Au sujet de la Mère (Poudovkine)Une correspondance inédite présentée par Jean-Paul MorelL’« aimable » correspondance que l’on va lire fut échangée, entre le groupe surréaliste et Léon Moussinac, critique de cinéma à L’Humanité, après le deuxième spectacle du « Théâtre Alfred Jarry » (dirigé par Aron, Artaud et Vitrac), le samedi 14 janvier 1928, à la Comédie des Champs-Élysées – soirée mémorable pour la représentation d’« un acte inédit d’un écrivain ‘‘notoire’’, joué sans l’autorisation de l’auteur », – à savoir du troisième acte du Partage de Midi, de Paul Claudel… Mère de Vladimir Poudovkine, qui n’avait pas reçu son visa de censure, y fut projeté de façon non moins pirate. Moussinac ne parlera du film qu¹à sa 2e projection, pour la 1ère manifestation des « Amis de Spartacus » – association qu¹il venait de fonder avec Jean Lods (L¹Humanité, n° 10688, Sa 17 mars 1928). style='mso-bidi-font-style:normal'>Y concourent, et le confirment pour les dates, les « dernières » projections du Napoléon d’Abel Gance au Marivaux, celles de Pour la paix du monde, film pacifiste produit par les « Gueules cassées », présenté à Paris, au Casino de Grenelle, du 13 au 19 janvier 1928, « dédié à la mémoire des opérateurs Alexis Lamothe, Étienne Barrel, Marcel Maillard et Marceau Garnier, tués à l’ennemi au cours des prises de vues », ainsi que la « camouflée » déportation de Léon Trotsky à Astrakan.
[Les articles de Moussinac évoqués par cet échanges avec les surréalistes, se trouvent dans : Le Surréalisme dans la presse de gauche, sous la direction d’Henri Béhar, Éditions Paris-Méditerranée, 2002 ; version numérique accessible ici : http://henri.behar.pagesperso-orange.fr/Documents/Editions.htm] [Archives Léon Moussinac, Arsenal] Pièce n° 1 [Lettre à en-tête] Taverne Haussmann 12, boulevard Haussmann angle rue Laffitte Paris Tél. : Provence 67 12 « 67 16 Claude directeur Lundi 16 janvier 1928 Monsieur, C’est vous, paraît-il qui êtes responsable de la projection dans la salle de la Comédie des Champs-Élysées, du film La Mère. Vous avez tout lieu d’être satisfait, pensons-nous, des conditions dans lesquelles cette présentation, devant un publie de crapules bourgeoises, a eu lieu. Tant du point de vue de l’exécution de cette entreprise, à dégoûter les plus impassibles et les plus patients, les plus méprisants d’entre nous, que du point de vue révolutionnaire, plus extra-cinématographique que vos fonctions à L’Humanité vous le laissent supposer (nous voulons dire du point de vue communiste). Votre initiative et votre collaboration en pareille manière nous ont fait l’aspect d’une parfaite saloperie. Il est vrai que vous réservez toutes vos forces pour la défense de films comme Napoléon et Pour la paix du monde où votre pourriture d’esprit trouve si bien son compte. Que diriez-vous d’un « Gaumont Actualités » offrant au public (c’est pour rien) le spectacle du départ de Trotsky pour Astrakan SI RÉCONFORTANT À TOUS ÉGARDS ? C’est là, si vous voulez bien, que nous vous attendons, pour casser votre sale gueule d’abruti et de chien. [signé] Marcel Noll Benjamin Péret 16, rue Jacques Callot 11, rue Victor Massé Louis Aragon Jacques-André Boiffard 29, rue Jacob 22, boulevard Barbès Pierre Unik Jacques Baron 25, rue des Petits-Hôtels Xe 159, boulevard Montparnasse Raymond Queneau 20, rue Notre Dame des Victoires André Breton 42, rue Fontaine Paul Eluard 4, avenue Hemroque Eaubonne (S. et 0.) Jacques Prévert 54, rue du Château Yves Tanguy 54, rue du Chîteau [d’après l’écriture, rédigée par Marcel Noll] Pièce n° 2 [Réponse dactyl.] Paris, le 20 janvier 1928 Monsieur, Le Service du courrier de L’Humanité m’a transmis hier seulement votre lettre du 17 courant. Je ne hais rien tant chez un homme que le manque de conscience et l’absence de caractère. Voici ma réponse : Pour un œil les deux yeux, pour une dent toute la gueule. Et mon adresse : 12, rue de Cadix XVe Je me rends à mon travail chaque matin à 8 heures 30, et je reviens à midi 30, repars à 1 heure 45, et suis de retour chez moi vers 7 heures 30. Si vous avez besoin de ma photographie et de mon empreinte digitale, vous pouvez les demander la Préfecture de Police. à MM André Breton, Louis Aragon, Paul Éluard, Marcel Noll, Pierre Unik, Raymond Queneau, Benjamin Péret, Jacques-André Boiffard, Jacques Baron, Jacques Prévert, Yves Tanguy. Pièce n° 3 [Nouvelle lettre à en-tête] Taverne Haussmann 12, boulevard Haussmann angle rue Laffitte Paris Tél. : Provence 67 12 « 67 16 Claude directeur Paris, le 26 janvier 1928 MISE AU POINT En Russie, toutes les photos ressemblent trait pour trait à celles de Staline. En France, toutes les gueules qu’on rencontre à l’intérieur des maisons habitées ou désertes sont celles de Moussinac. Il faudrait être la pire vache de ce pays, un superflic comme il n’en manque pas dans le P.C.F. anti-oppositionnel, pour retrouver Moussinac comme une dent dans une gueule de foin. Nous chercherons, naturellement. Mais on a bien trouvé Marty, n’est-ce pas, comme on a bien trouvé Trotsky, Ce sont les mêmes qui les ont trouvés. Nous, cher AMI, nous cherchons des révolutionnaires et des HOMMES [signé] Marcel Noll p. Jacques André. Boiffard 16, rue Jacques Callot 22, boulevard Barbès Jacques Baron p. Marcel Duhamel 159, boulevard Montparnasse Hôtel Ambassadeur boulevard Haussmann Jacques Prévert 54, rue du Château M. N. Yves Tanguy 54, rue du Château Pierre Unik 25, rue des Petits-Hôtels Xe André Breton 42, rue Fontaine Benjamin Péret 6, rue de Verneuil Louis Aragon 29, rue Jacob Paul Éluard 4, avenue Hemroque Eaubonne (S. et 0.) Antonin Artaud 58, rue La Bruyère IXe Roger Vitrac 29, rue Jacob VIe [Cf. pour la précédente, d’après l’écriture, et signature pour les absents, Marcel Noll] |
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