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Un aperçu du surréalisme aux États Unis

 

Guy Ducornet Ça va chauffer ! (The Forecast is Hot !) Situation du surréalisme aux U.S.A (1966-2001).  Éditions Talus d’approche (libre choix 15), Mons 2001.

 

 Le surréalisme en Amérique du Nord n’est pas un chapitre à négliger dans l’histoire du surréalisme international. L’histoire de l’automatisme au Québec autant que l’histoire du surréalisme aux États Unis avant la formation du groupe surréaliste à Chicago ont déjà été étudiées en détail [1] . Mais l’histoire du groupe fondé par le couple Franklin et Pénelope Rosemont après leur rencontre avec les surréalistes parisiens en 1965 est moins connue et vaudrait d’être étudiée en détail. En attendant, le livre de Guy Ducornet nous fournit un aperçu concis des activités du groupe.

Il cite abondamment les tracts des surréalistes américains. Avec pour résultat de mettre l’accent sur l’aspect politique de leur activité : avec les Noirs et les ouvriers, contre l’American way of life, la guerre au Viêt-Nam, le racisme etc. En plus des luttes politiques nationales, la spécificité du surréalisme aux États-Unis est aussi visible dans l’intérêt qu’il a porté au jazz et à la poésie de la révolte dans les paroles du blues.

Les extraits des tracts, souvent abrégés, ne permettent pas d’entrevoir des développements théoriques approfondis, mais on peut y trouver des caractérisations réussies des objectifs surréalistes qui ne valent pas uniquement pour le surréalisme américain, par exemple : « La fonction de la poésie, en termes révolutionnaires, est de détruire les associations limitatives et conventionnelles de tous les mythes décrépits et étouffants du capitalisme » (p. 33). Cette citation révèle le côté politiquement militant du surréalisme américain, ce qui forme un bon contrepoint à la réception plus artistique ou même carrément commerciale des années quarante (on se souvient des aventures américaines d’un Dalí, qui a bien réussi à donner une image faussée du surréalisme aux Américains).

Le défaut majeur du livre de Guy Ducornet est, heureusement, qu’il n’est pas assez épais : le lecteur reste sur sa faim. L’ouvrage donne un bon aperçu de la situation du surréalisme aux États-Unis, mais seulement un aperçu. On peut toujours le compléter avec la collection des essais de Penelope Rosemont, Surrealist Experiences, 1001 Dawns, 221 Midnights (Surrealist Editions, Chicago / Black Swan Press, Evanston 2000), qui révèlent aussi quelques innovations des surréalistes américains en matière de techniques artistiques et de jeux surréalistes. Et il ne faut pas oublier que Rikki Ducornet, un des écrivains contemporains les plus passionnants aux États-Unis, est là pour prouver la fécondité du surréalisme américain (elle a participé aux activités du groupe de Chicago) [2] .

 Comme le groupe surréaliste de Chicago est toujours actif [3] , il est peut-être prématuré d’en écrire une véritable histoire. A part l’intérêt de ses interventions, le groupe de Chicago a  parmi ses références sa persistance : plus de trente ans d’activité. Dans les limites de ses dimensions l’ouvrage de Guy Ducornet témoigne de la vitalité du surréalisme aux États Unis, mais il faut que le lecteur n’oublie pas qu’il s’agit d’un abrégé qui ne donne que de petits échantillons des activités surréalistes aux États-Unis: il y a plus à découvrir (en anglais du moins).

 

Timo Kaitaro 


 

[1] Voir, par exemple: André-G. Bourassa, Surréalisme et littérature québécoise: Histoire d'une révolution culturelle, Les Herbes

 Rouges/Typo Essai, Québec 1986; François-Marc Gagnon,  Chronique du mouvement automatiste québécois, Lanctôt, Outremont

1986, et DickranTashjian, A Boatload of Madmen. Surrealism and the American Avant-Garde 1929-1950 Thames and Hudson, New York 1995. 

  [2] En ce qui concerne l’œuvre de Rikki Ducornet, il faut signaler les traductions faites par Guy Ducornet : Le Jeu d’échecs en ivoire (Starck & Le Serpent à Plumes, 1998), Les Feux de l’Orchidée (Le Serpent à Plumes, 1999), Phosphore au Pays de Rêves (Le Serpent à Plumes, 2000) et L’Éventail du Marquis de Sade (Le Serpent à Plume, 2002).

[3] Voir www.surrealism-usa.org, où l’on peut trouver entre autres informations la liste des publications de Surrealist Editions & Black Swan Press.