; Patrice Llaona ; Michel de Maulne ; Judith Miller ; Roger de Neef ; Joseph Noiret ; Michel Pamart ; Paul Parisot ; Henri Pastoureau ; Nancy Joyce Peters ; René Pichavant ; José Pierre ; Guy Prévan ; Dominique Rabourdin ; Michel Remy ; Peneloppe et Franklin Rosemont ; Jean Schuster ; André Stas ; Ludovic Tac ; Debra Taub ; André Thirion ; Michel Thyrion ; Jean Wallenborn ; Christine Wendelen ; Rainer Wichering ; Roger van de Wouwer ; Jacques Zimmermann.